Dérapage et rapt de Sarkozy, le roman déjanté de David Desgouilles

Le second roman de David Desgouilles, Dérapage, vient de paraître aux Editions du Rocher. Petit compte-rendu d’une lecture vive et bien ficelée.

Le deuxième livre de l’auteur franc-comtois, drôle et crédible, est une réussite

Avec Dérapage, David Desgouilles signe un roman de politique-fiction prenant et réjouissant. Il réussit avec brio le pari d’accrocher le lecteur et de lui faire lire le roman d’une traite, le plongeant dans une histoire… pas si improbable. S’y entrecroisent deux événements a priori sans rapport : l’enlèvement de Nicolas Sarkozy par un commando libyen et la descente aux enfers d’un journaliste qui a commis le “dérapage” de trop. L’auteur réussit à nous tenir en haleine tout le roman, alors qu’on attend dès les premières pages le moment auquel les deux histoires vont se croiser.

David Desgouilles met en lumière un des maux du système médiatique actuel : la rapidité de propagation des informations, vérifiées ou non. Dans Dérapage, les journalistes sont menés en bateau par les ravisseurs de Nicolas Sarkozy, et les experts déblatèrent du vide sur les plateaux. Avec le personnage de Stéphane Letourneur, on observe la capacité formidable des médias à la création artificielle de polémiques, qui, telles des bulles financières, partent de si peu, s’emballent, et vont jusqu’à briser la vie d’individus que ce système portait aux nues quelques jours auparavant. Chroniqueur à succès d’une certaine gauche bien-pensante, Letourneur ne manque pas de nous rappeler un certain nombre d’éditorialistes contemporains.

Les circonstances l’amènent à se lier d’amitié avec Pauline Bland-Meunier, jeune journaliste de Valeurs Actuelles, représentant, légèrement en décalage avec la ligne de son journal, une droite conservatrice mais non populiste. En les suivant, l’auteur insuffle une part d’humanité à ces visages tout droit sortis des plateaux de chaînes d’info.

Si, à l’exception de Nicolas Sarkozy, les personnages principaux sont fictifs, le roman s’inscrit en plein cœur du système médiatico-politique actuel. David Desgouilles en profite pour y placer quelques piques bien senties, mais aussi pour y introduire avec bienveillance certains de ses amis.

Dépaysant

David Desgouilles est un commentateur aux partis-pris critiquables, mais qu’il est toujours bon de lire. Il n’est pas du sérail des commentateurs politiques parisiano-centrés. Bien qu’une partie de son roman s’y déroule, l’auteur nous rappelle avec brio que ce milieu est pleinement déconnecté du reste du pays, en nous plongeant au cœur de la méconnue Franche-Comté.

L’auteur ne cherche pas à écrire le roman du siècle, mais réussit parfaitement une fiction entraînante, qui ne manque pas de provoquer sourires et réflexions chez son lecteur. Un défi réussi, d’autant plus que, comme l’affirme l’auteur lui-même, la réalité lui fournit sans cesse une concurrence déloyale. Ceux qui découvrent David Desgouilles avec Dérapage pourront se plonger ensuite dans son premier roman, Le bruit de la douche, uchronie dans laquelle la carrière de Dominique Strauss-Kahn n’aurait pas basculé au Sofitel de New York…