La crise est un scandale, car l’argent coule à flots

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Bien avant 2008 et la “crise des subprimes”, le terme était rentré dans l’imaginaire collectif. C’est comme ça, c’est la crise. Il faut se serrer la ceinture, c’est la crise. Et puis merde à la fin, c’est la crise. 

Pourtant, pour les millionnaires et les milliardaires, en passant par les gros actionnaires, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Le fossé a rarement été aussi grand entre la base de la population, paupérisée, et le haut de la pyramide qui se gave comme jamais. Qu’on soit de gauche, de droite ou d’ailleurs, difficile de justifier les inégalités du monde actuel.

“Tout à 10 balles ou je remballe”

En France, des millions de foyers sont devenus si pauvres ces dernières années qu’il ne leur reste littéralement plus rien à la fin du mois. L’INSEE annonce que 8,8 millions de Français vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté (fixé à 1008 euros par mois) soit 14,6% de la population… #çavamieux. D’après une récente étude du spécialiste des assurances Genworth, 11,4 millions de Français disposent de moins de 10 euros par mois après avoir payé leurs impôts, leur loyer, la nourriture, les abonnements téléphoniques et les factures gaz/électricité. Un quart des foyers hexagonaux sont donc concernés.

De l’autre côté du spectre, l’argent coule à flot, tombe du ciel, pousse aux arbres… Whatever. On n’a jamais vu autant de blé. Quand on compile les récents bilans de santé de l’upper-class, cela donne le vertige. Champagne et caviar pour la table du fond.

La France, championne d’Europe des dividendes

Au deuxième trimestre 2016, la somme versée par les entreprises à leurs actionnaires a grimpé de 11% pour atteindre 35 milliards d’euros. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sont les banques qui sont les plus généreuses, malgré “la crise”, avec entre 50 et 70% d’augmentation par rapport à l’an dernier (Société Générale, BNP, Crédit Agricole).

Explosion du nombre de millionnaires

Avec 523 000 millionnaires répertoriés (en dollars, soit au moins 907 000 euros de patrimoine), la France se place au sixième rang mondial. Ils étaient 6% de plus en 2015 qu’en 2014, avec des fortunes majoritairement constituées dans l’immobilier (pour 63% de la valeur totale, d’après le Crédit Suisse).

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Classement international du nombre de millionnaires

Plus 200% en 5 ans pour les 500 plus riches

Encore plus haut dans la hiérarchie, la crise est une sorte de mirage lointain. En 2015, les 500 français les plus fortunés possédaient 460 milliards d’euros, cinq fois plus qu’en 1996, quand l’hebdo Challenges a débuté son décompte.

Ces 500 personnes possèdent 16% du PIB de la France. Pour le dire autrement, l’équivalent de 16% de la richesse nationale appartient à 0,001% de la population. (Classement 2016 ici)

La fortune des 10 plus riches a triplé depuis 2009

Plus on s’approche du sommet de la pyramide, plus l’enrichissement s’accélère. Quand on ne s’intéresse qu’aux 10 français les plus fortunés, on passe d’à peine 20 milliards au total en 1996, à 195 milliards en 2015. Une multiplication par 10 en 20 ans, par 3 sur les 6 dernières années. Belle perf. On rappellera au passage que pendant cette même période la France a connu des périodes de récession. M. Fillon, alors Premier Ministre,  avait même déclaré être à la tête d’un “Etat en quasi-faillite”.

Au-delà du cadre français, le constat est global. En 2016, les 80 plus grosses fortunes mondiales détiennent autant que les 3,5 milliards d’habitants les plus pauvres de la Terre.

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Deux poids, démesure

En restant dans le cadre légal, il y a déjà de quoi s’offusquer. Le Canard Enchaîné a publié en juin 2016 des documents de l’administration fiscale qui prouvent que les plus riches du royaume sont tout simplement exemptés d’impôts (à 90% en moyenne !). Le PS avait voulu revenir sur le “bouclier fiscal” de Sarkozy mais le texte, retoqué par le Conseil Constitutionnel, s’est finalement avéré encore plus avantageux… On apprend par exemple que Liliane Bettencourt, avec ses 32 milliards de patrimoine, paye la somme faramineuse de… 0 euro au titre de l’ISF. No comment.
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L’évasion fiscale, ce fléau

WikiLeaks, OffShoreLeaks, SwissLeaks, LuxLeaks, PanamaPapers, FootballLeaks… Les révélations se multiplient ces dernières années pour dénoncer, preuves à l’appui, les pratiques inadmissibles du gotha. Les ultra-riches ont une fâcheuse tendance à contourner l’administration fiscale de leur pays pour transférer des sommes faramineuses dans les différents paradis fiscaux qui jonchent la planète. En 2012, le très sérieux Tax Justice Network a compilé les informations du FMI, de l’ONU et des différentes banques centrales pour estimer la fraude fiscale à l’échelle globale entre 16 000 et 26 000 milliards d’euros. La moitié des avoirs dans les paradis fiscaux appartient à 92 000 personnes, soit 0,001% de la population. Imaginez juste qu’ils soient taxés à hauteur de 10, 20 ou 50%… Ça en ferait des RSA. Et encore, nous ne parlerons pas ici du “shadow banking” et autres joyeusetés qui viennent largement corser l’affaire.

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Europe – France, même (non) combat

Au niveau européen, les chiffres font encore froid dans le dos. Jugez plutôt :

  • Budget de l’UE : 150 milliards d’euros
  • Déficit : 514 milliards
  • Evasion fiscale : 1 000 milliards (source – Parlement Européen, 2013)

En France, une Commission d’enquête du Sénat a estimé entre 30 et 60 milliards par an le coût de l’évasion fiscale pour les finances publiques. Quasiment 20% des recettes fiscales brutes qui disparaissent. Ce serait en tout 600 milliards d’euros d’actifs français qui seraient cachés dans les paradis fiscaux, 1/10e du patrimoine global des Français…

Une conclusion s’impose pour qui possède encore un peu d’empathie pour le reste de ses semblables. L’argent ne manque pas. Il suffit juste d’aller chercher dans les poches de ceux qui ont les moyens, les moyens de remplir les poches de ceux qui n’ont rien. Et pour les happy-few qui, ultra-riches, cachent leur fortune dans les paradis fiscaux : tolérance zéro. Rapatriement et nationalisation des fonds, consacrés à la justice sociale une fois intégrés dans le budget de l’Etat. Plus besoin de repousser l’âge de la retraite, d’augmenter la durée légale du travail, de détruire les acquis sociaux ou de casser le Code du Travail… Voilà, le problème de la crise est résolu. De rien.

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