Fillon, candidat de l’agro-business

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Fin du principe de précaution, développement des OGM et des pesticides meurtriers : Fillon cède aux lobbys de l’agro-business et leur livre notre santé et notre écosystème. 

-Bruno Retailleau : “Ce qui est terrible, c’est que le conservatisme est devenu péjoratif. On a des choses à conserver. L’écologie va à une forme de patrimoine qu’il faut conserver, pour pouvoir le transmettre.”

– Natacha Polony : “Pourquoi on en a jamais entendu parler pendant la campagne ?”

-Bruno Retailleau : “D’abord parce qu’il y a 7 candidats. Les temps de débat sont très courts.”

-Natacha Polony : “Vous êtes en train de me dire qu’on va le découvrir candidat écologiste ?”

-Bruno Retailleau : “Je pense que c’est sa sensibilité mais de façon non-ostentatoire. Il n’est jamais dans l’exhibition”.

NDDL : L’aveuglement de M. Fillon

A la lecture du programme du Sarthois, qui a visiblement perdu son bon sens, on comprend l’air mi-sidéré, mi-amusé de Natacha Polony lorsque Retailleau lui annonce que Fillon a une “sensibilité écologiste”. De la part d’un Président de Conseil Régional des Pays de la Loire qui endosse régulièrement son costume de croisé pour demander au gouvernement de chasser les zadistes de Notre-Dame-Des-Landes, c’est assez cocasse. Fillon ne dit pas autre chose. Il veut « évacuer de façon musclée […] les hors-la-loi qui occupent un territoire de la République ». On comprend la position de Fillon. C’est lorsqu’il était Premier Ministre que le préfet Bernard Hagelsteen fut nommé. Cette nomination allait à l’encontre d’une pétition lancée par ses collègues : une première en France. Quel rapport me direz-vous ? C’est la suite de l’histoire qui est intéressante : en tant que préfet de Loire-Atlantique et de la région Pays-de-la-Loire (2007-2009), il pilotait localement le projet d’aéroport, en collaboration avec la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Or, dans le cadre de la délégation de service public, l’appel d’offres a été lancé en 2009 pour choisir le concessionnaire de l’aéroport, pour une durée de 55 ans. En 2010, le ministre de l’Écologie et du Développement durable tranche en faveur de Vinci. Cela n’empêche pas l’ancien préfet de se faire embaucher un an plus tard par ASF (Autoroutes du Sud de la France), filiale de Vinci. En 2012, il devient conseiller de Pierre Coppey, président de Vinci-Autoroutes. La position ferme de Fillon n’est peut-être pas étrangère à ce renvoi d’ascenceur entre membres de la caste.

Suppression du principe de précaution : les pesticides menacent l’écosystème et notre santé

La probabilité du conflit d’intérêt ne doit pas, ici, nous faire oublier la foi aveugle du frère Fillon dans un productivisme d’un autre temps, destructeur pour le seul écosystème compatible avec la vie humaine. Ainsi, le candidat de la droite se déclare favorable à la suppression du principe de précaution. La raison ? Il l’exprime dans une tribune publiée sur le site professionnel Wikiagri : « Osons relancer les recherches qui ont été interrompues au nom du principe de précaution, notamment en génétique ». En clair, si Fillon veut supprimer le principe de précaution, c’est pour ouvrir la boîte de Pandore des OGM. Fillon refuse également l’interdiction des néonicotinoïdes (conquise de haute lutte par les militants écologistes et les apiculteurs à l’occasion de la récente loi biodiversité) et des glyphosates. Rappelons tout de même que le Centre International de recherche sur le Cancer (CIRC), agence de l’OMS, considère le glyphosate (contenu dans l’un des herbicides le plus utilisé au monde : le Round Up ) comme probablement cancérigène pour l’être humain (mars 2015). Le cas des néonicotinoïdes est encore plus grave. En effet, le Conseil de l’académie des sciences européenne (Easac) a remis un rapport accablant à la Commission européenne en mai 2015. Se basant sur près d’une centaine d’études, les auteurs du rapport soulignent le fait que « l’utilisation généralisée des néonicotinoïdes a des effets graves sur une série d’organismes » qui sont responsables de la pollinisation et de la lutte naturelle contre les parasites ainsi que sur la biodiversité. Ces éléments contenus dans de nombreux pesticides ont de terribles effets sur les insectes pollinisateurs (les abeilles bien sûr mais aussi les bourdons, les bombyles ou les papillons). Les effets concernent principalement le système nerveux de ces insectes : désorientation, perte de fonctions cognitives, longévité des reines en baisse, synergie avec des pathogènes existants. Par ailleurs, véritables sirènes homériques, les néonicotinoïdes attirent les insectes pour leur donner un baiser de la mort. Dernier élément : ces pesticides sont présents dans la plante durant toute sa durée de vie, et restent ensuite dans les sols pendant de nombreuses années. C’est autant d’occasions de tuer les insectes qui ingèrent ces substances. “On s’en moque après tout. Ce ne sont que des abeilles” nous répondrons quelques benêts qui passent leur temps à regarder le bout de leurs chaussures. Sauf qu’au-delà de la destruction de l’activité apicole et de la production de miel, la destruction des abeilles a tout une série de conséquences criminelles sur des activités essentielles que remplissent les pollinisateurs pour l’écosystème, pour la pollinisation de la flore ou pour la production de fruits et légumes.

Les OGM : une boîte de pandore dévastatrice à coup sûr

Fillon va encore plus loin dans sa folie pro-pesticides. Pour lui, l’agriculture est « au bord de l’overdose normative ». Vu toutes les victoires que remportent régulièrement le lobby productiviste, on se pince en entendant cela. Fillon propose donc « d’abroger par ordonnances toutes les normes ajoutées aux textes européens ». Vu le zèle avec lequel la Commission européenne sert les lobbys qui suent sang et eau pour garder les perturbateurs endocriniens, les néonicotinoïdes et le glyphosate, on peut craindre pour notre santé et la survie de l’écosystème, si on s’en remet aux seules normes européennes pour les protéger. Concrètement, quelles conséquences implique la proposition de Fillon ?  La France a fait jouer la clause de sauvegarde pour permettre l’interdiction des OGM. Si Fillon abolit toutes les normes qui s’ajoutent aux normes européennes, c’est open-bar sur les OGM pour l’agro-business qui pourrit tout : la terre, l’air, l’eau, notre santé et la vie des paysans.

Il est temps que le lobby productiviste desserre l’étau dans lequel il tient les paysans. Il est temps d’en finir avec cette agriculture productiviste bourrée de pesticides qui pourrit notre santé, détruit la fertilité des sols (et des êtres humains), dégrade la valeur nutritive des aliments et conduit un paysan à se suicider tous les deux jours. Il est peut-être temps d’en finir avec ces médecins de Molière et d’engager la mutation vers une agriculture relocalisée, débarrassée des pesticides, s’attachant à respecter les critères de l’agriculture biologique afin que les paysans cessent de survivre pour enfin vivre.

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Notre-Dame-des-Landes : le bocage prêt à résister

 Lutte locale symbole d’une lutte globale, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est une de ces utopies concrètes qui réinventent le monde de demain, une zone où les idées se confrontent et passent à l’action loin d’un système libéral moribond. 

 Le chant de nos bâtons, 8 octobre
Le chant de nos bâtons, 8 octobre

26 juin 2016, sans surprise le verdict de la consultation sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes tombe, le « oui » l’emporte. A la Vache Rit, QG des opposants, l’ambiance est pourtant à la détermination quand apparaît le résultat de Nantes, 100 voix séparent le « non » du « oui », une douche froide pour les partisans du projet d’aéroport qui comptaient sur le ras-le-bol massif des Nantais quant au passage des avions. Puis vient le tour de Manuel Valls qui entre en scène pour annoncer que le gouvernement prendra toutes les dispositions afin d’évacuer la ZAD (Zone à Défendre) et lancer le début de travaux à l’automne, « au nom de la démocratie ». Rendez-vous est donc pris.

 

Mobilisations et démonstrations de force

Hangar, ferme de Bellevue

Malgré cette consultation bidonnée dès le départ, la lutte contre le projet d’aéroport s’enracine. 9 et 10 juillet, le 16ème rassemblement estival des opposants rassemble 25 000 personnes autour de conférences, concerts, et animations. Les formations Prêts-es pour défendre la ZAD ouvrent les hostilités dès la rentrée. Véritables succès, chaque week-end des dizaines de militants apprennent à faire face à la répression et à s’organiser sur le terrain pour résister et se sentir en confiance. Pendant ce temps, des assemblées débutées dès le mois d’août ont continué à esquisser la grande mobilisation de l’automne pour affirmer la volonté collective de défendre la ZAD et ses habitants, quoi qu’il arrive. Le 8 octobre, ce sont finalement 40 000 manifestants qui arpentent les chemins en faisant résonner le chant des bâtons, référence à la marche des paysans du Larzac jusqu’à Paris. Non loin, des milliers bâtons plantés dans le sol en signe de résistance, et prêts à être récupérés pour défendre le bocage, un grand hangar en bois est dressé pour servir de point d’appui en cas de tentative d’expulsion.

 

Ferme de Bellevue, 2 décembre

 

Tracteurs Vigilants, rester « ferme »

Opération Tracteurs Vigilants, 10 novembre

A leur tour, les paysans et les paysannes ont démontré leur détermination à continuer la lutte. Alors que les habitants historiques sont désormais expulsables à tout moment, en novembre, le collectif COPAIN mobilise 150 tracteurs qui viennent encercler la ferme du Gaëc. Fraîche et brumeuse matinée de décembre, les tracteurs se mobilisent de nouveau à la ferme de Bellevue, cette fois-ci pour la construction éclair d’une barricade. Cultiver les terres, occuper les fermes et préserver les lieux de vie, autant de moyens pour entraver l’avancée morbide du BTP et de leurs alliés qui siègent successivement dans les institutions de l’État et les multinationales.
Peut-on vivre sans un aéroport idéal ? Oui. Peut-on vivre sans eau ? Non. Malgré des arguments forts et étayés par la rapporteur public, le 14 novembre la Cour d’appel de Nantes s’est obstinée à autoriser, en dépit du bon sens, les arrêtés préfectoraux sur la loi sur l’eau et la destruction des espèces protégées. Faillite de la justice devant les intérêts politiques, alors que la question du réaménagement de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique reste toujours ignorée par l’État. Les recours en justice ne sont malgré tout pas épuisés, la France doit toujours fournir à la Commission européenne une étude globale des impacts du projet d’aéroport sur la biodiversité. La lutte sur le terrain juridique se poursuit.

 

Manifestation du 8 octobre 


Défendre la ZAD, c’est vital

Manifestation 8 ocotobre
Manifestation 8 ocotobre

Plus que jamais, il est nécessaire d’arracher l’abandon de ce projet nuisible et inutile. Lutte locale symbole d’une lutte globale, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est une de ces utopies concrètes qui réinventent le monde de demain, une zone où les idées se confrontent et passent à l’action loin d’un système libéral moribond. Ne rien lâcher pour cette enclave bocagère de 1700 hectares, c’est relever la tête et résister face à la destruction grandissante du monde dans lequel nous vivons, c’est porter à bout de bras l’espoir des alternatives.

 

Chat-Teigne, été 2016

Pour aller plus loin :

• Le site de la ZAD

• Le site de l’ACIPA

• Les naturalistes en lutte

• L’Atelier citoyen, pour optimiser l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique

• L’intégralité du livre de Françoise Verchère, Notre-Dame-des-Landes: la fabrication d’un mensonge d’Etat 

• L’ensemble de comités de soutien à la lutte

• Un dossier de Reporterre sur les GPII, grands projets inutiles et imposés

Photos, Creative Commons