Dans le sport professionnel, le long chemin des femmes vers l’égalité salariale

© Mattlee

Si les femmes sont de plus en plus intégrées dans l’espace sportif moderne, une question symbolise toujours la frilosité des institutions sportives face à cette féminisation de leur espace : les inégalités salariales. Ciblant leur communication autour de l’égalité des genres, ces acteurs majeurs du monde sportif – fédérations, ligues, ministères, marques – peinent pourtant à accepter une égalité de rémunérations entre sportives et sportifs. En cause, une entreprise d’amélioration de leur image au détriment d’une réelle volonté politique de modification structurelle de l’économie du sport. Face à cet immobilisme, déconstruire les mythes de justification des inégalités salariales est une nécessité.

En juin dernier, sont apparues pour la première fois depuis 2016 deux femmes – Naomi Osaka et Serena Williams – dans le célèbre classement Forbes des 100 athlètes les mieux rémunérés du monde. Une exception donc, qui traduit toutefois une double réalité. Si les inégalités salariales entre femmes et hommes dans le sport professionnel sont encore et toujours abyssales, les deux tenniswomen bénéficient d’un privilège (sic) propre à leur discipline : une quasi-équité des « prize money » (primes de victoires) sur les tournois du Grand Chelem et des Masters 1000. Une particularité tennistique déjà quarantenaire puisque le tournoi new-yorkais de l’US Open avait décidé d’attribuer les mêmes gains aux joueuses et aux joueurs dès 1973.

Fortes de l’exemple du tennis, plusieurs disciplines ont franchi le pas ces dernières années dont le patinage de vitesse, le beach-volley et plus récemment le surf. Des disciplines cependant peu médiatisées et pratiquées sans influence sur les sports les plus populaires, le football et le rugby en tête, peu enclins à modifier leurs modèles économiques. 

Gros titres en une du New York Times après la décision d’égalité des primes pour le tournoi de l’US Open en 1973 ©nytimes.com

Des inégalités de rémunération globales

Dans ces sports, largement pratiqués et ancrés dans la culture française, les écarts de salaires restent éloquents. À titre d’exemple, une joueuse de Ligue Féminine de Basketball touche en moyenne 3,3 fois moins que ses homologues masculins (3 700 euros par mois contre 12 100), selon les chiffres récoltés entre 2016 et 2018. Pour le football, les différences sont encore plus marquées puisqu’un joueur touchant en moyenne 94 000 par mois (Ligue 1) voit son homologue féminine percevoir 37 fois moins, soit 2 500 euros environ – statistique n’englobant pourtant que les 60 % des joueuses les mieux loties de première division, celles disposant d’un contrat fédéral. Au rugby, cette problématique d’amateurisme accentue encore les disparités entre femmes et hommes : quand un joueur de TOP 14 gagne en moyenne 20 000 euros par mois, les joueuses de première division sont toutes amatrices – seuls quelques clubs aux plus gros budgets leur versent de modestes primes de match. La Fédération Française de Rugby, souhaitant sauver les apparences, a ainsi proposé depuis deux ans à « une trentaine de joueuses des contrats fédéraux semi-professionnels à hauteur de  2 000 euros mensuels en moyenne » selon Laura Di Muzio, capitaine du Lille Métropole RC Villeneuvois et ancienne joueuse du XV de France, interviewée par téléphone. 

Un joueur de Ligue 1, qui touche en moyenne 94 000 euros bruts par mois, voit ses homologues féminines de première division percevoir 37 fois moins, soit 2 500 euros environ.

Un constat préoccupant qui ne serait pas tout à fait exact si l’on omettait les autres sources de revenus pour les athlètes de niveau mondial. S’ajoutent au salaire des clubs les primes de sélections nationales et les contrats publicitaires pour une élite masculine et une poignée de joueuses. Des sources de revenus annexes qui, par leur provenance, renforcent souvent les écarts de rémunérations entre femmes et hommes. Ainsi, les disparités impliquées par les primes des fédérations nationales viennent s’ajouter à celles préexistantes dans les clubs : quand chacun des joueurs de l’Équipe de France vainqueur au Mondial 2018 a touché 400 000 euros de primes, celles prévues en cas de sacre de la sélection féminine étaient dix fois moins importantes, tournant autour des 40 000 euros. Un écart appliquant « un principe d’égalité » selon Brigitte Henriques, n°2 de la Fédération Française de Football, car corrélé à l’écart des dotations de la FIFA pour les Mondiaux féminins (30 Millions d’euros) et masculins (400 Millions d’euros).

Pourtant, les fédérations norvégiennes (2017), néo-zélandaises (2018), australiennes (2019), brésiliennes et anglaises (2020) ont choisi de compenser ces dotations inégales de la FIFA en attribuant le « même montant pour les primes et les indemnités journalières aux femmes et aux hommes ». Un exemple de volontarisme politique efficace et concret renvoyant aux oubliettes la lubie française du « principe de répartition corrélé à une réalité économique ». Une subtile manière de réintroduire l’increvable refrain néolibéral : les femmes générant moins de retombées économiques devraient légitimement moins percevoir de revenus. 

Pourtant, même lorsque les retombées sont supérieures chez les sportives, les rémunérations restent inférieures, déconstruisant l’argument économique précédemment cité. L’exemple des footballeuses américaines est ici le plus marquant. Elles attirent de plus grosses audiences que les hommes lors de leurs rencontres, connaissent des résultats sportifs bien meilleurs – Championnes du monde en titre –, mais les joueuses de Team USA, Megan Rapinoe en tête, ont vu leur combat pour l’égalité des primes en sélection nationale débouté par la justice californienne en mai 2020. 

L’économie de marché amplifie les écarts de revenus

Dans la même logique économique se situe la marchandisation de l’image des athlètes par le sponsoring, qui entraîne une concentration toujours plus importante des capitaux privés vers une poignée d’athlètes masculins. Grâce à la privatisation des revenus du sport et à la financiarisation des institutions sportives, le modèle économique sportif se complait dans un immobilisme stratégique d’hyperinflation, ne profitant que très peu au sport amateur et féminin. Le sport féminin, peu rentable, est ainsi délaissé du système marchand : l’image de la sportive ne vend pas. Dans l’élite du rugby féminin, par exemple, selon Laura Di Muzio, « seules quelques joueuses possèdent des contrats de sponsoring, majoritairement avec des primes nulles et de simples avantages en nature ». Un constat économique qui puise ses racines dans deux préjugés construits et ancrés : d’un côté, le sport est un espace masculinisé dans lequel les femmes ne peuvent trouver leur place ; de l’autre, le modèle économique du sport est un marché vertueux et autorégulateur.

Dans les faits, l’économie du sport, à mesure qu’elle se privatise, légitime et nourrit les préjugés sexistes autour du sport en mettant en lumière une grande majorité de champions masculins et masculinisés. Les Droits TV sont le meilleur exemple de ce modèle économique impossible à maîtriser : leur valeur augmente de manière exponentielle, à tel point de créer un gouffre entre l’offre galopante et la demande stagnante. Le groupe Mediapro en sait quelque chose, lui qui s’est trouvé insolvable quelques mois après le début du lancement de ses chaînes Telefoot, mettant la plupart des clubs professionnels en danger. Les revenus issus de ces Droits sont ainsi devenus hégémoniques dans les recettes des institutions – souvent plus de 50% des budgets hors transferts des clubs – ; institutions entretenant elles-mêmes le cercle vicieux en reversant une immense partie à la pratique masculine. 

« [En première division de rugby féminin] seules quelques joueuses possèdent des contrats de sponsoring, majoritairement avec des primes nulles et de simples avantages en nature. »

Laura Di Muzio, ancienne demi d’ouverture du XV de France

Il est nécessaire de pointer du doigt ce double préjugé expliquant en grande partie les inégalités salariales dans l’espace sportif. Car, dans les consciences collectives, survivent des idées reçues d’une autre époque, affiliant sport d’équipe à la masculinité, et sports artistiques à la féminité. Ainsi, selon les chercheurs Carine Burricand et Sébastien Grobon, une personne sur deux adhérait toujours en 2015 à l’idée que « certains sports conviennent mieux aux filles qu’aux garçons ». Une réalité sociologique explicable par une culture sportive construite sur plusieurs millénaires par et pour les hommes, ne laissant la pratique féminine se développer qu’au milieu de la Première Guerre mondiale. Pourtant, heureusement, les constats changent et les mentalités évoluent : l’exemple du tennis est encore ici le plus pertinent. Inspiré de la pratique française du jeu de paume, né en Angleterre dans les années 1870, le tennis dans sa version moderne a très vite laissé la place aux sportives, consacrant dès les années 1920 de grandes championnes populaires comme Suzanne Lenglen, permettant l’intériorisation collective du tennis comme un sport fondamentalement mixte. 

La joueuse française Suzanne Lenglen aux Championnats du monde de tennis de Wimbledon le 6 juillet 1923 ©Gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Depuis, avec la médiatisation et la diffusion télévisuelle des rencontres, s’est développé le tennis féminin parallèlement à la pratique masculine, avec une indépendance unique pour son genre. Ainsi, depuis 2014, le circuit WTA est au centre de l’attention médiatique : générant des Droits TV immenses (525 Millions de dollars sur dix ans), il place également les joueuses au cœur de la médiatisation – une rareté pour le sport au féminin. De fait, dans les 100 personnalités sportives les plus citées dans la presse écrite en 2017, n’apparaissaient que trois sportives, toutes tenniswomen : Kristina Mladenovic, Caroline Garcia et Simona Halep. Des sportives pouvant, sur les tournois majeurs, bénéficier des mêmes niveaux de revenus que leurs homologues masculins – encore une fois, une rareté pour le sport au féminin.

Face aux lentes évolutions culturelles, une nécessaire régulation de l’économie du sport

Parallèlement à ces évolutions culturelles et mentales – essentielles mais de long terme – des ajustements proactifs du modèle économique sont nécessaires. En convoquant, notamment, un concept largement considéré comme une hérésie politique : l’interventionnisme régulateur d’un marché sportif à la dérive. Pourtant, dès 2000 avait été instaurée la « taxe Buffet » sous l’impulsion de la Ministre des Sports de l’époque, Marie-George Buffet, prévoyant un prélèvement de 5% sur les Droits TV des manifestations sportives, à destination du sport amateur. Seulement, un plafonnement à 25 millions d’euros avait été ajouté, restreignant aujourd’hui les financements du football amateur au vu des colossaux Droits TV négociés pour les saisons prochaines. Outre la nécessité de déplafonner cette taxe – dont le plafond a été aujourd’hui relevé à 74 millions d’euros – l’hypothèse d’un fléchage de la moitié de ces fonds publics vers la pratique sportive féminine serait un progrès colossal vers la parité et la mixité dans l’espace sportif. Et parce que les inégalités salariales entre femmes et hommes sont encore et toujours justifiés par un « manque de performance » des sportives, le développement du sport au féminin, dès le plus jeune âge, est un levier de long terme pour délégitimer ces argumentaires et renforcer la médiatisation, et donc la reconnaissance, des athlètes femmes. 

Plus encore, des politiques ambitieuses sont envisageables. Le plafonnement des salaires des joueurs masculins est en une : envisageable à l’échelle individuelle, comme l’a récemment fait le championnat chinois pour les joueurs étrangers avec un plafond à 3 millions d’euros annuels, elle l’est aussi collectivement avec un système de « salary cap » emprunté aux sports américains. Cette limitation salariale des sportifs pourrait de fait être un moyen de dégager des excédents budgétaires transférables vers la pratique féminine de haut-niveau, et ainsi contribuer à corriger le gouffre salarial existant. Seulement, une telle mesure doit être prise à une échelle européenne, de telle sorte qu’un championnat national prenant cette initiative ne voit pas l’entièreté de ses joueurs vedettes migrer vers d’autres horizons plus rémunérateurs. Enfin, est imaginable également l’achat groupé des Droits TV des ligues masculines et féminines de chaque discipline, de telle sorte que les revenus télévisuels soient répartis équitablement entre femmes et hommes. Évidemment, toutes ces hypothèses, allant à l’encontre des modèles et schémas classiques, nécessitent une forte volonté politique et un interventionnisme poussé dans l’économie du sport. Reste à savoir si les décideurs et dirigeants sont désormais prêt à courageusement délaisser la communication et à s’engager dans des mesures proactives, concrètes et ambitieuses. 

Il est envisageable de plafonner les salaires des joueurs masculins, de manière à dégager des excédents budgétaires transférables vers la pratique féminine de haut-niveau.

Pourtant, au cours de cette semaine en faveur de l’égalité des genres, la volonté politique n’a pas été au rendez-vous, supplantée une fois de plus par une nécessaire communication, qui espérons-le, ne sera qu’une étape et non la finalité de nos institutions sportives. Le 8 mars 2021, Alice Milliat, figure historique du sport au féminin, est entrée au Panthéon du sport français, canonisée bien trop tard par le dévoilement d’une statue à son effigie dans le hall du CNOSF (Comité national olympique et sportif français). Ce même lundi 8 mars était également publié par l’équipe de Paris 2024, dont les Jeux seront les premiers paritaires en nombre d’athlètes femmes et hommes, un message engagé, relayé par la voix de Tony Estanguet décrivant les « mêmes gestes, les mêmes médailles, les mêmes émotions, la même rage de vaincre, la même fierté, le même pouvoir d’inspiration […] » entre femmes et hommes. Il ajoutait : « Ce n’est pas du sport féminin. C’est du sport. », dans un optimisme légèrement naïf. Car oui, si le message est partagé, force est de constater que le sport est encore assimilé dans les consciences collectives à une activité masculine, largement discriminante pour les femmes. Force est de constater aussi que, dans la plupart des disciplines, les femmes ont toujours plus de mal à vivre de leur sport que les hommes. En ce 8 mars 2021, sur le long chemin vers l’égalité salariale, le combat des sportives continue. En espérant, prochainement, un message de Paris 2024 qui affirmera : « Même sport. Même reconnaissance. Même salaire. » 

Violences et racisme : les failles de l’institution policière

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Manifestation Toulouse, 22 novembre 2014 © Pierre-Selim Huard

La proposition de loi relative à la sécurité globale déposée par deux députés LREM à l’Assemblée nationale en octobre dernier a rencontré une opposition importante. De nombreux acteurs évoquent des mesures liberticides et protectrices de certaines dérives de l’institution policière. Les cas de violences par des personnes dépositaires de l’autorité publique gagnent en effet en visibilité, à travers la circulation d’images sur les réseaux sociaux. À l’encontre des manifestants ou pour un simple contrôle – comme ce fut le cas pour Michel Zecler – les cas de violences policières apparaissent courants, gratuits et fréquemment matinées de racisme, de sexisme ou d’homophobie. L’institution policière est-elle discriminatoire ? Quel contrôle l’IGPN apporte-t-elle à ces comportements déviants et illégaux ? Pour répondre à ces questions, nous avons échangé avec Jérémie Gauthier, maître de conférences en sociologie à l’Université de Strasbourg et chercheur associé au centre Marc Bloch de Berlin ainsi que Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et membre du CEVIPOF.

L’institution policière n’est pas un corps social homogène

La police, dans son acceptation contemporaine, désigne une institution et une fonction de l’État. Ses missions relèvent du maintien de l’ordre public, de la tranquillité publique. En France, la police est associée à une fonction à la fois publique mais aussi régalienne comme c’est le cas depuis 1941 – la police était auparavant une fonction exclusivement municipale.

Luc Rouban évoque des normes et valeurs diverses suivants les différents corps de la police, la place dans la hiérarchie ou encore l’appartenance géographique : « L’institution policière est aussi une organisation complexe. Elle recouvre des métiers, des formations et des cultures professionnelles très différentes. »

« L’institution policière est aussi une organisation complexe. Elle recouvre des métiers, des formations et des cultures professionnelles très différentes. »

Luc Rouban

Un membre d’une brigade anti-criminalité, un agent mécanicien pour la police nationale ou un enquêteur issu d’une brigade financière exercent en pratique des métiers assez différents développe Jérémie Gauthier. Le chercheur constate également, et ce, depuis quelques années, la visibilité croissante des controverses sur la police dans l’espace public. « On utilise le terme de « police » par facilité mais en réalité les débats se concentrent sur les polices urbaines (les brigades de police secours ou encore les brigades anti-criminalité) et sur le maintien de l’ordre, c’est à dire la « police des foules » (les Compagnies Républicaines de Sécurité, la gendarmerie mobile et les autres unités intervenant dans les rassemblements) ». Nous nous centrerons aussi sur cette police de sécurité publique évoluant directement sur le terrain au contact des citoyennes et citoyens.

Révélation et visibilisation de la discrimination et des violences

Les violences policières et les discriminations opérées par la police n’ont pas toujours été un problème public. Selon Jérémie Gauthier, cette évolution est récente. « Il y a depuis longtemps une préoccupation pour les violences policières, pour le racisme policier, au moins depuis les années 1970 mais à l’époque ces problèmes étaient portés par des acteurs issus d’espaces sociaux relégués comme par exemple le Mouvement des travailleurs arabes puis, plus tard, le Mouvement de l’immigration et des banlieues ». Après les rébellions urbaines de l’automne 2005, la question des relations entre police et population – notamment dans les quartiers de relégation – a été mise à l’agenda. Des études sociologiques ont été menées et certaines ont conclu que le caractère discriminatoire des contrôles d’identité était l’un des nœuds du problème. Il s’agit en effet d’un générateur de tensions entre la jeunesse masculine issue des classes populaires et les policiers de terrain. Par le biais de l’Union européenne, les juristes s’emparent du sujet et développent le droit de la discrimination qui fait valoir le droit à la non-discrimination.

La violence de la police est toutefois une problématique ancienne. On la retrouve dans la culture populaire, comme en témoignait déjà par exemple en 1995, le long-métrage La Haine. Ce qui contribue à la sortie de cette opacité, c’est d’un côté la révélation d’images, de témoignages, le fait que les acteurs qui dénonçaient auparavant ces discours et ces pratiques ont maintenant des ressources juridiques, politiques, médiatiques qui leur apportent une meilleure crédibilité, mais aussi, d’un autre côté, l’intérêt d’un nombre croissant d’acteurs pour ces questions de violences et de discriminations.

Normes et valeurs de l’institution

Dans les années 1960, les premières enquêtes sociologiques sur la police conduites aux États-Unis avaient souligné l’existence d’une « culture policière ». Ces travaux caractérisaient cette dernière par un ensemble de traits, d’attitudes et de stéréotypes partagés : racisme, machisme, goût pour l’action, pour la prise de risque, hostilité envers les médias, sentiment que la justice ne suit pas suffisamment les affaires traitées par les policiers. Aujourd’hui encore, certains traits communs se dégagent. Jérémie Gauthier évoque un rapport critique envers les élites politiques, la justice ou bien souvent les médias. « Les policiers manifestent souvent de l’hostilité vis-à-vis des médias, en tout cas le sentiment que les médias, de manière générale, déforment la réalité de leur quotidien et dressent des bilans à charge alors que, objectivement, ce n’est pas le cas. L’action de la police est souvent saluée dans les grands médias qui s’appuient d’ailleurs généralement sur des informateurs au sein des services de police […], sans parler des documentaires hagiographiques prétendant dévoiler la “réalité” du quotidien policier. »

« Les policiers manifestent souvent de l’hostilité vis-à-vis des médias, en tout cas le sentiment que les médias, de manière générale, déforment la réalité de leur quotidien et dressent des bilans à charge alors que, objectivement, ce n’est pas le cas. »

Jérémie Gauthier

Luc Rouban, quant à lui, évoque des cultures plus affirmées, une « culture de l’autorité, culture de l’État, une culture globalement plus répressive et moins de libéralisme culturel ». Le chercheur avance toutefois que les différences le long de la hiérarchie sont importantes. Ces dissemblances sont aussi identifiées par le maître de conférences à l’Université de Strasbourg qui pointe « un tableau trop homogène pour une profession hétérogène : la condition policière, caractérisée par la cohabitation de différentes idéologies professionnelles, est traversée par des clivages forts tant sur les perceptions du métier, des publics ou encore du rapport à la loi ». Les normes et valeurs évoquées ci-dessus sont donc davantage partagées par la police dite de sécurité publique que par leurs supérieurs hiérarchiques.

Le poids de la formation et de la socialisation professionnelle

Les valeurs défendues par ces policiers de terrain, les stéréotypes qu’ils reproduisent sont produits par une socialisation professionnelle spécifique. Le début de cette socialisation professionnelle coïncide fréquemment avec une rupture biographique. Pour beaucoup de jeunes policières et policiers, l’entrée dans la profession implique de quitter sa région d’origine, sa famille, ses proches. Jérémie Gauthier observe aussi une rupture culturelle. La socialisation professionnelle amène avec elle un ensemble de codes : hexis corporelle, catégories partagées de compréhension et d’appréhension du monde social. Pour les gardiens de la paix, la formation est courte, d’environ huit mois. Après le passage en école de police, la suite de la formation se fait au commissariat, directement au contact des pairs mais aussi de policiers plus expérimentés lors des prises de poste. Il y a alors une injonction forte à adopter rapidement des codes, des valeurs, une vision du monde, une perception du monde social, qui sont celles partagées par les pairs.

La police de terrain s’approprie et perçoit son environnement de travail, le tissu urbain, d’une manière spécifique. Jérémie Gauthier, chercheur associé au centre Marc Bloch, nous explique que cette perception conjugue plusieurs critères. Parmi ces critères on retrouve la classe sociale, l’âge, le sexe, l’origine ou encore l’apparence des personnes. « Le regard se porte quasi-exclusivement sur les hommes dans le cadre de soupçons d’infraction. Les catégories raciales sont aussi des catégories opérantes dans la manière qu’ont les policiers de comprendre, hiérarchiser et de décrire le monde qui les entoure. »

« Le regard se porte quasi-exclusivement sur les hommes dans le cadre de soupçons d’infraction. Les catégories raciales sont aussi des catégories opérantes dans la manière qu’ont les policiers de comprendre, hiérarchiser et de décrire le monde qui les entoure. »

Jérémie Gauthier

Ces catégories racialisantes sont inscrites dans le fonctionnement quotidien de l’institution, sur les PV, dans les logiciels de police, les « types » (européen, nord-africain, africain, européen de l’est) sont par exemple mentionnés dans les PV. Ces catégories sont en circulation dans le quotidien des policiers, aux côtés de catégories plus souterraines relevant du langage commun (blancs, noirs, rebeus, renois, etc.) et parfois aussi d’un vocabulaire relevant de l’insulte raciste, de la volonté de dégradation, afin d’établir un rapport d’autorité voire de domination vis-à-vis de tel ou tel public. Ainsi, la socialisation professionnelle policière apparaît particulièrement perméable aux dynamiques de racialisation qui peuvent ensuite déboucher sur des manifestations de racisme ou de pratiques discriminatoires.

Dès les années 1990, les sociologues Michel Wieviorka et Philippe Bataille avaient pointé l’existence, dans la police, d’un « discours raciste général […] une véritable norme, à laquelle il est difficile, lorsqu’on est policier de base, de s’échapper et plus encore de s’opposer ». À partir d’enquêtes menées depuis les années 2000, Jérémie Gauthier parle quant à lui de « tentation raciste » pour désigner la séduction que représente pour beaucoup de jeunes policiers et policières l’adoption de perceptions et de principes d’action fondés sur des stéréotypes racistes. Selon le sociologue, cette tentation est particulièrement forte dans un métier reposant beaucoup sur le décryptage des apparences des personnes en circulation dans l’espace public. Le sociologue développe : « J’interviewais des policiers issus de l’immigration, dont les familles étaient originaires d’Afrique du nord, d’Afrique subsaharienne […] qui me disaient qu’ils en venaient eux-mêmes parfois à adopter des stéréotypes, un sentiment d’hostilité envers des groupes minoritaires. » Les catégories d’apparence (morphologie, couleur de peau, chevelure etc.) sont donc des outils professionnels. Ainsi, les catégories socio-raciales font partie du répertoire disponible des policiers pour qualifier et hiérarchiser les personnes avec lesquelles ils ont des interactions au quotidien et parfois aussi pour asseoir un rapport de domination. Face à cette « tentation raciste », certains agents développeront des perceptions ouvertement racistes, d’autres n’activeront qu’occasionnellement une lecture racialisée des situations et d’autres, enfin, tenteront de s’opposer à cette vision du monde.

Cet outil est aussi valorisé par les pairs. Opérer ces classements rapidement, trouver, identifier d’éventuels délinquants sont autant de qualités valorisées sur le terrain. Les effets pervers et discriminatoires suivent naturellement comme l’explique Jérémie Gauthier : « Un policier d’une BAC parisienne me disait que, dans l’arrondissement dans lequel il travaillait, le deal de cocaïne et de crack c’était plutôt des nord-africains, les sacs à main arrachés c’était plutôt des maghrébins de cité, etc. Au yeux des policiers, il y a un ancrage empirique des catégories raciales qu’ils utilisent et qui fonctionnent comme une prophétie autoréalisatrice. Les croyances des policiers vont déterminer et légitimer leurs manières d’agir, qui vont, de manière circulaire, contribuer à alimenter leurs croyances. À partir du moment où on associe tel type de délits à tel groupe socioracial et qu’on s’en sert comme principe d’action, cela relève de ce que les anglo-saxons appellent du « profilage racial », ce qui est interdit par différents textes nationaux et européens. »

Ainsi, selon le chercheur, la déontologie ne résiste pas longtemps à cet enracinement très profond des catégories raciales dans la pratique professionnelle. C’est là sûrement une dimension structurelle, et non strictement individuelle, à prendre en compte – comme ça a été par exemple le cas au Royaume-Uni dans les années 2000 – si l’institution décide de rompre avec les habitudes de tolérance vis-à-vis du racisme qui s’exprime dans ses propres rangs.

Une violence ciblée et rationnelle

Tout comme le racisme et les discriminations, la violence et sa victime ne sont pas le produit du hasard. « La violence, on la rejette souvent du côté de l’irrationnel et de la spontanéité alors qu’en fait, toute expression de violence porte en elle-même une rationalité et est le produit d’une histoire de la violence. Les brutalités policières manifestent des similitudes qui relèvent des cérémonies de dégradation », explique Jérémie Gauthier.

« Les brutalités policières manifestent des similitudes qui relèvent des cérémonies de dégradation. »

Jérémie Gauthier

Il s’agit d’un moment où l’individu est dégradé par différentes formes de violences ritualisées. On peut par exemple évoquer le déchaînement collectif, où plusieurs individus portent des coups, le fait d’accompagner les violences d’insultes à connotation raciste, afin de renforcer cette dégradation (comme l’a illustré l’affaire Michel Zecler en 2020). On observe parfois des actes qui relèvent d’atteintes sexuelles (comme les violences subies par Théodore Luhaka en 2017 ). Le rite de la « haie d’honneur » fait également partie de ces « cérémonies » comme ce fut le cas lors de « l’affaire du Burger King », en décembre 2018 : en marge d’une manifestation des gilets jaunes, les manifestants, réfugiés dans le fast-food ont subi des violences de la part des policiers à l’intérieur avant de subir de nouvelles violences par les policiers à l’extérieur du bâtiment.

L’exercice de la brutalité fait donc l’objet d’une ritualisation. Elle dépasse aussi l’individu et se retrouve liée à l’histoire de l’institution et du collectif : il s’agit de manières d’intérioriser l’exercice de la violence. De plus, la violence policière ne vise pas chaque individu de la même manière. Jérémie Gauthier observe que les morts et victimes de ces violences sont en majorité des hommes, non-blancs, issus de catégories populaires urbaines. Il évoque la notion de police property, l’idée qu’il y a des gens envers lesquels les policiers s’autorisent à se comporter en dehors des règles déontologiques qui, de manière générale, encadrent leurs actions. On peut ainsi évoquer, dans différents registres, des contrôles d’identité répétés ou encore différentes formes de violence, verbale ou physique.

Le mutisme hiérarchique

Si la hiérarchie intermédiaire est au courant de ces catégories de pensée, il n’y a pas pour autant un travail de réflexivité effectué pour les remettre en cause. La hiérarchie est souvent dans une posture de déni par rapport au racisme, aux discriminations. « La police est républicaine et ne peut donc être raciste. C’est un raisonnement tautologique qu’on observe très souvent […] par exemple lorsqu’ Emmanuel Macron déclarait en mars 2019 :« Ne parlez pas de “répression” ou de “violences policières”, ces mots sont inacceptables dans un État de droit . » Un raccourci, là où l’horizon d’une police qui serait républicaine, et donc non-discriminatoire, doit encore être atteint. De leur côté, les commissaires, officiers ne savent pas comment ou ne souhaitent pas intervenir sur ces problématiques de racisme, de discrimination. Plusieurs points sous-tendent cette réalité : un manque de volonté, une volonté d’invisibiliser ces problèmes, un manque de savoir-faire, d’outils nécessaire mais aussi le fait de considérer que ces interventions ne sont pas parties intégrantes de leur mission. On observe aussi cette logique au sommet de l’institution : aucun ministre de l’Intérieur, aucun préfet de police de la ville de Paris ne s’est attaqué de manière franche et volontariste à la question du racisme et des discriminations produites par l’institution.

« La police est républicaine et ne peut donc être raciste. C’est un raisonnement tautologique qu’on observe très souvent […] par exemple lorsqu’ Emmanuel Macron déclarait en mars 2019: « Ne parlez pas de « répression » ou de « violences policières », ces mots sont inacceptables dans un État de droit . »

Jérémie Gauthier

Dénoncer et remettre en cause l’autonomie de cette police de sécurité publique pourrait donner lieu à des résistances, des conflits vis-à-vis de leur hiérarchie. En effet, l’institution policière a la particularité de suivre un principe d’inversion hiérarchique. Les agents ayant le plus d’autonomie sont ceux situés au bas de l’échelle hiérarchique. Ils prennent en effet des initiatives, des décisions cruciales au fonctionnement de toute l’institution. Ce principe renforce la difficulté qu’a la hiérarchie d’intervenir auprès de leurs subordonnés pour des choses qui ne sont pas vues comme relevant du fonctionnement technique ».

Une institution de contrôle dysfonctionnelle

Théoriquement, il est du ressort de l’Inspection générale de la Police nationale d’enquêter voire de condamner ces attitudes et comportements illégaux, parfois violents, envers certains administrés. L’IGPN est en effet une institution crainte au sein des services de police et elle fonctionne assez bien pour enquêter et sanctionner les atteintes des policiers envers leur propre administration ou envers leurs pairs. Toutefois, elle fait face à de nombreux dysfonctionnements quand il s’agit de sanctionner des faits perpétrés par des policiers sur des administrés, notamment des faits de violence.

Plusieurs points permettent d’expliquer ces dysfonctionnements. Luc Rouban évoque premièrement l’esprit de corps policier, une forme de solidarité professionnelle qui garantit une non-dénonciation des pairs face à des pratiques illégales, discriminatoires, voire violentes. Ici, la crainte de l’exclusion, de la marginalisation garantit la sécurité du groupe. S’opposer à l’unité professionnelle sur la voie publique est perçu comme une trahison. Selon Jérémie Gauthier, être accepté par le collectif est une condition sine qua non à la réussite de la socialisation professionnelle du jeune policier. On ne peut faire sa carrière seul dans la police. L’enjeu de se faire accepter est extrêmement fort dès l’école de police, dès les premières affectations. « Cela donne un poids extrêmement important au collectif professionnel, ce qui explique qu’il est très difficile de dévier des normes collectives, on le voit par exemple dans différentes affaires récentes soulevées par des policiers lanceurs l’alerte. » Le maître de conférences à l’Université de Strasbourg avance d’autres points comme la volonté d’organiser l’opacité sur les faits de brutalité – même s’ils sont de plus en plus visibles –, la difficulté à sanctionner les brutalités policières car une telle sanction pourrait remettre en cause la légitimité et l’habilitation des policiers et policières à faire usage de la force. Ces dysfonctionnements peuvent aussi être logistiques. L’IGPN est en effet une institution débordée, les effectifs de l’inspection peinent à mener l’ensemble des saisies. Enfin il peut être difficile d’identifier les policiers faisant usage de la violence. On peut observer à cet effet différentes pratiques comme le fait de ne pas porter son numéro d’identification.

Ouvrir la police au regard des autres

On peut observer une forme de « tradition » française de l’opacité. La police a toujours essayé de se soustraire aux regards extérieurs, des journalistes, des chercheurs mais aussi des citoyens. La production d’une telle opacité peut empêcher de regarder directement ces dysfonctionnements. Ouvrir l’institution policière à des acteurs extérieurs peut être une solution. L’instance britannique de contrôle de la police intègre des citoyens, des policiers, des magistrats. La police allemande encourage la remise en cause des catégories de pensée, forme des officiers pour faire de la médiation et de la résolution de conflit au nom de la non-discrimination.

Outre-manche, les systèmes policiers ont intégré la notion d’accountability c’est à dire le fait que les institutions – y compris policières – doivent rendre des comptes auprès du public de la qualité de leur travail.

En France, l’efficacité de la police se mesure par le nombre de faits élucidés, le nombre d’interpellations, de passages en garde à vue. Il n’existe pas d’indicateur pour mesurer la satisfaction, les attentes et les besoins de la population, les jugements que portent les personnes sur la police. Outre-manche, les systèmes policiers ont intégré la notion d’accountability c’est à dire le fait que les institutions – y compris policières – doivent rendre des comptes auprès du public de la qualité de leur travail. Cette ouverture apparaît nécessaire pour que la police puisse à nouveau garantir ses missions premières, sans comportement illégal, violent et parfois impuni, et ainsi, veiller à la sécurité et à la paix des personnes.

« Les périodes de crise entrainent davantage de discriminations au travail » – Entretien avec Stéphane Carcillo

La question des discriminations au travail n’est pas nouvelle. Elle semble aujourd’hui plus importante que jamais, emblématique d’un sentiment de défiance qui affaiblit la cohésion sociale. Ces discriminations, qui s’insinuent tôt et qu’un individu peut subir tout au long de sa vie, ont non seulement un impact humain, mais aussi un coût social et économique. Elles ne sont pourtant pas une fatalité ; avec de la volonté politique et des mesures ambitieuses, il est possible de lutter contre et d’aspirer à un monde plus juste. Ces mesures, Marie-Anne Valfort et Stéphane Carcillo les présentent dans leur ouvrage Les discriminations au travail. Stéphane Carcillo dirige la division emploi et revenu de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), il est chercheur associé à l’IZA (Institut de l’économie du travail) et professeur d’économie à Sciences Po. Marie-Anne Valfort est économiste au sein de la division des politiques sociales de l’OCDE, et enseignante-chercheuse à l’École d’économie de Paris et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle est également chercheuse associée à l’IZA. Entretien réalisé par Camille Bourron.


À travers ce livre, les deux économistes abordent la discrimination par goût (préférence et jugement positif des personnes qui nous ressemblent, « préjugement » négatif face aux personnes différentes) et par statistique (analyse du risque par l’employeur quand il n’est pas en mesure d’observer la productivité des individus) à l’encontre de différents groupes comme les femmes, les minorités ethniques et religieuses, les seniors, les LGBT, ou les personnes discriminées à cause de leur apparence physique. Proposant un cadre à la fois théorique et méthodologique, une synthèse des résultats de recherche, ainsi que des recommandations de politiques publiques afin de réduire la discrimination, l’ouvrage permet une meilleure compréhension des enjeux et propose des outils à la disposition des pouvoirs publics afin de combattre la discrimination et leurs conséquences à l’encontre de ces différents groupes.

Récemment lauréats du Prix du Meilleur ouvrage sur le monde du travail par « Le Toit citoyen », parrainé par le groupe Alpha catégorie experts cet automne, Les discriminations au travail résonne particulièrement avec son temps. La pandémie de COVID-19 et ses conséquences sur les économies de la quasi-totalité des pays du monde est un révélateur d’inégalités, la crise montrant qu’économies et marchés du travail sont interdépendants. Le virus n’étant pas encore endigué, il y a à craindre une dégradation de l’accès à l’emploi pour les groupes les plus discriminés, ainsi que des conséquences à long terme sur les trajectoires de carrières. Dans le contexte actuel, la lutte contre les discriminations est donc plus nécessaire que jamais.

LVSL  Votre livre, publié en 2018, établit ce qu’est la discrimination et comment la mesurer. C’est aussi un vivier de propositions, que l’on peut également retrouver dans une note du Conseil d’analyse économique. Avez-vous l’impression d’être entendu et avez-vous vu des changements depuis la sortie du livre ? 

Stéphane Carcillo  Oui, nous avons l’impression d’être entendus. Nous avons été reçus par les pouvoirs publics à la sortie du livre, nous avons fait une note au Conseil d’analyse économique avec Marie-Anne-Valfort, relayée auprès du premier ministre, qui a été publiée en 2020. Il s’agissait de décliner des mesures pour la France ; cela a rencontré un écho auprès des ministères concernés comme auprès du Premier ministre. Je crois qu’une forte attention est accordée à ce sujet des discriminations, qu’elles touchent les personnes LGBT, les femmes (je pense aux mesures prises récemment telles que l’allongement du congé paternité), ou encore les minorités ethniques et religieuses. Il est important de reconnaître que ce n’est pas facile pour ces groupes, entre autres, sur le marché du travail.

LVSL – Dans votre livre, vous préconisiez l’allongement du congé paternité, mesure qu’a récemment prise le gouvernement. Est-ce suffisamment ambitieux d’après vous ? 

S. C. – C’est une bonne avancée. À terme, il faudrait une parité pour l’homme et pour la femme dans la durée du congé qui suit la naissance, afin que les deux parents puissent s’occuper des enfants de manière similaire. Il est très important que les pères puissent en prendre soin dès la naissance car c’est quand les enfants sont tout petits que le lien se crée. Je pense donc que l’on va dans la bonne direction, bien qu’on ait fait montre de moins d’ambition que l’Espagne ou la Suède.

« À terme il faudrait une parité pour l’homme et pour la femme dans la durée du congé qui suit la naissance. »

LVSL – À la fin de votre chapitre sur l’égalité hommes-femmes, vous évoquez le fait que changer la donne exige d’aller plus loin que les réglementations actuelles, et que la place des femmes dans le monde du travail ne progressera pas tant que celle des hommes à la maison n’évoluera pas. C’est donc un changement de normes sociales dont nous avons besoin. Par quoi cela passerait-il ? L’éducation ?

S. C. – Oui, il s’agit d’un double enjeu : ce qui a lieu à la maison (en cela le congé paternité est important), et ce qui a lieu avant que les familles ne se fondent. Pour amener une amélioration sur le marché du travail, il ne faut pas seulement changer ce qui se passe dans les foyers, mais également ce qui se passe dans la tête des garçons et des filles dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées. Tout le monde doit comprendre – les enseignants, les parents et les enfants eux-mêmes –, que les femmes sont capables d’avoir des carrières dans des domaines qui sont les mêmes que ceux des hommes. Pour cela, il faut lutter contre les opinions que nous entretenons tous, de manière consciente ou inconsciente, sur le fait que par exemple, les filles sont moins bonnes en mathématiques ou en sciences, ou bien qu’elles ne sont pas intéressées par les métiers techniques… Alors que c’est faux. 

Pour cela, il faut montrer l’exemple, favoriser la diffusion de ce qu’en anglais on nomme les role models  : des dispositifs amenant, dans des collèges et dans des lycées, l’intervention de femmes qui travaillent dans des domaines où on ne pense pas qu’elles puissent travailler. Cela peut avoir un impact très fort sur les décisions futures et les choix des jeunes filles. Par ailleurs, des expériences ont montré l’importance de révéler aux enseignants qu’ils nourrissent malgré eux certaines préconceptions à l’encontre des jeunes filles dans certains domaines, comme en mathématiques ou en sciences ; cela peut changer la manière dont ils effectuent leurs évaluations. Donc oui, il y a des choses à faire dans ce domaine. 

« Il faut lutter contre les opinions que nous entretenons tous, de manière consciente ou inconsciente sur le fait que par exemple, les filles sont moins bonnes en mathématiques ou en sciences, ou bien qu’elles ne sont pas intéressées par les métiers techniques… Alors que c’est faux. »

LVSL – Craignez-vous que les discriminations sur le marché du travail se renforcent à cause de la pandémie de COVID-19 ? 

S. C. – Oui, car la concurrence va augmenter dans la recherche d’emploi. Quand une multitude de choix s’offre aux employeurs, l’espace augmente où la discrimination peut s’exprimer. En période d’incertitude économique, les employeurs se montrent parfois réticents à prendre des risques et ont tendance à se replier sur leurs certitudes. On connait bien le mécanisme ; il a été démontré par le passé qu’en cas de fort chômage, un candidat issu d’une minorité notait plus de discrimination objective dans les chances d’obtenir un emploi qu’en cas de faible chômage. 

LVSL – Quelles seraient donc les premières mesures à mettre en place afin de faire baisser les inégalités dans le contexte actuel ?

S. C. – Il en existe toute une palette pour lutter contre les discriminations. Certaines s’adressent aux employeurs, et visent à leur faire prendre conscience de leur partialité systématique à l’encontre de telle ou telle minorité. Il existe des formations qui devraient être plus souvent conduites, en particulier au sein des PME, or aujourd’hui ce n’est pas le cas. Ces formations pour lutter contre les discriminations ne sont obligatoires que pour les entreprises d’au moins 50 salariés. Il faudrait également prévoir des dispositifs de soutien à l’embauche, notamment pour les personnes peu qualifiées et pour les personnes issues de quartiers moins favorisés, parce qu’on sait que ces personnes sont souvent issues des minorités, notamment ethniques et religieuses. En période d’incertitude économique, ces aides à l’embauche sont plutôt efficaces et font la différence pour les personnes défavorisées. 

LVSL – Quel sera l’impact sur les jeunes, et notamment sur les jeunes diplômés ? Peut-on parler de « génération sacrifiée » ? 

S. C. – Pour les jeunes diplômés, la situation est et sera difficile, mais le risque majeur n’est pas qu’ils n’accèdent pas à l’emploi. Les plus diplômés connaîtront d’autres possibilités, ils effectueront par exemple une année de césure ou s’inscriront dans une formation complémentaire. Le risque principal porte sur la carrière salariale car l’année prochaine, ils seront en concurrence avec d’autres jeunes qui entreront sur le marché du travail en même temps. Il est fort possible qu’ils soient contraints d’accepter des offres moins bien payées, ce qui entraînera des conséquences durables sur leurs carrières. Les plus diplômés s’en sortiront à terme, mais non sans des effets de cicatrice sur leurs salaires. La demande des entreprises de diplômés restera malgré tout très forte, et il y aura un effet de rattrapage à la sortie de la pandémie. 

« Les plus diplômés s’en sortiront à terme, mais non sans des effets de cicatrice sur leurs salaires. »

Les jeunes non diplômés, en revanche, sont beaucoup plus à risque quant à leurs chances d’accéder à l’emploi – ici, il n’est même pas question de salaire. Une raison à cela est que les entreprises vont investir dans la digitalisation, et ces jeunes risquent de se retrouver en concurrence avec d’autres ayant des compétences digitales plus fortes. En l’absence de formation, ils risquent de ne pas être retenus. La concurrence va être rude. 

LVSL – Vous évoquez dans votre livre la perspective d’une « discrimination positive », qui passerait notamment par des quotas et de l’incitation à l’embauche. Pourquoi la jugez-vous nécessaire ? N’est-elle pas contraire à la tradition universaliste ancrée en France ?

S. C. – La discrimination positive est une stratégie qui peut avoir des effets assez rapides pour améliorer l’image qu’on peut avoir de certains groupes. Par exemple, prévoir un pourcentage minimum de femmes dans les conseils d’administration des entreprises peut changer l’image qu’on a des femmes. Prévoir une diversité concernant l’origine ethnique ou migratoire des employés dans certaines instances, comme ça a été le cas par exemple aux États-Unis, peut changer l’image qu’on a de ces groupes, lesquels deviennent moins marginaux, peuvent accéder à de hautes études, et exercer à terme dans de hautes sphères économiques.

Mais cela comporte aussi des effets pervers car en définitive, les changements sont assez limités. Compter plus de femmes au sein des conseils d’administration n’a pas beaucoup d’effet sur la carrière des femmes à des postes moins importants. Cela peut aussi entrainer des effets négatifs sur l’image des groupes ciblés par ces discriminations positives, c’est par exemple le cas pour des jeunes issues de minorités défavorisées qui auraient des places en priorité à l’université – comme ça se fait à Sciences Po. Cela peut conduire à de la méfiance de la part de certains employeurs. On a vu ce phénomène aux États-Unis pour les personnes noires dans l’accès à certaines universités. Tous les effets ne sont donc pas forcément positifs et ce n’est pas nécessairement une stratégie optimale mais à court terme, cela peut changer les représentations et donc faire évoluer les lignes. Quoi qu’il en soit, je crois que c’est un débat qu’il faut avoir. 

LVSL – À la lumière des récents évènements et du retour du débat concernant la laïcité et la cohésion sociale en France, que peuvent les politiques publiques ?

S. C. – Je pense que le débat sur la laïcité est totalement légitime ; dans un même temps, il faut reconnaître que la discrimination nourrit les extrémismes et le repli communautaire. Il est nécessaire d’avoir les deux débats en même temps : reconnaître l’existence de la discrimination et la nécessité de lutter contre cette discrimination, tout en accueillant le débat sur la laïcité. Les deux peuvent aller de pair, ils sont même très complémentaires. 

LVSL – Quelle catégorie de la population est la plus à risque aujourd’hui face aux discriminations sur le marché de l’emploi ? 

S. C. – Quand on regarde les différentes études objectives qui mesurent la discrimination, on se rend compte qu’elle peut être très importante pour chaque groupe minoritaire selon le secteur d’activité dans lequel il se trouve – bien qu’on la retrouve partout. Par exemple, les seniors peuvent être très discriminés dès lors qu’ils cherchent un travail dans les secteur des services, et c’est particulièrement important à l’encontre des femmes seniors. Les femmes font face à de fortes discriminations dans l’accès à des postes de management dès lors qu’elles arrivent à l’âge de la maternité. Les personnes LGBT peuvent connaître deux fois moins de chances d’accéder à un emploi si elles révèlent leur orientation sexuelle, soit dans leur CV, soit au moment de l’entretien d’embauche, et pour les minorités ethniques et religieuses la discrimination peut être encore plus importante dans de nombreux secteurs. 

Certes, les discriminations au travail touchent tous les secteurs et affectent de nombreux individus. Elles sont parfois violentes, toujours injustes, mais, et c’est l’espoir que donne cet ouvrage, elles ne sont pas une fatalité. De nombreuses propositions et stratégies peuvent être mises en place, dont Stéphane Carcillo et Marie-Anne Valfort font ici état. Il n’appartient qu’à nous de corriger nos biais cognitifs, de garder un esprit ouvert, et aux pouvoirs publics de lutter activement contre ce fléau. 

La note de Marie-Anne Valfort et de Stéphane Carcillo pour le Conseil d’Analyse Économique est à retrouver ici :

http://www.cae-eco.fr/Lutter-contre-les-discriminations-sur-le-marche-du-travail-513

Le maccarthysme sévit dans les entreprises et s’abat sur les syndicalistes

©Xavier mathieu. Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license..

Il y a comme un air de chasse aux sorcières dans les entreprises de France. Une vague de discrimination et de répression antisyndicale s’abat sur le pays. Trop peu documenté, trop souvent tu dans les médias, ce phénomène, qui n’est pas nouveau, prend de l’ampleur ces derniers temps. De la discrimination à la répression, en passant par l’acharnement judiciaire et la vaste campagne médiatico-politique de diabolisation, jusqu’aux « réformes » atomisant le rôle des syndicats, on assiste au triomphe de l’anti-syndicalisme en France.

Il ne fait vraiment pas bon être aux avant-postes de l’engagement citoyen en France. Les exemples ne manquent pas entre les condamnations révoltantes de Cédric Herrou et de Pierre-Alain Mannoni, le sort réservé aux lanceurs d’alerte comme Stéphanie Gibaud et l’assignation à résidence d’une vingtaine de militants écologistes au nom de l’état d’urgence pendant la COP21.  Ou encore l’ambiance de chasse aux rouges qui s’empare des salles de rédaction d’une presse aux mains d’une poignée de patrons du CAC 40, dénoncée par Aude Lancelin et Laurent Mauduit. Sale temps pour les progressistes de tous les horizons …  Il est aussi un maccarthysme qui est encore trop souvent passé sous silence dans les médias : celui qui frappe les travailleurs, et plus particulièrement les syndicalistes, dans les entreprises. Un phénomène qui, s’il ne date pas d’hier, s’est accentué ces dernières années.

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Philippe Martinez, sécrétaire général de la CGT. ©PASCAL.VAN. Licence : Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0).

Une campagne de diabolisation du syndicalisme

Tout est dit pour discréditer les syndicats de travailleurs. Ils ne seraient pas représentatifs, inefficaces voire corrompus. Quid de la représentativité et des malversations du patronat ? Ceci dit, du point de vue des intérêts du capital, on serait tenté de dire que le MEDEF est diablement efficace puisque c’est son agenda qui dicte les « réformes » socio-économiques. Les éditorialistes plus nuancés louent les gentils syndicats « modernes » et « réformistes » comme la CFDT pour mieux déverser toute leur haine de classe sur l’abominable CGT « idéologisée » et « archaïque ». La fachosphère, qui montre là son vrai visage antisocial, est d’ailleurs elle aussi  un des fers de lance de l’anti-syndicalisme le plus virulent. Un nouveau cap semble avoir été franchi lors de la mobilisation contre la Loi El Khomri.

La CGT a été alors la cible d’un déchainement médiatique d’une violence inouïe à grand renfort d’instrumentalisations du contexte post-13 novembre. La CGT ? « Un syndicat ultra-violent qui souhaite mettre la France cul par-dessus terre » (Eric Brunet, BFMTV), qui veut « tout faire péter » (Nathalie Saint-Cricq, France 2), pris dans « une course à la radicalisation » (François-Xavier Piétri, TF1). De Manuel Valls à Bruno Le Maire en passant par Laurent Bergé (CFDT), tous abondent dans ce sens : la CGT se radicalise. Elle prendrait en otage la démocratie, selon le Premier ministre. Quant à Pierre Gattaz, le patron du MEDEF, il n’est pas en reste non plus quand il compare les manifestants à des terroristes. La palme revient sans doute à Franz-Olivier Giesbert qui met carrément les pieds dans le plat : « la France est soumise aujourd’hui à deux menaces qui, pour être différentes, n’en mettent pas moins en péril son intégrité : Daech et la CGT. » Cette antienne est d’ailleurs déjà reprise dans les commentaires sur la mobilisation en cours contre les ordonnances Pénicaud. N’a-t-on pas récemment entendu une « Grande Gueule » de RMC assimiler l’appel à la grève des routiers à du « terrorisme » ?

 

Discrimination salariale, licenciement abusif, procès pour l’exemple

Ces outrances médiatiques contre les syndicats reflètent et alimentent le maccarthysme qui s’installe dans les entreprises et dans les tribunaux du pays. La répression antisyndicale n’est pas un fait nouveau mais tout porte à croire qu’elle s’est intensifiée et amplifiée ces dernières années. On ne compte plus les procès et les condamnations contre les syndicalistes : Conti, Air France, GoodYear … La répression antisyndicale frappe partout et peut-être plus durement encore en Outre-mer avec le procès d’Elie Domota par exemple. Il en va de même pour la discrimination antisyndicale.

On ne dispose pas de chiffres précis tant et si bien que le CESE préconise une amélioration de l’information statistique dans ce domaine. Une enquête diligentée par le Ministère du travail en 2011 montre cependant que le salaire des salariés syndiqués est en moyenne inférieur de 3% à 4% et cette discrimination salariale dépasse les 10% pour les délégués syndicaux. L’Humanité est l’un des rares journaux de presse écrite à relayer régulièrement les cas de discrimination et de répression contre les syndicalistes comme Pierrick, un jeune salarié licencié au moment où la direction de son entreprise a appris sa présence sur une liste CGT aux élections professionnelles. Motif invoqué : « Vous avez été surpris en train de manger des chips dans le laboratoire pendant les heures de travail alors que vous savez qu’il est strictement interdit de se nourrir dans le laboratoire. »

Le collectif Luttes invisibles tente d’établir un décompte avec les moyens du bord et avance le chiffre de 3626 cas de discrimination et de répression à l’encontre de militants, de grévistes et de manifestants (condamnations, poursuites, sanctions, menaces, etc.) en 15 mois au 16 juillet 2017. Combien de salariés n’osent pas se syndiquer par peur de représailles ? Combien sont-ils à ne pas suivre l’appel à la grève des syndicats par crainte d’être mal vus par leur direction ? A taire leurs convictions syndicales face à leurs responsables hiérarchiques et même face à leurs collègues ? L’entreprise est certainement l’un des espaces les moins démocratiques de nos sociétés et l’engagement syndical reste un acte hautement subversif. Face au déni de la violence antisyndicale, la CGT, FO, la FSU, la CFTC, Solidaires, le syndicat des avocats de France, le syndicat de la magistrature et la Fondation Copernic ont créé un Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale en 2013.

 

Des « réformes » qui affaiblissent le rôle des syndicats

Manifestation contre la réforme des retraites. ©Clem. Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license..

Et comment ne pas voir une même logique antisyndicale à l’œuvre dans le projet de réforme du code du travail par ordonnances ? Le gouvernement se targue de mettre les syndicats au centre du « dialogue social » avec leur nouvelle méthode de concertation. Dans les faits, les ordonnances prévoient notamment que les patrons d’entreprises de moins de cinquante salariés puissent dorénavant se passer des syndicats pour signer des accords. Stigmatiser, réprimer, affaiblir. Tout est bon pour mettre à terre les syndicats et les syndicalistes. Eux qui ont, de tout temps, été le fer de lance des grandes conquêtes sociales de notre pays, des lois ouvrières du XIXème siècle au Front Populaire, de la mise en place de la sécurité sociale au « Mai 68 » ouvrier. Eux qui étaient aux avant-postes de la Résistance pendant l’occupation nazie et le nauséabond régime de Vichy.

Ce n’est pas aux syndicalistes mais bien aux représentants pleurnichards du patronat français que de Gaulle aurait rétorqué : « je n’ai vu aucun de vous, Messieurs, à Londres ! » Aujourd’hui, les syndicalistes sont les premiers de cordée face à l’offensive néolibérale qui s’abat sur le peuple travailleur. Même divisés et convalescents suite au passage en force de la Loi El Khomri, ils battent à nouveau le pavé contre les ordonnances Macron-Pénicaud. Le front antisyndical de toujours, lui aussi, est en ordre de marche et de bataille. Il y a toujours deux côtés de la barricade.

Crédits photo :

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Les X-Men, des super-héros politiques

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La sortie en salle de Logan (1er mars), dernier film en date de la saga X-Men, sera pour Hugh Jackman l’occasion de dire adieu à un Wolverine qu’il incarne depuis dix-sept ans. Pour LVSL, c’est surtout l’opportunité, après Star Wars ou encore The Walking Dead, de poursuivre l’entreprise de revalorisation de certains pans de la pop culture, et de ce qu’ils peuvent nous dire, à travers l’exemple des X-Men, ces super-héros mutants hautement politiques.

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