2ème débat : Où est passée l’Ecologie ?

Capture d’écran

Le chômage, la sécurité, le rapport aux autres. Et l’Ecologie alors ? Les 3 heures de débat ont été l’occasion de mettre sur la table ce qui préoccupe (vraiment) les français. Comprenons : Les chômeurs, les terroristes, les musulmans. Ce sont vos priorités, nos priorités. Puisqu’on vous le dit ! Mais le format, certes complexe à gérer, aurait pu voir émerger une question importante : celle de la crise écologique et de ses solutions. Échec.

Les chômeurs, les terroristes, les musulmans 

            En bref, et comme on s’y attendait, le débat a été polarisé autour de ces 3 catégories. L’occasion une fois de plus de jeter de l’huile sur le feu pour certains, voire de chercher le buzz. Dans les faits, de permettre à l’élite économique, politique et médiatique en place d’employer les vieilles recettes de la division. Quand on a des choses à se reprocher et des intérêts à défendre, le meilleur moyen de détourner l’attention étant de jeter la pierre sur quelqu’un d’autre. Le bon vieux théorème attribué à C. Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »

            L’occasion pour Marine Le Pen de qualifier la France d’ « université des djihadistes », pour Fillon de réaffirmer son ambition de “vaincre le totalitarisme islamique”, pour Macron de trouver un entre-deux habituel sur tous les sujets, fustigeant la guerre économique à laquelle mènerait le protectionnisme tout en louant une Union Européenne plus « juste » où l’harmonisation fiscale est pourtant impossible. Certains candidats ont bien tenté d’imposer une visée alternative aux priorités fixées par les deux journalistes animatrices du débat. Sortez des sentiers battus et vous vous ferez vite rappeler à l’ordre par Ruth Elkrief. Il ne faudrait quand même pas nommer les candidats en cause quand on parle de moralisation de la vie publique. Et les éditorialistes de BFMTV de s’insurger au matin : « Je trouve que c’est un candidat (Philippe Poutou) qui, par moment, n’a pas le respect qu’il faut pour être candidat à la présidentielle. » (Bruno Jeudy, journaliste à BFMTV).

Vrais ou faux écolos ?

Une majorité de candidats ont intégré des thématiques environnementales dans leur programme. Mais davantage dans un opportunisme marketing que par conscience assumée. Et cela s’est confirmé sur le plateau. Alors que le sujet « Comment protéger les français ? » offrait l’opportunité d’aborder la pollution, le nucléaire, les pesticides, (etc.), une bonne partie d’entre eux est restée focalisée sur le terrorisme. Oubli ou omission révélatrice ?

            Difficile sans pour autant impossible, avec ce format imposé, d’avancer des considérations écologistes. Le mérite revient donc d’autant plus à ceux qui ont essayé de porter haut le cœur de leur programme. Jean-Luc Mélenchon a exprimé la place centrale de l’Ecologie dans L’Avenir en Commun en insistant sur l’opportunité et la nécessité de mettre en œuvre une grande transition écologique pourvoyeuse d’emplois et garantie de paix. Philippe Poutou, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon se sont distingués dans cet intérêt commun. Les transports gratuits pour Philippe Poutou, le passage au « mode de production et de consommation écologiste » pour le candidat de la France Insoumise. Chacun disposait de 17 minutes pour exprimer les fondamentaux de son programme, et il est clair que pour d’autres, l’Ecologie est visiblement loin d’être une priorité. Au mieux, une variable d’ajustement.

L’ Ecologie, un truc de bobo ?

74% des français estiment que l’environnement devrait occuper une place « très ou plutôt importante » dans la campagne présidentielle[1]. Chez les 18-35 ans,  98% des 55 000 interrogés répondent qu’il est nécessaire, voire vital, d’agir personnellement, à notre échelle, pour réduire notre impact sur la planète et les êtres humains.[2] Personne ne peut plus ignorer les catastrophes écologiques qui s’annoncent et l’ampleur des défis auxquels nous sommes et seront confrontés.

Ainsi, il s’agit de passer à une vision écologiste qui refonde entièrement le fonctionnement de notre société. Les catastrophes en cours et à venir rendent inévitables l’urgence d’une remise en question et un changement radical de système économique et politique. Notre système de santé, notre système agricole et notre économie sont en jeu. On estime par exemple à 48 000, le nombre de décès liés à la pollution atmosphérique en France.[3] A la différence, non négligeable, que l’on ne subit et ne subira pas les effets de la crise écologique de la même manière, selon la classe sociale à laquelle on appartient ou le pays dans lequel on vit. Les pauvres sont et seront bien plus touchés par les catastrophes, la pollution, l’alimentation industrielle, les pesticides, les conflits liés à l’accès aux ressources naturelles… Et la liste est longue.

Embrasser l’écologie c’est donc envisager les luttes sociales sous un nouveau jour. Au contraire, ne pas parler d’écologie revient à ignorer ces conséquences irréversibles de long-terme qui affecteront principalement les plus démunis. Ne pas parler d’Ecologie sert à préserver les intérêts de ceux qui ont tout à gagner à ce que le système ne change pas. C’est taire le besoin impératif de renverser la table. Ou bien penser que la solution réside dans l’accablement de plus pauvre que soit. Voilà de quoi nous aider à choisir un candidat.


[1] Sondage YouGov, septembre 2016.

[2] Enquête de GénérationCobayes, décembre 2016.

[3] Agence Santé Publique France, 2016.

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