Yannick Jadot : une écologie sans colonne vertébrale ?

© Greenbox

On l’aura compris : Yannick Jadot n’a rien d’un radical. Il tient à représenter une « écologie de gouvernement » susceptible de rassembler un large électorat. On peut comprendre que face au désastre climatique, la nécessité d’unir différents milieux sociaux en faveur d’une politique écologiste le conduise à tenir un discours modéré. On comprend moins que face à ce même désastre climatique, Europe-Écologie les Verts (EELV) ne dispose d’aucun agenda sérieux de rupture avec le mode de production et de consommation dominant. Refus de la planification étatique, absence de plan pour faire décroître les activités économiques polluantes, adhésion sans réserve aux institutions de l’Union européenne, alignement géopolitique sur l’Allemagne – pourtant fer de lance du libre-échangisme en Europe… Les incohérences du programme porté par Yannick Jadot sont nombreuses.

Vainqueur de la primaire écologiste le 28 septembre dernier, cet ancien directeur de programmes chez Greenpeace jouit d’une certaine légitimité chez ceux qui ont participé à l’exercice ainsi que d’une importante visibilité médiatique. Toutefois, son aura ne s’étend nullement au-delà du camp des Verts et des mouvements voisins. À l’heure où une partie croissante de la population française prend conscience que la préservation de conditions de vie acceptables sur Terre va dépendre de notre capacité à lutter efficacement contre le réchauffement climatique, on serait en droit d’attendre d’un candidat qui souhaite devenir le « président du climat » qu’il profite de cette tendance pour défendre une véritable transformation de l’économie ayant pour but ultime de préserver, voire d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble des citoyens.

Ce mot d’ordre-là, qu’il s’agirait bien évidemment de concrétiser en mettant en œuvre une stratégie cohérente, serait parfaitement en mesure de séduire un large électorat. Mais au lieu de cela, M. Jadot se contente de lister « 15 propositions pour une République écologique et sociale », floues pour certaines d’entre elles, stratégiquement douteuses pour d’autres. Il s’appuie sur un « projet pour une République écologique » – concocté par EELV – fort imprécis quand il s’agit de définir les moyens à même d’atteindre les fins. Yannick Jadot n’évoque donc, à l’heure actuelle, qu’un homme politique lambda portant le projet défendu par un parti, et crédité de 8 à 9% des intentions de vote à l’élection présidentielle de 2022.

Monsieur Jadot est critiqué par ses adversaires pour sa volonté affichée de concilier écologie et économie de marché, le flou des mesures de transformation structurelle qu’il défend, ainsi que sa rhétorique consensuelle. De fait, il effectue peu de passages médias sans rendre un hommage appuyé aux « entrepreneurs » qui, « sur les territoires » (ou « le terrain ») luttent « au quotidien contre le changement climatique » avec une « énergie formidable ». Au point que l’on se demande pourquoi, avec tant de « bonnes volontés » l’économie ne s’est pas décarbonée d’elle-même !

Trois décennies de globalisation, d’intégration européenne et de décentralisation ont affaibli les prérogatives souveraines de l’État, indispensables à tout projet de planification écologique ; pourtant, loin de déplorer ce processus, Yannick Jadot en appelle à davantage « d’Europe », de « démocratie à l’échelle internationale » et… « de décentralisation » pour mener à bien cette planification.

S’il pointe bien du doigt les entreprises les plus ouvertement polluantes – souvent réduites à des « lobbies » -, il ne met pas en cause le système économique dominant. Faute d’identifier une cause au désastre environnemental – le régime d’accumulation néolibéral – et de présenter l’État comme un acteur central capable de conduire un changement structurel, il se condamne à une succession de vœux pieux.

L’éléphant dans la pièce

« Rendre la rénovation thermique des logements accessible à tous » (proposition n°1 de son programme), « approvisionner 100% des cantines des écoles, des hôpitaux et des universités et des autres établissements publics avec des produits biologiques, de qualité et locaux » (proposition n°4), « interdire l’importation des produits issus ou contribuant à la destruction des forêts primaires » (proposition n°5), sont des idées salutaires qu’il s’agirait de mettre en oeuvre au plus vite. Cependant, elles ne peuvent remplacer un programme de transformation économique qui s’attacherait à évaluer les besoins et exposer les outils de la transition pour chaque secteur.

Matthieu Auzanneau, directeur du Shift Project, déclarait il y a peu : « La première nation qui saura bâtir un plan cohérent pour sortir du pétrole aura gagné l’avenir » [1]. M. Jadot prévoit certes la subvention des énergies renouvelables… mais c’est le plan cohérent qui fait défaut. « Entrepreneurs », « territoires », « société civile », « tissu associatif », « citoyennes et citoyens »… on n’en finirait pas d’égrener la liste d’acteurs sur lesquels le candidat compte s’appuyer pour mener à bien la transition écologique. L’absence de l’un d’entre eux fait cruellement défaut : l’État. Ce dernier est pourtant indispensable pour mener un changement structurel d’ampleur. Seul l’État peut impulser une mutation du mode de production et conduire la France vers un nouveau paradigme économique.

Comme l’a déjà souligné Laure Després, professeure émérite de sciences économiques à l’Université de Nantes, sous la présidence du Général de Gaulle « la planification indicative à la Française a fait l’objet d’un réel consensus national […]. Le but était d’orienter les investissements des entreprises publiques et privées vers les secteurs prioritaires pour la croissance » [2]. Au vu des évolutions observées depuis les Trente glorieuses, l’enjeu est précisément de créer un nouveau consensus national autour d’un nouveau mode de production qui prenne acte de la finitude des ressources et du désastre climatique. La finalité la planification écologique serait ainsi d’orienter les investissements vers les secteurs prioritaires, non pour tendre vers une croissance maximale mais pour mener à bien la transition énergétique.

L’économiste Cédric Durand et le sociologue Razmig Keucheyan, rappellent à juste titre que cela demande un contrôle public du crédit et de l’investissement qui défasse l’immense pouvoir que les créanciers et investisseurs privés ont accumulé depuis les années 1980 [3]. Une idée qui n’a rien d’utopique puisque ce contrôle existait en France dans les années 1950-1960. Le dispositif alors en place, nommé « circuit du trésor », conduisait les institutions publiques, les entreprises publiques ainsi que de nombreux ménages à déposer leurs avoirs monétaires au Trésor public, ce qui permettait à l’État de financer ses dépenses [4].

NDLR : lire sur LVSL l’article de Cédric Durand : « La bifurcation écologique n’est pas un dîner de gala »

Une fois libérés de l’emprise des marchés de capitaux, il conviendrait d’organiser l’action à différents niveaux afin d’éviter une centralisation trop importante susceptible de menacer la dimension démocratique du plan. Mme Després, qu’il convient de citer assez longuement, a bien précisé en quoi consistait une planification multiniveau : « Les grandes orientations du Plan national sont discutées à l’occasion des campagnes électorales, votées par le Parlement et s’imposent à tous. La manière de les atteindre localement compte tenu des caractéristiques écologiques et sociales du territoire est laissée à l’appréciation des collectivités territoriales. Cependant, la région doit élaborer son propre plan en tenant compte des projets élaborés au niveau local et inversement, de même les niveaux national et régional doivent coopérer : des négociations sont donc indispensables pour adopter une démarche globale qui couvre l’ensemble des investissements réalisés par les différentes instances de la puissance publique ainsi que ceux qu’elles peuvent influencer sur leur territoire » [5].

Cette manière de procéder accompagnerait la relocalisation et le protectionnisme nécessaires à la reprise de contrôle de notre appareil productif. Précisons que la France serait dans l’obligation d’entamer un rapport de force avec les institutions européennes qui ne pourraient accepter de telles entorses aux règles de « concurrence libre et non faussée » sanctuarisées dans les traités de l’Union européenne. Il lui faudrait alors chercher le soutien du maximum d’États membres possibles, à savoir ceux qui seraient prêt à s’engager à leur tour dans une véritable planification écologique.

Si l’on veut que l’écologie soit autre chose qu’une succession de propos convenus, il est primordial de poser comme objectif décroissance de larges pans de notre économie, à savoir ceux qui contribuent à satisfaire ou créer des besoins jugés artificiels

Le candidat écologiste a choisi d’aller en sens inverse en prônant une « Union » avec l’Allemagne (proposition n°15), qui défend avec la plus grande ferveur l’ordre néolibéral actuel. Militer quotidiennement pour un « protectionnisme vert » tout en cherchant à renforcer ses liens avec un système de pouvoir structurellement attaché au libre-échange relève à tout le moins de la contradiction.

En cela, l’eurodéputé prend le risque de ruiner sa crédibilité auprès de quiconque ne lui est par encore acquis. La France ne peut faire l’économie d’un rapport de force avec l’Union européenne et l’Allemagne, et d’une affirmation claire des intérêts qu’elle tient à ne pas sacrifier si elle souhaite reprendre son destin en main. Si Monsieur Jadot défend verbalement la « planification écologique », il déclarait en 2016 qu’elle « ne [marcherait] que dans un cadre européen ». Trois décennies de globalisation, d’intégration européenne et de décentralisation ont affaibli les prérogatives souveraines de l’État, indispensables à tout projet de planification écologique ; pourtant, loin de déplorer ce processus, Yannick Jadot en appelait à davantage « d’Europe », de « démocratie à l’échelle internationale » et… « de décentralisation » pour mener à bien cette planification.

Aussi, il ignore que « la reconquête de nos souverainetés alimentaire, sanitaire, énergétique, numérique, industrielle » qu’il entend amorcer – à raison – ne pourra pas se faire « dans une Europe (sous-entendu, une Union européenne) enfin fière d’être un continent social ». Il est fondamental de rappeler que la Commission européenne et la Banque centrale européenne ont fait pression de manière répétée sur les États membres les moins « disciplinés » afin qu’ils diminuent les coûts de leur système de protection sociale, ce qui a mécaniquement porté atteinte à leur capacité à protéger l’ensemble des citoyens contre les risques de la vie (maladie, chômage…). Si l’éclatement de la pandémie de COVID-19 a mené à la suspension de certaines normes de discipline budgétaire – notamment celles du Pacte de stabilité et de croissance –, il n’est pas prévu que cela s’inscrive dans la durée. En 2009, François Denord et Antoine Schwartz publiaient déjà un livre intitulé L’Europe sociale n’aura pas lieu. La décennie qui a suivi a indéniablement confirmé leur analyse, et il n’y a aucune raison de penser que la tendance va s’inverser.

Enfin, s’il propose de « conditionner 100% des aides publiques aux entreprises au respect du climat, du progrès social et de l’égalité entre les femmes et les hommes » (proposition n°3), il est fort dommage que le candidat écologiste n’ait pas songé à préciser les normes à respecter. Dans le projet pour la République écologique, on peut lire que les aides seront mises en place « dans le cadre d’accords d’entreprise ou de branche pour les PME, fixant les progrès à atteindre en matière climatique et sociale ». Or, l’ère néolibérale que nous traversons actuellement se caractérise par une très nette domination du capital sur le travail. Sans normalisation imposée par la puissance publique, il est certain qu’une grande part des entreprises, à commencer par les multinationales, ne va pas réellement agir pour décarboner ses activités. Il existe donc un risque important qu’en l’absence d’une telle prise d’initiative étatique, les entreprises en question passent à travers les mailles du filet par de simples opérations d’écoblanchiment (greenwashing) et autres chartes incantatoires. La planification, en plus de remédier à cela, orienterait de manière claire les investissements qui doivent accompagner la transition énergétique, donnant ainsi la visibilité nécessaire aux entreprises.

L’épineuse question de la croissance

Aux impensés de Monsieur Jadot concernant la mutation de nos modes de production, répondent ceux qui ont trait à la mutation de nos modes de consommation.

Si l’on veut que l’écologie soit autre chose qu’une succession de propos convenus, il est primordial de poser comme objectif décroissance de larges pans de notre économie, à savoir ceux qui contribuent à satisfaire ou créer des besoins jugés artificiels – assortie d’un développement des secteurs peu carbonés et socialement utiles tels que l’agroécologie, le service à la personne ou la réparation d’objets. Une telle perspective implique de rompre avec le régime d’accumulation dominant – caractérisé par une financiarisation et une globalisation sans précédent du capital, et indexé sur la croissance des industries polluantes

Contrairement à une idée répandue, la décroissance de nombreux pans dominants de notre économie n’est aucunement incompatible avec la création d’emplois si elle s’accompagne d’un plan structuré de décarbonation de l’économie et du développement organisé des secteurs – répondant à des besoins jugés plus importants réels – où les travailleurs manquent. En effet, il est tout à fait possible de fixer un quota d’importation de téléviseurs et d’objets connectés, de faire dégonfler progressivement les grandes surfaces et d’interdire la création de nouveaux centres commerciaux tout en créant une garantie à l’emploi. Cette dernière correspondrait au financement de l’emploi en dernier ressort par l’État qui recruterait massivement pour mettre en œuvre la décarbonation ainsi que pour renforcer les secteurs que le plan viserait à élargir.

Logiquement, elle serait financée en partie grâce à la cessation du versement de la quasi-totalité des allocations chômages (qui ont représenté 35,4 milliards d’euros en 2019). Sur les cinq candidats à la primaire écologiste de septembre, une seule a mis en avant de manière assumée le terme de décroissance : il s’agit de Delphine Batho. La députée fait certes désormais partie de l’équipe de campagne de M. Jadot, mais la décroissance ne tient aucune pas de place dans les discours de ce dernier, qui réduit cette question à un simple « débat théorique » [6].

Si la pertinence du terme de décroissance peut être débattue, le coup de pied dans la fourmilière de la candidate était bienvenu. En effet, comme l’explique notamment Jean-Marc Jancovici, polytechnicien et président du Shift Project, le fonctionnement des machines sur lesquelles repose notre économie dépend en grande partie des ressources fossiles dont les réserves se contractent au fur et à mesure que nous les extrayons. D’après un graphique en courbe que M. Jancovici a réalisé à partir de données publiées par British Petroleum (BP), le dernier pic d’approvisionnement pétrolier des États membres de l’UE et de la Norvège a été atteint en 2006. Entre cette année et 2018, l’approvisionnement en pétrole a globalement baissé de 14% malgré une légère remontée au début de la dernière décennie due au boom du pétrole de roche mère (communément appelé pétrole de schiste) aux États-Unis.

Néanmoins, les sociétés spécialisées dans l’extraction de ce type d’hydrocarbure sont structurellement déficitaires, ce qui rend très incertain l’avenir de la production [7]. Il semblerait à tout le moins audacieux d’exclure que cette diminution de la quantité de ressources énergétiques disponibles n’ait pas pour implications une chute du PIB…

Si M. Jancovici analyse très peu les fondements purement économiques de la croissance pour se focaliser essentiellement sur ses fondements énergétiques, on ne saurait balayer d’un revers de main sa conclusion, tant elle trace les contours d’un avenir qui ne semble pas improbable : nous avons le choix entre une décroissance choisie et une décroissance subie. La première option consisterait à diminuer drastiquement, voire à stopper les investissements dans les secteurs qui visent à satisfaire des besoins jugés artificiels (5G, robotique, intelligence artificielle…) responsables d’une bonne partie des émissions de gaz à effet de serre, et à les réorienter vers ceux permettant de remplir des besoins jugés primordiaux (agriculture, textile, logement, sans parler des activités culturelles…) tout en cherchant les décarboner le plus possible. La seconde impliquerait des conflits dus à l’écart de plus en plus important entre la demande de ressources naturelles et l’offre disponible. Elle adviendrait d’ailleurs dans un monde où la qualité de vie aurait déjà sensiblement baissé par endroits (épisodes caniculaires répétés, manque de végétation…).

Il est fort dommage que Monsieur Jadot n’ait pas songé à prendre en compte ces contraintes. Celui pour qui l’écologie est « un projet d’émancipation », « un projet de liberté individuelle et collective » a omis d’inclure le consumérisme et les besoins artificiels comme facteurs d’aliénation. Si l’écologie est un projet de société, autant assumer les changements radicaux à porter si l’on ne tient pas à connaître une dégradation marquée de notre qualité de vie dans les décennies à venir. 

Notes :

[1] Cédric Garrofé, « Matthieu AUZANNEAU : “La première nation qui bâtira un plan cohérent pour sortir du pétrole aura gagné” », Le Temps, 22 septembre 2021.

[2] Laure Després, « Une planification écologique et sociale : un impératif ! », Actuel Marx, 2019/1.

[3] Cédric Durant et Razmig Keucheyan, « L’heure de la planification écologique », Le Monde diplomatique, mai 2020.

[4] Benjamin Lemoine, « Refaire de la dette une chose publique », Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, 27 juillet 2016.

[5] Laure Després, art. cit.

[6] La Décroissance, n° 182, Lyon, septembre 2021

[7] Matthieu Auzanneau, « L’inexorable déclin du pétrole. L’Union européenne, première victime de la pénurie ? », Futuribles, 2021/4

Standardisation du vivant : une menace pour l’humanité

© Oriol Pascual

Des forêts aux cheptels bovins, le vivant tend à être de plus en plus uniformisé, afin de maximiser la rentabilité à court terme. Or, en détruisant une biodiversité autrefois très riche, l’être humain menace la sécurité de son alimentation. Un premier pas vers la sortie de ce productivisme écocidaire serait de rompre avec la logique libre-échangiste aujourd’hui hégémonique.

Plus les années passent, et plus la marchandisation de notre environnement prend de l’ampleur. Du marché de l’amour, désormais organisé par des applications, en passant par celui des droits à polluer, de la génomique et de la procréation, rien ne semble pouvoir y échapper. Comme l’expliquait l’économiste Karl Polanyi, la recherche de profits pousse à l’extension perpétuelle des sphères du capitalisme, au point d’entraîner la création de « marchandises fictives », c’est-à-dire la transformation en marchandises d’objets non adaptés au marché tels que les monnaies, la Terre, et le travail.

Ce que Polanyi n’avait pu imaginer, c’est la standardisation sans bornes du vivant dans la recherche d’une compétitivité effrénée : les arbres sont sélectionnés pour leur vitesse de croissance, les animaux pour leur capacité d’engraissement, les hommes bientôt pour leur productivité… La biodiversité, elle, prise dans ce mouvement d’uniformisation, s’appauvrit au point de menacer ses propres capacités de résilience et de balafrer à jamais le patrimoine français, voire mondial.

Des forêts en rang d’oignons

Si l’augmentation spectaculaire de l’espace forestier en France en seulement un siècle est remarquable – et due à l’effondrement du monde paysan -, un tel développement cache cependant une réalité moins glorieuse : l’industrialisation d’une partie de nos forêts. Dans les pays aux climats tempérés comme la France, le cheval de Troie de ce phénomène n’est autre que le pin Douglas, un résineux nord-américain dont la monoculture ne cesse de se répandre dans le Massif central, en particulier dans le Morvan. Et pour cause, il pousse deux fois plus vite que ses congénères, est plus résistant aux maladies, et son bois est plus droit et solide. Rapidement, il a donc été sacré grand chouchou de la sylviculture et de l’industrie du meuble. Il est alors planté en masse sur des hectares entiers avant que ne se produisent des coupes rases (abattage de l’ensemble des arbres sur une parcelle) qui empêchent le retour à la terre des troncs, et donc la régénération de celle-ci. L’arbre pompe alors les minéraux du sol sans le réenrichir en se décomposant pour former l’humus. Ce processus d’extraction menace les nombreux insectes et oiseaux vivant grâce à ce bois mort et acidifie les sols.

À cela s’ajoute l’usage d’intrants pour dévitaliser les souches et effectuer de nouvelles plantations. Il n’est ainsi plus si rare de se promener dans des forêts où la distance entre les arbres est millimétrée, une seule essence visible, et la biodiversité inexistante. Un phénomène inquiétant plus répandu qu’on ne le pense : 14% des forêts françaises sont des plantations, 30 000 ha de forêt ont été plantés ou replantés chaque année au cours des dix dernières années, et les feuillus, moins rentables, disparaissent (80% des arbres plantés sont des résineux). Un écocide qui vient fournir en matière première le géant chinois qui, loin de la candeur occidentale, protège ses forêts.

Des bovins tous jumeaux

Cette uniformisation se retrouve aussi dans l’élevage bovin, bien que la communication autour de celui-ci laisse à penser le contraire : 46 races de vaches sont recensées sur le cheptel national, de quoi laisser imaginer une grande diversité. Pourtant, deux races concernent à elles seules plus de 50% des vaches : la Prim’Holstein et la Charolaise. Cette standardisation des troupeaux, relativement récente dans l’histoire de France, a été provoquée par l’action conjuguée d’importations de races d’Angleterre et d’Hollande, de croisements multiples et de politiques publiques, notamment introduites par l’ingénieur général agricole Edmond Quittet après 1945. Le but était de faire disparaître les races de vaches les moins productives, alors jugées inutiles (la garonnaise, la blonde des Pyrénées, la rouge flamande, etc.), sacralisant la victoire de l’utilitarisme benthamien, lui-même étroitement lié au libéralisme, moteur du capitalisme. Ainsi, la Prim’Holstein a représenté un raz-de-marée pour le cheptel bovin français complètement transformé. Le « une vache, une région[6] » du début du XXème siècle n’a plus cours.

Le but était de faire disparaître les races de vaches les moins productives, alors jugées inutiles, sacralisant la victoire de l’utilitarisme benthamien, lui-même étroitement lié au libéralisme, moteur du capitalisme .

Un changement regrettable – au-delà de la simple estocade qu’a subi le leg patrimonial – dans la mesure où ces races anciennes présentaient une rusticité et une grande adaptation aux territoires. Et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Déjà le clonage des bovins devient chose courante aux États-Unis et en Chine. À force de prendre la nature pour une marchandise, d’ignorer ses limites perdu dans un techno-utopisme, l’homme risque de se perdre lui-même.

L’uniformisation, un risque majeur pour la sécurité alimentaire

Quand l’on sait que 90% des espèces cultivées ont disparu depuis le début du XXème siècle, que 75% de nos apports alimentaires dépendent de seulement 12 espèces végétales et de 5 espèces animales, la question des conséquences de la standardisation du vivant devient incontournable. Plus qu’un appauvrissement génétique, c’est une menace grave qui plane sur l’alimentation mondiale. La diversité des écosystèmes permet en effet de les rendre plus résistants et résilients face aux maladies et ravageurs. Un vivant plus standardisé, c’est avant tout moins de prédateurs potentiels contre les nuisibles, à l’image des chauves-souris qui dévorent les “vers de la vigne”, ennemis des vignerons. Plus les espèces disparaissent dans cette “grande standardisation”, et moins nous disposons de moyens de procéder à des hybridations qui seraient pourtant très utiles face à de nombreux défis (espèces invasives, changement climatique). L’existence de variétés de céréales éthiopiennes plus résistantes à la chaleur est ainsi une piste intéressante dans le sens d’une adaptation au réchauffement planétaire.

En règle générale, les monocultures standardisées permettent aux nuisibles de se propager à une vitesse folle. Le cas du Morvan est encore ici emblématique : les épicéas plantés en monoculture subissent une particulièrement forte mortalité du fait de la scolyte, un insecte qui pond ses œufs dans l’écorce des arbres. Ainsi, en 2020, les bois dépérissants représentent 26% de la récolte en forêt publique. La banane Cavendish, qui représente plus de 99% des bananes importées dans le monde, subit le même scénario à cause d’un champignon en mesure de proliférer du fait d’une biodiversité enterrée sous une monoculture généralisée. Les élevages industriels, malgré des procédures de biosécurité renforcées, constituent eux aussi des foyers épidémiques en puissance, un problème que la résistance de nouvelles bactéries aux antibiotiques risque d’aggraver dans les prochaines décennies. L’appauvrissement génétique en cours, irréversible, pourrait bien à terme broyer les capacités de résilience de l’humanité.

Sortir des logiques productivistes

Cette uniformisation tant de la biodiversité française que de nos élevages ne peut être combattue qu’en terrassant les causes de ce phénomène : la recherche de rendement et la course à la compétitivité. Il est ainsi crucial de remettre à plat la PAC (Politique Agricole Commune), dont les subventions sont indexées sur le nombre d’hectares pour les agriculteurs et le nombre de têtes pour les éleveurs. Mais la fin du dumping social et environnemental passera aussi par la sortie des traités de libre-échange qui enserrent la France dans une concurrence mondiale intenable. Le double discours des élites politiques, nationales comme européennes, promettant de protéger notre agriculture et l’environnement tout en signant des accords avec le Canada, le Mexique, le Vietnam ou le MERCOSUR, doit être dénoncé. Il en est d’ailleurs de même avec le marché unique européen. Derrière les mots « libre échange », qui relèvent plus de la novlangue que d’une réalité conceptuelle, il faut bien comprendre « asservissement du politique à des dynamiques économiques ». La seule chose libérée grâce à ces traités se trouve être l’accès, pour des multinationales, à de nouveaux marchés, autant pour s’approvisionner en matières premières, que pour écouler la marchandise. Pire encore, la croissance démographique et la montée des niveaux de vie dans les pays émergents vont sans aucun doute faire monter les prix des matières premières : bois de construction, viande, blé… et il sera donc de plus en plus ardu de résister aux sirènes de la marchandisation à tout va.

La fin du dumping social et environnemental passera aussi par la sortie des traités de libre-échange qui enserrent la France dans une concurrence mondiale intenable.

Ainsi, les animaux comme les végétaux, mais aussi, de manière indirecte, les êtres humains, subissent ce mouvement d’uniformisation généralisé. Résister n’est pas seulement une question de survie matérielle et environnementale, mais un impératif moral et anthropologique. Face au mouvement d’uniformisation marchand imposé par la mondialisation, nous devons préserver et valoriser l’aspérité, le discontinu, le protéiforme… Ce sont les conditions même de l’existence qui sont en jeu : l’homme ne se réalise que s’il peut se distinguer de l’altérité. Il est grand temps de donner tort à la si véridique assertion de Jacques Ellul « Cette société s’est trouvée caractérisée à nos yeux par ses fatalités et son gigantisme ».

Relocaliser l’agriculture est une priorité

Le 28 novembre dernier, l’INRA organisait un grand colloque consacré à la reterritorialisation de l’alimentation, une question lancinante à l’heure où les intermédiaires se multiplient entre la production, la transformation et la commercialisation. Selon le rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et industrielles[1], un produit parcourt en moyenne 3000 km avant d’arriver dans notre assiette, soit 25 % de plus qu’en 1980. Les petites exploitations qui tentent de s’imposer sur le marché local peinent à faire face à la concurrence des produits importés à bas coût, et le métier d’agriculteur est de plus en plus compliqué. Actuellement, un agriculteur se suicide tous les deux jours selon les données de l’Observatoire national de santé. Le coût environnemental et social de ce modèle impose une transformation des pratiques, par un regain par les territoires de leur capacité de production locale organisée autour de filières intégrant enjeux sociaux et environnementaux. Mais face à la mondialisation des échanges et à l’urbanisation croissante, comment encourager le développement de circuits courts de proximité ?


Circuits courts de proximité : quels avantages pour renforcer la durabilité des territoires ?

Selon la définition adoptée par le ministère de l’Agriculture en 2009, un circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre l’exploitant et le consommateur. Il en existe plusieurs formes : les magasins de producteurs, la vente directe à la ferme et sur les marchés, les points de vente collectifs (« La Ruche qui dit oui »), les paniers et AMAPs (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne). La définition du ministère de l’Agriculture ne prend pas en compte de la distance parcourue par le produit. Ce qui est qualifié de circuit court n’est donc pas nécessairement synonyme de proximité. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a quant à elle proposé une définition du circuit court de proximité[2] qui inclut le kilométrage parcouru par le produit, de 30 km pour un produit agricole à 80km pour les produits transformés. En matière de durabilité, cette définition n’est cependant pas suffisante. L’ADEME définit l’agriculture durable comme celle qui répond à un certain nombre d’enjeux qui sont à la fois la sécurité alimentaire des pays et populations, la rémunération de l’ensemble de la chaîne de production, le respect de l’environnement et la qualité nutritionnelle et sanitaire des aliments[3]. En outre, un aliment « local » n’est pas nécessairement cultivé sans pesticides et son mode de production peut avoir un impact énergétique important. Faire pousser des tomates sous serres chauffées en hiver, bien que tout près de chez soi, aura par exemple un impact désastreux pour l’environnement. Pour mesurer la durabilité d’un produit, il convient donc de prendre en considération l’ensemble du cycle de vie du produit, soit sa production, sa transformation, son conditionnement et son transport jusqu’au lieu de consommation.

Les modèles d’alimentation durables sont les circuits courts de proximité fondés sur des techniques agricoles favorisant la préservation de la qualité des sols et la qualité nutritive des aliments (agroécologie, transformation sans additifs) plus favorables à l’environnement et garantissant un modèle économique viable pour le producteur. Dans une interview pour le journal l’Humanité, Marc Dufumier[4] explique que « les agriculteurs sont devenus des ouvriers payés à la pièce. Et si la pièce présente le moindre défaut, l’agro-industrie en diminue le prix. La pression à la baisse des prix est incessante ». Les agriculteurs sont pris dans un système capitaliste qui les pousse à produire au plus bas prix, rendant leurs conditions de vie précaires. Ainsi, le développement des circuits courts de proximité est un moteur d’emploi sur le territoire qui dynamise l’économie locale et permet de rémunérer le travail du producteur de manière décente. Derrière les circuits courts, c’est donc la perceptive d’un nouveau rapport à l’espace qui grandit, un nouveau moyen de faire société et de renouer avec son territoire.

Quels sont les freins au développement de ces producteurs locaux ?

La loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt du 13 octobre 2014 a marqué une avancée en matière de relocalisation de la production agricole et alimentaire. Cette loi a mis en place les PAT (Plans d’alimentation territoriaux) qui ont pour objectif d’associer les producteurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs dans des projets alimentaires locaux. Néanmoins, l’objectif annoncé d’avoir 500 PAT en 2020 n’a pas été tenu, puisqu’aujourd’hui seule une centaine de PAT ont vu le jour sur le territoire national.  Ouverts en 2017, les États généraux de l’alimentation marquaient la possibilité d’avancées en matière de réglementation alimentaire. La loi EGalim du 30 octobre 2018 qui en est ressortie a en effet permis certaines avancées. Elle prévoit notamment qu’au 1er janvier 2022, les repas servis en restauration collective dans tous les établissements chargés d’une mission de service public comptent 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques[5]. Néanmoins, l’obligation d’intégrer une part de produits locaux dans les aliments servis dans les cantines n’a pas fait l’objet d’un article dans la loi. En outre, en raison du principe fondateur de l’Union européenne de libre circulation des marchandises, il n’est pas possible de favoriser un produit local sur le critère qu’il est produit sur son sol. Or, face aux faibles coûts de production des denrées dans certains pays qui ont recours à une main d’œuvre bon marché, force est de constater que les producteurs locaux ne réussissent pas à rivaliser. Il apparaît donc nécessaire d’orienter les marchés publics en fonction de critères de durabilité[6].

Pour combler cette lacune, les subventions pourraient être accordées selon la durabilité des modèles d’agriculture. Mais là encore le bât blesse puisque les aides européennes allouées à l’agriculture à travers la PAC (politique agricole commune[7]) sont accordées en fonction de l’unité de surface. Autrement dit, plus on a d’hectares, plus on a de subventions. Ce système a ainsi poussé les agriculteurs à agrandir leurs exploitations et à moderniser leurs techniques sur la base d’un modèle productiviste d’agriculture intensive (croissance de pratiques agricoles nuisant à la santé des sols, perte de contenu organique, surutilisation de pesticides). Le système de la PAC a fait de la terre nourricière une source de rente.  Dans un dossier de la revue Alternatives économiques[8], Antoine de Ravignan[9] souligne que lors de la définition de son cadre pluriannuel, la PAC a cherché à inciter à de meilleures pratiques agricoles en conditionnant 30% des paiements directs (soit 12 milliards d’euros par an) au respect de meilleures pratiques agricoles. Cependant, un rapport de la Cour des comptes européenne souligne ainsi que « ce verdissement n’a suscité de changements dans les pratiques agricoles que sur quelques 5% des surfaces ». Selon ce rapport, en l’absence d’objectifs clairs (baisse de polluants, amélioration de matières organiques dans les sols), le paiement vert reste une aide au revenu, mais ne permet pas d’avancées environnementales.

Enfin, pour encourager le développement d’un modèle alimentaire durable pour les territoires, il est impératif de rendre possible la possession des terres par les agriculteurs. En France, de plus en plus de personnes morales achètent des terres au détriment des agriculteurs. Ces investisseurs alimentent la spéculation autour du foncier agricole dont le prix explose, rendant son accès impossible aux agriculteurs. Ces investisseurs, en encourageant le modèle des grandes exploitations d’agriculture intensive et de monoculture, représentent un danger pour la préservation de la fertilité des sols, mais aussi pour l’emploi et la qualité nutritionnelle des aliments. Emmanuel Hyest, président de la FNSafer a, à plusieurs reprises, alerté les pouvoirs publics sur l’irréversibilité de ce phénomène aux conséquences dramatiques. La dérégulation du marché foncier menace aujourd’hui la soutenabilité du modèle agricole. Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle souligne ainsi l’urgente nécessité d’une loi foncière.

« il en va de la souveraineté alimentaire, de la lutte contre le changement climatique et de la vitalité de nos espaces ruraux ».

En somme, reterritorialiser notre alimentation en encourageant le développement des modèles de production plus durables apparaît aujourd’hui fondamental pour assurer la préservation de l’environnement, la juste rémunération des producteurs et la qualité nutritive des aliments. Cela ne sera pas possible sans une révision de la logique de la politique agricole commune et la lutte contre la concurrence dérégulée. Par ailleurs, Emmanuel Macron avait promis une loi pour 2019 sur la protection du foncier agricole, cette loi semble se faire attendre. Pourtant, elle est fondamentale pour encadrer la bonne distribution des surfaces agraires et garantir notre souveraineté alimentaire.

 

[1]Rapport d’information n°2942 sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et industrielles, Brigitte Allain, 7 juillet 2015.

[2] ADEME, rapport « Alléger l’empreinte environnementale de la consommation des Français en 2030 »,2015.

[3] ADEME, rapport « Alléger l’empreinte environnementale de la consommation des Français en 2030 », 2015.

[4] Marc Dufumier est professeur honoraire à AgroParisTech, président de la nouvelle association pour la Fondation René-Dumont, membre du comité scientifique de la Fondation Nicolas-Hulot, président de Commerce équitable France et administrateur du Centre d’actions et de réalisations internationales (CARI)

[5] C’est notamment ce que préconisait le rapport d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et industrielles

[6] 9 milliards d’euros sont versés chaque année à 300 000 exploitations en France

[7]Qualité de vie, écologie, innovation, les campagnes sont de retour Alternatives économiques, n°16, Décembre 2018

[8] Antoine de Ravignan, Rédacteur en chef adjoint d’Alternative économiques

[9] Rapport d’information sur la proposition de loi relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle, N° 4363

Une autre idée du progrès

La Partie de campagne (Deuxième état), Fernand Léger, 1953

En cette période de mobilisation pour le climat, la question de la réduction de la consommation, et son corollaire, la question de la décroissance, reviennent sur le devant de la scène : plus de circuits courts, moins d’intermédiaires, une exploitation raisonnée des ressources. Avec elles resurgit le marronnier, l’éternel débat : croissance et progrès pourront-ils vraiment nous sauver ? Ce débat n’a aucun sens, et l’erreur est partagée. Partisans de l’un ou de l’autre camp se sont longtemps enfermés dans cette opposition qui n’est rien d’autre qu’une impasse.


Considérer comme définitivement liées les notions essentialisées de croissance et d’innovation mérite peut-être quelques nuances. D’abord, parce que l’indicateur de croissance qu’est le PIB est somme toute assez lacunaire, ensuite parce que le fait d’innover se considère selon une direction et une trajectoire. Décroître ne serait finalement peut-être pas renoncer à l’innovation, ce serait innover dans un autre but : celui de faire avec moins.

La relation historique entre croissance et progrès

En 1974, Robert Solow publie un article The economics of ressources, or the ressources of economics, en réponse au rapport Meadows de 1972. Il ajoute au travail et au capital le progrès technique pour expliquer la croissance du PIB. Pour lui, l’innovation et la substituabilité des ressources naturelles entre elles va permettre de ne pas atteindre l’état stationnaire : la croissance n’aurait donc pas de limite.

Pour R. Solow, dans ce premier modèle, la variable progrès techniqueest exogène et dépend de l’écoulement du temps. Ce modèle est complété dans les années 1980 et le progrès est désormais considéré comme une variable endogène expliquée par la formation et la recherche : l’investissement en capital humain. Les théories de la croissance endogène ont mis peu à peu en avant le progrès technique et l’investissement comme créateur de richesse et moteur croissance. Comme l’écrit Paul Romer (prix Nobel d’économie 2018) en 1986, par définition, cette variable de l’équation qu’est le capital humain ne connait pas de rendements décroissants, au contraire il s’auto-améliore avec la coopération et l’extension de la formation. L’accumulation des richesses serait concomitante avec l’accumulation de connaissances scientifiques.

Une croissance verte difficilement satisfaisante

Les partisans de la décroissance ont donc pris le revers des modèles de croissance, et, pour la plupart, se sont opposés « au mythe du progrès infini ». Ce mythe permettrait de rassurer les consciences, de concilier écologie et société industrielle et de croire à l’essor infini de la civilisation industrielle.

Pour les uns, « Les penseurs de la décroissance ont tort de sous-estimer les bénéfices que peut apporter le progrès technique »[1]. Les penseurs de la décroissance sont alors assimilés à Malthus et à son erreur d’appréciation sur l’amélioration des rendements rendus possibles par le progrès technique. Le 11 janvier dernier, dans une tribune du Monde [2], Guillaume Moukala Same écrivait encore « Nous n’avons connaissance ni de toutes les ressources qui nous sont disponibles ni de la manière dont ces ressources peuvent être utilisées, ce qui rend impossible de légitimer une restriction du niveau de vie des générations présentes. ».

Ces discours sont irresponsables. Il apparaît bien évident que la réduction de notre consommation d’énergie est une nécessité, et que l’illusion de la pérennité de nos modes de vie ne peut pas être confortée par la supposition de notre inconnaissance, par une découverte qui serait encore à faire mais certainement à venir.

La réponse se situerait pour d’autres, du côté de la croissance verte et de l’innovation. On accroît les richesses, mais différemment. J. P Fitoussi et E. Laurent, dans la Nouvelle écologie politique (2008) proposent un découplage entre croissance physique et croissance économique ; la mobilisation du savoir permettrait justement de maintenir la croissance tout en prélevant et polluant moins. Des exemples existent : l’industrie automobile a produit des voitures plus propres (quoique.), etc.

Décroître ne serait finalement pas renoncer à l’innovation mais innover dans un autre but : celui de faire avec moins.

Ce dernier exemple permet déjà une avancée : le progrès n’est peut-être pas de trouver d’autres sources d’énergie, mais de permettre d’optimiser la réduction de notre consommation. Au lieu de partir de la source d’énergie, peut-être faut-il partir du bout de la chaîne : la consommation. Lier cette logique à l’impératif de croissance se heurte à des obstacles très concrets. Une branche économique peut-elle vraiment croître en volume sans inconvénient environnemental majeur, ou alors sans entraîner de facto la croissance d’un autre segment de l’économie impropre dont elle dépend, typiquement le transport ? Tourisme, agriculture, biens d’équipement etc. Peu de branches, voire aucune, ne résiste à cette question.

Malgré l’innovation, la croissance aggrave intrinsèquement notre empreinte environnementale. Jean Marc Jancovici[3] relate sur son site les liens entre croissance et consommation d’énergie : « de 1980 à 2000, chaque point de croissance du PIB en France a engendré quasiment un point de croissance de la consommation d’énergie primaire[4] dans notre pays et un peu plus d’un demi-point de croissance de l’énergie finale : avec un peu plus de 2% de croissance annuelle de l’économie en moyenne sur ces 20 ans, la consommation d’énergie primaire a augmenté de 1,75% par an en moyenne, et la consommation d’énergie finale de 1,3% par an. »

De la pertinence de mesurer l’accroissement du PIB

Si la décroissance est encore un mot qui fait peur, regarder la définition de la croissance et sa réalité tangible permet de tempérer la sortie éventuelle de ce modèle de mesure. La croissance concerne l’accroissement annuel du produit intérieur brut (ou PIB), lequel se définit comme « la valeur totale (qui correspond le plus souvent aux prix de marché) des biens et services produits par des activités résidentes et disponibles pour des emplois finals »[5]. Cette définition comprend aussi la richesse générée hors de l’économie réelle. L’exemple le plus frappant est l’Irlande, pour qui, en 2015, le taux de croissance réelle du PIB a officiellement dépassé les 25 %, grâce à la prise en compte de l’activité des multinationales attirées par une fiscalité avantageuse. Ces distorsions méthodologiques doivent permettre de relativiser la pertinence de certaines mesures.

La croissance ne comprend pas non plus la mesure de la destruction de certaines ressources. Jean-Marc Jancovici montre l’absence de prise en compte des stocks naturels dans l’économie classique : « le PIB est aussi égal à la rémunération totale des acteurs humains qui ont concouru à la production des biens et services « finaux » à partir de ressources naturelles gratuites. Bien sûr, il arrive que l’on paye quelque chose à quelqu’un pour disposer d’une ressource, mais ce quelqu’un n’est jamais celui qui l’a créée, ou qui a le pouvoir de la reconstituer, il en est juste le propriétaire du moment. Personne ne peut créer du calcium ou du minerai de fer ». En d’autres termes, le PIB correspond aux salaires, plus-values, rentes et rémunérations diverses des hommes et des agents économiques : le PIB mesure bien la valeur ajoutée que nous créons, mais pas ce que nous consommons pour y parvenir. Il n’y a pas de prix des ressources naturelles consommées en dehors de celui du capital et du travail humain nécessaire à leur extraction. Pour Jean-Marc Jancovici, et le rapport Meadows avant lui, dans ce calcul nous oublions les charges qui tôt ou tard (et plus tôt que tard) gêneront notre croissance : l’utilisation de ressources non renouvelables et la pollution.

Il n’y a pas de prix des ressources naturelles consommées en dehors de celui du capital et du travail humain nécessaire à leur extraction.

Dernier élément, les circuits courts et à la désintermédiation, s’ils se généralisent, créent à l’échelle macro, une réduction des richesses produites. Comme le soulevaient les partisans du revenu universel ou du salaire à vie, le pain fait maison ou un buisson taillé soi-même ne produit pas de richesse, alors que l’appel à un tiers professionnel pour cette tâche en produit. Or cette intermédiation a une empreinte carbone importante ne serait ce qu’au regard des transports et de l’occupation d’infrastructures. Là encore, il est question d’indicateurs et de pertinence de la mesure.

Donner un autre sens aux investissements et à l’innovation

Le progrès est assimilé à une visée productiviste. Pour le dire rapidement, l’innovation industrielle a permis une évolution quantitative – consommer moins de matières premières lors de la production afin de produire plus d’unités – et qualitative – l’innovation permet d’ajouter de la valeur à une production, d’organiser une montée en gamme qui génère un accroissement de richesse. Que le progrès prenne en compte le principe de ressource limitée pour optimiser son utilisation n’est pas nouveau, mais jusqu’à aujourd’hui l’objectif est celui de la rentabilité.

Organiser la transition et la résilience de nos villes, de nos infrastructures pour répondre à l’urgence climatique ne rend pas évidente la production de richesse immédiate, tandis que le caractère « innovant » fait consensus.

Le progrès ne signifie pas pourtant nécessairement l’augmentation des richesses. Organiser la transition et la résilience de nos villes, de nos logements et de leur isolation, de nos moyens de transports, de nos infrastructures pour répondre à l’urgence climatique ne rend pas évidente la production de richesse immédiate, tandis que le caractère « innovant » fait consensus. L’innovation réellement verte ne sera vraisemblablement pas rentable.

Un avenir fait de la réduction de notre production et de notre consommation est de plus en plus envisageable et envisagé. Tout est à faire : réduction drastique d’emballages, objets plus durables et solides, désintermédiation et concentration des chaînes de production. C’est à cette fin que doit s’atteler le progrès technique. C’est même présent dans notre constitution, à l’article 9 de la Charte de l’environnement : la recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement. Selon cette perspective d’avenir, chaque pas dans cette direction constitue alors un progrès. Un progrès décroissant donc, qui fait aujourd’hui figure d’oxymore, alors qu’en réalité, il existe déjà, à petite échelle, tous les jours.

La démarche nécessaire n’est donc pas de se poser la question pour ou contre le progrès technique, mais celle de définir la trajectoire du progrès, et son lien avec le modèle de société souhaité.

[1] Et si le changement climatique nous aidait à sortir de la crise ? Anais Delbosc Christian de Perthuis (2012)

[2] «  La gauche décroissante rejette le progrès et abandonne son humanisme » https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/11/la-gauche-decroissante-rejette-le-progres-et-abandonne-son-humanisme_5407563_3232.html?xtmc=decroissance&xtcr=18&fbclid=IwAR3dE0XBaOb6Vh1VztxREQThk2L4SCJo0nibusOwTE6mR3I3X02ynVc3DZ0

[3] Jean-Marc Jancovici est un ancien élève de l’École polytechnique (1981) et ingénieur civil diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications  1986). Il collabore de 2001 à 2010 avec l’ADEME pour la mise au point du bilan carbone dont il est le principal développeur. Il fut ensuite membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot, avant de fonder son cabinet de conseil Carbone4. Site internet : https://jancovici.com/

[4] Pour passer de l’énergie primaire à l’énergie finale, il faut alors faire intervenir le rendement de l’installation de conversion (typiquement une centrale électrique dans le cas de l’électricité) et éventuellement du transport.

[5]La comptabilité nationale” de Jean-Paul Piriou, Editions La Découverte (2003).

Décès de Xavier Beulin : l’agro-business perd l’un de ses plus fidèles alliés

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«  Xavier Beulin a donné au syndicalisme et aux filières agricoles des lettres de noblesse et un élan incomparable. » [Communiqué FNSEA, 19 février 2017.] Xavier Beulin, dirigeant de la FNSEA (syndicat agricole majoritaire) et du groupe Avril est décédé. La classe politique française du PCF à Fillon en passant par Macron et Hamon lui rendent hommage. Qui était vraiment Xavier Beulin ?  On vous explique son bilan.

 

Conflits d’intérêts et réseaux d’influence

Qui est vraiment Xavier Beulin ? C’est une enquête de Reporterre qui démêle la position centrale de celui-ci dans les réseaux du monde agricole. Homme d’affaires, syndicaliste, représentant de collectivités publiques… Xavier Beulin était multi-casquettes ! Ainsi, Président du premier syndicat agricole français (la FNSEA), il était aussi vice-président du syndicat agricole majoritaire à l’Union Européenne (Copa-Cogeca). Egalement président de l’EOA (Alliance Européenne des oléo-protéagineux). Mais aussi vice-président du CETIOM (institut de recherche spécialisé dans les filières oléagineuses).. Et, par le passé, président de l’Association Française des oléagineux et protéagineux (jusqu’en 2011) et président du Haut-Conseil à la coopération agricole et du conseil d’administration de FranceAgriMer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer. Rien que ça ! Mais ses responsabilités ne s’arrêtaient pas là. Il présidait aussi l’IPEMED (institut de coopération avec les pays méditerranéens) et le CESER (Conseil Economique Social et Environnemental Régional) du Centre. Ainsi que le conseil de surveillance du Port Autonome de La Rochelle, deuxième exportateur français de céréales. Ainsi, vous mesurez l’ampleur des conflits d’intérêts que portait Xavier Beulin. Juge et partie de tous les sujets liés de près ou de loin à l’agro-industrie française et européenne.

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Le réseau de Xavier Beulin, par l’Association nationale des producteurs de lait, 2012.

 

Qui tient la FNSEA, contrôle l’Agriculture 

Xavier Beulin était surtout connu pour son statut de président de la FNSEA à partir de 2010. La FNSEA, créé en 1946, à toujours participé à la gestion de l’agriculture et des emplois agricoles avec les gouvernements successifs. Sa puissance repose sur son contrôle historique des chambres d’agriculture, et surtout leurs budgets. Diriger la FNSEA permet donc d’orienter le budget des chambres d’agricultures et notamment l’accès aux aides publiques. En d’autres termes : c’est avoir la tirelire de 700 millions d’euros (2014) et distribuer l’argent tel des bons points. D’après Reporterre, être adhérent à la FNSEA devient presque un passage obligé pour les agriculteurs qui souhaiteraient voir leurs requêtes aboutir (prêts, conseils juridiques, etc.) Car la FNSEA est omnipotente ! Membre des conseils de délibération sur l’achat des terres agricoles, des conseils des banques de prêts, de l’assurance Groupama, de la sécurité sociale des agriculteurs (MSA), dans l’enseignement… Jusque dans les milieux politiques à toutes les échelles, des mairies rurales à la Commission Européenne.

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Forte de 300 000 adhérents, la FNSEA a par ailleurs déclaré la guerre aux autres syndicats minoritaires tels que la Confédération Paysanne. En instrumentalisant des manifestations musclées craintes des gouvernements, facile de s’ériger en unique représentant du monde agricole et en interlocuteur officiel privilégié. Et ça fonctionne ! Création du Ministère de l’Agriculture et de l’agroalimentaire, rejet de l’écotaxe, agrandissement des élevages, assouplissement de la directive Nitrates, aide à l’irrigation agricole… Longue est la liste des renoncements et des connivences du Parti Socialiste avec monsieur Beulin. Qui tient la FNSEA, contrôle l’agriculture en France.

 

Xavier Beulin le businessman

Certains s’étonneront de voir Benoît Hamon pleurer la disparition de Xavier BeulinMais rien de plus logique quand on sait qu’en décembre 2013 déjà, François Hollande se déplaçait pour les 30 ans d’ Avril (ex-Sofiproteol).  Et faisait un discours élogieux pour ce géant céréalier de l’agro-industrie française pesant plus de 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et c’est le même François Hollande qui parle aujourd’hui d’ « une perte majeure pour la France »  au sujet de son décès. L’histoire d’amour entre le gouvernement socialiste et les affaires de monsieur Beulin ne sont plus un secret pour personne. Ainsi, pendant que la justice rejetait la suspension du projet de ferme-usine des Milles Vaches (12 mars 2014), les membres du gouvernement Hollande, notamment M. Le Foll, ministre de l’agriculture et M. Martin, alors ministre de l’Ecologie, paradaient aux Etats-Généraux de l’Agriculture, organisés par la FNSEA. Inutile de préciser que le gouvernement Hollande avait choisi son camp. Et que dire du conseil d’administration de la multinationale Avril ? Anne Lauvergeon, ancienne dirigeante d’Areva, Pierre Pringuet (président de l’Association Française des Entreprises Privées), et autres collègues ou ex-collègues de Xavier Beulin dans d’autres conseils d’administration de banques, coopératives, etc. Le monde est petit !

 

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Capture d’écran

L’oligarchie productiviste et libérale en action

Xavier Beulin était tout puissant. Comme le souligne Reporterre : “quand cette puissance se cumule avec celle d’un grand groupe agro-industriel, comme Avril, on est, simplement, dans une logique oligarchique, où public et privé se combinent à l’avantage des intérêts privés”. Pour Xavier Beulin, il n’y a d’autre choix possible que celui de l’industrialisation de l’agriculture ! Ainsi, les activités d’ Avril visent à assurer un maximum de débouchés à la filière des huiles et protéines végétales. Et Avril est partout : dans les huiles Lesieur et Puget, dans les œufs Mâtines, dans le marché de l’alimentation animale. Mais aussi dans le biodiesel, les cosmétiques et les matelas en mousse puisque la branche Avril est le leader européen de l’oléochimie. Et même dans les OGM avec Biogemma ! C’est un homme aux dents longues et aux bras extensibles qui sait se faire entendre. Il ira jusqu’à qualifier les opposants au barrage de Sivens de djihadistes verts.  C’est le patron de la FNSEA qui parle, le ministre de l’ombre de l’agriculture moderne. Alors les propos sont fondés. Aucun tollé dans la presse. Seuls les écologistes s’insurgeront.

 

Le productivisme, fossoyeur de l’ agriculture paysanne

Mais comment prétendre défendre les intérêts paysans quand l’ activité de Xavier Beulin vise à faire grandir les exploitations pour produire et vendre toujours plus de Colza ? Plus les exploitations sont grandes plus les agriculteurs ont recours aux céréales et aux farines végétales payantes. L’herbe grasse et gratuite n’est pas rentable pour le système agroindustriel pour lequel s’est battu Xavier Beulin. Ainsi, il n’est rien d’autre qu’un des bourreaux de la paysannerie française. En 20 ans, le nombre d’exploitations agricoles a baissé de moitié (24% pour les moyennes et grandes exploitations, 36% pour les petites). La taille moyenne des exploitations est en augmentation et les revenus en baisse de 18,6% rien qu’entre 2012 et 2013 ! Les charges des exploitations (semences, engrais, pesticides, carburant) représentent 40% des dépenses en 2013 contre 36% en 2010. Et les suicides d’agriculteurs n’en finissent pas. La machine libérale est à l’œuvre. Les agriculteurs français sont tenaillés entre une politique agricole commune qui encourage la surproduction et une pression de la grande distribution pour une baisse des prix qui étrangle les petits producteurs. Ironiquement, Xavier Beulin lui-même a reconnu la catastrophe dans son livre “Notre agriculture est en danger”. Le rendement moyen de la production de blé est passé de 15 quintaux à l’hectare à 65 en 40 ans. Pourtant 20 000 fermes sont menacées de disparition. 40% des poulets et une tomate sur trois sont importés de l’Union Européenne. Que dire par ailleurs des scandales de maltraitance animale dans les abattoirs ? De la recrudescence de l’usage des pesticides et du gâchis général de l’eau pour des productions démesurées ? Sivens en était l’exemple parfait. L’agriculture française reste championne d’Europe sur le papier. Mais dans les faits elle souffre.

Xavier Beulin et ceux qui le pleurent aujourd’hui sont les bras armés de cette oligarchie capitaliste tentaculaire. Oligarchie qui détruit des écosystèmes et des hommes par le biais d’une agriculture productiviste. Nous avons aujourd’hui le choix. Persister dans une agro-industrie mortifère composée d’exploitations de plus en plus grandes et détenues par des capitaux financiers.  Ou bien engager une transition agroécologique qui mettra en valeur les exploitations familiales, les circuits-courts, le juste prix et une alimentation raisonnée et de qualité. Les signaux positifs sont là : on observe une hausse de 16% des surfaces en bio en 2016.  La disparition de l’homme d’affaires ouvrira, peut-être, une opportunité pour les militants d’un autre monde.


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