La Petite Maison dans la Prairie : Anticapitaliste, féministe & antiraciste

©NBC Television Network. L’image est dans le domaine public.

La petite maison dans la Prairie ? On parle bien de la série ringarde, patriarcale et puritaine qui passe en boucle sur toutes les télés des maisons de retraites depuis 40 ans ? Oui, parce que s’il y a une part de vrai là-dedans, force est de constater que ce monument de la culture pop’ a su marteler avec force des discours parfois extrêmement progressistes auprès d’un public qui ne l’était pas toujours. Analyse.

Adaptée de l’autobiographie de Laura Ingalls, La Petite Maison dans la Prairie raconte la vie d’une famille de paysans pauvres dans la seconde moitié du XIXème siècle aux Etats-Unis, l’occasion d’aborder de multiples thèmes politiques sous des angles souvent beaucoup moins conservateurs qu’on ne l’imagine.

Et si la Petite Maison était féministe ?

Forcément quand on pense Petite Maison on pense avant tout à Charles Ingalls, l’incarnation de l’ultra virilité – qui, quand des bandits « touchent » sa femme, part seul sur sa charrette les démolir à mains nues –, ce père de famille trop parfait qui symbolise à lui seul le modèle patriarcal et la famille nucléaire. Le portrait peut toute de même être nuancé en notant que Charles est aussi un être extrêmement sensible, qui pleure énormément, profondément à l’écoute et qui s’oppose d’innombrables fois aux violences faites aux femmes et aux enfants (S01E20). Mais, effectivement, Michael Landon qui l’incarne et qui est aussi le créateur de la série, a donné à son personnage une place bien plus centrale qu’elle ne l’était dans l’autobiographie de Laura Ingalls.

Néanmoins cette figure imposante du patriarche n’enlève rien au fait que La Petite Maison dans la Prairie explose à tout jamais le mythe de la femme au foyer, l’idée absurde mais répandue selon laquelle le travail productif des femmes serait quelque chose de récent… Elle montre le travail des champs fait par les femmes et d’autres ouvrages extrêmement physiques.
A travers les filles Ingalls, elle dresse des portraits de jeunes femmes incroyablement débrouillardes, au caractère très tranché, et aussi indépendantes qu’elles peuvent l’être pour une époque qui ne jouait pas en leur faveur. Enfants, elles travaillent pour se payer leur matériel scolaire. Plus grandes, elles sont ambitieuses, essayent de faire des études et peuvent se comparer aux hommes sur tous les plans.
Toutefois les formes les plus violentes de domination masculine telles que les coups ou les viols ne sont pas ignorées de la série – ce qui tranche avec la réputation niaise et joyeuse qui lui est souvent faite.

Bref, on est bien éloignés des images de femmes (soumises, prostituées, complaisantes vis-à-vis de leurs viols…) que présentaient à outrance les westerns de la période…

Pour en savoir plus

Antiraciste

Si au XIX e siècle les Indiens étaient toujours durement persécutés ils l’étaient aussi dans les westerns américains jusqu’à très récemment.  La Petite Maison dans la Prairie fait preuve à ce sujet d’un humanisme certain : dans L’Indien (S01E22) des cow-boys veulent massacrer un indien par pur racisme, mais celui-ci secoure Charles Ingalls qui à son tour finit par lui venir en aide.

On trouve dans la série de nombreux épisodes très moralisateurs dans le bon sens du terme sur la question indienne et sur la question noire (S08E04 – nos héros se battent pour faire accepter l’idée que l’assistant noir du docteur Baker est une chance et est aussi compétent qu’un autre) : la Famille Ingalls tenant toujours un discours d’égalité absolue sans condescendance et se battant fermement contre les discriminations.

Une communauté autogérée

Quand on arrive à Walnut Grove en 1873 et que l’on est pauvre, pour espérer loger sa famille, il faut construire soi-même sa maison. Ce système n’est alors possible que par l’entraide (l’aide du voisin Edwards) et le troc (on échange des chevaux contre des bœufs pour labourer son champ).
Ces mécanismes de solidarité et d’échanges de services sont au cœur de la vie à Walnut Grove.

Toutefois les conflits de classes sont là et les Ingalls se retrouvent plusieurs fois en opposition avec des exploiteurs et des grands propriétaires terriens. C’est d’ailleurs sur un de ces combats que se conclut la série.
En effet dans Le Dernier Adieu un magnat des chemins de fer a acheté toute la ville ; et si les habitants veulent rester, ils doivent travailler pour lui. Mais plutôt que de laisser leurs terres aux capitalistes et de se soumettre, les habitants décident ni plus ni moins de faire péter l’entièreté de la ville. Rien que ça.

Dans son documentaire Merci Patron ! , François Ruffin avait également repéré le “substrat marxiste de La Petite Maison dans la Prairie“, voir à partir 15’30 :

Crédits photos : ©NBC Television Network. L’image est dans le domaine public.