« Mangez 5 fruits et légumes par jour ! » Et le poison qui va avec ! L’ Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié début 2017 son nouveau rapport. Décryptage et analyse de ces recommandations alimentaires.
Des recommandations nouvelles
Le Programme National Nutrition Santé c’est le programme public à l’origine de ces fameuses publicités qui nous répètent qu’il faut manger 5 fruits et légumes par jour. Dans son nouveau rapport, l’ ANSES recommande ainsi de donner une plus grande place aux légumineuses, aux céréales complètes, aux légumes et aux fruits. Soulignons le côté positif de la démarche. L’ Agence insiste également sur la nécessité de limiter la consommation de viandes, hors volailles, et plus encore des charcuteries et des boissons sucrées.
Le débat sur le végétarisme n’est pas le sujet de cet article. Pour autant, il convient de rappeler certains points qui ont fait l’actualité. Maltraitance animale dans les abattoirs, fermes-usines, incidents sanitaires… les scandales se multiplient. Pire encore, en 2015, l’Organisation Mondiale de la Santé, décrète que la viande transformée (et notamment charcuterie, jambons, saucisses) est « cancérogène » tandis que la viande rouge l’est « probablement ». Cela signifierait que ces dernières sont plus dangereuses que le glyphosate, ce mortel composant du Round-Up que l’acharnement de Monsanto a su préserver de l’interdiction définitive, notamment en Europe. On continue donc à en arroser nos champs. Mais plutôt que de remettre en cause les conditions d’élevage et de production alimentaire, c’est à la quantité que ne devrait pas dépasser le consommateur que l’on s’attaque. Enfin, il est recommandé de limiter sa consommation de boissons sucrées industrielles à seulement un verre par jour. Un verre? Nous ne nous porterions pas plus mal sans boire un seul verre tous ces sodas. Mais des intérêts financiers doivent subsister pour qu’une telle agence, au vu de ses prérogatives, s’oppose si timidement à leur nocivité établie par la recherche scientifique. Le rapport apparaît alors comme un jeu d’ équilibriste entre de vraies préoccupations de santé publique et la préservation de l’activité des multinationales.
Du poison dans notre assiette
Le pire reste à venir. Ce rapport officiel établit en toute honnêteté et sans gêne aucune que nous ingérons du poison. Ainsi, le rapport met cyniquement en évidence la difficulté à « identifier des combinaisons d’aliments permettant de couvrir les besoins nutritionnels de la population tout en limitant l’exposition aux contaminants ». Pour certains “contaminants”, le rapport stipule que les niveaux d’exposition restent préoccupants : arsenic inorganique et plomb, entre autres.
Face à ces dangers, on ne peut que recommander la lecture du livre de Julien Laurent, Du poison dans nos assiettes, paru en 2012. On y apprend que la chimie et l’industrie ont envahi notre cuisine, avec pour objectif de faire toujours plus de profit. Et non de nous nourrir… Ainsi, il y a 26 fois moins de vitamine A dans les pêches d’aujourd’hui que dans celles des années 50. On y apprend également que certains colorants à base d’ammoniac se retrouvent dans les sodas, que le saumon de Norvège est traité avec un pesticide mortel, sans oublier des études scientifiques étouffées par les lobbies agro-industriels pour continuer à nous faire bouffer… n’importe quoi. Pas sûr que les petites publicités officielles qui nous encouragent à « mangerbouger.fr » fassent le poids. Elles ne représentent en effet que 0,5% du budget publicitaire des entreprises agroalimentaires.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, chaque année, un à trois millions de personnes sont victimes d’une intoxication aiguë par les pesticides, et que plus de 200 000 en meurent. Le système en vigueur repose sur ce qu’on appelle la DJA, c’est-à-dire la quantité d’additifs alimentaires qui peut être ingérée quotidiennement et pendant toute une vie sans aucun risque. Hors Marie-Monique Robin, dans son documentaire Notre poison quotidien, a révélé que la plupart des DJA ont été calculées, dans les années 50, sur la base d’études fournies par l’industrie chimique elle-même ! A qui faire confiance ? Des milliers de nouveaux produits chimiques sont apparus depuis un demi-siècle sans qu’on n’ait jamais évalué par ailleurs les conséquences de ces produits lorsqu’ils sont mélangés. C’est ce que l’on nomme “l’effet cocktail”. Où en est la France ? Selon la quantité de substances actives vendues, la France est au 2ème rang européen avec 66.659 tonnes, après l’Espagne (69.587 tonnes) et devant l’Italie (49.011 tonnes) en 2014. En termes d’utilisation, la France est au 9ème rang européen selon le nombre de kilogrammes de substances actives vendues rapporté à l’hectare, avec 2,3 kilogrammes par hectare. Quand on sait qu’1 gramme de pesticide suffit à polluer un ruisseau d’1 mètre de large et 1 mètre de profondeur sur 10 km… (Chiffres Planetoscope)
Et si on élaborait une démarche globale et soutenable ?
Pourtant, le n’importe quoi a un prix. Et c’est d’ailleurs l’ouverture dudit rapport. L’ ANSES évoque la nécessité de s’intéresser dans ses prochaines études à d’autres enjeux de long-terme. Il s’agirait d’inscrire les questions nutritionnelles dans une démarche globale et soutenable. « L’ Agence pourra prendre en compte les enjeux de nature environnementale (empreinte carbone, etc.) ou socio-économique (coût des produits, etc.) qui pourront fonder, à terme, l’élaboration de repères de consommation. » Ces critères doivent fonder en réalité le socle de nos repères de consommation. La qualité de la nourriture que nous produisons et consommons résulte de la structure même du système agricole et économique. Pour mieux manger, relocalisons une agriculture de saison, raisonnée et saine !
Le système mondialisé s’avère prédateur et illogique. A privilégier des calculs fondés sur la balance commerciale (import / export), on empoisonne sa population. Et on pourrit la planète. Les productions européennes (blé, mais, lait, viande) inondent le marché africain. Il n’est plus possible de vivre dignement de sa terre en Afrique, les produits européens subventionnés étant moins chers que ceux produits sur place ! Pire encore, pour faire un kilo de bœuf, il faut 16 kg de céréales et 13 500 litres d’eau. La moitié des céréales françaises sont utilisées par l’industrie à destination de l’alimentation animale. A travers le monde, 30% terres agricoles sont consacrées à la production d’aliments pour le bétail. Et que dire du recours aux aliments concentrés importés d’autres régions du monde pour nourrir à bas coût économique, mais à fort coût environnemental (déforestation, émissions de GES dus au transport) et sanitaire (épidémies, maladies) nos bêtes. (Chiffres FAO)
Dernier problème en date : l’explosion du prix des légumes. En raison des intempéries en Espagne, 25 % de la production est perdue. Le prix des courgettes et des aubergines a augmenté de 100% à 200%. La production espagnole industrielle, hors saison et à grands renforts de pesticides et de main d’œuvre clandestine connaît des difficultés. Et tout le monde s’en émeut. Mais qui pour s’émouvoir de la hausse du budget alimentaire des ménages, du mal-être des agriculteurs français, des conséquences environnementales et de la merde dans nos assiettes ?