L’écologie doit être un virage à gauche !

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En quoi l’écologie est-elle nécessairement un virage à gauche ? La question écologique est devenue majeure et incontournable en ce sens qu’elle cristallise les points de rupture entre le vieux monde et celui qui se prépare. L’heure est plus que jamais au combat des valeurs, à la confrontation des idéologies pour débattre du monde que nous souhaitons demain.

Le Capitalisme est un système nocif

La multiplicité des symptômes d’un monde capitaliste en perdition ne fait plus aucun doute. Personne ne peut plus ignorer les catastrophes environnementales, sociales, économiques et politiques qui ont lieu chaque jour, ni celles qui s’annoncent, plus violentes encore. L’ampleur des défis auxquels nous sommes et seront confrontés rend inévitable l’urgence d’une remise en question et un changement radical de système économique et politique. Nombre de politiciens se sont compromis par leur soutien apporté à des politiques environnementales fades et dévoyées. Cette « croissance verte » a pour objectif déguisé d’absorber toutes velléités révolutionnaires. Les exemples de politiques verdies sans pour autant questionner notre système de production et de consommation se multiplient. La politique environnementale envisagée par la frange libérale s’inscrit ainsi dans cette dynamique d’absorption et d’ écrasement des oppositions. Pour illustrer ce propos, on pourra citer le fait de remettre en cause le principe de précaution, d’exploiter les ressources naturelles et les peuples à des fins de croissance et d’hégémonie économique, de se compromettre au point de subordonner la biodiversité à des ‘priorités’ financières et économiques (Notre-Dame-des-Landes). Ce sont autant de points qui nous rendent insupportable l’idée d’une compatibilité des enjeux environnementaux et sociaux avec l’idéologie capitaliste. De Macron à Fillon en passant par Valls, aucune remise en cause du vieux monde à l’horizon. En somme, « être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse. »[1].

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La pensée de gauche, histoire de luttes

Le dépassement des clivages gauche-droite et la restructuration de l’échiquier politique français sont devenus des incantations récurrentes sur nombre de plateaux télévisés. Bien plus, cette posture confère à ceux qui s’en réclament des grands airs d’intellectuels avant-gardistes. Mais si nous entendons tout reconstruire, toute réinventer, c’est l’avenir du capitalisme et du libéralisme économique qu’il nous faut remettre en cause. La pensée de gauche, bien que celle-ci héberge historiquement une multiplicité de courants, a été forgée sur l’autel des idéaux d’égalité, de justice sociale et de critique de l’ordre social. Etre de gauche c’est ainsi refuser l’ordre établi des choses, le monde tel qu’il ne va pas, aujourd’hui plus que jamais. Nous sommes au pied du mur. Comme le souligne Razmig Keucheyan « le capitalisme ne mourra pas de mort naturelle, pour une raison simple : il a les moyens de s’adapter à la crise environnementale.» [2] Au regard de l’ampleur de la crise qui s’ annonce et de la tâche qui nous incombe, il convient de projeter un idéal commun. Et cet idéal commun qui se dessine, c’est celui d’une transition écologique pour permettre aux masses populaires en première ligne de la crise écologique de s’émanciper. La crise écologique globale est la conséquence du système de production capitaliste, et de ses corollaires de croissance et de consommation aveugles. Pour répondre à cette crise qui englobe les injustices sous toutes leurs formes, il faut donc s’engager dans la lutte contre celui-ci. Il faut assumer la radicalité de nos oppositions. Le capitalisme ne s’éteindra pas de lui-même, il faut l’achever.

L’ écologie est un virage à gauche

A entendre certains, l’Ecologie serait ainsi « ni-de-droite-ni-de-gauche ». L’Ecologie s’élèverait au-dessus de tout rapport de force (qu’on profite au passage pour vider habilement de leur substance). Pourtant, la question environnementale est intimement liée à des conséquences sociales. Il est clair qu’à la crise écologique correspondent les inégalités sociales. Les pauvres sont davantage touchés par les catastrophes environnementales. Les ouvriers sont les plus exposés aux pollutions et aux maladies qui y sont liées. Les peuples de l’hémisphère sud sont en première ligne des conséquences géopolitiques de la course aux ressources naturelles. En somme, le droit à un environnement sain est un luxe ! Postuler que l’écologie dépasse le clivage gauche-droite c’est nier de fait les antagonismes économiques et sociaux liés à la question environnementale. Favoriser les combats à l’intersection des enjeux écologiques et sociaux ancre donc profondément l’Ecologie à gauche, celle des luttes. Plus que la préservation des espaces et des espèces, l’écologie est un socle politique qui conditionne les aspirations d’une société, ses projets à long terme, les finalités de son projet démocratique. Ecologie et projet d’émancipation politique et sociale sont ainsi indissociables et constituent les clés d’une alternative concrète. Et quoi d’autre que la pensée de Gauche pour porter ce projet ?

Si l’Ecologie est à gauche, c’est justement parce qu’elle rend le fait de repenser le rapport au capital absolument inévitable. Et c’est bien ce rapport au capital (financier et naturel), structure à l’origine de la dégradation de l’environnement et des inégalités sociales, qui anime les forces vives de la gauche et concentre le fond du problème. L’Ecologie est inévitablement ancrée à gauche parce qu’elle ouvre le champ des possibles politiques. Au sens de vie de la cité, elle exige de réinventer le commun. Elle rend inévitable de redéfinir notre rapport au travail, au temps, aux loisirs, à l’écosystème et aux générations futures. Elle nous pousse à nous libérer en pensée et en actes des fers d’une société où tout est marchandise, où la course au profit et à l’argent sont devenus les fondements de nos existences. L’émancipation comme projet, c’est bien l’essentiel de ce que nous souhaitons.

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Illustration de Pavel Constantin.

[1] Gilles Deleuze, 1988.

[2] R. Keucheyan, La nature est un champ de bataille, 2014.