Les organisations internationales en font-elles trop ?

Siège des Nations Unies à New York. © Nils Huenerfuerst

Plus que jamais, les organisations internationales (OI) font l’objet d’une défiance croissante de la part des États. Coûteuses et inefficaces pour certains, elles sont au contraire intrusives et partisanes pour d’autres. Ainsi, le 28 octobre 2024, la Knesset votait deux lois interdisant à l’UNWRA, l’agence onusienne chargée de la protection des réfugiés palestiniens, d’exercer ses prérogatives humanitaires sur le « territoire souverain » d’Israël. Un mois auparavant, Benyamin Netanyahou prononçait un discours à l’Assemblée générale des Nations Unies dans lequel il associait l’organisation à un « marécage antisémite ». Face aux attaques des États qui leur sont hostiles, les organisations internationales peuvent-elles toujours agir librement ? Ont-elles encore un rôle à jouer dans la prise en charge des grands enjeux du XXIe siècle ? Dans son nouvel ouvrage, Le Défi de la paix, remodeler les organisations internationales (Armand Colin, 2024), Anne-Cécile Robert, journaliste au Monde Diplomatique, analyse les relations souvent conflictuelles des OI avec les Etats et plaide pour leur réhabilitation sur la scène internationale.

Souvent accusées d’impuissance face aux grandes crises internationales, les organisations internationales (OI) doivent aujourd’hui répondre aux reproches exactement contraires. L’ONU et ses agences, pourtant tenues par les traités et règlements qui les fondent, outrepasseraient leur mandat pour développer leur propre vision du monde en se serrant les coudes pour l’imposer. Leur pratique quotidienne et leurs actions sur leur terrain les conduiraient à se substituer aux responsables politiques, au nom notamment des impératifs liés aux droits de l’Homme. Leur dynamique aurait créé un univers incontrôlé, voire une idéologie spécifique sans le consentement des États. Mais la contradiction n’est qu’apparente.

Extensions de mandat

Les OI sont, en principe, dépendantes du principe de spécialité qui les contraint à demeurer dans le périmètre de compétences qui leur est attribué par les États. Chaque instance voit ses missions définies par des mandats écrits permettant aux gouvernements d’en maîtriser les actions. Pourtant, on constate en pratique que, souvent au fil du temps et pour résoudre des problèmes imprévus, les OI acquièrent d’elles-mêmes de nouvelles compétences.

Il s’agit souvent d’extensions logiques, un type d’action découlant mécaniquement d’un autre. Par exemple, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), créée en 1957, pour « promouvoir des technologies nucléaires sûres, sécurisées et pacifiques » apporte une aide logistique et scientifique aux États qui en ont besoin pour assurer leur coopération sous la bannière de « l’atome pour la paix ». Elle intervient notamment pour surveiller le développement non militaire d’infrastructures et de centrales dans certains pays comme l’Iran. Mais, aujourd’hui, l’AIEA émet des recommandations en matière d’alimentation et de santé, par exemple pour protéger les femmes enceintes des radiations lorsqu’elles subissent des examens radiologiques ou IRM. Ce qui n’était pas prévu lors de sa création mais constitue un prolongement logique de ses compétences écrites.

L’Organisation météorologique mondiale a pour sa part étendu son rôle à l’hydrologie et à la surveillance du climat. Elle visait à l’origine à « instaurer une coopération entre les services météorologiques et les services hydrologiques, à encourager la recherche et la formation en météorologie et à développer l’utilisation de la météorologie au profit d’autres secteurs tels que l’aviation, la navigation maritime, l’agriculture et la gestion des ressources en eau ».

L’Organisation maritime internationale (OMI), chargée à l’origine de la sécurité et la sûreté des transports maritimes, s’occupe désormais de la protection des équipages, de la surveillance des océans et des rives polaires mais aussi du secours en mer des migrants, et de prévenir la pollution des mers et de l’atmosphère par les navires. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a rapidement étendu son mandat aux apatrides. Aujourd’hui, il travaille avec des gouvernements confrontés à des flux massifs de réfugiés, comme le Liban depuis la guerre de Syrie dont 40 % de la population est déplacée. L’Organisation mondiale du commerce s’est octroyée de nouveaux champs à régir, notamment les « aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce » (ADPIC) faisant craindre pour les brevets en matière de santé. On pourrait multiplier les exemples.

Par ailleurs, les OI agissent de plus en plus en coalition, mènent des actions concertées, dans ce que le juriste Yves Schemeil nomme « une coopération multisectorielle permanente » dans le cadre de « réseaux inter-organisationnels »[1]. Les questions migratoires sont l’exemple emblématique de ce phénomène. Plusieurs organisations, outre naturellement l’Organisation internationale des migrations, travaillent de concert pour gérer les flux migratoires : HCR, Organisation maritime internationale (OMI), Programme alimentaire mondial (PAM), etc. L’OMI traite aujourd’hui du secours en mer et de la sécurité des migrants, légaux ou illégaux.

« Moins les organisations sont connues, plus elles ont une influence sur les normes. » Les accusations de bureaucratie prennent appui sur cette normativité galopante et les procédures de contrôle qui leur sont liées.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), créée pour aider de petits groupes de migrants, s’occupe dorénavant de la recherche et de la restitution des corps de personnes noyées. Cette coopération produit des actions conjointes mais aussi des normes, de plus en plus nombreuses, au nom de la maîtrise d’une certaine technicité. Elles s’étendent à des normes qualitatives progressivement transposées et appliquées par les administrations et les entreprises. « Moins les organisations sont connues, estime Schemeil, plus elles ont une influence sur les normes. » Les accusations de bureaucratie prennent appui sur cette normativité galopante et les procédures de contrôle qui leur sont liées. Dans le secteur humanitaire, cette technicité profite, selon le chercheur Frédéric Thomas, surtout aux ONG occidentales rompues à ces discours et aux codes propres à chaque organisation[2]. Ce fonctionnement en circuit produirait, selon certains observateurs, une pensée politique, une véritable idéologie.

Les OI ont-elles une idéologie ?

Dans la crise de Gaza, la mobilisation inter-organisations est, comme on l’a déjà mentionné, particulièrement visible : l’UNWRA, le PAM, l’OMS, le HCR collaborent tandis que la CIJ cite leurs rapports en références pour appuyer ses décisions.

Les OI ont reçu pour mandat de contribuer à organiser le monde et de faciliter la tâche des États en les déchargeant de certaines missions qu’elles sont supposées mieux assurer qu’eux grâce à la maîtrise de coopération technique transnationale. Elles affichent la volonté de promouvoir une éthique globale autour d’objectifs communs comme les Objectifs de développement durable (ODD) souvent cités en référence. On a vu, notamment dans le domaine humanitaire, qu’elles savent se montrer solidaires et agir de concert. La réponse des agences de secours de l’ONU face à la guerre en Ukraine est ainsi coordonnée depuis New York.

Les extensions de mandat sont observées et la plupart du temps explicitement consenties par les États. Les extensions de mandat sont définies et acceptées par les conseils d’administration des OI où siègent les gouvernements. Ceux-ci y voient une manière de se décharger de certains problèmes en les confiant à des OI qui développent une forme de technicité. Le caractère précisément technique, et a priori non politique, rassure les gouvernements. Mais on a vu précédemment les polémiques suscitées par le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières dit « Pacte de Marrakech sur les migrations ». Celui-ci présente clairement les migrations comme un phénomène positif, « facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable et qu’une meilleure gouvernance peut permettre d’optimiser ces effets positifs ». Concrètement, il vise à lutter contre les trafics d’êtres humains mais aussi à « rendre plus accessibles les voies de migration légale, en particulier pour motif professionnel, et faciliter l’intégration des migrants ». Il prévoit aussi de « coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants dans leur pays d’origine en toute sécurité et dignité. » Quoi qu’on pense de cette vision, elle est très politique et non pas simplement technique.

Les OI sont parfois dénoncées comme des instruments d’une occidentalisation forcée des mœurs, un argument manipulé par la Russie dans sa stratégie de séduction en Afrique.

Mais ce Pacte est, à ce jour, demeuré lettre morte. En effet, l’ambiance au niveau des États est plutôt au contrôle des flux de populations, y compris pour des raisons électorales. La coordination du sauvetage en mer, notamment en Méditerranée, est un échec et ce sont des associations et des ONG qui s’en chargent. Les migrations cristallisent les contradictions et fractures d’un monde en voie de dislocation. Au Liban, le HCR est parfois accusé de cogérer des politiques restrictives menées par le gouvernement face à l’afflux de réfugiés depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Il a ainsi accepté en 2022 de partager les données personnelles collectées sur les déplacés avec l’administration, au risque de fragiliser leur droit à la vie privée et leur protection juridique. Invoquant un manque de moyens, il laisserait les autorités organiser le retour forcé de personnes en danger vers la Syrie. Pour sa part, l’OIM a été critiquée pour promouvoir la politique restrictive des États-Unis pour le contrôle des flux migratoires.

Dans certains secteurs, les tensions s’exacerbent ouvertement entre les OI et les gouvernements. C’est ainsi le cas en ce qui concerne les droits des personnes LGBTQIA+. Depuis 1945, la non-discrimination selon les sexes figure dans les textes fondamentaux du système onusien : la Déclaration universelle des droits de l’Homme mais aussi la Charte de l’ONU qui mentionne, dans son préambule que les États ont « foi dans l’égalité de droits des hommes et des femmes ». Des agences et programmes de l’ONU s’attellent donc depuis l’origine à promouvoir par exemple l’égal accès à l’éducation et à la santé en matière de développement et énoncent des règles pour le respect des droits politiques de chaque sexe. Mais un phénomène nouveau est apparu à partir des années 1990, la référence aux droits des personnes homosexuelles et, plus largement, de toutes les minorités ou groupes désormais désignées sous l’acronyme LGBTQIA+. Cette extension est notamment portée par le bureau du Haut-commissaire aux droits de l’Homme. Le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale indiquent désormais, parmi leurs recommandations, des mesures à prendre pour assurer la non-discrimination de ces personnes. Dans certains pays, cette nouveauté suscite des débats très vifs au motif que les cultures et coutumes locales seraient heurtées. Ainsi, au Ghana, en 2024, un débat a eu lieu sur la signature d’un programme du FMI. En Tunisie, le président a saisi le prétexte de telles conditions pour rejeter un accord avec cette instance. Les OI sont parfois dénoncées comme des instruments d’une occidentalisation forcée des mœurs, un argument manipulé par la Russie dans sa stratégie de séduction en Afrique.

Mais les États font parfois de la résistance. L’Allemagne s’oppose à l’extension des compétences de l’OMS. Washington a empêché que l’IUT supervise la cybersécurité. Les États-Unis s’opposent à ce que l’Organe de règlement des différends de l’OMC puisse mener des enquêtes techniques indépendantes. Les politistes Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien analysent le « processus d’expansion de la gouvernance mondiale », c’est-à-dire la manière dont, par capillarité, les OI traitent d’un nombre croissant de sujets, notamment à partir des politiques de développement ou de l’action humanitaire. Un « bricolage de pratiques », formalisé par des études techniques aboutit à la création de concepts qui peuvent avoir des effets opérationnels comme le « développement durable » ou la « protection des civils » pour ne prendre que les plus courants. Ils soulignent le rôle déterminant des experts et des modèles économétriques ou mathématiques. Le cadre global d’indicateurs permettant d’évaluer les Objectifs de développement durable ne serait pas neutre. Les décideurs ne devraient pas tant « chérir ce que nous mesurons » que « mesurer ce que nous chérissons » écrivent-ils à la suite de Navi Pillay, ancienne directrice du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme[3].

On assiste à un processus contradictoire où les OI, dans le feu de l’action, promeuvent des coopérations transnationales tandis que les États, qui conservent le contrôle politique, suivent avec une attention plus ou moins soutenue ces développements. Quoi qu’on en pense sur le fond, ces tensions traduisent un doute sur la légitimité de ce que font les OI et le manque de débats et de contrôle démocratique, au sein de chaque pays, sur ce que font les gouvernements sur la scène internationale. Une plus grande transparence et des comptes rendus d’action plus fréquents et plus clairs devant les Parlement éviteraient peut-être ces crispations. De manière méconnue, les OI sont ainsi parfois de véritables champs de bataille entre gouvernements.

Les OI comme champs de bataille

Les postes de direction au sein du système multilatéral ont toujours fait l’objet de luttes d’influences. Les États tentent d’obtenir le contrôle de certaines OI en plaçant à leur tête certains de leurs fonctionnaires ou ambassadeurs. Les règles d’élection sont fixées par les statuts de chaque OI. Pour les programmes onusiens, il arrive que ce soit le Secrétaire général qui procède aux nominations sous le contrôle de l’Assemblée générale. Les luttes de pouvoir sont permanentes et parfois très vives.

On pourrait croire que les puissances « révisionnistes » d’aujourd’hui délaissent ces jeux pour s’adonner aux pures logiques de rapports de forces. En réalité, leur attitude est plus subtile, démontrant que l’ordre international est en transition : affaibli, il n’en demeure pas moins une référence. En quelques années, la Chine a ainsi obtenu la direction de plusieurs OI : l’Organisation de l’aviation civile internationale (Icao), l’Union internationale des télécommunications (ITU), l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) et, depuis 2019, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

D’un côté, les OI seraient coupables d’impuissance, de l’autre, elles en feraient trop, comme des usurpatrices illégitimes.

De leurs côtés, les États-Unis ont récemment placé des ressortissants à la tête du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Organisation internationale des douanes. Ils ont obtenu de haute lutte la direction de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) en 2023 après un processus électoral à rebondissements à l’intérieur de l’organisation. Notons que l’OIM a été créée à l’initiative des États-Unis pour contrer l’influence supposée de l’URSS au HCR.

Fidèle à une certaine circonspection historique, la Russie soutient des candidats mais ne brigue que rarement la tête d’organisations. Elle s’assure en revanche de l’élection de ses représentants dans les comités et conseils de l’ONU. Américains et Européens se partagent depuis 1944 les directions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, au grand dam des pays du Sud qui réclament une meilleure représentation dans ces institutions essentielles au développement. Ces deux institutions, créées en 1944 à Bretton Woods, sont gouvernées selon la richesse de leurs membres : plus le produit intérieur brut d’un État est élevé, plus il a de poids dans les instances de direction, notamment des droits de vote. Mais la répartition des pouvoirs a été fixée en 1944 et sa modification appelle un consensus inatteignable pour l’instant, les pays industrialisés dominant ces institutions.

Les pays du Sud, soutenus par les Brics, demandent officiellement une répartition plus équitable des droits de vote et une place plus juste au sein des conseils d’administration. Le sujet est régulièrement abordé dans les discussions internationales et au sein des organes de l’ONU. C’est l’un des enjeux des réformes discutées en 2024. Ces batailles sont souvent méconnues du grand public mais révélatrices d’un entre-deux qui voit les États prendre des libertés avec l’ordre international sans pour autant le contester tout à fait.

Un étau se forme autour des OI, entre des États amnésiques, saisis des vertiges identitaires, et des reproches de plus en plus forts, aussi menaçant que contradictoires. D’un côté, les OI seraient coupables d’impuissance, de l’autre, elles en feraient trop, comme des usurpatrices illégitimes. Une fois de plus, les gouvernements évacuent leurs propres responsabilités : n’apposent-ils pas leur signature au bas des traités ? N’envoient-ils pas des émissaires et des fonctionnaires dans les OI ? Peuvent-ils raisonnablement prétendre que l’ONU est la cause des passions identitaires qui fracturent l’espace public ?

L’organisation internationale a un caractère contingent, c’est-à-dire qu’elle constitue une solution provisoire aux problèmes de l’action collective : elle propose des réponses partielles et plus ou moins durables aux besoins d’actions. On a vu des institutions communes se transformer au gré des besoins. Ainsi, entre 1947 et 1995, le commerce mondial n’était régi que par un accord de coordination, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, plus connu sous son acronyme anglais, Gatt. En 1995, les États ont décidé de créer l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dotée d’un Organe de règlement des différends.

Certes, l’ONU peut se transformer et évoluer, mais la SDN a montré que les organisations n’étaient pas non plus immortelles. Leur vie et leur survie dépendent de l’intérêt que les États y trouvent. Les tensions internationales actuelles sont inédites par leur intensité et leur généralité, même si le monde fut, au cours de la guerre froide, au bord de grandes déflagrations comme en 1962 au moment de la crise de Cuba. Dans le langage diplomatique et à l’ONU, on s’inquiète de l’absence de « cordes de rappel », c’est-à-dire de solutions pour réactiver le dialogue quand les tensions montent. C’est l’engagement des États qui ont signé la Charte de San Francisco, sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale et du nazisme en 1945, qui semble s’émousser. Un risque grandit, celui de la rechute non seulement nos alcooliques anonymes se sont repris de boisson mais ils ne prennent même plus la peine de dissimuler les bouteilles. C’est pourquoi un sursaut est nécessaire et urgent.

Notes :

[1] Yves Schemeil, The Making of the World: How International Organizations Shape Our Future, Verlag Barbara Budrig, 2023.

[2] Frédéric Thomas, L’Échec humanitaire : Le Cas haïtien, Éditions Couleur livre, 2012.

[3] Lire Vincent Pouliot et Jean-Philippe Thérien, Comment s’élabore une politique mondiale. Dans les coulisses de l’ONU, Presses de Science Po, 2024.

L’OMS sous perfusion des philanthropes

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Le secrétaire Sebelius à la 67ème Assemblée de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) © United States Mission Geneva

Depuis sa création, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est sujette à des critiques quant à sa gestion des crises. Ses réactions sont souvent jugées trop précipitées, ou trop laxistes. Ces décalages décisionnels résultent du poids des États membres ou de celui de riches fondations dans le fonctionnement de l’institution. Depuis les années 1980, l’OMS s’est adaptée aux idéologies dominantes et a dû peu à peu, par la contrainte financière, intégrer le secteur privé dans ses prises de décisions. Un choix lourd de conséquences. Par Rodrigue Blot et Jules Brion. 


Le changement de paradigme opéré par l’OMS

En 1919, l’Organisation d’Hygiène se structure sous l’égide de la fondation Rockefeller et de la Société Des Nations (SDN). Réaction directe à la Grippe Espagnole, l’institution a l’ambition de coordonner les actions de ses pays membres pour renforcer les systèmes de santé mondiaux. L’OMS moderne naîtra elle en 1948, 3 ans après l’adoption de la Charte des Nations unies. L’organisation tire alors la majorité de son financement des contributions fixes de ses États membres. En pleine guerre froide, les États-Unis et l’Union Soviétique se livrent une bataille d’influence dans le domaine humanitaire. Les uns tentent d’éradiquer la malaria tandis que les autres veulent trouver des solutions contre la variole. Parallèlement, les nations africaines fraîchement décolonisées des années 1960 plaident pour une approche à long terme pour renforcer leurs systèmes de santé. Si la compétition induite par la guerre froide apporte certains bénéfices sanitaires, cette période était loin d’être parfaite pour le monde de la santé. Le changement de paradigme de l’OMS dans les années 1980 va néanmoins saper la capacité d’action de l’institution.

Les philanthropes dirigent les programmes humanitaires vers des secteurs qui ne représentent pas un danger pour leur capital.

En 1979, des représentants de la Banque Mondiale, de la fondation Ford ou de l’Agence des États-Unis pour le développement international se rencontrent à Bellagio, en Italie. Cette rencontre sponsorisée par la fondation Rockefeller pose les bases de la politique du “Selective Primary Health Care” : réduction des coûts et interventions faciles à évaluer sont désormais préconisées. Parallèlement à ce changement de politique, les subventions fixes des États sont gelées en 1982 sous la pression des donateurs privés. Ces généreux philanthropes espèrent ainsi gagner un rôle plus important dans l’organisation. L’OMS ne contrôle en effet que le budget fixe accordé par les États, et n’a pas de droit de regard sur les contributions volontaires. Ces dernières sont pourtant passées de 53% du budget total de l’organisation en 1998 à plus de 80% aujourd’hui.

Le philanthrocapitalisme fragilise l’OMS

Si les philanthrocapitalistes affirment avoir pour seul objectif d’employer leur fortune personnelle pour résoudre les différents maux qui frappent l’humanité, cette gestion de l’intérêt général par les ultra-riches n’a rien d’anodin. La Bill et Melinda Gates Foundation (BMGF) est révélatrice de ce phénomène. Devenue récemment première contributrice de l’OMS, la fondation de la famille Gates collectionne les conflits d’intérêts avec l’univers de la santé. Ainsi, le capital de la BMGF est composé à 5% d’actions McDonalds et à 7% d’actions Coca-Cola. Peut-on dès lors imaginer cette fondation tenter de combattre le fléau sanitaire qu’est l’obésité au risque de voir son modèle économique s’effondrer ? La question mérite d’être posée. BMGF possède également de nombreuses participations dans le domaine de l’alcool, de l’armement ou même dans les industries pharmaceutiques, notamment GlaxoSmithKline, Sanofi-Aventis, Johnson & Johnson, et Procter & Gamble. Or, le cadre d’engagement avec les acteurs non-étatiques adopté par l’OMS en 2016 ne remet aucunement en cause ces conflits d’intérêt.

Pourquoi de riches capitalistes choisissent-ils de dépenser leur argent dans des organisations non-lucratives ? Cette question essentielle comporte trois réponses majeures.

Tout d’abord, la philanthropie permet de convertir du capital financier en bonne réputation auprès du public. Les programmes humanitaires sont conçus pour ne pas représenter de danger pour la fortune des philanthropes. Prenons l’exemple du programme d’éradication de la polio, le plus gros projet de l’OMS (27% du budget en 2016 pour 894,5 millions de dollars). Ce dernier a largement été subventionné par la BMGF. La même année, l’OMS publie une liste des dix principales causes de mortalité dans les pays les plus pauvres. La poliomyélite n’y figure pas. Bill Gates promeut ainsi des plans à court et moyen terme, dont la réussite est bien plus facile à prouver et quantifier. L’OMS n’a aucun contrôle sur les contributions volontaires, ce qui laisse la plupart des programmes de long terme sous-financés. Ces derniers sont pourtant les plus efficaces car ils permettent d’augmenter la résilience des systèmes de santé, surtout dans les pays les plus pauvres.

Autre trait caractéristique du philanthrocapitalisme : les tentatives répétées de ces riches donateurs d’échapper à l’administration fiscale. La Fondation Gates, par ses stratégies d’optimisation et d’évasion fiscale, fait perdre jusqu’à 4,5 milliards de dollars au Trésor américain chaque année. Paradoxe total : les impôts servent, comme les fondations sont supposées le faire, à financer des programmes et infrastructures primordiales pour l’intérêt général. À l’occasion de son don de 30 milliards de dollars à la BMGF en 2006, Warren Buffett, une des personnes les plus riches au monde, avait ainsi stipulé qu’il ne voulait pas céder cette énorme somme à l’État américain.

Plus préoccupant, les entreprises privées peuvent également utiliser à leur avantage leur position dominante dans ces organisations. Bon nombre de documents montrent l’ingérence de l’industrie pharmaceutique dans la gestion de l’épidémie de la grippe H1N1 en 2009. Cette situation a mis en exergue les connexions entre certains experts de l’OMS et les multinationales de la santé. L’institution a surestimé l’impact du virus en le qualifiant trop vite de pandémie, au bénéfice des laboratoires producteurs de vaccins. L’OMS ne publiera qu’un an après la crise, sous la pression médiatique, la liste des personnes ayant participé à cette action précipitée. Un rapport du Sénat de 2009 montre le rôle majeur joué par Roy M. Anderson. Ce conseiller du gouvernement britannique a participé activement à l’élaboration d’une nouvelle définition de la pandémie par l’OMS ; cette dernière prend en compte les critères géographiques d’une maladie mais s’attache peu à sa gravité. Dès le premier cas de H1N1 apparu au Mexique, Anderson a recommandé deux antiviraux contre cette grippe qu’il a immédiatement qualifiée de pandémique. Or, l’épidémiologiste a omis de dire qu’il est parallèlement lobbyiste pour le laboratoire GlaxoSmithKline (dont BMGF est actionnaire) qui commercialise ces antiviraux.

De l’importance d’une OMS indépendante

Alors que les menaces sanitaires pesant sur l’humanité sont de plus en plus nombreuses, la coopération internationale à travers l’implication de l’OMS est primordiale. L’institution produit déjà des rapports sur les causes et les remèdes des nouvelles maladies apportées par les perturbations environnementales. La pollution de l’air a par exemple causé 3,7 millions de morts prématurés en 2012, pour la majorité dans les pays à faible revenu. L’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur va également mettre en danger une part grandissante de la population : les événements caniculaires d’ampleur similaire à celui de 2003 sont en passe de devenir la norme. La proximité entre les villes et les espaces naturels va, quant à elle, augmenter la récurrence des épidémies de zoonoses dont le réservoir infectieux sont les animaux. Bien sûr, cette liste des conséquences du capitalocène n’est pas exhaustive.

Au vu de ces enjeux, il est certain que le monde bénéficierait d’une Organisation Mondiale de la Santé véritablement indépendante. Faire confiance à des ultra-riches, dont la fortune est souvent basée sur l’exploitation de ressources naturelles, pour endiguer des problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés ne va pas de soi. Des solutions existent pour reprendre le contrôle à l’élite mondiale d’un de nos biens communs le plus précieux : la santé.

Premièrement, si les multinationales peuvent avoir un droit d’observation sur la façon dont sont utilisés leurs dons, elles ne doivent plus pouvoir avoir de contrôle sur l’usage de leur argent. Si ces dernières donnent énormément de moyens à l’OMS, ne devraient-elles pas faire confiance en la capacité de l’institution d’œuvrer pour le bien commun ? Les professionnels de la santé ne sont-ils pas les mieux formés pour résoudre des maux d’une complexité absolue ? Évidemment, cela suppose que l’OMS donne confiance aux donateurs. Cette dernière doit donc devenir une institution totalement transparente, comme elle prétend déjà l’être, afin d’éviter tout conflit d’intérêt.

Ensuite, il faut reconnaître la politique néolibérale de gel des subventions fixes des pays membres pour ce qu’elle est : un désastre. Cette décision a justifié le remplacement des États par le secteur privé dans la protection du bien commun. Il faut que les contributions fixes des membres de l’OMS soient augmentées et obligatoires, suivies de sanctions et d’incitations, qui restent à être définies. En 1985, les États-Unis ont ainsi fait passer de 25% à 20% leur contribution au budget onusien. Le pays a voulu faire pression, en vain, pour que les votes des États membres des Nations Unies soient pondérés en fonction de leurs subventions à l’organisation.

Il n’existe pourtant pas de solution miracle : l’OMS reste soumise au bon vouloir de ses membres. Rien ne pourra empêcher les États d’utiliser les organisations transnationales à leur avantage pour protéger leurs industries et leurs intérêts. L’organisation onusienne n’aurait pas pu empêcher les pressions politiques de la Chine pour que l’OMS ne qualifie que très tardivement le coronavirus de pandémie. De même, l’institution ne pourra jamais condamner directement l’interférence de certains membres faisant pression sur l’OMS afin qu’elle ne réprouve pas l’utilisation d’armes à uranium appauvri. Il existe depuis 1959 un accord entre l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) et l’OMS. Ce dernier empêche de facto l’institution onusienne de la Santé de s’intéresser aux effets néfastes de l’énergie nucléaire.

Le fonctionnement opaque de l’institution onusienne est un avantage certain pour les acteurs qui la soutiennent financièrement. Plus qu’un moyen de faire le bien, l’organisation devient pour les entreprises et leurs dirigeants une vitrine à bas coût de leur générosité. Les pays membres, quant à eux, se servent de cette opacité comme d’un fusible en cas de crise: Donald Trump a récemment accusé l’OMS de mauvaise gestion dans la crise du Covid-19. Retirant ses contributions à l’organisation, il camoufle ainsi les ratés de son administration dans le contrôle de l’épidémie. En 1938, son prédécesseur Franklin Delano Roosevelt observait que “la liberté d’une démocratie n’est pas en sécurité si le peuple tolère la croissance du pouvoir privé au point qu’il devienne plus fort que leur État démocratique lui-même”. Il est temps d’en tirer les leçons : si nous voulons retrouver de réelles démocraties, il nous faudra irrémédiablement remettre en cause le système philanthrocapitaliste.

Perturbateurs endocriniens : l’Europe ruine notre santé !

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Appel de Prague ©Nathalie Ruaux

Mercredi 21 décembre, les Etats ont refusé une proposition de réglementation des perturbateurs endocriniens faite par la Commission européenne. Un coup d’arrêt aux manœuvres de Bruxelles pour continuer à nous faire avaler ces substances nocives pour notre santé. Alors que les puissants blablatent, les multinationales de l’industrie chimique se frottent les mains et continuent à nous empoisonner. 

La Commission Européenne défend mordicus les perturbateurs endocriniens !

Retour à l’envoyeur ! Mercredi 21 décembre, alors que certains d’entre vous aviez le nez dans vos derniers préparatifs de Noël, une partie de notre santé se jouait à Bruxelles. Engluée dans ses contorsions pour servir les différents lobbys avec lesquels elle s’est compromise, la Commission faisait une proposition de texte aux États. Officiellement, il s’agissait d’interdire les perturbateurs endocriniens. Alléluia ! L’Europe protège enfin notre santé ! Manque de pot, l’UE, c’est comme les assurances : il vous suffit de regarder les trois lignes en petits caractères en bas du contrat pour comprendre qu’on essaie de vous enfumer.

Regardons-y de plus près. Oh surprise ! Dans son texte, la Commission épargne l’industrie chimique en accordant une dérogation à une quinzaine d’insecticides et à quelques herbicides contenant des perturbateurs endocriniens. Cela concerne des masses considérables de produits. Selon Générations futures, la dérogation épargne 8700 tonnes de produits commerciaux par an, rien que pour la France.  L’impact sur la santé humaine est criminel. Ainsi, la proposition permet la mise sur le marché du 2,4-D, un désherbant classé « cancérogène possible pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Ce n’est pas tout. Par cette action, la Commission menace la vie de beaucoup d’êtres vivants dont celle de nombreuses plantes, des coccinelles ou des écureuils.

Et ce n’est que le premier volet de la proposition de la Commission. Non contente d’inscrire des dérogations destructrices dans la première partie du texte, la Commission ajoute une seconde partie encore plus laxiste. Selon le journal Le Monde (pas une officine remplie de zadistes, hein), cette partie “fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique compétente, des ONG et de certains Etats-membres, dont la France”. Selon eux, ce texte protège insuffisamment la population des maladies liées aux perturbateurs endocriniens (cancers, problèmes de développement du cerveau, infertilité, diabète, etc.) Rien que ça ! Quand on prend connaissance de cette seconde partie, on comprend pourquoi ! En effet, en plus des nouvelles dérogations, cette seconde partie prévoit que l’évaluation des risques, qu’impliquent l’utilisation des perturbateurs endocriniens, puisse se faire au cas par cas, et après la mise sur le marché des produits correspondants. Oui ! Oui ! Vous avez bien lu. C’est non seulement criminel du point de vue de la santé publique, mais c’est, en plus, illégal selon le Parlement européen, nombres d’ONG et certains pays.

Une fois de plus, la Commission cède aux lobbys 

Pourquoi la Commission agit-elle de façon aussi irresponsable ? Je vous le donne en mille : le laxisme du texte correspond exactement aux demandes de l’industrie chimique, et de ses mastodontes – BASF, Bayer et Syngenta – qui égaient nos journées avec ces merveilleux petits poisons que sont les perturbateurs endocriniens ! Autre élément révélateur : si la Commission se plie en quatre pour satisfaire les volontés de ces trois multinationales, c’est qu’elles ont le soutien d’un Etat puissant : l’Allemagne. « Cette demande ne vient pas de nous, mais des autorités allemandes », avoue au Monde Graeme Taylor, directeur des affaires publiques de “l’Association européenne pour la protection des cultures” (lobby des pesticides). Evidemment que la demande vient du lobby mais le soutien des autorités allemandes n’est pas de trop.  La Commission se défend de toute subordination de l’intérêt général aux intérêts privés de ces multinationales. Elle invoque une controverse scientifique sur le sujet. C’est oublier que cette controverse est alimentée par des études à l’indépendance plus que douteuse, puisque financées par les industriels. Une centaine de scientifiques s’en était émue récemment. Manque de pot : les États, à qui il reste un soupçon de responsabilité (du fait, notamment, de la pression de citoyens conscients des dangers) ont refusé la proposition de la Commission. Il faudra donc suivre de près la prochaine proposition que doit faire la Commission.

Mais au fait : perturbateurs endocriniens, kesako ? 

Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui ont un impact sur le système hormonal des êtres vivants. On les retrouve dans beaucoup d’objets du quotidien : plastiques, cosmétiques, peintures, l’alimentation, pesticides. Selon de nombreuses études, ils contribuent à l’augmentation de nombreuses maladies : infertilité, cancers, diabète, obésité, problèmes neurologiques, trouble du développement du cerveau, problèmes de comportement chez les enfants (trouble de l’attention, hyperactivité et même autisme). Ils entraînent des malformations congénitales et des anomalies du neuro-développement. 

Un coup d’arrêt à une longue liste de manœuvres de la Commission pour permettre à l’industrie chimique d’utiliser les perturbateurs endocriniens

Ce n’est pas la première fois que la Commission cède au lobbys sur le sujet des perturbateurs endocriniens. Cela fait des mois et des mois qu’elle pilonne la mise en application du règlement “Pesticides” (2009) censé interdire les perturbateurs endocriniens. 

En application du règlement “Pesticides”, la Commission doit établir une définition des perturbateurs endocriniens depuis 2013, ceci afin de pouvoir les interdire. Il aurait été simple de reprendre la définition de l’OMS, établie en 2002. Elle définit les perturbateurs endocriniens comme des « substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ». Or, il faut attendre 2016 pour que la Commission adopte une définition ! De plus, elle refuse de reprendre celle de l’OMS et en choisit une volontairement restrictive. Selon la Commission, un perturbateur endocrinien est “une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Si la Commission a modifié la définition internationale, ce n’est pas pour le confort de la précision mais pour restreindre le champ d’application de l’interdiction. En effet, la référence à la “santé humaine” implique d’observer des effets sur l’être humain avant de pouvoir interdire. Les effets observés sur les organismes non-humains ne suffiront plus. Selon cette définition, le tributylétain (TBT), par exemple, substance toxique, jadis utilisée dans les peintures des coques de bateaux  ne serait pas identifié comme perturbateur endocrinien. En effet, la France l’avait interdit dans les années 1970, après observation des effets de cette substance sur les mollusques marins (changement de sexe). Autre problème : la définition de la Commission fait un focus sur « l’évaluation des risques » et non sur les dangers. Cette distinction permet de mesurer la nocivité des substances alors qu’elles sont déjà sur le marché, en se basant sur des seuils et non plus sur la nocivité intrinsèque de la substance. Cela permet à la Commission d’octroyer des dérogations pour les substances à faible exposition (vous voyez le lien avec la proposition de la Commission soumise au vote le 21 décembre ?).

Il faudra regarder avec attention la prochaine proposition de la Commission. Nul doute qu’elle se fera encore une fois la porte-parole des intérêts des multinationales plutôt que de notre santé. Nul doute aussi que si la mobilisation citoyenne n’est pas au rendez-vous, les Etats n’auront aucun de mal à accepter une réglementation laxiste. 

Pour aller plus loin :

  1. Intoxication : perturbateurs endocriniens, lobbysites et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé, Stéphane HOREL, La Découverte, 2015
  2. https://reporterre.net/Perturbateurs-endocriniens-les-Etats-disent-non-a-la-Commission-europeenne
  3. http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/20/perturbateurs-endocriniens-le-cadeau-discret-mais-majeur-aux-lobbys-des-pesticides_5051771_3244.html
  4. http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20151008.OBS7296/bruxelles-chouchoute-les-lobbys-pas-nos-hormones.html

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