Et la culture dans tout ça ?

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Le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France ©Poulpy

Tous les candidats à la présidentielle 2017, sans exception, mettent la culture au centre de leurs discours, mais pas au centre de leurs priorités. Si La France insoumise est le seul mouvement politique à avoir sorti tout un livret sur la seule question culturelle (Les Arts insoumis), tous les autres outrepassent cette thématique qui, si certains l’oublient, est aussi un secteur économique important qui génère plusieurs milliards d’euros tous les ans avec des retombées économiques directes non négligeables.

La culture comme secteur économique

Avant de comparer les programmes et propositions des différents candidats, rappelons que la culture est un secteur économique énorme. Si la France est le pays le plus touristique du monde, ce n’est pas seulement pour son vin rouge mais aussi pour le musée du Louvre, le festival d’Avignon, pour se tenir devant la cathédrale Notre-Dame-de-Fourvière ou la tombe de Georges Brassens à Sète.

En termes de chiffres, le secteur de la culture concentre 3% des emplois, à savoir 700 000 salariés et non salariés. C’est une augmentation de 50% sur vingt ans. Actuellement à 0,65% du PIB, le budget de la culture, quant à lui, n’a pas vraiment augmenté. Si on rapporte le budget de la culture aux personnels qu’elle emploie, il baisse de facto. En 2015, le poids économique direct de la culture — c’est-à-dire la valeur ajoutée de l’ensemble des branches culturelles — était de 43 milliards d’euros. La croissance des branches culturelles, depuis 2008, est en baisse. Seules certaines, comme l’audiovisuel et le patrimoine, augmentent faiblement – croissance qu’il nous faut garder à l’esprit.

En effet, si l’on avait une seule approche économique et de profit sur la culture, nous comprendrions bien vite qu’il y a intérêt à augmenter son budget. Presque tous les candidats sont d’accords pour, au moins, ne pas baisser ce budget. Quelques 180 artistes déploraient, dans un appel publié dans le Huffington Post de février, un « silence pesant sur la culture ». La grande oubliée des débats des primaires et à cinq et onze candidats, la culture, bien qu’elle apparaisse dans tous les programmes, fait figure d’ornements, là où elle devrait être un panneau de direction pour notre pays.

 

Les propositions

Nous faisons le choix d’évincer quelques candidats qui n’ont pas de réelles propositions concernant la culture (Nathalie Arthaud, François Asselineau, Jacques Cheminade, et Philippe Poutou).

Nicolas Dupont-Aignan propose la gratuité des musées le dimanche pour les Français et les résidents et rehausser le budget de la culture à 1% du PIB. Maigre effort. Abrogation de la loi Hadopi, bonne idée mais partagée par tous les candidats. Sinon, il souhaite investir 400 millions d’euros mais seulement dans le patrimoine. Si l’on comprend bien, NDA souhaite investir seulement où cela rapporte plutôt que d’essayer d’équilibrer les branches entre elles.

Quant à François Fillon, déjà responsable d’un quinquennat culturel désastreux sous l’ère Sarkozy, et en totale rupture avec les Grands Travaux culturels du passé, il n’est égal qu’à lui-même. Il souhaite « réduire la fracture culturelle, soutenir la création française et faire de nos atouts culturels un vecteur de développement et de rayonnement ». C’est un peu flou, on ne comprend pas. Concrètement, il souhaite développer ce qu’il appelle la « conscience d’appartenance à la civilisation européenne » ce qu’on peut rapprocher de sa  réécriture du « grand récit national ». Dangereux. En feuilletant son programme, on tombe sur quelques mentions du statut des intermittents qu’il ne porte pas vraiment dans son cœur. De fait, il souhaite lutter contre leurs soit-disants « abus » et exclure une « forme d’emploi permanent ». Quand on sait que les intermittents du spectacle sont dans la classe des travailleurs pauvres et les plus précaires de France, on ne peut que railler ces propositions. Le candidat anti-système, pour le coup, est à contre-courant de ce que tout le monde propose concernant la Loi Hadopi. Tous s’accordent pour l’abroger, M. Fillon souhaite la renforcer. Ses propositions parlent d’elles-mêmes.

Le ministère de la Culture et de la Communication

Concernant le Parti Socialiste et Benoît Hamon, derrière un slogan « La culture partout, par tous, pour tous » et appuyés par la réalisatrice Valérie Donzelli qui a réalisé le clip de campagne, leur projet ne comporte absolument aucune nouveauté, aucune proposition concrète, aucune idée. Benoît Hamon pense sans doute qu’allouer 4 milliards d’euros supplémentaires à la culture le fera passer pour le nouveau Malraux. C’est en réalité dans la droite lignée du quinquennat culturel de Hollande, sans étincelle, sans inspiration, mais un budget qui augmente.

Étonnamment, Jean Lassalle est le seul “petit candidat“ avec des idées. Bien qu’elles aient peu de chances d’être appliquées, ses propositions concernant la culture valent le détour pour leur singularité. Il souhaite créer, sur le modèle de la Fête de la Musique, les Fêtes de la Philosophie et des Savoirs, du Sport et de l’Engagement. Même si le français serait la langue de l’administration, il souhaite protéger les langues régionales ; et rattacher la francophonie au ministère de la Culture. D’autre part, il voit d’un bon œil la création d’un circuit de salles pour décentraliser les œuvres basées à Paris vers la province. Plus cocasse, il souhaite enseigner les arts martiaux dès l’école primaire à tous les enfants.

De nombreux artistes s’engagent depuis des décennies pour combattre l’idéologie du Front National. Marine Le Pen n’a pas de programme culturel, à part celui de rendre les Français trop fiers de leur pays dans une logique de repli national, que l’on connaissait déjà chez le père Le Pen. Elle souhaite une protection nationaliste de la culture et promouvoir le « roman national ». Il y a quelques temps, elle remettait en cause la culpabilité de l’État français dans la rafle du Vel d’Hiv’. Un « roman national » négationniste, ce ne serait justement qu’un « mauvais roman » et non pas l’Histoire de France. Le FN, en voulant créer une seule culture française, se retrouve à la nier.

En Marche ! et Emmanuel Macron sont fidèles à eux-mêmes et voient la culture comme un bien marchand. Pro-Europe, ils souhaitent la création d’un « Netflix européen » de libre-circulation des artistes et des projets culturels. Le nom du projet annonce l’arnaque. Au lieu de protéger les travailleurs de la culture qui subissent déjà la concurrence européenne sur les salaires et l’austérité des politiques étatiques, M. Macron veut l’amplifier en les intégrant dans un réseau “Netflix“ pour les précariser d’autant plus. D’ailleurs, que dit M. Macron des intermittents ? Il souhaite une « adaptation de leur statut », traduire : flexibilisation. Comme s’ils n’étaient pas déjà assez assujettis aux conjonctures économiques ! Ses amis mécènes ont d’ailleurs dû lui souffler à l’oreille qu’il serait bon qu’ils soient exemptés de l’ISF — impôt de solidarité sur la fortune — car, après tout, ils sont investis d’une mission culturelle, eux aussi, de diffusion de la culture. Sauf que lorsqu’on voit les fondations privées telles que Pinault ou LVMH braquer les trésors culturels du monde entier — comme ceux de la Syrie en guerre — pour les transformer en marchandises, on évite de leur faire pareil cadeau et on leur demande plutôt de payer des impôts. Tout simplement. D’autre part, M. Macron souhaite maintenir le budget tel qu’il est, alors qu’il scande dans ses meetings « Hors d’elle [la culture] il n’est pas de véritable citoyenneté ».

Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a consacré avec son équipe de campagne un livret de 28 pages, Les arts insoumis, la culture en commun, sur les propositions culturelles. De tous les candidats, il est celui qui consacre le plus de propositions intéressantes et nécessaires sur les politiques culturelles. Il souhaite un retour progressif de l’État pour remplacer le privé afin d’accélérer la démocratisation culturelle. Connaissant les conditions de vie des intermittents du spectacle, il souhaite mettre fin à cette précarisation et supprimer les niches fiscales des mécènes et leur faire payer l’ISF. Il propose également de rehausser le budget à 1% du PIB — et non pas du budget de l’État. L’ancien professeur de français souhaiterait aussi la gratuité des musées le dimanche, un investissement de 100 millions d’euros dans l’éducation artistique et culturelle de la maternelle jusqu’à l’université. Il souhaite également s’appuyer sur les conservatoires qu’il juge cruciaux dans la formation de l’excellence artistique française de demain. Dans les nouveautés, sur le modèle d’Arte, la chaine franco-allemande, il imagine une chaine méditerranéenne semblable pour accroitre la coopération culturelle entre les pays européens du Sud. L’homme à l’hologramme investit également le numérique dans lequel il voit un atout important pour démocratiser la culture. Entre autres, mettre en place une cotisation universelle sur un abonnement internet pour accéder à une médiathèque publique de téléchargements non-marchands et rendre la culture accessible à tous. Cela permettrait aussi de mieux rémunérer les droits d’auteurs et de protéger ces derniers.

Croire à la culture, c’est croire à un futur commun

Avant d’être sauvagement torturé et assassiné par Klaus Barbie, Jean Moulin prévoyait une grande politique culturelle d’après-guerre, baptisée « Les jours heureux ». Il avait l’ambition d’une décentralisation culturelle, d’un maillage de structure et de lieux en région, et d’un plus grand accès à tous à la chose culturelle. La guerre finit. Arriva de Gaulle et Malraux qui fondèrent les Affaires culturelles. Puis Pompidou avec le centre éponyme. Giscard d’Estaing avec le musée d’Orsay et l’Institut du Monde Arabe. Puis Mitterrand et son acolyte Jack Lang qui firent le grand Louvre, l’opéra Bastille, la grande Arche et la Bibliothèque nationale de France. Déjà sous les deux quinquennats Chirac, on observa une baisse en régime avec le seul Quai Branly. Sous  Sarkozy et Hollande, rien… Une perte d’idées, de directions, une perte d’ambition.

André Malraux, premier ministre attaché aux Affaires culturelles

La chose culturelle est bien plus qu’une marchandise dans laquelle il faut investir pour espérer des retombées économiques directes. La culture est un bien commun de l’humanité, elle est ce qui nous différencie de l’animal et ce qui nous empêche de faire la guerre — contrairement à la conception lepéniste. Justement, André Malraux disait : « La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert ». Puis d’ajouter, au Sénat en 1959 : « Il appartient à l’université de faire connaître Racine, mais il appartient seulement à ceux qui jouent ses pièces de les faire aimer. Notre travail, c’est de faire aimer les génies de l’humanité, et notamment ceux de la France, ce n’est pas de les faire connaître. La connaissance est à l’université ; l’amour, peut-être, est à nous. »


Sources : 

Images : 

©Poulpy

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Macron, le nanti-système

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©Jeso Carneiro

Lui président ? Ok, mais en toute connaissance de cause alors. Emmanuel Macron est devenu en l’espace de quelques mois à peine l’un des favoris dans la course à l’Elysée. Anti-système, ni de gauche, ni de droite, son profil fourre-tout est on ne peut plus flou. Pourtant, l’ancien Ministre de l’Economie est l’incarnation la plus aboutie de ce que peut proposer le “système” politico-économico-médiatique. Décryptage d’une fable moderne en 10 points :

  1. Un CV en or ?
  2. Le tournant de la Commission Attali
  3. De l’art du réseautage
  4. Un ultra-libéral au Parti Socialiste
  5. Les années du pouvoir
  6. Un projet extrêmement clair
  7. Fossoyeur du patrimoine économique français
  8. Macron a.k.a Frankenstein 2.0
  9. En Marche, auberge espagnole du 3e âge
  10. Les affaires, quelles affaires ?

Un CV en or ?

Emmanuel Macron vient d’Amiens où il est scolarisé au Lycée privé catholique La Providence. En 1ère, il y rencontre sa future femme Brigitte, alors sa prof de français et de théâtre, de 24 ans son aînée. Suivent Henri IV et un DEA de philo à Paris-X, avant d’être diplômé de Science-Po Paris (2001) et de l’ENA (en 2004, seule promotion dont on ne connait pas le classement, invalidé par le Conseil d’Etat pour favoritisme).

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Emmanuel Macron, étudiant au parcours exceptionnel, esprit brillant au CV vertigineux voilà une première création médiatique, bien pratique quand on se présente à un poste de très grande responsabilité.

En effet, quelques zones d’ombre existent sur ce parcours de jeunesse. Macron est souvent présenté comme Normalien. C’est faux. Il a en fait raté deux fois l’écrit du concours d’entrée. Il n’existe pas non plus de trace du mémoire de philosophie qu’il prétend avoir soutenu auprès d’Etienne Balibar. Ce dernier a même déclaré “n’avoir aucun souvenir de son travail”… Ensuite, son poste d’assistant du philosophe Paul Ricoeur, régulièrement évoqué, est qualifié “d’abus de langage souvent repris par les médias” par Mme Revault d’Allones, membre du Fonds Ricoeur. En fait, Macron a aidé Ricoeur pour le livre La mémoire, l’Histoire et l’oubli, essentiellement pour du référencement et de la correction. Pas de quoi flamber.

Le tournant de la “Commission Attali”

Inspecteur des Finances à sa sortie de l’ENA, en 2004, Macron est pris en sympathie par le n°1 de l’institution, Jean-Pierre Jouyet. Aujourd’hui Secrétaire Général de l’Elysée, Jouyet fut, entre autres, Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, Président de la filiale française de la Barclays Bank, Président de l’Autorité des Marchés Financiers, de la Caisse des Dépôts ou de la Banque Publique d’Investissement. Indécent mélange.

Trois ans plus tard, en 2007, Nicolas Sarkozy met sur pied la “Commission pour la Libération de la Croissance Française” (sic), plus connue sous le nom de Commission Attali. L’ancien sherpa de François Mitterand monte une équipe trans-courants politiques composée de 43 membres, tous libéraux (avocats d’affaires, universitaires, hauts fonctionnaires, PDGs et banquiers).

Attali place Macron au poste de rapporteur de cette commission suite à l’entremise de Jouyet. C’est LE tournant dans le parcours d’Emmanuel Macron. “Un accélérateur de carrière extraordinaire”, dira lui-même Jacques Attali.

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En septembre 2008, il se met en disponibilité de l’Inspection des Finances et intègre la Banque d’Affaires Rotschild & Co, recommandé par… Jacques Attali, encore, et Serge Weinberg (énarque, Président du Fonds d’investissement portant son nom et Président du CA d’Accor). Dès 2010, il est promu associé chez Rotschild et doit quitter la Commission Attali. Il y est réintégré par décret en tant que simple membre.

La même année, il joue le rôle très discutable d’agent-double d’Alain Minc dans le processus de rachat du journal Le Monde par le trio Niel-Bergé-Pigasse, comme le montre la vidéo ci-dessous  :

https://www.facebook.com/StreetVoxByStreetPress/videos/1837488556532672/

De l’art du réseautage

En 2012, Macron réalise ses plus gros coups pour Rotschild. D’abord en conseillant Philippe Tillous-Borde, DG de Sofiprotéol et… membre de la Commission Attali, pour prendre 41% des parts du groupe Lesieur Cristal (une transaction qui se situe dans le monde agro-industriel). Ensuite, en facilitant le rachat de la filiale “alimentation” de Pfizer par Nestlé, à hauteur de 9 milliards d’euros. Un deal qui vaudra à Macron une promotion comme gérant dans sa banque et un joli chèque de 2,4 millions. On notera au passage que Peter Brabeck-Letmathe, PDG de Nestlé est également membre de… la Commission Attali. Quelle surprise !

La machine Macron est En Marche 😉 Tous les réseaux de pouvoir s’ouvrent à lui. En 2012, il est ainsi adoubé par les élites mondiales en devenant Young Leader de la bien nommée FAF (French American Foundation). En 2014, il est invité à la réunion ultra-VIP du Bildeberg à Copenhague. En 2016, c’est la cerise sur le gâteau au Forum Economique Mondial de Davos. Le Figaro écrit que son titre de Young Global Leader le désigne comme l’un des “121 maîtres du monde de moins de 40 ans”.

Un ultra-libéral au Parti Socialiste

En 2006, Jean-Pierre Jouyet fait les présentations entre Emmanuel Macron et François Hollande. Dans la foulée, Macron adhère au PS et devient son conseiller économique pour la campagne des primaires 2007. A ce moment, le Premier Secrétaire du parti n’a aucune chance de briguer l’Elysée. Pour Macron, c’est le moyen de rentrer en politique auprès d’un éléphant socialiste et de se placer pour la députation dans la Somme, son département d’origine. Rejeté par les adhérents locaux, il rebondit en intégrant la désormais célèbre Commission Attali. Surement un mal pour un bien dans son parcours.

Ce petit monde de l’entre-soi est à l’image d’une toile d’araignée, se recoupant à tous les niveaux. C’est ainsi que Macron intègre par exemple “les Gracques”, think-tank né en 2007 et visant à l’union PS-UDF. Parmi les fondateurs ? Jean-Pierre Jouyet. Certains ont vu dans l’alliance avec Bayrou l’accomplissement de cette mission originelle. On retrouve beaucoup de “libéraux de gauche” parmi ses soutiens, membres des groupes Esprit, Terra Nova, Jean-Jaurès ou La Rotonde. Cette gauche désavouée par son propre électorat dès qu’elle se présente devant les urnes. Affaire à suivre.

Macron est à nouveau aux côtés d’Hollande en 2009, dès avant que l’affaire DSK n’éclate et ne le propulse en position de présidentiable. Tous les 15 jours, Macron fait passer des notes à Hollande, qui forgeront son programme économique. Elles sont rédigées par le trio Philippe Aghion-Elie Cohen-Gilbert Cette (La Rotonde). Le futur président valide tout en bloc sauf le “choc de compétitivité”, qui sera finalement intégré en cours de mandat. Dans le même temps, il drague l’électorat de gauche avec son discours du Bourget et son fameux “mon ennemi n’a pas de visage, c’est le monde de la finance”. Bla bla bla.

Les années du pouvoir

Devenu Secrétaire Général adjoint de l’Elysée après la victoire du “candidat normal”, Emmanuel Macron va beaucoup peser sur le quinquennat, d’abord dans l’ombre, puis dans la lumière. Rappelons ici quelques faits d’armes économiques de l’ère Hollande/Ayrault/Valls/Macron :

  • CICE (Crédit d’impôts pour la compétitivité et l’emploi) :  Cadeau fiscal de 13 milliards d’euros aux entreprises, par la baisse des cotisations, sans aucune contrepartie.
  • Pacte de Responsabilité et de Solidarité : modernisation de la fiscalité et augmentation du CICE, de 21 milliards en 2014 à 41 en 2017

Considérant que le gouvernement ne va pas assez loin dans les réformes, Macron quitte l’Elysée en juin 2014 pour se lancer dans des projets personnels. Grâce à l’influence de Minc, il obtient instantanément le titre de Senior Researh Fellow à la London School of Economics. Il décroche également un poste à Harvard, cette fois par l’entremise de Philippe Aghion. De l’importance d’avoir les bons amis.

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Seulement deux mois plus tard, il est bombardé Ministre de l’Economie à la place d’Arnaud Montebourg, au moment culminant de l’épisode des “frondeurs”. Reprennent alors les réformes libérales :

  • Loi sur la Croissance, l’Activité et l’Egalité des chances économiques ou “Loi Macron” : Déréglementation ou “Uberisation” de l’économie (travail du dimanche,  professions réglementées, transports avec les “cars Macron”, etc…). Loi passée en 2015 avec l’aide du 49-3.
  • Loi sur les Nouvelles Opportunités Economiques ou “Macron 2” : projet trop ambitieux pour Manuel Valls. Il est divisé en plusieurs parties, dont une tombe sur le bureau de la Ministre du Travail, Myriam El Khomri, ce qui donne…
  • Loi Travail ou “loi El Khomri”, assez connue pour ne pas être développée ici. Nouvel usage du 49-3.

Un projet extrêmement clair

Désormais candidat à la Présidentielle, Macron propose ni plus ni moins que de mettre en place les “recommandations sur 10 ans” qui sont sorties de la Commission Attali. Sans que ce soit dit aussi clairement, bien sûr.  Pêle-mêle :

  • Réduire le coût du travail
  • Ouvrir les professions réglementées à la concurrence
  • Laisser à tout salarié le choix de poursuivre une activité sans aucune limite d’âge
  • Renvoyer l’essentiel des décisions sociales à la négociation
  • Réduire la part des dépenses publiques à 1% du PIB
  • Baisse des cotisations sociales compensée par une hausse de la CSG et la TVA
  • Fin du système de retraite par répartition (fonds de pension “à la française”)
  • Réduction de la fiscalité qui pèse sur le secteur de la finance
  • Suppression des départements et réduction du nombre de communes
  • Suppression du principe de précaution…

Pour faire simple, le trio Macron-Attali-MEDEF propose exactement la politique libérale que la Commission Européenne impose aux Etats membres de l’Union Européenne à travers les GOPE (Grandes Orientations de Politiques Economiques). Contrairement aux autres candidats éligibles, qui ne parlent jamais de ce sujet, Macron pourra bien appliquer son programme s’il est élu.

Fossoyeur du patrimoine économique français

On sait ce que Macron prône, qu’il a déjà mis en place et qu’il compte accentuer s’il est Président. Au-delà des points déjà évoqués, il est également nécessaire de revenir sur son rôle dans plusieurs dossiers symboliques des dernières années et trop souvent passés sous silence :

  • Son rôle dans la vente d’Alstom, fleuron de l’industrie française (parfaitement résumé dans cette vidéo)
  • La vente de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, projet soutenu et défendu bec et ongles par Emmanuel Macron :49,9% des parts de la société de gestion de l’aéroport de Toulouse ont été vendues à Casil-Europe, un fonds d’investissement chinois. Avant la vente, la moitié des 5 millions de bénéfices de la structure étaient reversés sous forme de dividendes aux actionnaires (Etat et collectivités locales). L’autre moitié était mise de côté pour de futurs investissements (trésor de guerre de 67 millions). Première mesure de Casil après la vente : piocher 15 millions dans ce fonds de réserve pour les nouveaux actionnaires…
  • Le rachat de SFR par Altice : Alors que Montebourg s’y était opposé et avait même fait publier un décret soumettant à l’autorisation de Bercy tout rachat dans les télécoms, Macron a discrètement autorisé la transaction en faveur de la société de Patrick Drahi, le 28 octobre 2014. Ce dernier a pu coupler les titres de ses groupes de presse avec les offres d’abonnements internet, faisant tomber la TVA de 20 à 2,1% sur une grande partie de ses factures. Il gagne environ 350 millions d’euros par an avec cette combine. Certains auront sans doute remarqué que BFM TV ou L’Express, propriétés du même Drahi, ont poussé la candidature de Macron de toutes leurs forces. Surement le hasard.

[On notera au passage que Bernard Mourad, patron d’Altice Media Group, présent tout au long du processus de vente puis de fusion des titres, a démissionné pour rejoindre la campagne d’En Marche, pour éviter tout conflit d’intérêt. Manque de bol, son frère Jean-Jacques, lui, est tombé pour cette même raison. Il était en effet membre de la commission santé du mouvement de Macron et rémunéré dans le même temps par les laboratoires Servier…]

Macron a.k.a Frankenstein 2.0

Porté comme on n’avait jamais vu un candidat l’être, Emmanuel Macron a été totalement fabriqué médiatiquement, pour devenir progressivement le “seul vote utile contre le FN”. Tellement anti-système, que l’ancien Ministre de l’Economie a été cité dans 17 000 articles de presse depuis sa démission du gouvernement, plus de 100 fois à la Une des différents journaux hexagonaux en 2016.

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En Marche, auberge espagnole du 3e âge

Porté comme on l’a vu par le gotha du libéralisme économique, par le monde médiatique dans sa quasi-globalité, Emmanuel Macron est également le refuge pour tous les politiciens en fin de course, qui le rallient sans aucune vergogne en trahissant parfois l’engagement de toute une vie. Pour le renouvellement on repassera.

C’est ainsi que se retrouvent ensembles En Marche des profils aussi divers que François Bayrou, Corinne Lepage, Anne-Marie Idrac, Claude Bartolone, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Cohn-Bendit, François de Rugy, Barbara Pompili, Patrick Braouezec, Thierry Braillard, Robert Hue, Bernard Kouchner, Manuel Valls, Gérard Collomb, Nicole Bricq, Bertrand Delanoë, Jean-Paul Huchon, Jean-Yves Le Drian, Malek Boutih, Renaud Dutreil, Dominique Perben, Alain Madelin, Philippe Douste-Blazy, Jean Tibéri, Jean-Jacques Aillagon, Pierre Bergé, Erik Orsenna, Laurence Haïm, Eric Halphen, Pierre Arditi, Jean-Pierre Mignard,  Catherine Laborde, Genviève de Fontenay, Françoise Hardy, Line Renaud, Yohan Cabaye, François Berléand, Renaud… et bien évidemment BHL, Minc, Attali, Cohen, Aghion et toute la clique libérale.

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Les affaires. Quelles affaires ?

Quand on voit l’empressement et la vigueur de la réaction de la justice concernant François Fillon, légitime, on se dit que tous les candidats devraient être logés à la même enseigne. Or, il semble que Macron passe entre les gouttes malgré plusieurs dossiers potentiellement sulfureux :

  • Bizarreries concernant son patrimoine : notamment la sous-évaluation d’une propriété de son épouse pour échapper à l’ISF et un patrimoine personnel estimé à 35 000 euros après avoir touché plus de 2 millions chez Rotschild.
  • En Marche déclare son siège au domicile particulier de Laurent Bigorgne, directeur du très libéral Institut Montaigne, dont le Président est Henri de Castries, ex-PDG d’AXA et proche de François Fillon. Le candidat LR est d’ailleurs accusé de conflit d’intérêts avec cette compagnie d’assurances. Quid de Macron ?macron montaigne
  • Les 120 000 euros de Bercy. Dans le livre Dans l’enfer de Bercy, l’on apprend que Macron a dépensé 80% de l’enveloppe totale des frais de représentation du Ministère à des fins personnelles.dans l'enfer de bercy.jpg

Aux urnes, Citoyens !

Bref, les choses sont extrêmement claires : Emmanuel Macron a été choisi par les pontes du système pour incarner une simili-rupture (une révolution, LOL) qui doit, à terme, permettre que rien ne change. Sur ce point, lire l’interview passionnante du politologue Jérôme Sainte-Marie pour LVSL. Cependant, à quelques jours désormais du 1er tour de la présidentielle, le phénomène semble se fissurer, même si les sondages (<3) lui donnent toujours la victoire. En témoigne cette émission ahurissante de vérité sur LCI, retirée du replay de la chaîne après une plainte d’En Marche et du FN, mais toujours disponible sur Youtube

Favori, vraiment ? Poussé vers l’Elysée par les mondes financiers, médiatiques et politiques, épargné par la justice, Macron semble avoir toutes les cartes en main pour gagner le 7 mai prochain. Pourtant, on voit que tout le château de cartes ne tient plus qu’à un fil. On peut également se demander comment vont agir les électeurs français face à ce candidat imposé, qui ressemble de plus en plus au Clinton français.

Il n’y a plus très longtemps à attendre avant le dénouement de cette saga ahurissante qu’aura été la Présidentielle 2017. Vivement la saison 2.

Crédits photos : ©Jeso Carneiro

Matthieu Le Crom

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2017, Fronde générale

2017, cru exceptionnel. Pour la première fois dans la Ve République, aucun des candidats à la présidentielle n’est assuré de pouvoir compter sur une majorité parlementaire après les législatives. Pire, tous les prétendants majeurs font l’objet d’une dissidence interne à leur propre mouvement. Revue des troupes avant la Bérézina.

D’abord, il faut préciser que sauf surprise monumentale, ni Nathalie Arthaud, ni François Asselineau, ni Jacques Cheminade, ni Jean Lassale, ni Nicolas Dupont-Aignan, n’ont la moindre chance d’être élus. Encore moins en n’étant pas invités au débat de TF1. Si cela arrivait, ils devraient évidemment faire avec une Assemblée Nationale composite.

Procédons de gauche à droite :

  • Jean-Luc Mélenchon

    -Dissensions à gauche. Les critiques les plus virulentes à l’encontre du chef de file de la France Insoumise viennent de ses propres alliés, communistes ou d’Ensemble. “Leader minimo”, “égocentrique”, “auto-proclamé”, les insultes fusent chez ceux qui seraient censés être ses plus fidèles soutiens. Les élus communistes sont même allés jusqu’à faire du chantage aux parrainages à Mélenchon, qui n’a validé ses fameuses 500 signatures que le 14 mars. Dernier débat en date au sein de la “gauche de la gauche” : la pertinence – ou non – du déploiement de drapeaux Bleu-Blanc-Rouge lors de la manifestation du 19 mars.

  • Benoît Hamon

    COMBO-FRANCE-VOTE-PRIMARIES-LEFTLe Parti Socialiste va exploser. Après un quinquennat calamiteux, le Président en exercice est dans l’incapacité de se représenter. Un frondeur a remporté assez facilement la Primaire contre le dépositaire du bilan, Manuel Valls. Depuis la victoire de Benoît Hamon, la crise est ouverte. Par dizaines, des membres éminents de son propre camp quittent le navire pour rejoindre Emmanuel Macron. François de Rugy et Manuel Valls, tous deux candidats à la Primaire et engagés à soutenir le vainqueur, ont déjà trahi leur parole.

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  • Emmanuel Macron

    1212273_en-marche-macron-suscite-des-tensions-a-gauche-avec-son-mouvement-politique-web-tete-021824086406L’exception qui confirme la règle. Le candidat En Marche avance, poussé par une ahurissante campagne médiatique en sa faveur, vers sa probable élection. Cependant, son mouvement politique, fait de bric et de broc, semble dans l’incapacité de remporter les élections législatives. Il sera bien compliqué pour l’ancien banquier d’affaires de présenter des candidatures cohérentes aux élections de juin. Son parti ratisse tellement large que se côtoient des profils immiscibles. Sérieusement, Robert Hue, Gérard Collomb, Daniel Cohn-Bendit, Alain Minc, François Bayrou et Alain Madelin travailleraient ensemble ? Même si Macron remporte la présidentielle puis les législatives, on voit mal comment un tel attelage pourrait se mettre d’accord sur la moindre mesure. Un retour à la IVe République pour achever la Ve ?

  • François Fillon

    3414-francois-fillon_5758679Sorti vainqueur de la Primaire de la Droite et du Centre, François Fillon est aujourd’hui dans une situation qui semble inextricable.
    Quasiment chaque jour offre son lot de nouvelles révélations sur son train de vie de pacha, qui a amené la justice à le mettre en examen. Motifs : « détournement de fonds publics », « complicité et recel de détournement de fonds publics », « complicité et recel d’abus de biens sociaux » et « manquement aux obligations déclaratives ». Rien que ça.

    En conséquence de quoi d’innombrables soutiens de son propre camp ont décidé de tourner le dos à leur champion, pour ne pas être associés au naufrage qui s’annonce. Finalement, aucun plan B n’a été validé. Ni Juppé ni Baroin. C’est bien Fillon, malgré les affaires, qui représentera la droite. Il s’appuie sur son socle électoral, catholique et libéral, qui semble insuffisant pour l’emporter au suffrage universel.Capture

  • Marine Le Pen

    marine le pen portrait.jpgLa candidate du Front National, malgré la menace agitée depuis des années par les classes politiques et médiatiques, n’a aucune chance d’être élue. Quel que soit son adversaire au second tour. Sa défaite à venir pourrait être une étape majeure dans le processus d’implosion qui s’annonce au FN. Il semble en effet impossible de faire tenir ensemble sur le long terme les deux clans qui s’affrontent au sein du parti xénophobe.

    D’un côté, se trouvent les tenants de la dé-diabolisation (Marine Le Pen-Florian Philippot), de l’autre ceux du FN à l’ancienne, identitaire et réactionnaire (Marion Le Pen-Gilbert Collard-Robert Ménard). A terme, tous ceux là devraient s’entre-tuer et le schisme du FN semble inéluctable.

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Un pays ingouvernable ?

Le flou est total quant à l’identité du futur président. Il en va de même pour les législatives qui se tiendront dans la foulée. Toutefois, une chose semble à peu près certaine : le FN devrait faire bien mieux que ses 13% de 2012, qui ne lui avaient offert que 2 députés, en vertu du mode de scrutin particulier (uninominal majoritaire à deux tours). Si, comme on peut l’imaginer, “la Flamme” termine aux alentours de 25% des suffrages, se sont près de 70 députés Front National qui siégeront à l’Assemblée Nationale. Une vraie vague, mais pas suffisante pour gouverner.

Le PS devrait payer le prix du mandat désastreux de François Hollande, débordé sur sa droite par En Marche, véritable inconnue de cette équation. Seul François Fillon semble susceptible d’emporter la majorité au Palais Bourbon. Pourtant, son profil d’homme menteur et vénal, tenant un discours de rigueur insoutenable à entendre au vu de son profil, le disqualifie d’office sur le plan moral. La révolte populaire sera certainement gigantesque si le mari de Pénélope est élu et demande aux Français de se serrer la ceinture.

On peut donc imaginer que, quel que soit le nouveau locataire de l’Elysée, il devra composer avec une fronde interne et une minorité législative. Le quinquennat à venir s’annonce folklorique…

Matthieu Le Crom

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Primaires : la démocratie des “élites”

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©Marie-Lan Nguyen

Outre les magouilles attestées lors du premier tour de la primaire du PS, le principe même de ce processus pose un vrai problème démocratique : l’éviction des catégories populaires du processus de désignation politique.

Ces dernières années, les primaires semblent être devenues une étape incontournable de la vie politique française avant l’échéance présidentielle. Le succès attribué à celles de la gauche en 2011 en feraient une étape indispensable vers l’alternance, expliquant  que la droite s’y soumette elle aussi avec un certain succès en 2016.

Importées des États-Unis, les primaires sont indissociables d’un système bipartisan. On comprend donc bien que dans une situation de délitement du Parti Socialiste et de rivalité entre Les Républicains et le Front National, les primaires remplissent une fonction de légitimation des deux partis traditionnels comme principales incarnations du clivage gauche/droite. C’est comme cela qu’il faut comprendre la bataille sémantique autour de la dénomination de la primaire de « la Belle Alliance Populaire » abusivement qualifiée de « primaire de la gauche » par les médias. Car bien sûr, ni E. Macron ni J-L Mélenchon, crédités de davantage d’intentions de votes que n’importe quel candidat issu des primaires, ne participent à la compétition.

L’enjeu pour les partis traditionnels est donc d’ériger leurs primaires comme un préalable indispensable à l’élection présidentielle. Thomas Clay, président de la haute autorité de la primaire de la gauche déclarait ainsi en annonçant les résultats que « les primaires s’ancrent dans la vie politique française, c’est une bonne nouvelle ». Une analyse pour le moins contestable au regard de la faible participation des électeurs au scrutin. Tout au plus les primaires s’ancrent-t-elles dans la vie médiatique française. Mais ce rituel est encore loin de rassembler une frange réellement massive de l’électorat.

Bien sûr l’argument censé justifier le tenue de ces primaires est toujours le même : il s’agirait d’une avancée démocratique permettant aux peuples de gauche ou de droite de s’exprimer au-delà des appareils partisans. Or il convient de réfuter rigoureusement ces idées. Non les primaires ne sont pas des avancées démocratiques, bien au contraire.

Tout d’abord les primaires favorisent l’engagement des catégories déjà politisées de la population. Et l’on recoupe ici la critique plus large de la soit disant « démocratie participative ». Ceux qui participent sont ceux qui ont les moyens de participer. Les votants aux primaires ne sont pas à l’image du reste de la population.

Dans Le Monde, Céline Braconnier, directrice de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, et spécialiste des comportements électoraux jugeait “qu’ont voté aux primaires (de la droite) des inscrits plus âgés, plus riches, plus diplômés que la moyenne.” Il est trop tôt pour pouvoir analyser les résultats de la primaires de la BAP, d’autant plus que ces derniers sont loin d’être transparents. Mais une sur-représentation des catégories socio-professionnelles les plus aisées est plus que probable, à l’instar des primaires de la droite en 2016 et de la gauche en 2011. On peut même certainement craindre une participation encore plus faible des classes populaires à la primaire socialiste de 2017. Déjà en 2011, 75% des votants étaient diplômés de l’enseignement supérieur et 70% occupaient un poste de cadre ou de profession intermédiaire.

Les catégories populaires ne s’intéressent que plus tardivement à l’enjeu présidentiel, traditionnellement vers la mi-février. Le résultat des primaires aboutit donc nécessairement à une distorsion de l’offre politique qui est passée au filtre d’un électorat plus politisé et plus aisé que le reste de la population.

Pour les sociologues Thomas Amadieu et Nicolas Framont : les primaires « instituent de fait un corps de grands électeurs »[1]. En effet, les électeurs les plus intéressés à la chose publique pré-sélectionnent les candidats qui seront soumis quelques mois plus tard au reste du corps électoral. Et en toute logique, les électeurs des primaires se choisissent un candidat à leur image.

Par ailleurs les primaires ne permettent en rien de court-circuiter les bureaucraties partisanes. Car ce sont bien elles qui fixent le cadre de la compétition. Ainsi les candidats jugés inappropriés sont évacués faute de la caution d’un minimum de barons (on retiendra l’exemple de Gérard Filoche ou d’Henri Guaino pour ne citer qu’eux). En réalité les primaires sont bien plus un moyen pour les appareils des partis de se revitaliser en captant une pseudo-légitimité populaire (et en captant aussi au passage les millions d’euros payés par les votants pour participer au scrutin !).

L’arrivé en tête de B.Hamon au premier tour de la primaire de la BAP illustre ce “vote des élites”. Le candidat Hamon est à l’image du corpus électoral restreint qui l’a placé en tête des suffrages : urbain et diplômé. On sait qu’il a les faveur du MJS qu’il a longtemps dirigé et opère par ailleurs la synthèse des frondeurs tout en étant relativement compatible avec les intérêts de la bureaucratie et des baronnies du parti. Ce choix d’un segment bien spécifique de l’électorat aurait-il été celui d’un corps électoral plus large ? Les sondages réalisés sur l’hypothèse d’une plus forte participation jugeaient en tout cas que non, car dans cette hypothèse c’est A. Montebourg qui aurait été favorisé. L’avenir dira si le candidat désigné par les votants aux primaires de la BAP rencontrera le même engouement auprès du reste des électeurs français…

Crédit photo : ©Marie-Lan Nguyen

Quels vœux pour 2017 ? Entrer en Décroissance

©kamiel79. L’image est libre de droit.

Chroniques de l’urgence écologique

         L’an 2017 est là. C’est l’occasion de présenter mes vœux à ceux qui me lisent. Mais aussi d’engager le dialogue sur la Décroissance, en réponse à un précédent article publié sur Le Vent se Lève.

Décroissance : un mot choc pour lutter

         J’aime répéter que l’urgence écologique qui met en péril notre écosystème et notre humanité est le plus grand défi auquel nous devrons faire face. Attentats à répétition, écocides, exploitation des ressources au détriment des peuples autochtones, licenciements, suicides, croissance exponentielle des dividendes et des revenus du capital, réchauffement climatique… Autant d’indicateurs qui appellent à bouleverser notre vision du monde et à changer nos référentiels. S’il est une solution à nos problèmes, celle-ci ne peut être que politique. Mais on ne changera pas la politique sans concevoir une nouvelle éthique qu’Hans Jonas nomme « éthique du futur ». C’est-à-dire une éthique qui veut préserver la possibilité d’un avenir pour l’être humain. Réalisons que « la terre n’est pas menacée par des gens qui veulent tuer les hommes, mais par des gens qui risquent de le faire en ne pensant que techniquement et […] économiquement. »1 Admettons que la sortie de crise n’est possible qu’à condition de penser une alternative concrète et radicale à un système cancéreux. La convergence des crises nous plonge dans un état d’urgence écologique. Et si la réponse à cet état d’urgence était la Décroissance ? Ce mot « Décroissance » suscite beaucoup d’effroi chez les novices. Certains ont pris l’habitude de développer un argumentaire d’opposition considérant que puisque le mot est absurde, nul besoin de s’intéresser aux idées qu’il contient. Ce terme « décroissance » est-il pertinent ? Puisqu’il faut prendre parti, je rejoins ceux qui l’envisagent comme un slogan provocateur qui suscite les passions, plutôt qu’un mot-écran qui empêche le débat. Véritable « mot-obus », « poil à gratter idéologique », il affirme un projet politique à part entière, un mouvement politique. Il s’agit concrètement de s’opposer frontalement au culte de la Croissance et à la religion de l’économie. Il s’agit « de ne pas revenir en arrière vers un pseudo paradis perdu, il s’agit de collectivement bifurquer »2 , de faire un “pas de côté”. Mais comment ?

Décoloniser les imaginaires, changer de logiciel

         Pour les décroissants, le dogme du tout-croissance est à l’origine de la crise multi-dimensionnelle qui nous atteint. Cette crise écologique englobe ainsi un effondrement environnemental (dérèglement climatique, crise de la biodiversité, exploitation des ressources, altération des milieux), une crise sociale (montée des inégalités, crise de la dette et du système financier), une crise politique et démocratique (désaffection et dérive de la démocratie) ainsi qu’une crise atteignant la personne humaine (perte de sens, délitement des liens sociaux). Entrer en décroissance serait donc prendre conscience des ramifications de cette crise écologique et de ses conséquences. C’est opérer une « décolonisation de nos imaginaires » qui aboutirait à la remise en cause du système capitaliste, financier et techno-scientiste. Entrer en décroissance c’est changer de logiciel, se défaire de nos référentiels poussiéreux. La décroissance réside ainsi dans l’élaboration d’un projet politique profondément optimiste : celui d’une vie humaine indissociable de la préservation des écosystèmes. C’est reconnaître une valeur intrinsèque à la nature, lutter contre toute glorification anthropocentriste. A ce titre, notre développement passerait par un réencastrement du social et de l’économie dans une vision écologique globale. La seule voie plausible résiderait ainsi dans la définition de besoins sociaux cohérents avec les limites de la planète, une « auto-limitation » collective au sens de Gorz. La tâche n’est point aisée, rétorquerez-vous. Une première pierre ne serait-elle pas celle d’une profonde transformation de notre système économique et démocratique ? En d’autres termes, prôner une « relocalisation ouverte », une décentralisation radicale qui ancre la dynamique sociale et environnementale au cœur des territoires. La décroissance nous permettrait ainsi de donner un cade conceptuel cohérent à toutes les initiatives de transition. Transports collectifs ou doux (vélo, marche à pied), réorganisation du système alimentaire (permaculture, réduction de l’alimentation carnée). Mais aussi redéfinition de nos besoins énergétiques et abandon des énergies fossiles, monnaies locales, biens communs, etc. En somme, mettre en branle une évolution de nos modes de consommation et de production qui s’inscrirait dans une démondialisation maîtrisée et voulue, une réorganisation à toutes les échelles de notre schéma sociétal.

Quelle transition ? Une responsabilité collective

         Nombre de politiques déclarent aujourd’hui ne plus compter sur la croissance. J’ose espérer que cette apparente prise de conscience ne soit pas pure stratégie électorale. De Benoît Hamon à Yannick Jadot en passant par Jean-Luc Mélenchon, des propositions émergent.3 Mais gare aux leurres ! La décroissance est là pour rappeler qu’il ne s’agit pas de procéder à des ajustements, mais de renverser la table, de construire un nouveau projet. La transition ne peut être qu’écologique, mais tout investissement écologique n’est pas forcément une transition radicale. Ainsi, force est de constater que consommation d’énergie et hausse du PIB sont encore étroitement corrélées à l’échelle mondiale. Ainsi, comme le souligne Fabrice Flipo, « la forte croissance du secteur des énergies renouvelables pourrait bien n’être à ce titre qu’une fausse bonne nouvelle. Cela tient à ce que certains appellent le « cannibalisme énergétique ». La fabrication de renouvelables nécessite de l’énergie. Au-delà d’un certain taux de croissance de ces technologies, celles-ci en consomment plus qu’elles n’en produisent. Dans ces conditions, le déploiement des renouvelables tend donc à entraîner une augmentation de la production de gaz à effet de serre. » 4 En d’autres termes, un virage technologique ne résout pas la question de la surconsommation. La question qui se pose réellement est de savoir comment subvenir à nos besoins sans utiliser davantage de ressources. Cette réponse passe obligatoirement par une réflexion et une redéfinition collectives de notre projet de société. Cet exemple est à l’image de la logique décroissante. Il convient de s’éloigner d’une simple logique de « destruction créatrice » schumpéterienne qui n’est qu’une supplantation linéaire des technologies : du milliard de voitures diesel au milliard de voitures électriques, quel changement ? Il s’agit en conscience de faire un pas de côté, d’envisager la croissance de l’être par la décroissance de l’avoir. En temps d’élections présidentielles et législatives, il revient à chacun de bien peser le poids de ces mots.

        Loin d’être une vision pessimiste, terne et dépassée du monde, la décroissance s’oppose à tout conservatisme aveugle d’un système cancéreux et cancérigène. La décroissance comme mouvement politique et projet sociétal est une écologie politique radicale. Écologique car elle envisage les symptômes et les solutions comme interdépendantes. Politique car elle propose de refonder les bases d’un nouveau monde, de bâtir des référentiels neufs avec enthousiasme. Radicale car nul ne saurait l’accuser de petits arrangements avec le Capitalisme. « Le monde n’est pas complètement asservi. Nous ne sommes pas encore vaincus. Il reste un intervalle, et, depuis cet intervalle, tout est possible. » 5 Que vous souhaiter de mieux pour 2017 que d’entrer en décroissance ? Quel meilleur vœux que celui de refuser toute résignation face à l’état d’urgence ?

Crédit photo : ©kamiel79. L’image est libre de droit. 

1La violence, oui ou non : une discussion nécessaire, Günther Anders, 2014.

2Paul Ariès, La décroissance, un mot-obus, La Décroissance, n°26, avril 2005

3Manon Drv, Quelle transition écologique ? L’écologie entre en campagne, 19 décembre 2016, LVSL.

4Fabrice Flipo, l’urgence de la décroissance, Le Monde, 9 décembre 2015.

5Yannick Haenel, Les renards pâles, 2013.

Le MRC va participer à la primaire du Parti Socialiste

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Logo_MRC.jpg#filelinks
@tomp38

Réuni dimanche 4 décembre, le conseil national du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC), parti politique fondé en 2003 par Jean-Pierre Chevènement, a renoncé à présenter une candidature directe à l’élection présidentielle. Par 30 voix contre 10, auxquelles il faut ajouter 3 abstentions, l’instance du parti a choisi de passer par la primaire de la « Belle Alliance Populaire » (le Parti Socialiste et ses alliés), qui se tiendra en janvier, selon un membre de ce conseil. Le parti y présentera Bastien Faudot, conseiller départemental du territoire de Belfort, et conseiller municipal d’opposition à Belfort. Aucun accord relatif aux élections législatives n’aurait été conclu pour le moment, selon cette même source.

Ce vote a provoqué une crise interne au parti: la vice-présidente Adeline Crépin a démissionné, tout comme le secrétaire national Paul Zurkinden. Évoquant principalement des motifs personnels, Adeline Crépin explique dans un message de démission : « Je reste convaincue du bien fondé de notre présence à l’élection présidentielle au travers de la candidature de Bastien. Je ne reviendrai pas sur la décision du Conseil national de rejoindre la primaire de la Gauche et sur ma position. »

Depuis février 2016, le MRC était pourtant en campagne présidentielle, autour de Bastien Faudot. Alors que le parti a été quitté par son fondateur en juin 2015, il avait fait du renouvellement de la vie politique un de ses mots d’ordre, critiquant notamment Jean-Luc Mélenchon, présent sur un créneau politique proche, pour son passé de sénateur socialiste. Bastien Faudot, bien qu’élu au niveau départemental grâce au soutien du PS, n’en a jamais été membre. Ignoré des médias, la campagne du candidat n’a jamais vraiment décollé.

Cette démarche va permettre de faire entendre une voie souverainiste au sein du débat entre les candidats de la primaire socialiste. Cette position, assumée par le MRC, qui se revendique comme « La gauche qui aime la France », était jusqu’alors absente chez les candidats déclarés. Arnaud Montebourg, perçu comme le candidat le plus souverainiste, souhaite pourtant un « gouvernement économique de la zone euro », et n’envisage pas la sortie de l’Union européenne, même en cas d’échec de la renégociation des traités européens qu’ils souhaite entreprendre. Le MRC serait dans la perspective d’un ralliement à Arnaud Montebourg au second tour.

Une démarche contestable

Cependant, on peut s’interroger sur l’intérêt réel de ce choix pour le MRC et ses idées, étant donné la défaite quasi-certaine qui attend son candidat. Au vu de l’absence d’exposition médiatique de Batien Faudot, ses chances apparaissent minimes, à 7 semaines du premier tour de la primaire. De plus, il faut rappeler que les candidats à cette élection sont censés soutenir le bilan du Président François Hollande. Cette « Belle alliance populaire » semble par ailleurs mal porter son nom : lors de son lancement ce week-end, seules 2 000 personnes étaient présentes, contre 10 000 annoncées. Il faut rappeler l’impopularité record du Président de la République, dont le bilan ne serait soutenu que par 4 % des français selon la dernière enquête d’Ipsos. Or, étant donné la volonté de rupture du MRC avec la politique menée par le précédent gouvernement, cette démarche apparaît difficilement compréhensible.

Les propositions défendues jusqu’à présent par Bastien Faudot apparaissent bien éloignées de celle du gouvernement : rendre sa souveraineté au peuple français, défendre la laïcité, lutter contre les inégalités notamment. Un rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon, qui met en avant des propositions similaires à celles du MRC dans plusieurs domaines n’aurait-il pas été plus pertinent ?

Crédits photos : ©Tomp38, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Logo_MRC.jpg?uselang=fr

Avec Henri de la Croix de Castries, Fillon joue l’aristocrate

©MEDEF

Sorti vainqueur de la Primaire de la droite et du centre, François Fillon est désormais lancé vers l’élection présidentielle 2017, après 5 longues années de social-libéralisme qui n’auront satisfait personne. Autour de lui se forme une équipe de choc, dont fait partie Henri de la Croix de Castries, l’ex-PDG d’AXA.

Avec un programme ultra-libéral économiquement et très traditionaliste sur le plan des valeurs, M. Fillon ne fait pas dans la dentelle. Pour sa – probable – future présidence, le Sarthois s’entoure des cadors de ces deux différentes mouvances. En balance pour le poste de premier ministre sont cités Bruno Retailleau, Président de la région Pays de Loire et fervent défenseur de la Manif pour Tous, et Henri de la Croix de Castries, récemment démissionnaire de son poste de PDG d’AXA. Moins connu mais à l’origine du programme économique du candidat Fillon, ce dernier mérite que l’on s’attarde un peu sur son CV.

D’ascendance sadique

Issu de la très haute aristocratie catholique française, Henri de la Croix de Castries [prononcer Castres] est un descendant direct du Marquis de Sade. Cet écrivain du XVIIIe, connu pour ses textes érotiques et violents, était haï dans la haute société et a passé 27 années en prison. Son oeuvre, illégale jusqu’en 1957, lui aura valu de rentrer dans le langage commun avec un mot que tout le monde connaît : le sadisme. Pas très Manif pour Tous  🙂

Noble depuis 700 ans, la famille de la Croix de Castries aurait participé aux Croisades. Henri, fils de militaire, petit-fils du ministre de la Défense Pierre de Chevigné, a épousé Anne Millin de Grandmaison, sa cousine, comme lui descendante de René de la Croix de Castries, “Duc de Castries”, dont il a repris le titre.

Pour lire un portrait moins “à charge” d’Henri de la Croix de Castries, c’est ici

La voie royale

Henri de Castries a suivi le parcours de jeunesse absolument parfait pour un membre de l’élite française : enfance dans le XVIe arrondissement, scoutisme, Lycée Stanislas (6e arr.), HEC (diplômé en 1976), ENA (promotion Voltaire avec Ségolène Royal, Dominique de Villepin et François Hollande, qui sera son camarade de chambrée plus tard à l’armée).

Le blues du businessman

Henri de Castries, 62 ans, a réussi une carrière de tout premier plan dans le monde de l’entreprise et a refusé en 2007 de devenir le ministre de l’économie de Nicolas Sarkozy. Il peut en effet paraître dérisoire de vouloir se lancer en politique quand on excelle à ce point dans les affaires. Il semblerait que François Fillon l’ait convaincu. Son pedigree vaut le coup d’oeil :

  • Après 9 ans à l’inspection des Finances, il intègre AXA, deuxième assureur mondial. Il gravit les échelons jusqu’à être nommé président du directoire en 2000, puis PDG en 2010. Poste qu’il a quitté le 1er septembre 2016.
  • Administrateur chez Nestlé, 30e entreprise mondiale en termes de chiffre d’affaires
  • Administrateur chez Hong Kong & Shangai Banking Corporation (HSBC), 6e entreprise mondiale, et classée parmi les “banques systémiques”, too big to fail

Think tank, fondations et Bilderberg

Au-delà de son patrimoine familial et financier, Henri de Castries est un homme de réseaux et d’influence. De par ses positions, il a su mener une campagne de levée de fonds extrêmement efficace pour François Fillon, d’environ 3 millions d’euros à ce jour. Il est également membre de plusieurs des cercles parmi les plus prestigieux de France et du monde :

  • Président de l’Institut Montaigne. Un think tank créé en 2000, qui regroupe des cadres d’entreprises, de hauts-fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile qui débattent sur les enjeux de politique publique à long terme.
  • Ancien administrateur du Louvre. Un poste symbolique mais qui en dit long sur les cadeaux, titres et fonctions que l’on peut obtenir dans l’entre-soi du gotha.
  • Enfin, et c’est là que les complotistes et anti-complotistes de tous bords vont s’écharper, Henri de Castries est le Président du Bilderberg depuis 2012, ce groupe d’influence totalement opaque qui réunit chaque année environ 150 des actuels et futurs décideurs du monde. Le Bilderberg tient son nom de l’hôtel des Pays-Bas dans lequel a eu lieu sa première réunion en 1954 et, pour le décrire, le magazine Challenges utilise ces termes : “Depuis que, dans les années 70, les médias ont découvert l’existence de ces conférences d’une super-élite, dont on ne savait qui étaient les membres ni ce qu’ils faisaient, les spéculations n’ont cessé sur ce cénacle, soupçonné d’être une sorte de directoire occulte de maîtres du monde qui gouvernerait la planète à huis-clos, hors de toute légitimité démocratique”. Pour ma part, je ne crois pas aux “maîtres du monde qui se réunissent en secret”. Je parlerais plutôt du “lobbying de l’entre-soi”.

De la Croix de Castries, de surcroît de la caste

Extrêmement fortuné (même s’il est difficile de trouver des infos fiables pour obtenir un chiffre global sur ce point), Henri de Castries a longtemps fait partie du Top 10 des patrons français les mieux rémunérés de l’Hexagone. Rien que chez AXA, il possède 1,5 millions d’actions (valeur : 29,7M) et 3,1 millions d’options (difficilement estimables). Il devrait toucher 12,5 millions de prime de départ puis 1 million par an de “retraite chapeau”.  Un patrimoine qui lui permet de faire partie des mécènes du scoutisme de France, ainsi que d’être l’heureux propriétaire du château de Gâtine, en Anjou. A côté de lui, François Fillon et son manoir font pâle figure.

L’affaire PanEuroLife, un non-lieu et des questions

Avec son prédécesseur chez AXA et père spirituel Claude Bébéar, ainsi que 40 autres prévenus, il passe la décennie 2000-2010 mis en examen, avec l’épée de Damoclès de la justice au-dessus de la tête. En cause, l’affaire dite “PanEuroLife”. Une société d’assurance-vie soupçonnée d’avoir été au centre d’un vaste réseau d’évasion fiscale et de blanchiment de la France vers le Luxembourg. Malgré tous les éléments à charge, le parquet et le juge d’instruction René Grouman ont décidé de plaider le non-lieu général. Dont acte.

Un autre monde

Cet article peut sembler totalement orienté, visant à décrédibiliser un homme formidable. Je le conçois. Ce n’est pas le cas. Il s’agit juste de présenter des faits qui dressent le portrait d’un homme sans aucun doute très compétent mais totalement coupé du monde réel. Quand on passe sa vie dans le luxe, les avions et les salons, et que l’on propose à l’opposé toujours plus d’austérité aux petites gens, c’est un moindre mal.

Matthieu Le Crom

 La page facebook de l’auteur : Perspicace

Crédits photos : Cette image, postée sur Flickr a été ajouté sur Wikimedia utilisant https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Flickr_upload_bot le 7 septembre 2009, par Zil. Elle est libre de droit selon les conditions de la licence : https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/. Tous les crédits et droits réservés sont attribués à MEDEF.