Oppenheimer : le spectacle de la fin du monde

À l’occasion de la sortie en salles d’Oppenheimer, le réalisateur Christopher Nolan a précisé ses intentions à la presse : mettre en évidence la nouveauté radicale du monde produit par la bombe, au sein duquel l’humanité est désormais capable de s’autodétruire. Le film espère ainsi susciter chez les spectateurs un sens fugace de la « responsabilité » et raviver les inquiétudes concernant la prolifération des armes nucléaires. Une préoccupation d’actualité, au regard de la poursuite du conflit russo-ukrainien, et dont la pertinence aurait pu être assurée, si la caméra de Christopher Nolan avait fait preuve de davantage d’inventivité. Malgré une esthétique recherchée, Oppenheimer s’en remet pourtant aux poncifs individualistes de la narration hollywoodienne et n’hésite pas à sacrifier la métaphysique de la bombe à l’industrie culturelle américaine.

L’impossible biopic de la bombe

Si le film avait suivi sa prétention de placer en son centre l’inhumanité de l’arme nucléaire, on aurait pu imaginer, en toute hypothèse, le personnage du scientifique s’effaçant derrière ce produit technique ultime qui s’est incarné sous la forme d’une bombe. Une telle potentialité technologique s’accommodait cependant mal d’un genre comme le biopic, qui s’intéresse aux créateurs plutôt qu’aux créations, tout en perpétuant certains canevas bien connus à Hollywood. On peut l’expliquer en revenant à la construction de l’image médiatique du « géant de la science » dont Einstein avait déjà fait les frais : c’est l’image, telle que décrite par le philologue russe Mikhaïl Bakhtine, d’un original absolu, mauvais élève par excellence et manifestant son exubérance par quelques manies iconiques. Le scientifique selon Hollywood exhibe souvent de telles excentricités qui doivent extérieurement le distinguer du commun ; inadaptation sociale, singularité d’apparence ou attitudes intempestives sans lesquels il est impensable qu’il pût jamais inventer quoi que ce soit. C’est que les « génies » ne demeurent cinématographiquement dignes d’intérêt que s’ils agissent en impulsifs introspectifs.

Force est de reconnaître que, dans un premier temps, Christopher Nolan a cherché à restituer une partie de l’ordinaire d’Oppenheimer, en s’appuyant sur la biographie très détaillée des historiens Kai Bird et Martin J. Sherwin – il est un homme à femmes tourmenté par ses émotions, autant qu’un fin stratège qui ne rechigne pas à négocier, et un chef d’équipe chevronné qui parvient à diriger avec efficacité le Projet Manhattan. Mais Le Prométhée Américain s’avère rapidement rattrapé par les oripeaux stéréotypés de l’excentrique qui contribuent à l’élever au-dessus de la mêlée. Les névroses ponctuelles dont il fait preuve marquent socialement Oppenheimer comme elles marquaient le Sheldon Cooper de Big Bang Theory, cette fois à des fins comiques, ou le Zuckerberg créé par David Fincher dans The Social Network. La véritable originalité aurait pourtant consisté à approfondir le travail de normalisation d’Oppenheimer, en fonction par exemple d’une esthétique du labeur acharné, oscillant entre erreurs et rectifications dans un temps dilaté – lot commun de tous les chercheurs du globe. Cette banalisation de l’inventeur aurait peut-être permis, en contrepartie, de débanaliser la bombe elle-même, comme seul acteur qui vaille à l’aube d’une ère d’autonomisation morbide de la technique.

« Cette banalisation de l’inventeur aurait peut-être permis, en contrepartie, de débanaliser la bombe elle-même. »

Mais c’est surtout dans la représentation de l’activité scientifique elle-même que se traduit le mieux cette spectacularisation de la recherche dont Hollywood ne peut pas démordre. Il s’agit bien, pour l’industrie du rêve, de ramener l’activité (professionnelle) à l’acte (événementiel) aussi souvent que le réclament les besoins narratifs du film. Ainsi des scènes dans lesquelles un Oppenheimer frénétique se précipite sur son tableau noir et y inscrit à la hâte les formules décisives de l’œuvre destinée à faire basculer l’histoire de l’humanité, rejouant cette chorégraphie du génie rendue obligatoire pour visualiser tout processus d’invention. En effet, le moment de la trouvaille ne saurait se matérialiser autrement qu’à travers un geste spectaculaire, sauf à contrarier le rythme trépidant du film. Le scientifique se trouve alors saisi en sa découverte comme en happening, dans l’invisibilisation de la division du travail ayant rendu possible une telle avancée technologique. La présence à l’écran des physiciens agrégés autour du projet Manhattan, parmi lesquels Niels Bohr, prix Nobel en 1922 pour ses découvertes relatives à la mécanique quantique, ou encore Edward Teller, futur « père de la bombe à hydrogène », est à ce titre exemplaire : simples supplétifs du génial Oppenheimer, ils sont réduits au statut d’adjuvants de l’action.

Nous, fils d’Oppenheimer

La conséquence des (très) gros plans sur Oppenheimer n’en est pas moins attendue : le film propose au spectateur de s’identifier à cette figure allégorique du genre humain guidé par sa soif de connaissance. L’heure est au fantasme d’hybris – que faire de ce « feu sacré », qui menace de brûler l’atmosphère terrestre ? À la prendre au sérieux, la crainte de la bombe que veut réinstaller Christopher Nolan dans les imaginaires ne peut qu’être une crainte existentielle : elle doit forcément crever l’écran, et même le déborder pour livrer au public une sorte d’expérience cinématographique limite. L’intensité des trois heures est à l’image de cette découverte fulgurante, qui ne laisse aucun répit à celui qui la possède. Assourdissante musique, succession ultra-rapide des séquences, scénario du contre-la-montre, tout cherche à signifier l’urgence de la situation, jusqu’à « l’explosion » de la première bomb test, sur le sol du Nouveau-Mexique le 16 juillet 1945. S’en suit une grande scène d’apothéose, mêlée d’enthousiasme et d’effroi, où enfin la narration est obligée de s’interrompre et le silence sommé de s’imposer. Nulle doute que la dimension dramatique d’un tel moment vise à séduire des spectateurs sursollicités, dont l’unique soulagement est orchestré pour coïncider avec l’entrée dans un monde nucléarisé.

Ce décalage est, de ce point de vue, un intéressant parti pris, bien que sa portée soit aussitôt minimisée. Au franchissement des limites succède l’inévitable « prise de conscience », surjouée à travers un Oppenheimer en proie à des dilemmes ex post et à des remords étouffés. Cette conscientisation des erreurs est visiblement le seul mode d’intervention dans la Cité disponible pour la communauté hollywoodienne. Toujours prête à montrer patte blanche, elle s’inquiète des résultats désastreux de la politique américaine, sans cependant chercher à interférer avec les causes elles-mêmes. On ne trouvera par exemple nulles traces, dans Oppenheimer, d’une remise en cause du complexe militaro-industriel, à l’origine des catastrophes sans précédents du siècle dernier. Mais plus préoccupante encore est la distorsion morale produite par la conversion du tragique historique en un tragique individuel. Tout est pensé pour que le spectateur se glisse dans la peau du protagoniste et s’interroge avec gravité : « Qu’aurais-je fait à sa place ? » C’est dire combien le problème est mal posé, puisqu’il n’est guère plus question aujourd’hui d’Oppie, selon le diminutif affectif qui était alors d’usage, mais bien de Little Boy, nom de code résolument plus terrifiant (« petit garçon » en français) donné à la bombe A, larguée sur Hiroshima le 6 août 1945.

« Dans quel monde peut-on jouir de la mort instantanée de 120 000 hommes ? »

Et s’il venait à l’esprit d’un public zélé de s’inquiéter sincèrement du commencement irréversible de « l’âge atomique », selon l’expression du philosophe Günther Anders, et de s’engager directement contre sa perpétuation, le récit apocalyptique de Christopher Nolan ne saurait les y encourager. La surenchère autour du personnage d’Oppenheimer se parachève lorsqu’elle l’érige en héros sacrificiel, sauveur en même temps que fossoyeur de l’humanité. L’identification se change alors en expiation : personne ne saurait être à la mesure du génie, et seul ce dernier peut espérer « réparer sa faute », comme le suggère la troisième partie du film. Le spectateur n’a pas d’autre choix que d’admettre son impuissance : comment pourrait-il s’élever contre des événements qui le dépassent et nécessitent des « compétences » dont il ne dispose pas ? Dans ses Commandements de l’âge atomique (1957), Günther Anders avertissait cependant déjà contre les « clercs de l’Apocalypse » qui s’arrogent le monopole de la fin du monde. Une indispensable lucidité pour résister aux révélations d’Oppenheimer, énoncées dans les termes du poème de la Bhagavad-Gita, issue de la tradition religieuse hindouiste : « Je deviens la Mort, le Destructeur des Mondes. » Ce ton prophétique est d’autant plus funeste qu’il est conjugué à une scène érotique, prétendant rendre son message plus absolu. La vérité est néanmoins plus crue qu’on ne le croit : dans quel monde peut-on jouir de la mort instantanée de 120 000 hommes ?

Le faux procès de l’Amérique

Que le film cherche, dans son dernier acte, à dépeindre les déboires d’Oppenheimer avec l’administration américaine finit d’égarer la production de Christopher Nolan. Au lieu d’envisager ce que signifie une « politique [qui] a lieu au sein de la situation atomique », confrontant le monde « du fait des « armes atomiques » à son to be or not to be » (Anders, Hiroshima est partout, 1958), le réalisateur laisse dégénérer son long-métrage en basses intrigues politiciennes : les complots d’alcôve, qui visent à ne pas renouveler la licence du physicien à l’Agence de Sécurité atomique, offrent la toile du fond du « Jugement » de cet ex-héros national. Ce vrai-faux procès contre Oppenheimer, dont le cynisme ne manquera pas d’interpeller le spectateur, aggrave encore la normalisation des enjeux de l’événement atomique, en clôturant l’histoire par un règlement de comptes bureaucratique entre Américains – business as usal. Au fond, le message est clair : il est impossible de désigner des coupables. Reste pour seul parti, celui des accusés (souvent injustement !), sommés de se défendre contre l’arbitraire du pouvoir.

« Au fond, le message est clair : il est impossible de désigner des coupables. Reste pour seul parti, celui des accusés (souvent injustement !). »

De l’accusation de communisme qui visait Oppenheimer, rien d’ailleurs ou presque ne sera dit, et seules quelques scènes d’indignation syndicale assez naïves sont intégrées à la narration pour parler des convictions du scientifique. Si des controverses subsistent au sujet de son positionnement politique, les différents témoignages, rassemblés par Kai Bird et Martin J. Sherwin, suggèrent qu’il n’était pas particulièrement « marxiste ». Ce sont bien davantage les circonstances qui l’ont contraint à se rendre à certaines évidences, comme l’indiquent les justifications présentées devant le Personnel Security Board : « À partir de fin 1936, le traitement des juifs en Allemagne me mettant dans une fureur persistante et latente. (…) J’ai commencé à comprendre à quel point les événements politiques et économiques avaient de quoi affecter la vie des hommes. » Sans s’encombrer de telles considérations, le réalisateur préfère imaginer le portrait d’un homme odieusement trahi. Après les bombardements, le « tribunal » interne à l’administration permet donc au physicien, même affaibli, de se relégitimer, par contraste avec ses accusateurs, dont la posture est plus caricaturale que réellement convaincante. C’eût été trop demander que les réels faiseurs de catastrophes soient effectivement inquiétés.

En cela, Oppenheimer perpétue une lecture mainstream du phénomène maccarthyste : le scénario d’une névrose fugace, d’un regrettable intermède inquisitorial qui, porté par une poignée de sénateurs réactionnaires, aurait écarté momentanément la démocratie étasunienne de son tempérament politique profond. « Le fait est que je l’aime, ce satané pays » reconnaît Robert Oppenheimer, dans son journal, attaché aux valeurs progressistes américaines. Selon cette thèse conjoncturelle, que vulgarisera en France l’historien Alexandre Adler, le prétendu « pays de la liberté » aurait en effet risqué de s’égarer, entre 1950 et 1954, avant qu’heureusement il ne se reprenne de cette lutte mimétique contre le totalitarisme. Une telle assurance ménage au système politique nord-américain toute latitude pour ressortir de l’épreuve indemne dans sa substance, voire encore héroïque, puisqu’il parvient à vaincre ses propres turpitudes. Ce n’est ainsi pas un hasard si le film prend soin d’entourer Oppenheimer de soutiens intègres, qui jouent le rôle de témoins de moralité politique – dont notamment, l’un des membres de la Commission qui l’interroge, le seul à voter son acquittement – et d’orchestrer le triomphe de son héros jusque dans la défaite juridique. Défaite au demeurant temporaire, puisque le spectateur, complice, n’ignore pas que le physicien sera finalement réhabilité et que le maccarthysme n’a aujourd’hui plus aucun argument pour séduire.

L’aveuglement devant l’Histoire

À qui s’adresse, en définitive, cette mascarade, sinon à un public « américanisé » malgré lui ? Une dizaine de jours après sa sortie, Oppenheimer enregistre déjà 220 millions de dollars de recettes à travers le monde et près d’1,5 millions d’entrées dans les salles françaises. Le « biopic événement » était en effet attendu, après le succès contrasté de Tenet (2020), et continue d’être salué par la presse internationale. Pendant que se réjouissent les « fans » du réalisateur, un pays échappe toutefois à la règle. Au Japon, Oppenheimer n’est pas à l’affiche – et aucune date de sortie n’a été, pour l’heure, annoncée par les studios d’Universal Pictures. L’explication ? Nulle pudeur de l’équipe du film, qui se soucierait de la réception de son storytelling unilatéral, mais des inquiétudes – autrement plus essentielles – relatives à la rentabilité de la diffusion sur le marché japonais. « La question est de savoir si les cinéphiles du pays seraient intéressés pour regarder un film sur le développement de la bombe atomique qui a tué plus de 200 000 personnes » résume Isabelle Ratane pour la plateforme Allociné. La réponse est évidemment claire, pour qui n’est pas désorienté par l’indigne spectacle historique, promu par les industries culturelles. Parmi les critiques qui ont justement fait remarquer l’absence de séquences relatives au traumatisme causé par la bombe, rares sont toutefois celles à qui l’on n’a pas reproché de jouer les trouble-fêtes : vous comprenez, ce n’est pas le sujet !

Il est certain, en effet, qu’Oppenheimer s’avère finalement aussi prévisible que son titre, et qu’il était déraisonnable de s’attendre à autre chose de la part d’un « cinéaste culte », dont le projet s’identifie de plus en plus aisément – noyer l’inconséquence politique, sous des images impressionnantes et des intrigues incohérentes, légitimées par de complexes méditations scientifiques. « N’essayez pas de comprendre, just feel it » asserte le réalisateur, comme un supplément d’âme, pour garantir son succès artistique. Une maxime sinistrement d’époque, dans un monde qui continue de s’aveugler face à la possibilité d’une nouvelle guerre nucléaire. Dès lors, contrairement au sérieux annoncé par Christopher Nolan, Oppenheimer n’affronte pas la tragédie historique, mais préfère dramatiser sa vérité. Pour s’en convaincre, il n’est pas inutile de rappeler les conditions dans lesquelles a été reproduite l’explosion de Trinity, qui symbolise l’entrée dans l’ère atomique. Le recours aux images de synthèses a été refusé par la production pour mieux faire revivre l’expérience atomique aux spectateurs. Si tant est qu’une telle expérience soit commensurable, la technique employée fournit une étonnante allégorie du film : « Concrètement, ce sont des explosions de taille modeste, mais la proximité de la caméra les a rendues gigantesques » analyse ainsi Le Coléoptère. N’est-ce pas exactement le traitement réservé à la figure d’Oppenheimer, dont l’immense visage, en vient à faire oublier l’énormité d’une Histoire catastrophique ?

N’est-ce pas exactement le traitement réservé à la figure d’Oppenheimer, dont l’immense visage, en vient à faire oublier l’énormité d’une Histoire catastrophique ?

Fasciné par son protagoniste, Christopher Nolan aura ultimement oublié de considérer les incertitudes qui accompagnent l’humanité depuis l’été 1945. Invité à délivrer ses prédictions pour l’avenir, à l’occasion d’un interview déjà visionnée par 1,3 million d’internautes, le père d’Oppenheimer s’est voulu confiant : « La bombe nucléaire en 2050 ? – Pareil. » Un optimisme qui ignore les bouleversements engendrés par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Selon Günther Anders, il est en effet devenu irresponsable de présupposer l’évidence de la continuité du monde – il en va désormais d’un nouvel ordre des temps. Dans un texte de 1960, destiné à politiser la catastrophe nucléaire, le philosophe précise : « “Dans le temps de la fin” » signifie : dans cette époque où nous pouvons chaque jour provoquer la fin du monde. » À l’inverse d’une énième prophétie apocalyptique, ce diagnostic d’époque, qui décrit le point de non-retour franchi par la civilisation industrielle, s’impose toujours à notre présent, irrémédiablement hanté par les ruines de son passé. En dépit des espérances de l’authentique Robert Oppenheimer, la bombe atomique n’a pas permis « de démontrer que ce ne sont pas les hommes modernes […] mais la guerre elle-même qui est obsolète ». Il est à craindre que l’obsolescence soit bien du côté des hommes, comme l’estime Günther Anders dès 1956, dans un ouvrage traduit en français aux éditions Ivrea en 2002, avec un retard qui lui aussi en dit long. Entre Prométhée et ses produits s’est creusé un écart trop grand, qui menace d’atteindre jusqu’à sa capacité de résistance. Un constat autrement plus inquiétant, qui engage bien au-delà du film anecdotique de Christopher Nolan.

« Le principe de précaution n’a pas été assez appliqué au moment de l’accident de Lubrizol » – Entretien avec Éric Coquerel

Le député de la France Insoumise Eric Coquerel fait partie des vice-présidents de la mission d’information créée des suites de l’incendie du site de Lubrizol à Rouen. Après plusieurs mois d’auditions, il nous a expliqué son analyse de la situation, en revenant notamment sur les enjeux environnementaux et sociaux autour de l’industrie française que l’accident a permis de mettre au jour. Entretien réalisé par Marion Beauvalet, retranscrit par Jeanne du Roure.


Le Vent Se Lève – Comment êtes-vous devenu membre de la mission d’information créée après l’accident de Lubrizol ?

Eric Coquerel – Je suis rapporteur pour la commission finance de la mission qui recouvre la moitié du du budget du Ministère de l’Écologie (dont la prévention des risques). Je connaissais donc assez bien le sujet. De plus, il se trouve que j’ai été à une manifestation au moment de Lubrizol à Rouen. Je me suis intéressé au sujet, à la fois pour des raisons de fond – sur ce que ça révélait – mais aussi parce que c’est en résonance avec la mission qui est mienne à l’Assemblée nationale. Ça avait été plus facile de poser des questions, de savoir qui il fallait interroger, parce qu’il s’agissait en général de gens que j’avais déjà interrogés dans le cadre de cette mission.

LVSL – Pouvez-vous revenir sur ce qui s’est passé pendant les travaux ? Les conclusions qui ont éventuellement été rendues et si elles auront des suites effectives sur la gestion des sites sensibles ?

E.C – Les auditions sont terminées, le rendu des travaux a eu lieu. Il faut savoir que, en réalité parlementaire, il y a deux missions. D’une part, il y a une commission d’enquête au Sénat qui a statutairement une fonction plus importante. Par exemple, les gens qui témoignent pendant une commission d’enquête sont tenus de dire la vérité sous peine de poursuites judiciaires. On se rappelle de la dernière commission d’enquête qui avait eu lieu au Sénat sur l’affaire Benalla. Des gens de l’Elysée avaient témoigné et s’étaient retrouvés devant les tribunaux parce qu’on a estimé qu’ils avaient menti. Donc le Sénat a cette chance.

À l’Assemblée, on n’a pas réussi à obtenir une commission d’enquête parce que la majorité En Marche l’a refusée, contrairement au Sénat. On s’est contenté d’une mission d’information. Sa nature ne change pas beaucoup si ce n’est ce petit détail : si on ment durant une commission d’information, ça n’a pas de conséquences juridiques.

Nous avons au demeurant auditionné beaucoup d’acteurs. Cela n’a pas permis de distinguer les origines directes du problème, c’est plutôt la justice qui parviendra à trouver d’où ça vient. Lubrizol vient d’ailleurs d’être mis en examen. Par contre nous avons pu repérer les dysfonctionnements, manque de moyens et de réglementation qui, pendant des années, ont précédé l’accident. Ces derniers ont, si ce n’est occasionné l’incendie, aggravé ses conséquences et surtout mis en lumière le dysfonctionnement évident de gestion du risque une fois l’incendie déclaré.

« Il était compliqué au moment où la décision a été prise de ne pas confiner la population, le matin après l’incendie, de savoir quelle était la nature même de la pollution. »

LVSL – Concernant la terminologie, quels sont les termes que vous employez pour décrire Lubrizol ? Incident, accident, crise ?

E.C – C’est au moins un accident. Ça n’a pas le caractère de catastrophe comme à l’AZF de Toulouse, parce qu’il y a eu des morts. Sur le long terme, les avis divergent sur les effets de la pollution due à Lubrizol, mais on est plus dans une nature d’accident que de catastrophe. Cela aurait néanmoins pu être catastrophique.

Je parlais tout à l’heure de dysfonctionnements dans l’alerte. Il était compliqué au moment où la décision a été prise de ne pas confiner la population, le matin après l’incendie, de savoir quelle était la nature même de la pollution.

Ce qu’on savait le lendemain, c’est que respirer les effets de cette pollution n’entraînait pas de mort immédiate, mais on ne savait absolument rien des conséquences à moyen et long termes. Pourtant, le préfet a décidé de ne pas procéder à un confinement parce qu’il craignait que les effets de panique soient supérieurs aux conséquences. C’est prendre une lourde responsabilité et c’est toujours imaginer qu’une population prend forcément les mauvaises décisions, que la passion l’emporte sur la raison, que les gens vont partir sur les routes…

Il s’agit d’une vision un peu étrange de la population qui est au contraire bien informée, y compris au niveau de la prévention des risques, ce qui est profitable. Pour les conducteurs de bus par exemple, qui ont continué à rouler dans toute la pollution des jours qui ont suivi, rien ne dit dans l’avenir qu’ils n’en subissent pas les conséquences. Rien que là, le dysfonctionnement est évident.

LVSL – Quel regard portez-vous sur la manière dont la crise a été traitée par les différents acteurs, d’un côté l’Etat, de l’autre les médias ?

© Vincent Plagniol

E.C – Je trouve que la crise a été traitée par l’Etat de manière insatisfaisante. Tous les gens qu’on a auditionnés, y compris les maires, trouvaient qu’il n’y avait pas assez d’informations, ou qu’elles étaient étonnantes lorsqu’elles existaient. Quand par exemple, le préfet explique quasiment le matin même qu’il n’y a pas de risques de toxicité majeurs, alors même que la ministre Agnès Buzyn parle quelques jours plus tard de la suie et de ses conséquences toxiques. La contradiction n’est pas faite pour rassurer les gens.

« Le principe de précaution n’a pas été assez appliqué au moment de l’accident de Lubrizol. »

Quand le préfet de Seine-Maritime a des propos pour le moins rassurants, alors que le préfet de l’Oise, sur lequel le nuage a circulé, prend des mesures plus drastiques et inquiétantes, tout cela ne fait pas très sérieux. Il y a beaucoup à redire dans la gestion. Cela montre quelle vision ont l’Etat et ses représentants des réactions possibles de la population.

Je pense que les gens ont assez de connaissances pour être informés de manière objective, y compris en termes de précaution. Le principe de précaution n’a pas été assez appliqué au moment de l’accident de Lubrizol.

LVSL – Rouen n’est pas la seule ville qui possède un certain nombre de sites classés Seveso. Le problème est que d’une part, ce sont des sites pourvoyeurs de beaucoup d’emplois – c’est le cas à Rouen – mais de l’autre, on sait qu’il y a danger en cas d’accident. À l’heure d’une prise de conscience concernant l’écologie, comment peut-on concilier la pérennité de ces emplois, avec la nécessité de tendre vers une industrie plus respectueuse de l’environnement ?

E.C – Je crois qu’il faut de l’industrie en France et qu’il y a inévitablement une partie de l’industrie qui est à risque. Je ne trouve pas souhaitable l’idée d’éloigner cette production liée à une industrie à risque toujours plus loin, quitte à exporter ailleurs nos propres risques. Il faut faire avec des règles absolument drastiques.

« Il n’y a jamais assez de règles, de lois. »

Quelles sont ces règles drastiques ? C’est déjà estimer que rien n’est supérieur à la question de la prévision et de la gestion des risques. Par exemple, les profits : c’est toujours le problème de ce genre d’industrie.

Est-ce qu’il est raisonnable que des industries classées Seveso soient en réalité gérées par des entreprises dont la question de la rentabilité des actionnaires prime très certainement sur tout le reste ? Je pense par exemple à l’entreprise américaine qui gérait Lubrizol. À partir de cela, il ne faut qu’à aucun moment les règles ne soient assouplies. Il n’y a jamais assez de règles, de lois.

Ensuite, il y a la question de proximité avec les centres urbains. Cela touche aussi la question d’aménagement du territoire. Si on observe bien, on s’aperçoit qu’il y a une trentaine d’années, ces sites n’étaient pas en plein centre urbain de Rouen. C’est parce qu’il y a étalement des centres urbains, de plus en plus, et que progressivement, ces lieux-là sont ré-englobés dans des centres urbains.

Dans ma mission parlementaire, il y a un des opérateurs, le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), qui est un organisme travaillant beaucoup sur la question de l’aménagement du territoire et qui fournit beaucoup de données.

Le Cerema dispose, par exemple, d’un bureau travaillant sur l’aménagement urbain autour des sites à risque. Par le plus grand des hasards, ce bureau se trouve à Rouen. Au niveau national, son personnel est passé de sept à un par l’effet des réductions drastiques d’effectif décidées par l’Etat. Disons-le tout net, la survivance de sites à risque n’est pas compatible avec les restrictions budgétaires qu’on connaît au niveau de la prévision des risques, de la gestion de ce type d’aménagement urbain.

Il est très certainement nécessaire dans une période de transition écologique d’avoir des sites à risque, on ne peut pas par contre désarmer ceux qui sont appelés à les aménager, les contrôler, les surveiller, à intervenir… Or c’est exactement ce qui se passe depuis des années. Lubrizol l’a révélé de manière éclairante.

LVSL Est-ce que vous pensez que tout a été mis en oeuvre par le passé, notamment après AZF à Toulouse, pour éviter que ce genre de catastrophe se produise ? Quels sont les moyens qui manquent aujourd’hui ?

E.C – Il faut savoir qu’en 15 ans, la prévision des risques dans le pays, les inspections des sites ont été diminuées par deux. En parallèle, le nombre de sites n’a cessé d’augmenter, il y a un vieillissement de l’appareil industriel en France. L’accroissement du dérèglement climatique a également des répercussions sur ce type de sites qui peuvent être sujets à des inondations plus fréquentes ou à de plus gros événements climatiques.

© Vincent PlagniolOr le contexte nécessite toujours plus de prévention des risques. On estime qu’en réalité, cette nécessité va même augmenter de 50% d’ici 2022. Cependant, il y a diminution par deux du nombre d’inspections, ainsi qu’une suppression des postes d’inspection depuis des années, qui continue au niveau du Ministère de l’Écologie. Un inspecteur aujourd’hui contrôle 420 sites en moyenne. Selon la Direction générale de la prévention des risques, que j’ai pour ma part auditionné, pour être capable de faire le minimum, il faudrait recruter 200 inspecteurs.

Tout n’est pas fait aujourd’hui dans le pays malgré des progrès. Après AZF, avaient été créés des plans de prévention des risques (PPRT) concernant les sites et leur environnement. Mais on ne peut pas faire ça avec moins de gens. Cela a comme conséquences de prioriser les sites Seveso, d’essayer d’avoir au moins une visite par an. Mais les autres sites vont voir leur nombre de visites dégradé, y compris les sites de dernier niveau qui n’en auront plus du tout.

Dans l’affaire Lubrizol, ça a une importance accrue. Très vraisemblablement, un des risques est survenu d’une des entreprises autour de Lubrizol, notamment Normandie Logistique. Plusieurs rapports l’ont montré : dans ces sites-là, la question du nombre d’inspections, du problème de formation des salariés est en dessous de tout. Donc on a extraordinairement dégradé la prévision des risques de manière globale dans ce pays, pour des raisons budgétaires.

Il faut savoir que les syndicats du Ministère de l’Écologie pensent qu’il y a un risque de disparition du Ministère tellement les suppressions de postes ne cessent d’augmenter. Le ministère de l’Écologie est toujours le parent pauvre dans les arbitrages finaux et c’est toujours celui à qui on reprend des budgets. On voit bien les conséquences que cela peut avoir sur la prévention des risques par exemple.

Mais cela est également vrai des opérateurs. Si on regarde par exemple Ineris, qui est l’opérateur qui intervient sur toute la question d’étude des risques – pas seulement industriels mais aussi naturels qui vont amplifier – on s’aperçoit chaque année que c’est 3% d’équivalents temps pleins qui disparaissent.

Cela n’est pas lié au fait qu’il y aurait moins de besoins mais tient à des raisons de diminution du nombre d’emplois dans la fonction publique et chez les opérateurs. Or, Ineris sont les premiers qui sont intervenus sur l’affaire Lubrizol. C’est en effet ceux à qui il a été demandé de diagnostiquer tout de suite le degré de dangerosité des produits polluants. Et pourtant, Ineris, qui est un outil extraordinaire, voit ses budgets diminuer chaque année.

« À force de désarmer et d’affaiblir la prévention des risques, les équipes d’intervention et l’État, il y a un moment où la gestion des risques devient vraiment dangereuse alors qu’il serait possible de la résoudre autrement. »

Un autre exemple : lorsqu’il y a eu la pollution de Lubrizol, le plan dit Polmar, c’est-à-dire pollution maritime, a été actionné. Il y a peu de temps, la décision a été prise de réduire encore les effectifs et les matériaux liés à ce plan et de faire en sorte que le bateau chargé de dépolluer du Havre soit supprimé pour ne plus garder que celui de Brest. Bien heureusement, ils n’ont pas eu le temps de le faire et ils ont pu acheminer le bateau du Havre par la Seine qui est arrivé à temps pour essayer de limiter autant que possible la pollution maritime.

À force de désarmer et d’affaiblir la prévention des risques, les équipes d’intervention et l’État, il y a un moment où la gestion des risques devient vraiment dangereuse alors qu’il serait possible de la résoudre autrement.

Pluie d’hydrocarbures sur la ville aux cent clochers

© Thibaut Drouet
© Thibaut Drouet

Jeudi 26 septembre, vers 7 heures du matin, les habitants de Rouen se sont réveillés au son du signal d’alerte Seveso. Dans les villes à risque, cette sirène plane comme une ombre au-dessus de la population : dans les écoles primaires et les collèges, des exercices sont effectués en cas d’accident. Mais quand l’alarme retentit, rien n’est fait et le manque d’information prend le pas sur le choc de l’explosion.


L’usine Lubrizol n’en était pas à son coup d’essai à Rouen. Elle avait déjà fait parler d’elle en janvier 2013 avec la fuite d’un gaz malodorant dont l’odeur avait été sentie jusqu’à Paris et en Angleterre. Le site de Rouen est le premier qui a été ouvert par cette société de l’industrie chimique en 1954. Le site produit des additifs de lubrifiants de moteurs industriels et de véhicules. Au début de l’année 2019, l’entreprise a déposé une demande d’autorisation d’extension des capacités de stockage de substances dangereuses sur la partie de l’usine située à Rouen. L’absence de connaissances scientifiques particulières n’exonère pas que le fait de vivre à proximité d’usines constitue en soi un élément d’anxiété. Quand l’accident arrive, l’absence de réponses et la communication hasardeuse ne peut qu’amplifier les doutes et les craintes.

Un jeudi dans les médias qui laisse songeur

Si la mort de l’ancien président Jacques Chirac a éclipsé ce qui se passait à Rouen, la communication tant du Gouvernement que de la Préfecture a laissé celles et ceux qui vivaient les événements de même que les spectateurs et internautes songeurs. Nombre d’internautes ont néanmoins remercié le travail de France Bleu et plus largement de la presse locale qui tenait la population au courant de l’évolution de la situation.

Dès le jeudi soir, la hiérarchie de l’information a laissé place à des critiques. Un article paru dans le Paris-Normandie rapporte par exemple des propos de journalistes : « À moins que Chirac ne soit mort à Rouen, mon direct est fichu », établit une journaliste de France Bleu, pour France Info. « Bon, on parle un peu de l’incendie mais il faut vraiment qu’on le fasse réagir sur Chirac. Mon rédacteur en chef va me disputer si je n’ai pas ce son. Il ne prendra que ça en plus ». L’article du Paris-Normandie à cela d’intéressant qu’il montre l’écart entre le drame qui s’est produit dans la préfecture de Seine-Maritime, les attentes concernant le suivi et les impératifs de la presse. Ces derniers induisent des choix dans le traitement de l’information, qui s’ils ne sont pas des faits inédits ont pu renforcer le sentiment de dénuement de la population de Rouen.

Dans la presse et sur les réseaux sociaux, ces choix éditoriaux ont rapidement été critiqués. Cependant, les images spectaculaires ont été préférées à l’analyse. Ainsi, les spectateurs ont pu assister à des directs au cours desquels les intervenants expliquaient que la situation était maîtrisée avec l’immense nuage noir en arrière-plan. Les discours tenus sont également étonnants.

Face à l’incendie et au nuage qui s’est étendu sur plusieurs kilomètres, une dizaine de communes ont été confinées : la rive droite de Rouen, Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan, Isneauville, Quincampoix, Saint-Georges-sur-Fontaine, Saint-André-du-Cailly, La Rue Saint Pierre, Cailly, Saint-Germain Sous Cailly, Canteleu, Bihorel et Bosc-Guérard-Saint-Adrien.

Outre le traitement médiatique, les éléments communiqués par la préfecture et le gouvernement et Christophe Castaner en premier plan semblaient en inadéquation avec ce qu’éprouvait les Rouennais. Les consignes données étaient notamment de demeurer à l’abri des fumées. Indépendamment du nuage, qu’en est-il des particules ? Face au manque d’information, les personnes à proximité de l’usine ont-elles eu des conduites à risque ? Si à Bonsecours ou au Petit-Quevilly, il ne fallait pas se confiner, la sûreté des personnes était-elle pour autant garantie ? Être en dehors du nuage ne signifie pas pour autant ne pas respirer.

De nombreuses images ont montré des traces noires sur du mobilier urbain ou des vitres. Dimanche, des retombées du même type étaient constatées à Lille. Ces retombées sont également tombées dans la Seine. Dès lors, ce sont les eaux et les sols qui se trouvent salis par cette pollution chimique. Quels choix seront faits concernant la pêche et l’agriculture ? Si dès jeudi il était expliqué qu’il ne fallait pas consommer les fruits à moins de les nettoyer en profondeur, quand sera-t’il possible de consommer des produits locaux propres ou du moins ne plus avoir peur qu’ils soient impropres à la consommation ?

Jeudi, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner jouait la carte de l’apaisement. S’il évoquait une certaine toxicité, il se voulait surtout rassurant. Cette communication d’urgence a surtout infantilisé la population locale en l’adjoignant à conserver son calme sans pour autant entendre certaines questions plus que légitimes. Le lendemain, la ministre de la Santé Agnès Buzyn déclarait quant à elle que « la ville de Rouen est clairement polluée par les suies. Nous demandons aux gens de les nettoyer en prenant des précautions, notamment en mettant des gants. Ça n’est jamais bon pour la population de toucher ce genre de produits ». Mais quels sont ces produits ? Quelle est leur composition ? Au ministère de la Transition écologique, personne n’a communiqué à ce sujet.

© Paris-Normandie
© Paris-Normandie

Lubrizol a se son côté peu communiqué, si ce n’est en établissant un suivi de l’état de l’incendie par voie de communiqué. L’entreprise dirige d’ailleurs rapidement vers la préfecture : « Les résidents de la région touchée peuvent obtenir davantage d’informations auprès de la préfecture de Seine-Maritime ici pour tout ce qui concerne les mises à jour et réponses aux questions fréquemment posées. Nous adressons nos remerciements à toutes les personnes impliquées dans la réponse à l’incendie ». Ne serait-ce pas d’abord à eux de communiquer des réponses concernant l’état de l’usine, le départ du feu et surtout les implications ou non sur la santé des produits partie en fumée ? L’odeur nauséabonde perdure dans Rouen et des habitants se plaignent de maux de tête persistants.

Une catastrophe industrielle qui ne dit pas son nom

France Bleu a révélé grâce à des sources internes chez Lubrizol que le toit qui a brûlé contenait de l’amiante. Cela vient s’ajouter au fait que l’usine était classée Seveso seuil haut. Des prélèvements ont été faits mais sans une analyse et des explications, ils demeurent extrêmement obscurs.

Des analyses complémentaires sont toujours attendues. Les internautes et certains journalistes se sont laissés aller à quelques saillies et sarcasmes concernant les doutes qui perdurent comme par exemple le titre de 20 minutes qui a fait mouche sur Twitter.

© 20 Minutes
© 20 Minutes

A l’Assemblée nationale, Christophe Bouillon, député socialiste de la cinquième circonscription de Seine-Maritime a demandé vendredi l’ouverture d’une commission d’enquête. Delphine Batho va quant à elle proposer une commission d’enquête « sur l’action des pouvoirs publics relative à la prévention et la gestion de l’incendie (…) ainsi qu’à ses conséquences sanitaires et environnementales ». Du côté de la France insoumise, Eric Coquerel a demandé une enquête parlementaire ainsi qu’une enquête administrative. Les élus font des parallèles avec AZF, catastrophe industrielle qui a eu lieu le 21 septembre 2001. Ayant causé la mort de 31 personnes, cette catastrophe était notamment le fait de défaillances concernant notamment les conditions de stockage. Certains élus ont également rappelé que Lubrizol fait partie d’un holding qui appartient à Warren Buffett, troisième fortune mondiale en 2018 selon Forbes. Mardi 1er octobre, un certain nombre de Questions au gouvernement (QAG) revenaient également sur les événements : citons par exemple les interventions de Christophe Bouillon, François Ruffin, Hubert Wulfranc ou encore Damien Adam.

Ces éléments contribuent à renforcer un sentiment d’isolement et pose des questions plus profondes. Pourquoi des entreprises dont les incidents peuvent être lourds de conséquences pour la population et également l’environnement se situent si près de centres urbains ? Ainsi, indépendamment de la communication de crise, seule la préfecture continue à transmettre des informations. Mais un certain nombre de questions et d’inquiétudes n’auront pas disparu tant que davantage d’explications n’auront pas été apportées de la part de Lubrizol. Ce dramatique incident doit également amener à penser la place que certaines industries et usines occupent dans l’espace de même que l’intérêt à manier certains produits.