Fraude sociale : une lutte inefficace et contre-productive

Caisse d’Allocations Familiales (CAF) de l’Isère à Grenoble. © William Bouchardon

La loi de finance 2021 a offert de nouveaux moyens intrusifs à Pôle Emploi pour traquer les fraudeurs. Une mesure en phase avec le sentiment général selon lequel la fraude aux prestations sociales serait un fléau à éradiquer. Mais derrière ce discours, c’est bien la légitimité du système de protection sociale, accusé d’encourager « l’assistanat », qui est directement mise en cause. La Cour des comptes et l’Assemblée nationale ont produit chacun un rapport sur ce sujet : malgré les discours alarmistes, la fraude se révèle difficilement mesurable et sensiblement limitée. Elle se situe entre 1% et 3% des montants distribués. Si la combattre s’avère justifié par le profond sentiment d’injustice qu’elle suscite, les moyens de contrôle traditionnels se révèlent peu efficaces. Leur fonctionnement alimente en effet une présomption de culpabilité à l’égard des bénéficiaires qui, parfois et face à la complexité des démarches, en viennent à renoncer à leurs droits.

Une fraude difficile à mesurer et multifactorielle

Accédant à la requête de la Cour des Comptes, le gouvernement a accepté d’armer Pôle Emploi pour dénicher les fraudeurs présumés. En autorisant l’accès aux relevés bancaires des bénéficiaires, il contribue au basculement progressif de notre système de protection sociale : d’un système de droits acquis, il est devenu un instrument de contrôle social renforcé sur fond de chantage aux allocations.

Ce renforcement du contrôle est en fait inspiré par deux rapports sur la fraude sociale, produits en septembre respectivement par la Cour des comptes et l’Assemblée nationale. Bien que ce thème ait envahi le débat public ces dernières années, le calendrier s’avère surprenant. En effet, en pleine crise économique et sociale, ces mécanismes ont surtout permis d’en amortir l’ampleur. Dans le même temps, les services de l’État se montrent peu regardants sur les sommes versées aux entreprises comme l’a révélé récemment un inspecteur du travail sans susciter de débat.

Pour autant, cet intérêt est-il proportionné à l’ampleur de la fraude ? Déception pour les pourfendeurs de la fraude sociale : les deux rapports ne parviennent pas à en mesurer l’ampleur. La dernière estimation pour 2018, bien que sous-estimée, s’élevait à 8,4 milliards d’euros soit 1,6 % des montants distribués. Le pourcentage de fraudeurs était lui encore plus faible. Pour rappel, le chômage atteint 9% de la population active mais intéresse bien moins certains de nos responsables. Le débat sur les montants véritables n’est cependant pas clos : les députés à l’origine du rapport mettent directement en cause le témoignage des directeurs d’organisme. Les montants identifiés au titre de la fraude donnent pourtant une image incontestable de ces irrégularités, bien qu’incomplète : la CAF a identifié 324 millions d’euros de préjudices en 2019 ; l’Assurance maladie 287 millions ; la branche vieillesse 160 millions ; et Pôle emploi 212 millions de préjudices, soit un total d’un milliard.

La dynamique de la fraude, souvent mise en avant, doit être relativisée à deux titres. D’abord, la fraude accompagne mécaniquement la hausse globale des montants versés. Ensuite, elle reflète aussi l’efficacité croissante des dispositifs de détection. Enfin, elle est principalement concentrée sur certaines prestations. Ceci oblige à effectuer une analyse plus fine des cas, tout en considérant que certains processus déclaratifs sont plus sécurisés. Ainsi le RSA, versé par les départements, concentre une fraude sur deux de la branche famille pour des fausses déclarations. En revanche pour la branche maladie, la moitié des fraudes identifiées (136,4 M€ sur 286,7 M€) provient des professionnels de santé. Ceci suffit à tordre le coup à l’image des abus commis par les seuls bénéficiaires.

Un point de ces rapports doit interpeller, car absent des discours sur la fraude : l’action de groupes criminels organisés. En effet, du fait d’une complexité croissante des demandes, celles-ci sont la cible de groupes organisés familiers des procédures. S’il est difficile de mesurer précisément les montants de leurs gains, il est certain qu’ils représentent davantage que les montants individuels des fraudes particulières. L’ensemble de ces constats battent en brèche l’image caricaturale du voisin “assisté”. Et nous forcent à envisager la lutte contre la fraude dans la diversité de ses formes.

Le coût important de la lutte contre la fraude

Sous l’effet de la demande sociale, les moyens consacrés aux contrôles ont augmenté. Ils occupent désormais 4.000 agents, malgré le contexte général de baisse des effectifs dans la sphère publique. Le coût total de ces moyens a beau se montrer inférieurs aux montants des fraudes détectées, il n’en demeure pas moins élevé au regard des résultats observées.

À ce titre, la fixation d’objectifs qui régentent désormais les principales administrations n’a guère de sens en matière de lutte contre la fraude. Ou bien les objectifs portent sur des montants, par nature incertains – un seul dossier pouvant représenter une somme importante –, ou bien ils portent sur des volumes de contrôles, dont le nombre même peut altérer la qualité des investigations ou allonger leurs délais, faisant ainsi diminuer les espoirs de recouvrement des sommes.

Il s’agit là en effet d’une limite profonde du système de contrôle après versement. Si les sommes frauduleuses sont bien identifiées, les taux de remboursement à l’administration sont eux très réduits. Ainsi, en l’absence d’effet dissuasif, et faute de recouvrement efficace pour les organismes, la lutte contre la fraude s’assimile à un travail purement intellectuel. En revanche il alimente une vision répressive de la protection sociale, comme en témoigne le rapport des parlementaires :

Tableau - fraude sociale
Pourcentage des sommes récupérées effectivement par les administrations auprès des fraudeurs identifiés. Sur 100€ de fraude identifiée, la branche famille est parvenue à récupérer 64,3€ après 48 mois. Source : Rapport Cour des comptes – septembre 2020

Plus fondamentalement, au-delà d’une efficacité discutable, l’attention portée à la lutte contre la fraude risque de finir par faire émerger un système centré sur les fraudeurs, éloignant la protection sociale de sa philosophie originelle de secours aux citoyens. Ceci se traduit par des effets pervers. Ainsi, les exigences de plus en plus importantes pour bénéficier d’une aide ont pour effet de rendre les démarches dissuasives. 74 % des Français estiment ne pas bénéficier de toutes les prestations pour lesquelles ils pourraient postuler, selon une étude du Ministère de la santé. Au premier rang des obstacles, le manque d’information et la difficulté des démarches, sont cités par 69 % des répondants. Certes, il est tout autant difficile d’estimer le non-recours aux droits que la fraude. Les dernières estimations réalisées sur le RSA, datant de 2011, montraient que potentiellement 1,7 millions de personnes étaient injustement exclues du dispositif pour un montant non distribué de 430 millions d’euros. Plus récemment, une étude de l’Unédic a montré que seulement 40 % des inscrits à Pôle emploi étaient indemnisés, en partie en raison de critères restrictifs. Cette situation est de nature à accentuer le sentiment d’injustice lié à la supposée iniquité du système social à la française.

Paradoxalement, la complexité des démarches tend à écarter les bénéficiaires potentiels au profit des fraudeurs organisés.

Toutefois, c’est dans le domaine de la santé que le non-recours s’avère être le plus manifeste, avec un nombre croissant de personnes renonçant à des soins pour des raisons financières. Dans le même temps, le taux de non-recours pour la Couverture Maladie Universelle était situé entre 30% et 40%. Il atteignait entre 50% et 70 % pour l’aide à la complémentaire santé. Ce qui tord le cou aux fantasmes sur cette prestation.

Paradoxalement, la complexité des démarches tend à écarter les bénéficiaires potentiels au profit des fraudeurs organisés. Il en va ainsi de la dématérialisation des démarches : pour avoir facilité le travail des administrations et le contrôle des données, elle a également ouvert des portes aux fraudeurs, y compris ceux situés à l’étranger. Un autre exemple l’illustre : le rapport de l’Assemblée préconise d’ « imposer la transmission en couleurs et dans une qualité de résolution prédéterminée des copies de pièces d’identité » pour faciliter le travail de l’outil de vérification. Cette proposition a priori logique contribue pourtant à écarter des demandeurs légitimes. En effet, compte-tenu de la fracture numérique, nombreux sont ceux qui ne sont pas armés pour répondre aux exigences croissantes de l’administration.

Refonder le système

Pourtant, il est possible de repenser le système de protection sociale en poursuivant un double objectif : recentrer les aides sur les bénéficiaires potentiels et lutter contre la fraude. Pour cela, il est nécessaire de refonder la fonctionnement du système, en passant d’une logique déclarative dans laquelle le bénéficiaire doit faire la demande de son aide, contrôlée a posteriori, à une logique dynamique qui, en identifiant automatiquement les personnes éligibles, écarterait d’office les versements indus.

En devenant proactif, le système de protection sociale démontrerait vraiment sa vocation universelle.

Cette perspective permettrait de dessiner les contours d’un système de protection sociale efficient. En devenant proactif, ce dernier démontrerait vraiment sa vocation universelle limitant à la source le risque de fraude. Un contrôle mécanique des informations réduirait fortement le versement de sommes indues – ensuite difficiles à recouvrir. Un tel processus libérerait surtout le personnel de l’administration de son lourd travail d’accompagnement des bénéficiaires uniquement pour compléter leur dossier, pour les impliquer davantage dans l’accompagnement social plutôt qu’administratif. D’autant que les cas les plus complexes, non identifiés par le dispositif, continueraient de faire l’objet d’une procédure classique.

En premier lieu – et en constat général –, le rapport de la Cour des comptes indique que la hausse des contrôles n’a pas eu d’effet visible sur l’évolution de la fraude. Celle-ci progresse continuellement, sans effet dissuasif de la répression. Il faut aussi admettre que seule une petite partie des prestations peut être effectivement contrôlée, au regard du volume total des opérations traitées.

Dans leur rapport, les parlementaires proposent par exemple d’accroître les possibilités de croisement entre les informations des différents services publics. L’objectif est de permettre une meilleure vérification de l’identité des bénéficiaires, dans une visée répressive. Ces nouveaux moyens devraient plutôt être mis en œuvre au bénéfice du public. Il s’agirait de détecter directement et de verser les prestations attendues, pour réconcilier les Français avec cet idéal de justice.

Compte-tenu de la complexité des informations détenues par l’administration, cette transition pourrait débuter par des phases de tests, par exemple au niveau départemental. Pour autant, ce nouvel horizon donné au système de protection sociale à l’occasion de ses 75 ans irait, enfin, dans le sens de la conquête de nouveaux droits. Il permettrait également de réconcilier les Français avec leur système social en estompant la méfiance à son égard née d’une part de sa complexité, et d’autre part de la difficile estimation de la fraude.

L’emploi garanti, solution au chômage de masse ?

Affiche de mai 1968.

Alors que le chômage a fortement augmenté au cours des derniers mois, le gouvernement espère que les 10 milliards de baisse d’impôts du plan de relance suffiront à résoudre ce problème. Mais après des décennies d’échec des politiques de l’offre, n’est-il pas temps d’essayer une autre stratégie contre le chômage de masse ? Certains économistes proposent ainsi d’instaurer une « garantie à l’emploi », c’est-à-dire d’employer tous les chômeurs volontaires dans des projets définis localement. De quoi s’agit-il concrètement et quelles conséquences auraient un tel dispositif ? Réponse en quelques questions. Une première version de cet article est parue sur le site du magazine Socialter.


Depuis le début de la crise sanitaire, la France compte environ 580.000 chômeurs de plus, portant le nombre de personnes sans aucune activité à plus de 4 millions. Et la situation pourrait encore s’aggraver alors que les jeunes en fin d’étude peinent à trouver un emploi et que les plans sociaux s’accumulent dans de nombreux secteurs. Or, si le confinement a permis de sauver des vies, le chômage supplémentaire qu’il a engendré causera aussi une hécatombe, certes plus discrète : avant cette année, le nombre de décès liés au chômage s’élevait déjà entre 10.000 et 14.000 morts par an en France, soit trois à quatre fois le nombre de victimes d’accidents de la route. En effet, non seulement le demandeur d’emploi s’appauvrit et se voit dévalorisé socialement (lorsqu’on le réduit à un « assisté » par exemple), mais plus le chômage dure, plus les compétences s’amenuisent et la perspective de retravailler s’éloigne et plus les difficultés familiales, financières ou d’addiction s’amoncellent. Par ailleurs, le gâchis humain de savoir-faire qui pourraient être utiles à la société est considérable.

Pourtant, quelle que soit la couleur politique du gouvernement, les mêmes mesures sont reconduites depuis 30 ans : réformes de la formation professionnelle, réduction des indemnités chômage pour inciter à la recherche d’emplois et politiques dites « de l’offre » comme la flexibilisation du marché du travail et la baisse des cotisations. A-t-on donc « tout essayé » contre le chômage, comme le déclarait François Mitterrand en 1993 ? Non, si l’on regarde du côté des mesures prises par d’autres États durant des crises économiques dévastatrices, tels les États-Unis dans les années 1930 ou l’Argentine dans les années 2000. Leur recette contre le chômage ? Respecter enfin le « droit au travail » qui garantit à chacun le droit d’avoir un emploi. Ce droit est d’ailleurs reconnu en France depuis la révolution de 1848, lors de laquelle s’affirme brièvement une conception sociale, voire socialiste, de la République française, incarnée notamment par la figure de Louis Blanc.

Au vu du contexte social dramatique et des besoins de main-d’œuvre pour réaliser la transition écologique, prendre en charge la dépendance des plus âgés ou remettre en état nos infrastructures, la garantie à l’emploi semble mériter notre intérêt. Pourtant, elle demeure pour l’instant absente des débats de politique économique en France [1], contrairement aux États-Unis, où elle est l’une des revendications phares des democratic socialists comme Bernie Sanders et Alexandria Occasio-Cortez et est sérieusement débattue par les économistes. Pour l’heure, il n’existe en France qu’un ersatz d’emploi garanti, les Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD), introduits à titre expérimental depuis 2016, qui n’avaient embauché que 770 chômeurs fin 2018. Alors, quelles seraient les conséquences d’un tel programme, à la fois pour les chômeurs et pour la société ?

Comment fonctionnerait concrètement ce programme ?

Tout commence par une concertation locale réunissant employeurs, syndicats, élus et bien sûr chômeurs. Les sans-emplois expliquent quelles sont leurs compétences et leurs envies, et les collectivités évaluent dans quelle mesure cela correspond à leurs besoins. Pour Dany Lang, économiste qui a travaillé sur les TZCLD, « il faut vérifier que ça ne fasse pas concurrence avec l’emploi privé et la fonction publique qui existent déjà dans le secteur en question, ce qui rend les choses plus faciles dans certaines zones rurales. Ce sont des domaines non rentables pour le privé et délaissés par les collectivités. Aujourd’hui l’essentiel des besoins sont en lien avec la transition écologique. » Les chômeurs sont alors embauchés au nombre d’heures qu’ils souhaitent et bénéficient du salaire horaire minimum, de droits sociaux et de formations.

Des exemples de secteurs d’activités dans le cadre des TZCLD. © Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée.

Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), souligne cependant deux difficultés. La première est de pouvoir suivre une formation tout en travaillant : « Il faut qu’il soit justifié d’investir pour former ces chômeurs, pour des seniors ou pour des gens dont le métier n’existe plus, par exemple. Dans d’autres cas, ça ne l’est pas. » Il insiste également sur la nécessité d’une continuité dans les activités exercées: « Il faut un engagement réciproque de l’employeur et de l’employé, on ne peut pas prendre un emploi garanti juste durant trois mois le temps de chercher un boulot. » Pour ce membre des Économistes Atterrés, la garantie à l’emploi devrait donc être restreinte aux chômeurs de longue durée ou sans perspective de retrouver un emploi.

Un chômeur serait-il contraint de travailler ?

La garantie à l’emploi n’est pas un « workfare », c’est-à-dire du travail obligatoire pour les bénéficiaires d’allocations. L’objectif est de permettre aux demandeurs d’emplois d’en retrouver un. Les individus qui ne souhaitent pas travailler pourraient donc s’en dispenser. Mais contrairement à ce qu’affirme le discours sur « l’assistanat », il s’agit d’une minorité: « De toute façon, que veulent les chômeurs ? Un emploi. Le travail, c’est une intégration sociale, une utilité collective, un sens. En Argentine, le plan Jefes avait tellement bien fonctionné que les gens impliqués ont continué à venir travailler bénévolement une fois le plan arrêté, même si ce n’est bien sûr pas le but », ajoute Dany Lang. 

Les premiers gagnants sont donc ceux qui tentent de s’intégrer sur le marché de l’emploi mais n’y parviennent pas : seniors, chômeurs de longue durée aux qualifications dépréciées, femmes subissant des temps partiels contraints ou encore personnes handicapées. Avec un revenu, des savoir-faire et de l’intégration sociale, beaucoup retrouvent alors confiance en eux et échappent au déclassement économique, social et sanitaire lié au chômage.

Y a-t-il d’autres avantages indirects plus larges pour la société ?

Les aspects positifs d’un dispositif où l’État assume d’être employeur en dernier ressort ne se limitent pas à ses bénéficiaires directs. Dany Lang rappelle que le chômage est la première cause de divorce et est en grande partie responsable de la criminalité et de la dépression, qui représentent des coûts sociaux considérables. L’intégration des femmes dans la société en serait également renforcée : en Argentine, entre 66% et 75% des bénéficiaires du programme Jefes étaient des femmes et une bonne part d’entre elles n’avaient jamais eu d’emploi salarié. 

Une société de plein-emploi rendrait l’économie plus stable : en cas de crise, les salariés du privé qui seraient licenciés pourraient rebondir rapidement et le niveau de demande de biens et services ne s’effondrerait pas. L’emploi garanti est donc une mesure contracyclique. Mais la garantie à l’emploi irait au-delà d’une plus grande stabilité du niveau de vie, elle les pousserait à la hausse. La fin de la peur du chômage supprimerait « l’armée industrielle de réserve » [2] qui fait pression à la baisse sur les salaires. Pour Dany Lang, « c’est la peur du chômage qui empêche de se syndiquer et de revendiquer. Si la main-d’oeuvre devient rare, le travail est davantage valorisé. » La productivité pourrait également en bénéficier d’après le post-keynésien : « une des rares théories économiques qui a été prouvée, c’est le « salaire d’efficience» : si on est mieux payé, on travaille mieux. Ce n’est pas par peur du chômage qu’on travaille bien. On travaille bien quand on est bien payé et quand on aime ce que l’on fait. »

Combien ça coûterait ?

Le coût est le premier argument des adversaires de la garantie à l’emploi. Dans Les Echos, Pierre Cahuc, économiste à Sciences Po, pointe le fait que les économies attendues dans le cadre des TZCLD en remplaçant le versement des allocations chômage et du RSA ne couvrent pas les coûts d’un CDI au SMIC créé spécialement pour un chômeur. En y ajoutant les frais nécessaires à l’encadrement des emplois garantis et les investissements mobiliers et immobiliers nécessaires au lancement des activités économiques sélectionnées, il évalue le coût annuel net d’un emploi entre 15.000 et 20.000 euros. 

Cette tribune a suscité de très vives réactions, l’ancien député PS à l’origine des TZCLD Laurent Grandguillaume évoquant une « tribune torchon » au service du « sabotage » du programme par la Ministre du Travail de l’époque Muriel Pénicaud. « Entre 15.000 et 20.000 euros par emploi et par an, contre 280.000 euros pour les emplois CICE et le double cette année, le calcul est vite fait ! », tempête Dany Lang. Certes, les estimations quant au coût du CICE divergent tant il est difficile de mesurer le nombre d’emplois créés ou préservés, mais les estimations les plus favorables au programme chiffrent son coût à 180.000€ par emploi. 

Surtout, Lang pointe le caractère très restrictif des analyses comptables classiques: « Les divorces, ça coûte cher, la dépression et la criminalité aussi. » L’économiste à Paris 13 et Sorbonne Paris Cité souligne également que « les gens en emploi garanti cotisent, ce qui règle un certain nombre de problèmes » et que ces emplois peuvent jouer un rôle majeur pour tempérer la catastrophe écologique « qui coûtera de toute façon très cher au secteur privé ».

Quels pourraient être les effets pervers de la garantie à l’emploi ?

Selon la théorie du NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment), une chute du taux de chômage sous son niveau « naturel » entraînerait un emballement de l’inflation en gonflant la demande. Ce chiffre magique du taux de chômage en-dessous duquel l’inflation augmenterait n’a pourtant jamais été trouvé et le président de la FED (banque centrale des USA), questionné par Alexandria Occasio-Cortez, a dû lui-même reconnaître que ce concept économique clé du néolibéralisme ne fonctionnait pas. « Le NAIRU est un concept stupide purement idéologique », estime Lang. « Un peu plus d’inflation ne ferait pas de mal, sauf aux rentiers. La dette privée est trop importante, si elle baisse, les entreprises endettées pourraient investir. Est-ce que la priorité doit être la limitation de l’inflation ou le plein emploi ? »

Le risque que la garantie à l’emploi gonfle la demande et le déficit commercial est peut-être plus sérieux que celui de l’inflation : « C’est possible qu’avec plus de revenus, les gens consomment plus et que ça stimule les importations, mais c’est pour ça qu’il nous faut aussi une politique industrielle. De toute façon, consommer des produits locaux et de meilleure qualité fait partie de la transition écologique », indique Lang.

Que nous apprennent les exemples d’application de la garantie à l’emploi ?

Au lieu de perdurer à essayer de stimuler les embauches du secteur privé, l’État pourrait fournir les moyens aux collectivités locales d’employer directement les demandeurs d’emploi. Les études sur les exemples étrangers de garantie à l’emploi durant le New Deal aux États-Unis, le plan Jefes argentin ou la rural job guarantee en Inde montrent une grande satisfaction des participants et l’utilité des projets développés. 

Affiche du Civilian Conservation Corps, un programme du New Deal destiné aux jeunes chômeurs.

Qu’attend donc la France pour imiter les exemples étrangers, en commençant par élargir le dispositif des Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée ? Dany Lang a peut-être une réponse: « Quand on parle d’emploi garanti à des élus locaux, tous, quel que soit leur positionnement politique, trouvent ça intéressant. Vraiment tous. Mais plus on monte dans la hiérarchie des élus, plus on sent de l’hostilité parce qu’ils adhèrent au libéralisme économique. » Après de longs mois d’hésitation, le gouvernement a finalement décidé d’élargir légèrement le périmètre de l’expérimentation à de nouveaux territoires. Une décision bien timide au vu de la réussite du programme et du contexte social.

 

 

Plutôt que de garantir l’emploi, ne faudrait-il pas mettre en place un revenu universel ?

Si les deux mesures sont souvent comparées et ont en commun de permettre d’améliorer les niveaux de vie, elles ne visent pas entièrement les mêmes objectifs. Pour la garantie à l’emploi, il s’agit d’utiliser à plein le potentiel de la population active en l’employant dans des projets utiles localement et en la formant. Le revenu universel cherche lui à dissocier travail et revenu et permettrait de valoriser le travail non-salarié, comme celui des femmes au foyer par exemple. Le revenu universel est souvent critiqué pour l’oisiveté qu’il pourrait encourager, bien que les études sur le sujet montrent qu’elle est rare [3]. En revanche, qu’il s’agisse de garantie à l’emploi ou de revenu universel, il est vraisemblable qu’il faudrait rendre les emplois pénibles et mal payés, comme éboueur ou égoutier, plus attractifs au risque de ne plus trouver assez de volontaires pour les exercer.

La faisabilité du revenu universel pose cependant question. Pour Dany Lang, « la garantie à l’emploi coûte beaucoup moins cher que le revenu universel ». Certes, de nombreuses versions des deux programmes sont possibles, mais les écarts ne font pas de doute. En rémunérant les 5,6 millions de chômeurs au SMIC d’avant la crise du COVID et en soustrayant les aides qui leur sont actuellement versées, le journaliste Romaric Godin estime le coût d’une garantie à l’emploi pour la France entre 39 et 80 milliards d’euros. L’économiste Jean Gadrey évalue lui le coût d’un revenu universel de 800€/mois entre 400 et 450 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de la Sécurité Sociale. Un niveau de création monétaire aussi considérable a toutes les chances de déclencher une spirale inflationniste, selon l’économiste Pavlina Tcherneva. 

Enfin, les deux mesures ne devraient pas avoir les mêmes effets. Partant du constat que les femmes exercent des emplois souvent plus précaires et réalisent plus de tâches domestiques que les hommes, les économistes Anne Eydoux et Rachel Silvera s’inquiètent du fait qu’un revenu universel pourrait aisément devenir un salaire maternel. La fin du plan Jefes en Argentine semble confirmer cette hypothèse: un programme d’allocations avait été créé pour prendre le relai et compenser la perte de revenus des femmes qui perdaient leur emploi. Or, bien qu’elles appréciaient ces aides financières, toutes les participantes sans exception indiquaient préférer travailler.


[1] On peut toutefois rappeler que le programme de la France Insoumise comporte une proposition “d’État employeur en dernier ressort” pour les chômeurs de longue durée, mais celle-ci a été très peu mise en avant durant la campagne de 2017 ou depuis.

[2] Expression marxiste faisant référence à l’existence d’un surplus de travailleurs disponibles par rapport à la demande d’emploi. Ces personnes préfèrent de faibles salaires et des mauvaises conditions de travail au chômage.

[3] Olivier Le Naire et Clémentine Lebon, Le revenu de base, Actes Sud, 2017.

“Fainéants” et “assistés” : la sinistre vision du monde de la classe politico-médiatique

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©Jeso Carneiro

Emmanuel Macron s’en est pris le 8 septembre à Athènes aux cyniques”, aux extrémistes” et auxfainéants” ; il les accuse d’empêcher les réformes d’avoir lieu comme il se doit. Fainéants” : le mot est lâché. L’argument avait été sous-entendu à maintes reprises, mais c’est la première fois qu’il est exposé avec une parfaite clarté : si les Français détestent les réformes, s’ils sont attachés à leur Code du Travail et ne souhaitent pas travailler plus pour gagner moins, c’est tout simplement parce qu’ils sont fainéants. Ce dérapage verbal permet de comprendre la vision du monde d’une partie des “élites” libérales, selon lesquelles la société est divisée en deux catégories. D’un côté on trouve la France qui se lève tôt, celle qui travaille dur le jour et rêve de start-up nation” la nuit ; de l’autre, on trouve ceux qui ne sont rien : fainéants”, assistés” et paresseux”, véritables parasites dont les revendications politiques sont des obstacles sur la route du progrès économique.


La revue Capital publiait en 2010 un article intitulé comment faire bosser les paresseux.

Ce mensuel, qui s’adresse en priorité aux employeurs et aux cadres, leur donne une série de conseils pour “dynamiser” le travail de leurs salariés nonchalants. On y apprend que les travailleurs “paresseux“, cette “catégorie d’emmerdeurs“, représente “5 à 10% des effectifs” des entreprises. S’ils “cachent bien leur jeu“, il n’est pas pas très difficile de les repérer ; les paresseux “ne sont jamais disponibles“, “se déclarent incompétents” et ont l’outrecuidance de “manifester bruyamment leur épuisement lorsqu’on leur confie la moindre tâche supplémentaire“. Certains ont même l’impudence de respecter leurs horaires à la lettre et de s’en aller tous les jours à “18 heures pile, quoi qu’il arrive, à la seconde près“.

Des propos aussi crus sont rarement audibles dans les médias français. Néanmoins, l’idéologie qui sous-tend ce texte et le leitmotiv des “paresseux“, sont mobilisés par une partie non négligeable de “l’élite” politico-médiatique, de manière plus discrète et fleurie. Pire : à ses yeux, les “fainéants” ne sont pas seulement des boulets pour leur entreprise, comme c’est le cas dans cet article, mais bien souvent pour leur pays tout entier… 

 

Un leitmotiv, de la droite ultralibérale à la gauche Terra Nova

 

Laurent Wauquiez, représentant de la frange la plus dogmatique du courant néolibéral, avait défrayé la chronique lorsqu’il s’en était pris au “cancer de l’assistanat“. Comme toujours, il se trouvait certains journaux pour considérer que ces déclarations d’amour au néolibéralisme étaient trop timorées ; on a ainsi pu lire un article de l’Express tâchant de vérifier si Wauquiez était “crédible” sur la question de “l’assistanat”…

L’ “assistanat” est devenu un thème particulièrement choyé par la presse de droite, qui l’a cuisiné à toutes les sauces. On le voit abordé par le Point, sur un mode philosophique.

Faut-il supprimer les aides sociales ? Vous avez deux heures.

L’Express nous gratifie quant à lui d’un manuel destiné à nous donner des astuces pour cohabiter avec notre collègue paresseux.

Au moyen d’une analyse statistique, le Point, encore, nous démontre que les Français aiment l'”assistanat” encore moins que l’Islam.

Ce qui, pour ce quotidien, n’est pas peu dire…

La presse de droite n’est pas la seule à s’en prendre aux “assistés”. Cet élément de langage apparaît de temps à autre dans la presse de gauche néolibérale.

C’est d’ordinaire en des termes plus feutrés que les médias de gauche néolibérale évoquent ce thème, comme s’ils étaient tiraillés entre leurs financements oligarchiques (Edouard de Rothschild et Patrick Drahi pour Libération, le trio Niels-Pigasse et feu Bergé pour le Monde et l’Obs) et leur lectorat, encore attaché aux “valeurs de gauche”. Les articles de Libération et du Monde font alors appel à une rhétorique “progressiste” lorsqu’ils abordent cette épineuse question : ils parlent de “révolution“, prônent la “libération des énergies“, évoquent la nécessité d’insuffler du “dynamisme” à l’économie, de s’ouvrir au “nouveau monde“…

Autant de formules destinées à faire comprendre au lecteur que l’État-providence et les aides sociales appartiennent au passé. Derrière ces éloges du changement, de la nouveauté et de la mobilité, on reconnaît sans peine une série de thématiques mises en avant par le groupe de réflexion Terra Nova.

Terra Nova a théorisé la nécessité d’abandonner, pour la gauche, la grille de lecture de classes au profit d’une analyse centrée sur les “valeurs” de gauche.

Selon un rapport de ce think thank proche du Parti Socialiste, la société est divisée en “outsiders” (jeunes et chômeurs, notamment) et “insiders” (travailleurs salariés). Les “outsiders” cherchent à “briser le plafond de verre” et “surmonter les barrières qui se trouvent devant eux“, tandis que les “insiders” ne songent qu’à “préserver leurs droits [sociaux] acquis“, aux détriments des premiers. Les “outsiders” défendent un “Etat émancipateur” (“aidez-moi à réussir“) tandis que les “insiders” défendent un “Etat protecteur” (“protégez-moi“) qui bride les premiers. Par un tour de passe-passe rhétorique miraculeux, les ouvriers qui “défendent leurs droits acquis” se trouvent repeints en conservateurs. Prise de risque contre protection, mouvement contre inertie, progrès contre conservation, volonté débridée de l’entrepreneur contre morne apathie du travailleur sans ambition : cette rhétorique est désormais familière. Sans surprise, Terra Nova conseille à la gauche d’abandonner la lutte des classes comme grille de lecture, ainsi que la défense des classes populaires comme objectif ; on parlera désormais parler de “valeurs” de gauche, ou “progressistes”, pour se différencier de la droite, tandis qu’on la rejoint sur les grandes questions socio-économiques. Ce n’est pas un hasard si Terra Nova est devenu le symbole vivant de la conversion du Parti Socialiste au néolibéralisme…   

Un personnage synthétise à merveille les aspirations de la droite ultralibérale et de la gauche Terra Nova. Il s’agit d’Emmanuel Macron, qui emprunte à l’une sa violence verbale à l’égard des “fainéants”, à l’autre sa rhétorique “progressiste” basée sur le motif du changement et de la mobilité, et aux deux sa volonté d’en finir avec le modèle social français. Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron fait appel au leitmotiv de l’assistanat. Les réseaux sociaux s’étaient enflammés lorsqu’il avait affirmé que s’il était “chômeur, [il n’attendrait] pas tout de l’autre“, sous-entendant que les chômeurs se laissaient vivre agréablement au lieu de chercher du travail. Quelques semaines plus tard, il enchaînait : “les jeunes Français doivent avoir envie de devenir milliardaires“, comme s’il se trouvait beaucoup de jeunes qui aient envie de devenir chômeurs… Toujours est-il que le message est transparent : l’État ne peut rien pour les chômeurs et pour les pauvres ; ceux-ci n’ont qu’à se débrouiller par eux-même.

 

Culpabilisation des individus, déresponsabilisation du pouvoir politique

Le programme du Conseil National de la Résistance proclamait en 1944 le “droit au travail” et l’obligation pour la société “d’assurer à tous les citoyens les moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail“. Il affirmait ainsi la responsabilité de l’État en matière sociale, et l’absence de responsabilité des citoyens frappés par le chômage et la pauvreté. Ceux-ci étaient considérés comme des phénomènes politiques, qui devaient trouver une issue politique ; c’est à l’Etat qu’il devait revenir de les résoudre. Ce contrat social était insupportable aux yeux des prophètes du néolibéralisme et des ayatollah du libre-marché ; c’est pourquoi il fallait à tout prix, selon les mots de l’un des plus éminents représentants du MEDEF, défaire méthodiquement le programme du Conseil National de la Résistance”.

C’est très logiquement que l’élite libérale contemporaine affirme à propos du chômage l’inverse de ce que proclamait le CNR : le pouvoir politique est impuissant, mais les individus sont omnipotents ; ce n’est pas à l’État de trouver du travail pour les chômeurs, c’est aux chômeurs eux-mêmes de le faire. Les personnes sans emploi n’ont qu’à s’en prendre à elles-mêmes : si elles sont au chômage, c’est qu’elles n’ont pas cherché du travail avec assez de ténacité…

Une séquence vidéo, diffusée dans tous les collèges sous le ministère de Najat Vallaud-Belkacem, illustre de manière caricaturale le triomphe de cette idéologie.

Cette séquence raconte, dans un style grotesque, le parcours de “Patrick”, orphelin élevé dans une cabane par des tuteurs alcooliques, qui a réussi à devenir président d’une start-up par la seule force de sa volonté. Le message transmis aux élèves est clair : si on veut, on peut. La cause du chômage n’est pas à chercher du côté de l’État et de son désengagement face à la mondialisation, face au libre-échange, face aux multinationales qui délocalisent. Elle est à chercher dans la faiblesse de la volonté des individus qui ne trouvent pas de travail.

La société se retrouve ainsi divisée en deux fractions : les “méritants” d’une part, les “fainéants” de l’autre.

Au nom du “mérite”, donc, l’État-providence sera rabougri, les aides sociales amoindries, le code du travail démantelé et le statut des fonctionnaires privatisé.

 

Une rhétorique qui ne date pas d’hier

 

Stigmatisation de la “paresse“, culpabilisation des individus et déresponsabilisation du pouvoir politique : tout cela n’est pas bien neuf. C’est même un leitmotiv omniprésent dans les publications libérales des siècles passés. Il était de bon ton, aux Etats-Unis du siècle dernier, de distinguer les pauvres  “méritants” (deserving), qui trouvaient un emploi, des travailleurs “sans mérite” (undeserving), qui n’en trouvaient pas ; ce avant la crise de 1929,  qui en détruisant des millions d’emplois en quelques années a démontré toute l’inanité d’une telle distinction… Tout au long du XIXème siècle, la condamnation de la “paresse” est un motif rhétorique choyé par la grande bourgeoisie pour condamner les révoltes ouvrières (“c’est la paresse qui a surgi le 18 mars !” écrit l’écrivain Maxime du Camp au lendemain du soulèvement de la Commune de Paris). Un siècle plus tôt, un essayiste anonyme, auteur d’un texte nommé An Essay on trade and commerce, s’en prenait à la “paresse” des ouvriers anglais, souhaitant qu’ils se “résignent à travailler six jours pour la même somme qu’ils gagnent aujourd’hui en quatre jours” afin de permettre à l’économie britannique de décoller. La “paresse“, déjà. Ces procédés rhétoriques sont vieux comme l’histoire du libéralisme. Aujourd’hui, ils servent à faire avaler la couleuvre des réformes néolibérales imposées par la Commission Européenne, que les travailleurs français devraient accepter au motif qu’ils seraient exceptionnellement paresseux.

Peu importe que les Français comptent parmi les peuples les plus productifs d’Europe. Peu importe que, selon une étude de la Commission Européenne, le PIB français, rapporté à chaque travailleur, soit bien plus élevé que le PIB moyen européen ; peu importe également qu’il soit plus élevé que le PIB de l’Allemagne : le discours médiatique reste le même. Pour assainir l’économie française, il faut que les Français se mettent au travail et se résolvent à assouplir leur code du travail en prenant exemple sur le voisin allemand.

La mobilisation du leitmotiv des “paresseux” et des “assistés” est donc totalement décorrélé de toute réalité économique. Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire du libéralisme, la “paresse” des travailleurs a toujours été pointée du doigt, que ceux-ci travaillent 6, 12 ou 14 heures par jour. Elle a toujours été présentée comme le grain de sable qui empêche la machine économique de fonctionner ; un moyen commode pour ne pas évoquer les responsabilités de l’Etat en matière économique. Et pour faire accepter aux citoyens toute la cruauté du libéralisme économique, toute la brutalité d’une organisation politique où, pour reprendre les mots de l’économiste Jean-Baptiste Say, “la société ne doit aucun secours, aucun moyen de subsistance à ses membres“.


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  • ©Jeso Carneiro