De Jaurès à Sanofi, la solution coopérative

Construction d’une grange par la communauté Amish aux Etats-Unis. @randyfath

À la suite de la crise du Covid, les appels à changer l’organisation générale de notre économie arrivent de toutes parts. Ces appels se divisent en deux catégories : soit ils préconisent le retour d’un État fort, soit ils se contentent de mesures cosmétiques sans s’attaquer à la racine du problème de l’entreprise, qui n’est autre que la recherche du profit à tout prix. Pourtant, tout attendre de l’État n’est pas la seule alternative possible. Comme le fit Jean Jaurès en son temps, on peut s’appuyer sur les coopératives pour instaurer une rupture majeure : la démocratie plutôt que le profit.


Nous faisons face à une triple crise. Une crise sociale, dont on se demande comment sortir : les inégalités sont exacerbées, les salariés précarisés, les entreprises délocalisées. Une crise sanitaire, dont l’idée d’une deuxième vague nous fait frémir : les médicaments sont importés, les soignants exténués, les hôpitaux délabrés. Une crise environnementale, dont les premiers effets se font déjà sentir : la nature est surexploitée, la biodiversité menacée, le climat déréglé.

Pourquoi ? Car toute action est jugée selon une même finalité : la rentabilité. Tant que cela rapporte davantage ou coûte moins cher, les conséquences sociales et environnementales ne comptent guère. D’où vient cette logique du profit à tout prix ? On en attribue généralement l’origine au « monde de l’entreprise ». Quoi de plus logique puisque les entreprises sont au cœur de nos sociétés ? La majorité des salariés y travaillent, les consommateurs achètent leurs produits et la fonction publique n’en finit pas de copier leurs méthodes.

L’entreprise : un concept économique, divers modèles juridiques

Ici, il est cependant nécessaire de faire une distinction entre l’économie et le droit. En économie, le concept d’entreprise désigne une organisation réalisant une activité économique de production d’un bien ou d’un service. En droit, l’entreprise n’existe pas en tant que telle [1]. Pour exister juridiquement, l’entreprise doit adopter l’un des multiples modèles juridiques reconnus par la loi : association, mutuelle, société civile d’exploitation agricole… pour une propriété privée ; société d’économie mixte, société publique locale, établissement public à caractère industriel et commercial… pour une propriété publique.

Pourtant, quand on pense au monde de l’entreprise, on le réduit généralement à un seul des modèles juridiques existants : la société de capitaux (Sanofi, Total, LVMH… pour les plus connues). En son sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui apportent des capitaux. Ce sont donc les actionnaires ou associés qui prennent les décisions stratégiques et élisent les dirigeants, selon le principe capitaliste « une action = une voix ». Puisque ces actionnaires attendent un retour sur investissement, les dirigeants sont élus d’après leurs capacités à rentabiliser les capitaux investis : l’activité, les salariés, les ressources naturelles ou encore le territoire d’implantation ne sont que des variables d’ajustement au service de la logique du profit. Du point de vue des salariés, la démocratie s’arrête donc aux portes de la société de capitaux. Jean Jaurès le formula d’ailleurs en ces termes : « La Révolution a fait du Français un roi dans la société et l’a laissé serf dans l’entreprise ».

Or, ce modèle juridique étant le modèle d’entreprise le plus répandu, il est le cœur de notre système économique. On comprend donc mieux pourquoi cette logique du profit s’est diffusée jusque dans les moindres recoins de notre société, au détriment de la démocratie. Pour transformer la société en profondeur, il est donc indispensable de remplacer ce cœur par un modèle productif alternatif. Pour identifier cette alternative, un petit détour par la pensée de Jaurès peut justement s’avérer utile. Ce dernier ne se limita pas à une simple critique de la société de capitaux, et défendit abondamment un modèle bien particulier : la coopérative.

La démocratisation par la coopération, pilier de la transformation pour Jaurès

Dès la fin du XIXe siècle, Jaurès s’impliqua dans plusieurs initiatives coopératives : la verrerie ouvrière d’Albi, la Boulangerie socialiste de Paris, la Bourse des coopératives socialistes…[2] A partir de ces expériences, il en déduisit que « le socialisme ne peut, sans danger, ou tout au moins sans dommage, négliger la coopération qui peut ajouter au bien-être immédiat des prolétaires, exercer leurs facultés d’organisation et d’administration et fournir, dans la société capitaliste elle-même, des ébauches de production collective » [3].

Jaurès finit même par reconnaître la coopérative comme étant l’un des piliers de la transformation de la société, au même titre que le syndicat et le parti : « Lorsque trois actions sont aussi essentielles que le sont l’action syndicale, l’action coopérative et l’action politique, il est vain de régler entre elles un ordre de cérémonie, il faut les utiliser toutes les trois au maximum » [4]. Dès lors, dans sa vision de la démocratie économique, Jaurès associait les travailleurs, mais aussi d’autres parties prenantes ayant un lien avec l’activité, actionnaires exceptés. La confrontation de ces points de vue divergents ne devait pas se limiter à une simple consultation, mais bien à l’implication de chacun dans la prise de décision.

La nécessaire confrontation de points de vue divergents

Ainsi, lorsqu’il prôna l’intervention directe de l’Etat, comme en 1912 à l’issue d’une nouvelle augmentation du cours du prix des céréales, il précisa : « Bien entendu, il ne faudra pas que ce pouvoir nouveau de l’État s’exerce bureaucratiquement. Des délégués des groupes de producteurs paysans et des consommateurs ouvriers interviendront dans la gestion, à côté des représentants directs de la nation tout entière et des hommes de science les plus qualifiés » [5]. Plutôt que d’imposer par en haut le prix des céréales, avec le risque qu’il soit déconnecté de la réalité, Jaurès concevait la confrontation de ces points de vue divergents dans un intérêt commun : la définition d’un prix juste, suffisamment rémunérateur pour les producteurs et relativement modéré pour les consommateurs, avec expertise scientifique à l’appui.

La confrontation de ces points de vue divergents avait enfin pour but d’éviter la concentration de pouvoirs dans les seules mains des dirigeants politiques. Car Jaurès était bien conscient des dangers inhérents au fait de « donner à quelques hommes une puissance auprès de laquelle celle des despotes d’Asie n’est rien » [6]. Or, encore aujourd’hui, on peut suivre Jaurès en s’inspirant du mouvement coopératif contemporain. Et ainsi instaurer de véritables ruptures dans l’organisation générale de la production et faire primer la démocratie sur la logique du profit.

En SCOP, la démocratie n’est pas une faiblesse, elle est une force

Prenons d’abord les 2300 Sociétés Coopératives et Participatives (SCOP) que compte notre pays [7]. La SCOP n’est pas une société de capitaux, mais une société de personnes. En son sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui apportent leur force de travail. Ce sont donc les salariés qui prennent les décisions stratégiques et élisent les dirigeants, selon le principe démocratique « une personne = une voix » [8]. La logique de l’entreprise s’en trouve redéfinie : le profit n’est plus une fin en soi, mais un moyen au service de l’activité et des emplois [9].

La pérennité des SCOP n’est plus à prouver : leur taux de survie à 5 ans est de 70%, contre 60% pour les sociétés de capitaux.

Serait-ce un non-sens économique ? Un modèle non soutenable ? Une fragile utopie ? Au contraire : d’une part, comme toute société commerciale, les SCOP sont soumises à l’impératif de viabilité économique. A l’inverse de nombreuses associations, c’est un gage de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. D’autre part, les salariés de SCOP sont amenés à devenir associés de l’entreprise, afin de détenir au minimum 51% du capital. A l’inverse de nombreuses sociétés de capitaux, c’est un gage de leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers. Surtout, la pérennité des SCOP n’est plus à prouver : leur taux de survie à 5 ans est de 70%, contre 60% pour les sociétés de capitaux [10].

Quelle est la source de cette résilience ? « La démocratie n’est pas une faiblesse, elle est une force » nous dit François Ruffin à propos des institutions politiques au temps de la crise du Covid [11]. Or, ce qui est vrai à propos de l’Etat l’est tout autant pour l’entreprise, même si les SCOP sont généralement plus proches de la démocratie représentative que de l’idéal autogestionnaire [12].

Cette démocratie est une force : elle favorise l’efficacité des décisions qui sont prises. En effet, puisque les dirigeants sont élus par les salariés, leurs décisions bénéficient d’une plus grande légitimité [13]. De plus, comme toute personne élue, ils doivent rendre des comptes auprès de leurs électeurs. Du point de vue des salariés, cette transparence facilite les échanges et la compréhension des enjeux associés à chaque décision [14]. Enfin, qui connaît mieux l’outil de travail que les salariés eux-mêmes ? La gouvernance partagée renforce donc la pertinence de décisions prises par rapport aux besoins et atouts de l’entreprise.

La démocratie est une force : elle favorise l’engagement des salariés. Boris Couilleau, dirigeant de Titi-Floris, une SCOP de plus de 1000 salariés spécialisée dans le transport de personnes en situation de handicap, le résume en ces termes « Quand on est locataire d’un logement, on n’en prend pas autant soin que lorsqu’on en est propriétaire. C’est le même mécanisme avec l’entreprise : quand on devient salarié associé d’une coopérative, on fait plus attention à son outil de travail, on s’implique davantage » [15]. Aussi, quand des difficultés économiques se présentent, les coopératrices et coopérateurs sont d’autant plus prêts à faire des efforts, pouvant aller jusqu’à une augmentation ou une baisse du temps de travail, une réduction des rémunérations, une réorganisation de l’activité… puisqu’ils savent que cela servira avant tout à maintenir à flot leur coopérative et leur emploi, et non à remplir les poches d’un actionnaire extérieur [16].

L’un des véhicules adaptés de la SCOP Titi-Floris. © Titi-Floris

La démocratie est une force : elle favorise la prudence en matière de gestion financière. Ainsi, les SCOP affectent en moyenne 45% des bénéfices réalisés à leurs réserves, 43% en participation à leurs salariés, contre seulement 12% en dividendes [17]. Cette répartition équilibrée du résultat est peu banale dans le monde de l’entreprise. Elle permet à ces coopératives de disposer de fonds propres importants, que ce soit pour faire face aux difficultés économiques ou pour investir sur le long terme. A titre de comparaison, Oxfam nous rappelle que les sociétés du CAC 40 affectent en moyenne à peine 27% des bénéfices en réinvestissement, seulement 5% aux salariés, contre 67% aux actionnaires [18].

La SCIC, modèle de démocratie sanitaire ?

La SCOP n’est pas l’unique forme juridique que peut prendre une coopérative. Les 900 Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (SCIC) que compte notre pays sont, comme les SCOP, des sociétés de personnes. En leur sein, le pouvoir est aux mains de celles et ceux qui participent de diverses manières à l’activité. Ce sont donc les salariés mais aussi des usagers, des bénévoles, des collectivités locales, des organisations du même secteur ou encore des représentants de l’Etat, qui peuvent coopérer au sein d’une gouvernance partagée [19]. La démocratie est toujours une force, puisque la confrontation de ces points de vue divergents, chère à Jaurès, se retrouve bel et bien au service d’un intérêt commun.

On peut prendre comme exemple le centre de santé parisien Richerand, sous forme de SCIC depuis 2018. Issu du syndicalisme des industries électriques et gazières, anciennement EDF-GDF, ce centre était initialement géré par la seule caisse des œuvres sociales des électriciens et gaziers (Ccas) [20]. Le modèle coopératif a alors rendu possible l’implication dans la prise de décisions des salariés (médecins, dentistes, infirmiers, employés…), de groupes hospitaliers partenaires (AP-HP, Fondation Ophtalmologique Rothschild, Diaconesses Croix Saint-Simon), de professionnels du secteur médico-social (Institut de victimologie, association Parcours d’exil), de la ville de Paris, mais aussi des patients, ce qui constitue l’innovation majeure de ce type de coopérative. En outre, comme pour une grande partie des SCIC existantes, la coopérative Richerand a fait le choix de placer l’intégralité de ses bénéfices en réserve, au profit du projet de santé et de sa pérennité [21].

Ce modèle de démocratie sanitaire devrait-il être reproduit ? C’est en tout cas la volonté qu’a récemment exprimée une grande diversité d’acteurs : à Grenoble, un collectif de salariés, d’usagers et de syndicats souhaitaient reprendre un groupe hospitalier en cours de privatisation en SCIC [22] ; dans les Côtes d’Armor, d’anciens salariés de l’une des dernières usines françaises de masques, fermée fin 2018, viennent de relancer leur activité sous forme de SCIC, avec le soutien de syndicats et de collectivités locales [23] ; dans Le Monde, une tribune prône la constitution d’un réseau de SCIC pour produire en France les principes actifs et médicaments nécessaires à notre souveraineté sanitaire [24] ; dans son dernier manifeste, Attac se demande même « Pourquoi ne pas transformer Air France, Renault et Airbus, et même la SNCF, EDF ou la Poste, en SCIC nationales ? » [25].

De Sanofi à l’hôpital public, une solution pertinente

Que ce soit en SCOP ou en SCIC, la coopération incarne donc une rupture avec la logique de la recherche illimitée du profit pour les actionnaires.

Imaginons alors une généralisation de cette rupture, qui ferait probablement la une des journaux : « A partir de 2021, le géant pharmaceutique Sanofi, comme l’ensemble des entreprises du CAC40, sera soumise à un contrôle démocratique de sa stratégie. Ce contrôle sera réalisé par des représentants de salariés mais aussi d’usagers, de professionnels de la santé, d’associations environnementales, de l’Etat… » Qui sait ce qui pourrait alors être décidé, par exemple à propos de la répartition des milliards de bénéfices que Sanofi réalise chaque année : Augmenter sensiblement la rémunération de ses salariés ? Investir massivement dans la recherche contre le coronavirus ? Dédommager décemment les victimes de la Dépakine [26] ou des rejets toxiques de son site de Mourenx [27] ?

Une généralisation du modèle de « la démocratie plutôt que le profit » répondrait à un besoin crucial pour l’hôpital public : mettre fin à la vision de l’hôpital-entreprise, dont la priorité n’est plus l’utilité sociale mais la rentabilité.

Car jusqu’à maintenant, la réalité fut bien différente : entre 2009 et 2016, 95% des 37 milliards d’euros de profit réalisé par Sanofi ont été versés aux actionnaires [28]. Et même en pleine crise du coronavirus, l’entreprise n’a pas eu trop de scrupules à annoncer qu’elle distribuerait encore plus de dividendes en 2020 qu’en 2019, pour un montant total de près de 4 milliards d’euros [29]. Ou encore qu’elle vendrait son vaccin contre le COVID-19 au pays le plus offrant, alors que 80% de son chiffre d’affaires est issu du remboursement des médicaments par la Sécurité Sociale française et qu’elle bénéficie chaque année de centaines de millions d’euros de subventions publiques, notamment à travers le Crédit d’impôt recherche et le CICE [30].

Par ailleurs, une généralisation du modèle de « la démocratie plutôt que le profit » répondrait à un besoin crucial pour l’hôpital public : mettre fin à la vision de l’hôpital-entreprise, dont la priorité n’est plus l’utilité sociale mais la rentabilité. De l’avis du personnel soignant, cette rupture passerait par un changement du mode de gouvernance actuel : remettre l’humain au cœur de la décision, comme ce fut le cas au plus fort de la crise du COVID-19 [31]. Concrètement, le pouvoir ne doit plus être aux mains des managers et administratifs comme c’est le cas depuis 2009, mais des personnels médicaux, paramédicaux et des usagers.

La coopération : une solution non suffisante mais plus qu’inspirante

Revenons-en au mouvement coopératif. Bien sûr, lui non plus n’est pas parfait et sa seule généralisation ne sera pas suffisante pour résoudre tous les maux de notre société. D’abord, derrière les modèles coopératifs se cachent une large diversité de pratiques et de progrès à réaliser pour nombre de coopératives : accélérer leur virage écologique, approfondir leur démocratie interne, s’éloigner des méthodes de management néolibérales… Ensuite, l’extension des principes coopératifs doit être complétée par d’autres mesures indispensables à la transition écologique : protectionnisme solidaire et écologique, contrôle démocratique du crédit, réduction de la consommation et du temps de travail… Enfin, il ne faut pas négliger les actions spécifiques à mener contre toutes les formes d’oppressions, liées au genre, à l’orientation sexuelle, à l’origine… qui ne se résoudront pas magiquement lorsque les questions économiques et écologiques auront été traitées.

Néanmoins, il est d’ores et déjà possible de s’inspirer des succès de la coopération pour transformer la société. Et ce, sans se limiter au secteur de la santé, puisque les SCOP et SCIC sont présentes dans tous les secteurs d’activité. Parmi tant d’autres, on peut citer les services avec le Groupe Up (SCOP), l’alimentation avec Grap (SCIC), la presse avec Alternatives Economiques (SCOP), l’énergie avec Enercoop (SCIC), l’industrie avec Acome (SCOP) ou encore le sport avec le club de foot du SC Bastia (SCIC).

Car sinon, quoi d’autre ?

Car sinon, quoi d’autre ? L’imitation de la cogestion à l’allemande ? Certes, la cogestion vise à instituer la parité dans la prise de décision entre actionnaires et salariés. Mais, à quoi bon impliquer les salariés si la logique du profit continue d’avoir un rôle clé ? Les coopératives prouvent qu’il est pourtant possible de subordonner intégralement cette logique à la pérennité de l’activité et d’intégrer à la gouvernance d’autres parties prenantes.

Le retour à une planification autoritaire et aux nationalisations ? Certes, la planification vise à fixer un cap ambitieux de transformation sociale. Mais, à quoi bon virer les actionnaires si les travailleurs et les citoyens restent soumis à une soi-disant élite éclairée ? Les coopératives prouvent qu’il est pourtant possible de changer la société de manière démocratique et au plus près des besoins, des aspirations et de la créativité de chacun.

Bref, les germes d’une nouvelle société, plus juste, soutenable et démocratique, ne demandent ni à être copiés depuis l’étranger, ni à être ressuscités depuis un modèle dépassé. Les germes coopératifs sont déjà présents et ne demandent qu’à être développés massivement.

[1] FAVEREAU, Olivier et EUVÉ, François. Réformer l’entreprise. Etudes, Août 2018

[2] DRAPERI, Jean-François. La république coopérative: théories et pratiques coopératives aux XIXe et XXe siècles. Larcier, 2012

[3] JAURES, Jean. Coopération et socialisme. La Dépêche de Toulouse, 24 juillet 1900, cité dans DUVERGER, Timothée. Jean Jaurès, apôtre de la coopération : l’économie sociale, une économie socialiste? La République de l’ESS, Juillet 2017 : https://ess.hypotheses.org/391

[4] GAUMONT, Jean. Au confluent de deux grandes idées, Jaurès coopérateur. F.N.C.C, 1959, cité dans DRAPERI (op. cit. 2012)

[5] CHATRIOT, Alain et FONTAINE, Marion. Contre la vie chère. Cahiers Jaurès. Société d’études jaurésiennes, Décembre 2008, Vol. N° 187-188

[6] DUVERGER (op. cit. 2017)

[7] CG SCOP. Chiffres clés 2019 : https://www.les-scop.coop/sites/fr/les-chiffres-cles/

[8] CG SCOP. Qu’est-ce qu’une Scop ? : https://www.les-scop.coop/sites/fr/les-scop/qu-est-ce-qu-une-scop.html

[9] CHARMETTANT Hervé, JUBAN Jean-Yves, MAGNE Nathalie et RENOU Yvan. La « sécuflexibilité » : au-delà des tensions entre flexibilité et sécurité de l’emploi, les sociétés coopératives et participatives (Scop)‪. Formation emploi, 2016, vol. 134

[10] Le service des études de la CG SCOP. Bilan chiffré 2019 : une progression régulière. Participer, Le magazine des Sociétés coopératives. Scopedit. Mai 2020

[11] RUFFIN, François. Leur folie, nos vies: la bataille de l’après. Les Liens qui Libèrent, 2020

[12] CHARMETTANT Hervé. Les Scop à « direction forte » : quelle place pour la démocratie ?. Centre de recherche en économie de Grenoble, HAL, 2017

[13] CHARMETTANT et al. (op cit, 2016)

[14] CHARMETTANT (op cit, 2017)

[15] Entretien réalisé par téléphone le 28 février 2019

[16] CHARMETTANT et al (op cit, 2016)

[17] Le service des études de la CG SCOP (op. cit. 2020)

[18] Oxfam France et Le Basic, CAC 40 : des profits sans partage, comment les grandes entreprises françaises alimentent la spirale des inégalités. [Rapport], 2018

[19] CG SCOP. Qu’est-ce qu’une Scic ? : http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/qu-est-ce-qu-une-scic.html

[20] MILESY, Jean-Philippe. La santé pour tous et par tous. Economie sociale, le nouvel élan solidaire. Hors-série Politis, Mars 2019

[21] Le projet de santé de la Coopérative – La Coopérative de Santé Richerand : http://richerand.fr/le-projet-de-sante/

[22] Clinique mutualiste : Éric Piolle appelle à reporter la vente. Place Gre’net : https://www.placegrenet.fr/2020/04/22/crise-sanitaire-eric-piolle-appelle-a-reporter-la-vente-de-la-clinique-mutualiste/291787

[23] Usine de masques dans les Côtes-d’Armor : où en est le projet porté par la Région ?  France 3 Bretagne : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/guingamp/usine-masques-cotes-armor-est-projet-porte-region-1845160.html

[24] « Créons un réseau de sociétés coopératives d’intérêt collectif pour produire les médicaments ». Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/10/creons-un-reseau-de-societes-cooperatives-d-interet-collectif-pour-produire-les-medicaments_6042341_3232.html

[25] ATTAC. Ce qui dépend de nous, manifeste pour une relocalisation écologique et solidaire. Les Liens qui Libèrent, 24 juin 2020

[26] Dépakine: Sanofi refuse d’indemniser les victimes. L’Express : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/depakine-sanofi-refuse-d-indemniser-les-victimes_2057667.html

[27] Sanofi ferme son usine à la pollution record. Politis.fr : http://www.politis.fr/articles/2018/07/sanofi-ferme-son-usine-a-la-pollution-record-39137/

[28] Oxfam (op. cit. 2018)

[29] Sanofi distribuera cette année un dividende un peu supérieur à l’an dernier. Boursorama : https://www.boursorama.com/bourse/actualites/sanofi-distribuera-cette-annee-un-dividende-un-peu-superieur-a-l-an-dernier-dea6baa9688fc6c117808079430dfa96

[30] Des élus français s’indignent que le vaccin à l’étude de Sanofi serve prioritairement les États-Unis. BFMTV : https://www.bfmtv.com/politique/des-elus-francais-s-indignent-que-le-vaccin-a-l-etude-de-sanofi-serve-prioritairement-les-etats-unis_AV-202005140061.html

[31] NAEBEL, Rachel. Comment transformer l’hôpital en bien commun, géré par les soignants et les usagers, non par les financiers. Basta ! : https://www.bastamag.net/Manif-soignants-hopital-Olivier-Veran-salaire-segur-de-la-sante-fermeture-de-lits

“Nous n’avons pas l’intention de devenir des bons capitalistes”, entretien avec Olivier Leberquier

Nous nous sommes entretenus avec Olivier Leberquier, le directeur général délégué de la coopérative Scop-Ti. Cette coopérative est née après 1336 jours de combat contre le géant Unilever. Elle constitue aujourd’hui un exemple pour les syndicalistes et travailleurs qui reprennent leurs entreprises en France, et noue des échanges avec des coopératives et sociétés autogérées à l’échelle de la planète.


LVSL: Pourriez-vous vous présenter, revenir sur votre parcours professionnel, vos engagements militants avant de devenir directeur général délégué de votre entreprise ?

Je suis l’ancien délégué syndical CGT de Fralib, toujours militant syndical et maintenant devenu directeur général délégué de Scop-Ti. Je suis sorti de l’école à 17 ans, aujourd’hui j’en ai bientôt 55. A l’époque on faisait encore le service militaire, j’ai eu trois ans d’activité mais à l’époque c’était compliqué d’être embauché tant qu’on n’avait pas fait son service, il fallait être dégagé de ses engagements militaires. J’ai fait pas mal de boulots notamment chez Fralib dans l’usine qui était au Havre et j’ai fait mon service militaire pour ensuite refaire des petites missions, et là j’ai découvert que des postes en CDI étaient ouverts en tant que technicien de maintenant chez Fralib au Havre.

J’ai donc postulé et été recruté en 1985, puis j’ai fait toute ma carrière chez Fralib. Je suis fils de militants syndicaux et politiques : mes parents sont tous les deux au Parti Communiste. Mon père a eu des mandats y compris dans la municipalité où j’ai grandi. Je suis issu d’une famille nombreuse, dans une maison très ouverte avec beaucoup de passages de militants. Quand j’étais adolescent, mon père m’avait dit de penser à me syndiquer quand je rentrerai sur le marché du travail. Il avait dit « tu verras, tu choisiras », c’est ce que j’ai fait.

Chez Fralib, je me suis syndiqué à la CGT, j’avais 22 ans, plein de passions, notamment une que j’ai dû mettre de côté depuis 2010 à cause du conflit, c’est le football. J’ai été joueur, entraîneur et j’ai fait ça toute ma vie à un niveau amateur. Connaissant le temps que prend un engagement militant, au tout début quand je me syndique, je n’ai pas l’intention d’être militant. C’est pour les valeurs que j’adhère mais à part quand il y avait des actions et que je suivais, je n’étais pas représentant car j’étais trop pris par le sport.

« À l’instant où j’ai obtenu mes premiers mandats syndicaux, après des élections où j’ai décidé de prendre des mandats en 1990-91, ma carrière s’est arrêtée en matière d’évolution professionnelle. »

Ensuite, j’ai commencé ma carrière professionnelle. Jusqu’à 28 ans, je suivais mais je n’avais pas vraiment d’activité. Tant que je suis resté dans ce cadre, mon évolution chez Fralib était normale, je suis passé d’opérateur à opérateur-mécanicien puis technicien. A l’instant où j’ai obtenu mes premiers mandats syndicaux, après des élections où j’ai décidé de prendre des mandats en 1990-91, ma carrière s’est arrêtée en matière d’évolution professionnelle. Il a fallu que j’attende une décision de justice en cassation en 2009 à la suite d’une procédure qui a duré plus de 6 ans, pour faire reconnaître devant la justice une discrimination syndicale dont je faisais objet. Unilever a fermé l’usine du Havre en 1998, un combat a été mené avec des relais médiatiques.

J’étais délégué syndical central puisqu’à l’époque Fralib c’était trois sites de production et un siège social à la Garenne-Colombes avec 400 personnes, le site de Marseille qui a bougé à Gémenos, un site à Poitiers et le site du Havre. En 1998, quand il y a ce projet de fermeture, on n’a pas gain de cause. Le projet était de fermer l’usine du Havre, mais comme une usine européenne de thé parfumé ouvrait à Gémenos, ils proposaient à 152 salariés du Havre un poste à Gémenos. On avait soit un poste identique soit un poste supérieur donc juridiquement, il n’était pas possible de s’opposer.

J’avais 35 ans, mon épouse travaillait à temps partiel, j’étais marqué au rouge de partout et me trouvais dans une situation où je risquais de rester très longtemps au chômage si je ne suivais pas à Marseille. Le nom de mes parents était marqué et mon nom s’était trouvé dans la presse à cause de l’action militante menée. La seule solution pour continuer à nourrir la famille était de descendre à Marseille. Je suis devenu délégué syndical du site. Pour compléter, j’ai eu des responsabilités au niveau de ma fédération dans l’agroalimentaire, à partir de 2000 j’ai été élu à la commission exécutive fédérale.

Fête de l’Humanité 2012, photo PATRICK GHERDOUSSI

LVSL: Vous parlez de l’adoption sur votre site d’un « changement de système social et de politique également perceptible dans la gestion de la production et de la qualité des biens proposés ». Vous mettez en avant des valeurs, une manière de produire et aussi le fait de rendre aux employés le pouvoir au sein de l’entreprise. Comment cela se traduit-il dans les faits ?

Il faut d’abord dire que ce n’est pas simple. C’est ce qu’on s’attache tous les jours à mettre en place. On était 182 salariés à l’annonce de la fermeture, au bout de 3 ans et demi on est resté 76 à lutter jusqu’au bout, il faut quand même une sacrée conscience de classe pour demeurer ainsi jusqu’au bout. Sur les 76, tout le monde avait la possibilité de rentrer dans le plan de la coopérative et 58 ont franchi le pas. Sur les 58, 46 avaient la volonté d’y être salarié un jour. On en a déjà salarié 43 dont 3 aujourd’hui sont retraités. Il y en a encore 3 à faire rentrer. L’ensemble des salariés de Scop-Ti sont devenus coopérateurs.

Pour autant, tous n’ont pas élevé leur conscience au même niveau, on est un collectif de salariés et quelques personnes viennent travailler à Scop-Ti comme s’ils venaient travailler pour Fralib. Notre premier organigramme est un cercle et non une pyramide comme cela est imposé partout. Le tour du cercle c’est l’assemblée des coopérateurs, qui est souveraine. Toutes les grandes décisions, politiques et stratégiques sont prises au niveau de l’assemblée des coopérateurs. Ensuite, une entreprise comme la nôtre vit tous les jours.

On a élu au conseil d’administration une direction de l’entreprise de 11 membres, ce qui demeure beaucoup. Pour être réactif au jour le jour, on a décidé de donner la mission à trois personnes de constituer un comité de pilotage pour prendre ensemble ou séparément des décisions utiles pour la Scop.

On priorise le dialogue avec les coopérateurs mais parfois ça n’est pas simple. Si on n’a pas eu le temps d’en parler, on en réfère aussitôt au conseil d’administration et à l’assemblée générale pour valider après coup les décisions prises. Pour l’instant, aucune décision n’a été invalidée après coup. Si jamais cela devait arriver, il s’agira de trouver une solution car les coopérateurs sont souverains. On n’a pas obtenu la marque Eléphant comme on le revendiquait, ce qui nous aurait fait tout de suite 450 tonnes d’activité pour démarrer.

Ainsi on aurait eu directement de l’activité. Notre entreprise produisait au plus fort 6 000 tonnes. On a donc dû créer notre propre marque, 1336; aujourd’hui, même si on est satisfait par la pénétration du marché de nos produits, ce n’est pas suffisant. Nous avons vendu 10 tonnes la première année, 25 la suivante et 35 l’année passée. On est très loin des 6 000 tonnes mais notre projet est de 500 tonnes à l’horizon 2019.

« Pour nous, la Scop idéale c’est que tout se passe sans qu’on vienne dire à qui que ce soit ce qu’il doit faire. »

Par la suite, on a proposé nos services à la grande distribution et à des marques qui n’ont pas de site industriel. On a signé des contrats avec Système U, Leclerc et Carrefour mais pour pouvoir travailler avec la grande distribution, il faut obtenir des certifications, notamment IFS. On a été certifié. Tous les ans on a des audits et on a été renouvelé chaque année donc il n’y a pas de problème à ce propos. En revanche administrativement, dans les documents demandés, il fallait absolument fournir un organigramme en pyramide avec des responsables. Cela nous posait un problème éthique.

Si on ne le faisait pas, on n’avait pas la certification. Je caricature à peine. On a répondu leur attente en faisant cette pyramide mais en mettant en haut de celle-ci l’assemblée des coopérateurs – ce qui répondait aux attentes. Dans les compétences qui me sont dévolues, j’ai les parties marketing, commerciale et gestion du personnel. Pour nous, la Scop idéale c’est que tout se passe sans qu’on vienne dire à qui que ce soit ce qu’il doit faire, le fait de donner des consignes. Chacun vient en sachant ce qu’il doit faire et c’est ainsi qu’on arrive à fonctionner dans pas mal de services, même si certains et certaines d’entre nous – on ne passe pas de 30 ans de travail dans une multinationale avec un système pyramidal où on nous impose ce qu’on doit faire à l’autonomie- ont besoin qu’on leur dise ce qu’ils doivent faire. Ici, il n’y a pas de hiérarchie.

Manifestation à Paris en 2012

LVSL: On a souvent l’image de coopératives qui ne vont pas être rentables, moins efficaces que des entreprises organisées suivant une forme classique, capitaliste. Comment prenez-vous en charge vos impératifs éthiques pour quand même parvenir à perdurer ?

Effectivement, on n’a pas une gestion capitaliste de l’entreprise et c’est pour ça qu’on n’est pas encore sortis d’affaire. On espère cette année trouver le point d’équilibre de l’entreprise, parce qu’il fallait tout reconstruire: si on avait eu la marque Eléphant ça aurait été beaucoup plus simple, les bénéfices venaient immédiatement. J’espère qu’un jour on se posera la question de la répartition des bénéfices. Le capital versé par les coopérateurs n’est pas rémunéré, il n’y aura ni rentier ni actionnaire chez nous. 50% en répartition participation aux bénéfices, 35% en investissement et 15% en réserve pour la société.

On n’a pas une gestion capitaliste car quand on est sorti du conflit en 2014, il y avait des choses administratives à régler et en 2014 dans notre région, un certain nombre d’institutions sont passées à droite, ce qui a créé des difficultés. L’ancienne majorité tant à la métropole qu’à la région soutenait notre projet. Le bâtiment et les terrains avaient été rachetés par la métropole pendant la lutte et l’outil industriel leur avait été cédé pour un euro symbolique. Elle devait nous les rétrocéder. Lors de la sortie du conflit avec Unilever en 2014, on espérait reprendre vite l’activité mais elle n’a pu reprendre qu’en 2015 avec une vente des produits au mois de septembre.

Si on avait eu une gestion capitaliste, la sagesse capitaliste aurait été de dire qu’on démarre et qu’on ne fait rentrer des salariés que lorsqu’il y a une activité lucrative. Du boulot pour remettre en état il y en avait. Collectivement, on a décidé qu’il n’était pas question de laisser un copain ou une copine sur le bord de la route. Des projets de reclassement ont été posés et on les a fait rentrer, notamment les plus jeunes en mai 2015 car ils avaient moins de droits et qu’on voulait les faire rentrer avant qu’ils ne les perdent. Aucune activité lucrative n’était en place dans la Scop. Aucune entreprise capitaliste ne l’aurait fait de cette manière car ils auraient attendu que de l’argent rentre.

« On nous dit qu’on serait des mauvais capitalistes mais ça tombe bien car nous n’avons pas l’intention de devenir des bons capitalistes. On le prend comme un compliment! »

Le souci c’est que quand on discute avec des instances, on nous dit qu’on serait des mauvais capitalistes, mais ça tombe bien car nous n’avons pas l’intention de devenir des bons capitalistes. On le prend comme un compliment! Le fait de mettre des hommes et des femmes en avant fait qu’aujourd’hui, économiquement c’est dur, mais si c’était à refaire, nous prendrions les mêmes décisions. Il n’est pas question qu’un combat collectif, mené et gagné ensemble vienne créer des divisions.

On continue à avancer ainsi avec les difficultés que cela implique. Pour l’avenir je suis assez optimiste. Si on avait pas cru en nous, on ne serait plus là, on a toujours trouvé des solutions. L’évolution de la Scop est positive. On a cependant une incertitude car les banques ne suivent pas. Est-ce qu’on ne coincera pas avec la trésorerie qui ne pourrait plus suivre notre montée en puissance ? On a quadruplé le chiffre d’affaires entre 2015 et 2016, on l’a augmenté de 63% en 2017, on l’augmentera de toute façon en 2018 car de nouveaux marchés sont arrivés. La seule incertitude concerne donc la trésorerie car l’arrivée de nouveaux marchés est source de besoins de trésorerie et il faut gérer ces démarrages de nouveaux circuits. Les banques ne nous aident pas, c’est pour cela que nous avons lancé la campagne de socio-financement, en juillet 2017.

Pour revenir à la question initiale, je pense que les coopératives ne sont pas moins rentables. Si on refait l’interview dans deux ou trois ans, quand nous aurons passé ces étapes, des bénéfices vont se faire et on pourra faire beaucoup plus au niveau de l’entreprise que ce qu’on faisait avec Fralib car nous, la grosse différence, c’est qu’on n’aura pas d’actionnaires à gaver et donc l’ensemble des résultats vont demeurer dans l’entreprise. Ça sera une réussite et j’ai hâte de discuter de la répartition avec les membres du collectif.

Certains ou certaines voudront peut-être faire bouger les choses et on aura des débats intéressants. On portera aussi le résultat de l’entreprise pour alléger les charges de travail des coopérateurs, créer de nouveaux emplois et dégager du temps de travail. On a développé avec la lutte des Fralib tout un pan culturel avec des films, notre groupe de musique, notre troupe de théâtre qui tourne. Il faut que cela prenne sa place dans la coopérative. Selon nous, l’usine ce n’est pas uniquement l’endroit où on vient travailler et chercher un salaire. Ça doit aussi être un lieu d’émancipation et la culture a toute sa place dans l’usine.

LVSL: Le sociologue Maxime Quijoux a beaucoup travaillé sur les reprises d’entreprises qui se constituent en coopératives en Argentine. Elles ont eu lieu au début des années 2000 donc il dispose d’un certain recul pour ses travaux. Il évoque une « routinisation des pratiques ». Les personnes les moins politisées se sont prises au jeu de la coopérative mais l’attention portée aux assemblées diminue, on a une lassitude, un manque de temps pour ces pratiques. Avez-vous constaté ça ?

En janvier 2014, quand on occupait l’usine, on avait organisé avec l’association Provence-Amérique Latine de Marseille une rencontre, de même que les premières rencontres internationales des usines autogérées. On avait vu des Brésiliens, des Italiens, une douzaine de nationalités étaient représentées. On a pu échanger à propos de la vague des hôtels récupérés en Argentine notamment. Concernant le risque de routinisation, c’est un souci que nous avons en permanence. Parfois on me demande si ça a été compliqué de passer de délégué syndical à directeur général.

Je réponds toujours que non car la Scop continue à se gérer de la même manière que le conflit s’est passé ou de la même manière qu’on concevait les relations syndicales avant. Le problème qu’on a eu, c’est que quand on occupait l’usine on a été parfois 24h/24 ici et ensemble. On mangeait ensemble, on gardait l’usine ensemble. On faisait parfois deux ou trois assemblées générales dans la même semaine. L’échange était permanent.

On essaye maintenant de le faire de la même manière sauf que l’activité a repris et qu’il faut travailler. La cohabitation du débat collectif et de l’activité est complexe. Les échanges peuvent parfois être tendus : on a mis 9 mois à déterminer la politique salariale de la Scop. Certains coopérateurs ne vont pas ou plus aux réunions, n’osent pas prendre la parole car ils ont senti que ce qu’ils disaient n’était pas retenu. Je réussis à m’exprimer devant des personnes et ne vis pas la contradiction comme un échec mais cela n’est pas le cas de tout le monde, surtout que cela peut être vécu comme une humiliation.

Il faut veiller à cela pour que le débat collectif perdure. Plus de 40 personnes sur 58 viennent à chaque assemblée. En ce moment, on constate un léger déclin de participation mais je comprends ce constat car nous sommes encore une jeune coopérative. Il faut faire en sorte de trouver des outils et de ne pas se contenter de l’assemblée des coopérateurs pour que vive le débat. Tout le monde n’est pas égal concernant les prises de parole. Il faut trouver des espaces et moyens de communications sans que cela passe par l’assemblée. Cela peut notamment se passer via des mails sur internet ou des sms. On communique pour que tout le monde soit à tout moment au même niveau d’information, et aussi dans des espaces informels comme à côté de la machine à café.

Réunion du Comité Européen

LVSL: Avez-vous des liens avec d’autres coopératives ? Avez-vous été approché par des entreprises ou des syndicalistes qui voulaient transformer des entreprises en coopératives ?

L’exemple le plus emblématique est celui de la Fabrique du Sud à Carcassonne. Ils disent que s’il n’y avait pas eu les Fralib, ils n’auraient pas mené leur lutte alors qu’ils ont subi la même chose que nous un an et demi après. En juillet 2012, ils se sont rapprochés de nous et sont sortis du conflit un an avant nous. Ils ont donc mis le projet de coopérative que nous portions en pratique, un an avant nous ! Ils sont moins nombreux et font de la glace artisanale, c’est La Belle Aude. L’exemple qu’on a pu donner leur a servi. On a toujours des contacts avec eux, on essaye de se coordonner. A l’internationale, on a des contacts avec les usines autogérées. En France, comme à l’étranger, on est en lien avec des structures, pas nécessairement coopératives, mais qui pratiquent l’autogestion.

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Non merci patron ! Ils sont salariés, indépendants ou agriculteurs et ils ont décidé de se regrouper en coopérative. Le plus souvent suite à un conflit ouvert avec leurs employeurs, acheteurs ou fournisseurs notamment de plateformes prétendument collaboratives à la Uber et cie : fermetures de sites et licenciements, politique de prix tyrannique, conditions de travail déplorables, etc. En devenant copropriétaires de l’outil de travail, ils deviennent pleinement souverains dans l’entreprise. Quoi produire ? Comment ? C’est désormais à eux qu’il revient d’en décider. Un vrai processus d’émancipation et beaucoup d’obstacles. Plongée dans le monde des coopérateurs. 

 

La coopérative comme alternative aux licenciements boursiers

 

Des ouvriers de Scop TI devant la figure du Che au-dessus duquel la phrase « on ne lâche rien » domine discrètement, immortalisés par Vincent LUCAS pour Là-bas si j’y suis en 2015

1336 n’est pas une marque de thé comme les autres. Et son nom en dit long : 1336, c’est le nombre de jours qu’a duré la mobilisation des salariés de Fralib contre la fermeture de leur usine à Géménos (Bouches-du-Rhône) décidée par la multinationale Unilever, alors propriétaire de Fralib. Presque 4 ans de bras de fer avec la direction, d’actions devant les tribunaux, d’occupations d’usine, d’interpellations des pouvoirs publics pour empêcher que la multinationale britannique ne ferme le site pourtant en bonne santé pour délocaliser la production de la marque Elephant en Pologne. Les ex-Fralib obtiennent finalement de pouvoir reprendre leur usine en SCOP : c’est la naissance de Scop-TI en 2014. En devenant les copropriétaires des moyens de production, les ouvriers ont gagné la souveraineté sur la production : c’est ainsi qu’ils ont pris la décision –  collectivement et démocratiquement soit dit en passant – de produire des thés et infusions natures ou avec des arômes 100% naturels. L’histoire des ouvriers de la glacerie « La Belle Aude » à Carcassonne, est à peu près similaire. La fermeture de la fabrique de glaces annoncée, les ouvriers entrent en lutte pour sauver leur outil de production et finiront par reprendre l’entreprise en SCOP. Les ouvriers, désormais copropriétaires de leur outil de travail, ont ainsi pu « réinventer leur métier » c’est-à-dire « faire des glaces autrement avec des produits simples, naturels, issus de productions locales, responsables. » « Vive la lutte des glaces ! » peut-on lire sur leur site.

 

Petits producteurs et « consommateurs » en lutte contre la grande distribution et l’agro-business

 

Le modèle coopératif convainc également de petits producteurs et certains « consommateurs » finaux. Au pays basque, dans la vallée des Aldudes, une centaine de producteurs de lait de brebis et de vache, excédés par les prix pratiqués par les grands groupes industriels du lait auxquels ils vendaient leur production, se sont regroupés en coopérative et ont par la suite décidé de créer leur propre fromagerie artisanale. A Colmar, ce sont aussi 35 agriculteurs qui se sont constitués en SCOP pour racheter un supermarché de l’enseigne Lidl. Le supermarché Cœur Paysan a ainsi vu le jour, permettant aux agriculteurs coopérateurs de vendre directement leurs produits aux consommateurs finaux. Plusieurs supermarchés coopératifs d’un genre nouveau ont également ouvert ces derniers temps comme La Cagette qui a été inaugurée le 6 septembre dernier à Montpellier. La Cagette, d’abord constituée en association, s’est par la suite transformée en entreprise coopérative afin de reprendre un Spar en liquidation judiciaire.  Pour pouvoir y faire ses emplettes, il faut être membre de la coopérative en achetant 10 parts sociales à 10 euros et participer à une réunion d’accueil. Toutes les décisions sont prises collectivement par les coopérateurs selon le principe « une personne, une voix » et ce, quel que soit le nombre de parts sociales. Au total, on compte une vingtaine de supermarchés coopératifs de ce genre comme La Louve à Paris ouvert en novembre 2016,  SuperQuinquin à Lille, Demain à Lyon, La Chouette à Toulouse ou Supercoop à Bordeaux. La différence avec des coopératives de consommateurs plus connues comme Système U ou Biocoop ? « La Louve » et ses émules ne sont pas des entreprises à but lucratif.

Façade du supermarché coopératif La Cagette, à Montpellier. ©Benjamin Polge pour LVSL

Et si le « produire et consommer autrement », formule creuse et typique de la langue de bois de notre époque, passait tout simplement par le dépassement de la propriété lucrative des moyens de production et d’échange ? Le socialisme en somme. Dépasser le capitalisme plutôt que de tenter vainement de le réformer, de le moraliser ou de le « verdir ». Le « développement durable », nouveau nom sympathique donné au capitalisme, n’est-il pas au fond une chimère ? Aussi, les combats contre le « court-termisme », la course à la rentabilité, la standardisation du goût, la tyrannie des prix, le chômage ou le tout-chimique sont embrassés par la lutte fondamentale contre le mode de production capitaliste qui engendre de tels phénomènes.  En y regardant de plus près, c’est bien le point de départ et d’arrivée de ces expériences de coopératives.

 

Face à l’ubérisation, les travailleurs indépendants s’organisent

 

L’exploitation capitaliste a plusieurs visages : ce n’est pas seulement la multinationale, donneuse d’ordres de sous-traitants qui exploitent toujours davantage les salariés en bout de chaîne. Ainsi, pour le sociologue et économiste Bernard Friot, le travailleur indépendant est le plus exploité des travailleurs. Parce que, sur le marché des biens et des services, il est toujours à la merci des groupes capitalistes, qu’il s’agisse de ses prêteurs, de ses fournisseurs (de plateformes prétendument collaboratives notamment) ou de ses acheteurs.  Pour le spécialiste du salariat, le contrat de travail doit être considéré comme une grande conquête des travailleurs organisés (CGT, SFIO puis PCF) des XIXème et XXème siècles puisqu’il reconnaît enfin les travailleurs comme producteurs alors qu’ils étaient jusqu’ici invisibilisés et considérés comme des « mineurs économiques », de simples êtres de besoin, et parce que les capitalistes donneurs d’ordre se sont vus imposer le statut d’employeur.

Un statut d’employeur que ces derniers ont toujours combattu, lui préférant le statut éminemment plus confortable de rentier. D’où la destruction du code du travail par « réformes » successives et l’ubérisation qui se propage dans tous les secteurs. Concrètement, « le statut d’employeur signifie que le capitaliste va devoir respecter un certain nombre droits construits par les travailleurs eux-mêmes. 3 types de droits : règles d’embauche, de licenciements et de conditions de travail, salaire à la qualification, cotisation au régime général construit par Croisat en 1946 ». Et le professeur émérite de Paris X – Nanterre d’ajouter : « ces trois éléments de l’emploi sont combattus en permanence par le capital qui tente de restaurer le travail indépendant et la sous-traitance de travailleurs redevenus invisibles [ndlr, le marchandage du 19ème siècle] : remplacement du code du travail par le « dialogue social » dans les PME […]. » L’ubérisation s’inscrit bien dans ce grand retour en arrière : Uber n’a rien de nouveau, « c’est le capitalisme tel qu’il existe au 19ème siècle : surtout pas employeur, rentier ».

Certes, l’emploi ne peut en aucun cas être considéré comme l’aboutissement de la lutte pour le travail émancipé : « le contrat de travail commence à alléger la subordination tout en la maintenant. »  C’est donc bien vers une sortie de l’emploi qu’il conviendrait de s’acheminer mais l’« ubérisation », l’une des formes de l’infra-emploi, est en quelque sorte une sortie de l’emploi « par le bas », réactionnaire, un retour aux relations sociales d’avant les luttes pour un statut du travailleur. Certains travailleurs « ubérisés » en lutte contre ces rentiers 2.0 qui les exploitent sont en train de construire la « sortie par le haut » de l’emploi en mettant en place des plateformes cette fois-ci réellement coopératives. Ce sont par exemple Coopcycle et les Coursiers Bordelais qui, dans le sillage de la lutte des livreurs contre Deliveroo, lancent des plateformes pour les livreurs sous la forme de coopératives.  En janvier, sera lancée l’application Rox, une plateforme pour chauffeurs VTC qui ne prélèvera aucune commission autre que les frais nécessaires au bon fonctionnement de l’application et un don reversé à des associations tels que les Restaurants du cœur. « Rox sera constituée en association à but lucratif mais plus tard, les travailleurs pourront s’organiser indépendamment pour monter une coopérative autour d’un outil de travail neutre. » nous a expliqué l’un des 5 concepteurs de Rox âgés de 26 à 32 ans. On peut également citer Coopaname comptant 850 membres et presque autant de sphères professionnelles allant de la bergère au comptable en passant par le boulanger ou la publicitaire ; une coopérative d’activité et d’emploi qui attire « beaucoup d’abimés du management contemporain » comme l’a expliqué Pascal Hayter, « coopanamien » depuis 2009 au journal L’Humanité. On encore Lapin blanc, la première plateforme de marché digitale française en coopérative par et pour les créateurs indépendants, lancée 3 ans après la fermeture d’A Little Market et d’A Little Mercerie par la multinationale états-unienne Etsy, le « premier plan social de l’ubérisation » selon les mots de ces nouveaux coopérateurs qui ont accepté de répondre à nos questions dans un entretien à paraître prochainement sur notre site.

 

Le parcours semé d’embuches des coopérateurs

 

A l’instar des initiateurs de Coopcycle, les coopérateurs se heurtent notamment à l’épineuse question de la « propriété intellectuelle » privée, véritable cheval de Troie des grands groupes capitalistes dans de nombreux domaines. La licence libre et l’open source ne constituent pas pour autant une alternative satisfaisante aux yeux des concepteurs de Coopcycle puisqu’ils ne permettent aucune mutualisation de la valeur afin de rémunérer le travail et les GAFA et autres groupes capitalistes peuvent tout à fait s’approprier ce travail et l’utiliser dans un but lucratif : « c’est institutionnaliser une exploitation sans limite de ce travail qui n’est pas reconnu comme travail » selon Alexandre Segura de Coopcycle.

Il n’est donc pas étonnant que l’on compte parmi les défenseurs de la licence libre, certains ultras du libéralisme économique tendance libertarienne qui n’ont bien entendu aucune velléité anticapitaliste. Il existe cependant d’autres partisans de la licence libre qui, bien conscients de ses limites, militent pour une « copy hard left », la « licence à réciprocité » qui pose comme principe que « le logiciel ne peut être utilisé commercialement que dans le cadre d’une entreprise collective appartenant à ses travailleurs, dans laquelle tous les gains financiers sont répartis équitablement ». C’est sans doute à ces derniers que pense Bill Gates lorsqu’il qualifie avec effroi les partisans du logiciel libre de « communistes au goût du jour ». C’est en tout cas avec ces communistes new look que Coopcycle travaille à l’élaboration de sa plateforme. La législation est avant tout conçue par et pour le capitalisme. Et la justice suit bien souvent le pas. Les ouvriers d’Ecopla se sont par exemple vu refuser leur dossier pourtant solide de reprise en SCOP de l’usine par le Tribunal de Commerce de Grenoble, qui a préféré céder l’entreprise à un repreneur qui licenciera tout le monde.  Le gouvernement peut à l’occasion s’en mêler et intervenir directement dans certains dossiers : on se souvient du non catégorique et purement idéologique du premier ministre Pierre Messmer à la reprise en coopérative par les ouvriers Lipp dans les années 70.

Une superstructure juridique, judiciaire et politique plutôt hostile donc. A vrai dire, le « marché » n’est pas non plus d’une grande tendresse pour les coopératives. Le papetier UPM n’a par exemple pas hésité à saboter les machines de son usine de Docelles (Vosges), la plus ancienne papeterie d’Europe, destinée à la fermeture afin d’empêcher le projet de reprise du site en coopérative par les ouvriers restés sur le carreau. Les grands industriels du lait avaient quant à eux tout tenté pour faire capoter l’ouverture de la fromagerie des coopérateurs de la vallée des Aldudes en les menaçant de ne plus leur acheter de lait du tout à moins qu’ils ne quittent la coopérative pour signer des contrats individuels avec eux. Tout cela à deux semaines de la campagne annuelle de collecte du lait. Faire pression et diviser pour mieux régner. Seuls treize producteurs ont finalement cédé face à Lactalis et consorts. Malgré les manœuvres de l’agro-business, la fromagerie a bien vu le jour et aujourd’hui, son défi principal est de se pérenniser. Même combat pour les coopérateurs de ScopTI.

Aussi, les coopérateurs se heurtent à une pensée dominante fortement ancrée qui « valorise les solutions individuelles » et qui « ne conçoit pas que l’on puisse consacrer une partie de son temps à un projet collectif » comme nous l’ont confié les coopérateurs de Lapin blanc. Un immense travail de conviction auprès de leurs confrères quant au bien-fondé de leur initiative attendait les futurs coopérateurs.

 

Faire front pour émanciper le travail

 

Les luttes des fonctionnaires, des contractuels du secteur public, des chauffeurs de VTC, des chauffeurs de taxis, des intermittents du spectacle, des travailleurs sans papier, des chômeurs, des retraités, des intérimaires, des salariés du privé, des indépendants, des associations de consommateurs, etc. ne s’opposent pas les unes aux autres. Le dénominateur commun de tous ces combats est la lutte ô combien inégale pour la souveraineté du travail dans la production contre la tyrannie du capital. C’est l’aspiration commune au travail non aliéné et non exploité pour tous quand bien même celle-ci n’est pas revendiquée telle quelle. Le patronat joue depuis toujours la division des travailleurs pour mieux régner. Ses porte-voix officiels et officieux n’ont de cesse de pointer du doigt les travailleurs en CDI et – pis encore – les fonctionnaires comme d’affreux privilégiés. Ils ne se privent pas non plus de rabrouer les chômeurs enclins, selon eux, à « l’assistanat », à la fainéantise et au caprice. C’est toute l’ineptie du discours sur les « outsiders » contre les « insiders ». Une dangereuse ineptie tant elle monte les travailleurs les uns contre les autres. Au passage, rappelons à toute fin utile que l’extrême-droite, vrai méchant utile du capitalisme, n’est pas en reste en la matière puisqu’elle plaide pour que ce soit aussi sur la base de la nationalité, des origines ethniques, etc. que la division du camp du travail au profit du capital s’opère. Aussi, le salaire à la qualification et l’ébauche d’un salaire à vie (fonctionnariat) sont aux yeux des libéraux d’abominables privilèges à abolir au nom du progrès alors que c’est précisément leur généralisation qui s’inscrirait dans le sens du progrès.

Le 20 septembre, dans la salle Ambroise Croizat de la Bourse du Travail de Paris, Coopcycle organisait la conférence « impasse de l’ubérisation : quelles solutions ? » avec la participation d’autres coopérateurs, de représentants syndicaux ( CGT, Solidaires) et politiques (FI, PCF), du Collectif des Livreurs Autonomes Parisiens (CLAP) et de Bernard Friot du Réseau Salariat. MARCO PHOTOGRAPHIE

Dans cette lutte continue pour le travail émancipé, la question de la propriété des moyens de production est centrale et les coopérateurs mènent là un combat d’avant-garde. Cependant, ces coopératives ne peuvent pas rester des ilots isolés de travail émancipé dans un océan de monopoles et d’oligopoles capitalistes. Certaines coopératives, notamment agricoles, ont parfois un siècle d’existence comme La Bretonne et pourtant, le mode de production capitaliste est plus que jamais hégémonique et la grande masse des travailleurs y reste enchaînée. Il convient alors de retrouver le chemin d’un front commun pour l’émancipation du travail et c’est notamment ce à quoi s’emploient certains acteurs des luttes coopératives. Coopcycle a par exemple lancé un cycle de conférences à Paris. Le 20 septembre, dans la salle Ambroise Croizat de la Bourse du Travail de Paris, la première de la série réunissait autour de la question « impasse de l’ubérisation : quelles solutions ? » d’autres acteurs coopérateurs (Coopaname, SMart (Belgique), le Collectif des Livreurs Autonomes de Paris (CLAP) mais aussi des représentants syndicaux (Confédération Générale du Travail (CGT) et Solidaires) des représentants politiques (Parti Communiste Français et France Insoumise) et l’association d’éducation populaire Réseau Salariat représentée par Bernard Friot.

 

Pour aller plus loin :

Article de l’Humanité consacré à Coopaname (février 2017) :

https://www.humanite.fr/uberisation-des-cooperateurs-entreprenants-plutot-que-des-autoentrepreneurs-631729

Article du collectif Les économistes atterrés sur le cas de la papeterie de Docelles, « la destruction du capital est l’œuvre du capital » (octobre 2017) :

https://blogs.mediapart.fr/les-economistes-atterres/blog/271017/la-destruction-du-capital-est-l-oeuvre-du-capital

Entretien de Bernard Friot dans la revue Ballast, « nous n’avons besoin ni d’employeurs ni d’actionnaires pour produire »  (septembre 2015) :

https://www.revue-ballast.fr/bernard-friot/

Podcast de la conférence organisée par Coopcycle « impasse de l’ubérisation : quelles solutions ? » captée par Radio parleur (septembre 2017) :

https://www.radioparleur.net/single-post/bernard-friot-uber

NB : les citations de Bernard Friot de Réseau Salariat et d’Alexandre Segura de Coopcycle présentes dans cet article sont extraites de cette conférence.