Tribune : Le changement, ce n’est pas maintenant

Raphaëlle Martinez, candidate dans la 5e circonscription du Val de Marne.

Raphaëlle Martinez est candidate pour La France Insoumise dans la 5ème circonscription du Val de Marne. Elle prend ici la parole pour expliquer son choix de vote au second tour.

Le monde que nous voulons pour demain, nous le connaissons. Nous le rêvons, l’imaginons et tentons tant bien que mal de le construire. Un monde avec plus de justice sociale, plus de démocratie, moins d’inégalités de genre, d’orientation sexuelle ou d’origine, un air et des terres moins polluées, plus aucun danger nucléaire ou belliqueux, bref au monde où chacun serait en sécurité, écouté et respecté.

Au vu des candidats présents au second tour, cela va être (encore) plus compliqué que prévu. Les rêveurs s’en sont pris un coup. J’en ai pris un gros moi-même. Mais le moment est venu de se relever. J’ai ainsi décidé de partager avec vous ma réflexion et ma décision pour le 7 mai prochain.

Pour commencer, deux désintox : 

  • Quel que soit le niveau d’abstention ou de vote blanc, l’élection ne sera pas annulée
  • Le FN n’a pas perdu d’avance

Ainsi, 2 issues sont possibles au scrutin du 7 mai prochain : 

Marine Le Pen au pouvoir. Certains disent qu’elle ne fera rien. D’autres qu’elle fera le pire. Quoi qu’il en soit, la Ve République confèrera à Marine Le Pen et à plusieurs éléments dangereux du Front National des pouvoirs extrêmement importants. Dans l’état actuel de notre constitution, ceci serait réellement inquiétant.

Le FN n’a pas changé, malgré la réussite incontestable de sa stratégie de dédiabolisation notamment avec sa vitrine sociale et progressiste pourtant en totale incohérence avec sa prise de position au Parlement Européen. Réussite également facilitée par de nombreux grands médias qui allaient jusqu’à comparer à des heures de grande antenne le programme de Marine Le Pen à celui de la France Insoumise. On en finirait par oublier que le Front National, c’est la fin de la scolarité pour les enfants étrangers, la fin du droit du sol, la fin de la cantine gratuite pour les élèves les plus pauvres comme ils l’ont déjà entrepris au Pontet (Vaucluse). Le Front National c’est la fermeture des plannings familiaux, l’abrogation du mariage pour tous, la coupure des subventions aux associations LGBT+.

Durant le quinquennat Hollande, de nombreuses dérives policières ont eu lieu. Le meurtre d’Adama, le viol de Théo. Nos chers amis socialistes ont fait passer une loi assouplissant les cas autorisant les forces de l’ordre à tirer à balles réelles, l’élargissant au-delà de la légitime défense. Ils connaissaient alors le risque que le Front National arrive au pouvoir quelques mois après.

Enfin, l’article 16 de notre constitution actuelle permet d’instaurer légalement une quasi-dictature en accordant les pleins pouvoirs sans limite de durée. François Hollande voulait réformer cet article de la constitution, il ne l’a pas fait. Le gouvernement Le Pen n’hésitera pas à user de cet article, dédié aux «situations exceptionnelles», en instrumentalisant le premier acte terroriste du quinquennat, et ainsi s’octroyer les pleins pouvoirs, à elle et sa bande d’azimutés.

La Ve République ne permet ainsi pas dans l’état actuel des choses de protéger la démocratie.

Emmanuel Macron au pouvoir. Nous savons exactement ce qui nous attend, un deuxième quinquennat Hollande. Nous ne nous faisons pas d’illusions. Macron détricotera le code du travail et toutes nos avancées sociales sans pitié par ordonnances pendant les vacances d’été. Une super-loi El Khomri. Cependant, le quinquennat calamiteux que nous venons de vivre nous a permis de nous organiser, de développer nos idées, de prendre de l’ampleur et a permis à la France Insoumise de s’imposer de manière évidente comme première force de gauche. Ce quinquennat a permis d’éveiller les consciences en ayant de parfaits exemples de ce que les citoyens ne veulent plus. Il a également permis au FN de se développer. Certes. Mais nous l’avons combattu, tenté de le contenir. Nombre d’électeurs du FN sont des dégoûtés du système politique actuel, c’est un vote contestataire. À nous de continuer notre travail de démystification le FN, continuons de montrer que cette image sociale n’est qu’une vitrine, qu’ils votent le contraire au Parlement Européen et à l’Assemblée, et surtout, surtout, à nous de continuer à combattre le racisme et l’homophobie. Continuons de porter avec fierté notre triangle rouge.

Nous connaissons les responsables de cette situation calamiteuse, un deuxième tour avec un Front National aussi fort et dédiabolisé au portes du pouvoir où on leur donnerait des clefs loin d’être démocratiques. Nous avons tout fait pour que cela n’arrive pas. Maintenant, il est de notre devoir de continuer à protéger notre pays.

La Ve République n’est pas démocratique. Nous le savons. Alors ne laissons pas l’extrême droite arriver au pouvoir dans ce contexte. Le changement, pas maintenant. Laissons les clefs de l’Elysée aux néolibéraux pour encore 5 ans plutôt que de couper tout espoir d’un avenir en commun.

Je voterai pour le néolibéral Emmanuel Macron, pour que nous ne nous éloignions pas des jours heureux qui arrivent doucement mais sûrement avec l’éveil des consciences qui se propage. Soyons positifs et continuons de construire notre avenir. Protégeons le semblant de fragile démocratie que nous avons actuellement afin de pouvoir en établir une vraie au plus vite, et que cette situation indigne de prise en otage des électeurs ne se reproduise plus jamais. Protégeons également notre unité en respectant les choix de chacun. Je vote Macron, tu votes blanc, il s’abstient. Restons unis et tournés vers l’avenir.

Mélenchon et le vote Macron : l’heure du chantage

La fin de cette élection présidentielle atteint un niveau d’hystérie médiatico-politique et de propagande de haute voltige. Ce samedi 29 avril, le plateau de On n’est pas couché nous a livré un spectacle particulièrement grotesque : sous les applaudissements imbéciles, Moix a fustigé un Mélenchon soit disant « ni républicain ni démocrate », qualifié de « petit-dictateur en carton-pâte », tandis que la ridicule Burggraf nous confiait que Mélenchon l’avait « profondément déçue » (grand bien lui fasse !). Celle-ci allant même jusqu’à déclarer qu’elle voyait chez lui des relents de totalitarisme, sous prétexte qu’il avait refusé de reconnaître les résultats du premier tour, alors même que tous les bureaux de votes n’avaient pas terminé leur décompte. De la même manière, la cliquaille des intellectuels organiques du libéralisme, parmi lesquels BHL, Enthoven ou Barbier ont enfin pu trouver le moyen d’exister en déversant sur les ondes ou dans les chroniques papier du « monde libre », leur antifascisme événementiel de pleurniche et de pacotille…

C’est que les anti-démocrates ne sont pas ceux que l’on croit. La France prend en ce moment des allures inquiétantes de république bananière. Le service publique a désormais des airs de mafia libérale, tandis que la quasi-totalité du reste de l’appareil médiatique ne se cache même plus d’être aux ordres.

De toute évidence, cette élection fut belle et bien une élection volée : à coup d’orientation de l’opinion, de matraquages médiatiques et de discours calomniateurs, le statu quo libéral a vu se réaliser, dans ce second tour Macron – Le Pen, la meilleure configuration possible pour son protégé. Hypocrisie suprême : la sinistre Burggraf, qui avait déclaré sans sourciller que les grands médias étaient des « contre-pouvoirs», se paye désormais le luxe de donner des leçons de démocratie au seul candidat qui dénonçait la calamiteuse 39ème place de la France dans le classement international sur la liberté de la presse.

En ces temps d’imposture universelle, il convient donc de remettre la vérité « de la tête sur les pieds». Toutes ces belles personnes s’accordaient pour nous décrire un Mélenchon respectable en sa fin de campagne, repeint désormais en lâche, mauvais perdant et traître à la république pour ne pas appeler à voter pour le « rempart » tout-préparé qu’est l’escroquerie Macron.  C’est  vite oublier que dans les dernières semaines, tous les moyens ont été mis en œuvre pour empêcher le candidat de la France Insoumise d’accéder au second tour. L’enquête publiée par Marianne le 30 avril rapporte les conclusions du CSA sur le traitement médiatique des candidats à la veille du premier tour : il relève un temps de parole médiatique largement tronqué pour Mélenchon, près de 2 fois moins que Fillon, bien derrière Hamon, Le Pen et Macron (les deux dernier ayant bénéficié de 5 000 minutes de plus que le porte-parole de la FI). A temps de parole égal, le rapport indique que Marine Le Pen n’aurait peut être même pas accédé au second tour, au profit d’un duel Macron-Mélenchon. Avec une moyenne de 700 voix conquises par minute de temps de parole, il était de loin le plus convaincant, loin devant Le Pen (500). Et cela même alors qu’il subissait la campagne calomnieuse sur l’ALBA où le drapeau anti-russe fut agité à la vue de tous les benêts, offensive durant laquelle le maître de l’Elysée, à la vue de la vague insoumise, alla jusqu’à sortir de son silence pour dénoncer une « campagne qui sent mauvais ».

A la peur de voir s’éloigner la seule conjecture susceptible de porter le poulain de Rothschild, de la Commission européenne et de l’Institut Montaigne à la tête du pays, c’est tout le système qui s’est mis à trembler. Deuxième affront : pour avoir laissé entendre, qu’en agitant le « diable de service » Le Pen, le système utilisait là sa seule chance de se survivre et de faire élire le pantin de la finance, Mélenchon sera calomnié et traîné dans la boue. Comble de la manipulation la plus crasse, au lendemain du soir du premier tour, une tribune dans Libération lui somme d’enlever le triangle rouge de son veston.

En raison de sa défiance, le mauvais élève est sévèrement réprimandé, la servilité lui est exigée. Emmanuel Todd a-t-il pourtant tort lorsqu’il déclare que « voter Macron est un rituel de soumission » ? Soumission la plus totale à un va-t-en guerre instable, un fou à lier réclamant une armée personnelle directement placée sous son contrôle et reliée à son téléphone portable, à un homme de paille, lui qui joua le rôle d’intermédiaire direct entre le grand patronat et le gouvernement hollandien, manipulateur professionnel, docteur Frankenstein du pacte de responsabilité, du Crédit impôt compétitivité emploi, du travail du dimanche, et autre loi El Khomri. C’est que l’enfant chéri Macron ne se refuse rien : ses plus récentes déclarations en faveur d’un libéralisme de plus en plus décomplexé et ses caprices incessants de bébé braillard  qui veut désormais gouverner par ordonnance vont même jusqu’à rendre de plus en plus abrupt un sentier royal qui avait été, pourtant, tout entier aménagé pour lui.

Mais l’issue de sa victoire ne fait aucun doute : l’épouvantail du nationalisme est agité par la finance, car il est son bras armé le plus sûr, celui sur lequel elle pourra toujours s’appuyer et qui ne lui fera jamais défaut.

L’enjeu est donc ailleurs, et le temps est à l’humiliation publique, à la distribution des « baisers de la mort », baisers que François Ruffin n’a pas manqué de recevoir de la part de Joffrin et d’Apathie. Retour au calme et à la contestation « raisonnable ». Fin de partie.

Il est de ces situations qui ne servent à rien d’autre sinon qu’à faire tomber les masques,  à distinguer les vrais et des faux contestataires, à l’image de Michael Moore qui livrait, lors des élections américaines, un plaidoyer optimiste en faveur de Clinton. Or, nous entendons qu’en refusant d’appeler au vote Macron, Mélenchon aurait « déçu » ses électeurs, qui lui tourneraient soi-disant le dos. Un tel plat réchauffé servi au grand banquet des hypocrites ne satisfait visiblement que les grands gagnants de la mondialisation, puisque depuis la fin du premier tour, plus de 5 000 adhésions par jour viennent grossir les rangs de la France Insoumise. Situation qui annonce le divorce de plus en plus consommé entre un peuple à bout de souffle et une élite médiatico-politique qui ne dispose plus de la totalité de la classe moyenne éduquée, et qui s’enfonce de plus en plus dans son délire.

En tournant le dos au bal des puissants et en refusant de plier sa ligne, Mélenchon aura au moins montré qu’embrasser l’insoumission n’était pas qu’une vaine tournure purement rhétorique. Il aura prouvé qu’il aurait été le plus digne d’endosser le rôle de chef d’Etat, avec toute la force mentale qu’elle suppose, et sans laquelle on ne peut résister longtemps à la violence des calomnies.

Tout ici a une saveur de fin de règne, dans ce montage maladroit qui ne fait même plus illusion, et qui ne mettra pas longtemps à s’effondrer comme un château de cartes. Autrefois tout puissant, nous commençons à apercevoir la fin du pouvoir du discours de l’oligarchie.