L’Afghanistan, paradis des sociétés militaires privées

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Imprévisible, la victoire éclair des talibans ? Plusieurs quotidiens français se sont émus de la faible résistance qu’ont rencontré les talibans – et ce, malgré les centaines de milliards de dollars dépensés par les États-Unis dans le pays pour construire un État central fort. Une analyse des bénéficiaires de ces sommes colossales permet de comprendre ce paradoxe apparent. Le Pentagone a en effet sous-traité à de nombreux contractants privés ses opérations militaires, au point que l’Afghanistan est devenu un emblème du phénomène de privatisation des armées. Cette logique de sous-traitance, soutenue par de puissants acteurs du complexe militaro-industriel, offre un élément permettant de comprendre pourquoi les États-Unis laissent derrière eux un « État failli » après deux décennies d’occupation.

Dyncorp, Kellogg Brown and Root (KBR), Military Professional Resources Inc. (MPRI), etc. L’Afghanistan est progressivement devenu un carrefour commercial pour les compagnies privées. Les sociétés militaires privées ont rempli le rôle traditionnellement dévolu à l’appareil de sécurité national (armée, police, services secrets etc.). Leur utilisation facilitée s’explique par l’ancrage dont elles disposent dans ce qu’on appelle les « États faillis. » Ces derniers ne peuvent de fait garantir les besoins fondamentaux de leur population, comme la santé, la sécurité, l’éducation, etc. Au sein de ces pays, les structures fondamentales ne peuvent s’acquitter de leurs fonctions premières. L’Afghanistan offre, à bien des égards, un exemple de faillite de son État. L’histoire du pays est marquée par une succession de guerres ethniques qui soulignent son incapacité à former une structure unificatrice et stable sur l’ensemble du territoire.

NDLR : pour une mise en perspective de la croissance des sociétés militaires privées, lire sur LVSL l’article du même auteur : « La guerre à l’heure du néolibéralisme »

L’Afghanistan devient au début du XXIe siècle une zone de convoitise pour les entrepreneurs privés. La politologue Béatrice Hibou illustre ce phénomène en montrant que « la privatisation de la violence révèle l’incapacité de l’État à financer des dépenses pourtant jugées nécessaires.1 » Pourtant, comme elle le fait remarquer, ces compagnies ne vont pas forcément remettre en cause la souveraineté des États. Au contraire, elles fonctionnent en collaboration étroite avec les plus hautes sphères gouvernementales sans lesquelles il leur serait difficile d’agir.

« On n’envahit pas les pays pauvres pour les rendre riches. On n’envahit pas les pays autoritaires pour les rendre démocratiques. Nous envahissons des pays violents pour les rendre pacifiques et nous avons clairement échoué en Afghanistan »

 — James Dobbins, ancien diplomate américain.

Les missions de ces contractants ne peuvent être résumées aux seules questions militaires et sécuritaires. Entraînement des forces locales, transport, construction, etc. : en Afghanistan, les marchés de la logistique et de la maintenance font travailler des contractants dans davantage de domaines que ceux strictement dédiés aux enjeux de sécurité. Le néo-mercenariat  – compris comme la nouvelle forme managériale qu’a pris cette activité depuis les années 90 – a permis une augmentation radicale des activités de ces firmes. La société DynCorp a rempilé en 2017 pour répondre à des contrats d’entraînement des forces de police et de l’armée afghanes. Ces sociétés se sont immiscées au cœur des missions principales de l’État afghan, ce qui explique aussi en partie pourquoi ce dernier n’a jamais réussi à devenir autonome et à assurer pleinement le fonctionnement de ses structures régaliennes.

Une intervention étrangère improvisée et amateur

À l’orée du XXIe siècle, industriels et think-tanks néoconservateurs poussaient depuis des années pour obtenir une intervention armée du gouvernement américain. L’opération lancée en octobre 2001, mal planifiée, a pourtant été conduite sans une quelconque forme de recul sur la situation locale. Les talibans ont bien été délogés en quelques semaines, pour autant qu’en serait-il de l’après ? Cette question clef départ a constitué un impensé crucial de l’intervention.

Si l’opération avait officiellement pour mission de retrouver Oussama Ben Laden, la question pétrolière sous-tendait officieusement l’intervention. L’acheminement des hydrocarbures de la mer Caspienne aurait permis aux Américains de gagner en autonomie vis-à-vis des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). À la fois motivés par des considérations sécuritaires et financières, il leur fallait consolider des bases et un État stable au sein duquel ils pourraient mener leurs activités. 

« Qu’essayions-nous de faire ici ? Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous entreprenions » Douglas Lute, responsable pour l’Irak et l’Afghanistan au Conseil de sécurité national (2007-2014).

Les choix stratégiques et politiques de l’implantation américaine ont rapidement révélé une méconnaissance profonde de l’histoire de l’Afghanistan. Douglas Lute, responsable pour l’Irak et l’Afghanistan au Conseil de sécurité national entre 2007 et 2014 a résumé cette intervention par ce simple aveu d’échec : « Qu’essayions-nous de faire ici ? Nous n’avions pas la moindre idée de ce que nous entreprenions.3 »

Leur volonté d’implanter un gouvernement afghan stable autour de figures controversées comme Hamid Karzai, présenté par ses opposants comme une marionnette de l’étranger, a rapidement conduit à l’échec. Non-prise en compte de la réalité multi-ethnique de cet État historiquement balkanisé, soutien à un gouvernement corrompu disposant d’un pouvoir limité en dehors de la capitale, volonté de ne pas inclure les talibans aux négociations post-intervention… Si les Américains ont l’intervention facile, mettre en œuvre les conditions nécessaires à leur départ est moins simple.

Un gouffre financier considérable

Afin de sécuriser leurs activités sur le sol afghan et de combattre au mieux les talibans, les Américains ont déversé des sommes astronomiques dans cette guerre de position. En 2019, le Pentagone avait estimé le coût des opérations américaines en Afghanistan à seulement 766 milliards de dollars depuis 2001. Pourtant un article de l’institut Watson, sorti récemment, considère que le coût total de la guerre en Afghanistan pour les États-Unis atteindrait plus de 2 000 milliards de dollars, ce qui comprend les opérations en Afghanistan et au Pakistan. La plupart de ces coûts gonflés sont dus aux paiements de sous-traitants militaires. Le département de la Défense a dépensé sans compter et sans contrôler vers qui étaient acheminées ces sommes4.

La corruption et le clientélisme se sont dangereusement développés dans le pays. Elles ont été favorisées par la stratégie de sous-traitance des gouvernements américain et britannique. Cette externalisation visant à confier des sommes démesurées à des compagnies privées ou des groupements locaux d’insurgés a participé de l’alimentation de la corruption sur le sol afghan. Face aux logiques corruptrices des forces étrangères qui ont fini par s’extraire du respect dû aux institutions, les talibans ont finalement représenté le droit pour de nombreux Afghans. 

« L’ampleur de la corruption était le résultat involontaire de l’inondation de la zone de guerre avec beaucoup plus de contrats d’aide et de défense que l’Afghanistan appauvri ne pourrait en absorber. » (The Afghanistan Papers)

Le Washington Post a consacré en 2019 un dossier complet de plusieurs milliers de pages sur la guerre en Afghanistan en dévoilant des témoignages de hauts gradés de l’armée, politiques et contractants sur la réalité de la gestion de l’intervention. On y découvre une intervention américaine assez peu préparée, des soldats qui n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils doivent faire et surtout une prise de conscience rapide que le conflit est amené à durer. Mais plus encore, on se rend compte dans cette enquête des sommes colossales qui ont été mises sur la table et qui étaient distribuées à des groupements ou personnes qui semblaient pouvoir être utiles pour vaincre les talibans. Washington aurait ainsi toléré les pires contrevenants, qu’ils soient seigneurs de guerre, trafiquants de drogue ou entrepreneurs dans le secteur de la défense. Le plus impressionnant étant la capacité de corruption endémique du gouvernement afghan ou de ses prétendus alliés.

Le journaliste Craig Whitlock écrit : « L’ampleur de la corruption était le résultat involontaire de l’inondation de la zone de guerre avec beaucoup plus de contrats d’aide et de défense que l’Afghanistan appauvri ne pourrait en absorber. Il y a eu tellement d’excès, financés par les contribuables américains, que les opportunités de la corruption et la fraude sont devenues presque illimitées, selon les entretiens. » 

Pour résumer le problème de cette corruption institutionnalisée au sein du gouvernement Karzai, Christophe Kalenda, un ancien colonel déployé en Afghanistan, déclarait simplement : « La petite corruption est comme le cancer de la peau ; il existe des moyens de gérer cela et vous irez probablement très bien. La corruption au sein des ministères, au niveau supérieur, est comme le cancer du côlon ; c’est pire, mais si vous le traitez à temps, vous allez probablement bien. La kleptocratie, cependant, est comme le cancer du cerveau ; c’est fatal. »

Le gouvernement d’Ashraf Ghani, élu en 2014 avec la promesse d’en finir avec les scandales de corruption, n’a finalement pas réussi à enrayer les dynamiques à l’œuvre. Un an après son arrivée au pouvoir, Transparency International a rétrogradé l’Afghanistan sur son indice de corruption, classant le pays troisième à partir du bas, devant la Somalie et la Corée du Nord.

Les États-Unis ont cependant fini par voir d’un mauvais œil les pratiques du gouvernement afghan et ont commencé à réduire leurs aides. En septembre 2019, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait accusé le gouvernement afghan de laxisme et d’inefficacité dans la lutte contre la corruption, avant d’annoncer le retrait de plus de 160 millions de dollars d’aide directe.

« Gert Berthold, un juriscomptable qui a servi dans un groupe de travail militaire en Afghanistan au plus fort de la guerre, de 2010 à 2012, a analysé plus de 3 000 contrats du département de la Défense d’une valeur de 106 milliards de dollars pour voir qui en bénéficiait » (The Afghanistan Papers “Consumed by corruption”). La conclusion qu’il en tire est qu’environ 40 % de cet argent a fini dans les proches d’insurgés, syndicats criminels ou de fonctionnaires afghans corrompus.

L’externalisation sans contrôles a donc amplifié une situation de tension dans le pays. D’autant plus que les compagnies privées opérant sur le sol afghan n’avaient rien à gagner d’une résolution pacifique des conflits. Ces compagnies vivent de la guerre, la fin prématurée d’un conflit n’est pour elles qu’une perte d’activité lucrative. Plusieurs grandes sociétés américaines ont d’ailleurs capté la majeure partie des fonds affectés par l’OTAN et initialement destinés à l’armée nationale afghane (ANA). Des sommes censées apporter un soutien financier aux forces et institutions de sécurité afghanes. Ces compagnies se sont regroupées au sein de la Private Security Companies of Afghanistan qui rassemble entre autres : « Xe » (Blackwater), DynCorp, Military Professional Resources Inc. (MPRI) et Kellogg Brown and Root (KBR)5. Cette décision de déléguer la dimension sécuritaire à des groupements privés notamment pour entraîner et organiser l’armée régulière afghane a empêché cette dernière de se structurer. L’externalisation à outrance a fatalement empêché l’État d’ancrer son autorité. 

Un État gangrené par les sociétés militaires privées 

Avant l’Irak, l’Afghanistan a constitué un laboratoire de la privatisation des armées poussée à son paroxysme. Selon une étude de l’Institut Watson sortie l’année dernière concernant les interventions en Afghanistan et en Irak, au cours de la période 2001-2019, 62 % des contrats (en dollars) du DOD (Departement Of Defense) concernaient des services, y compris principalement le soutien aux installations, ainsi que l’ingénierie, l’administration de bureau, les télécommunications, les services de location pour les véhicules et les bâtiments, et divers autres services divers4. Contrairement aux fantasmes que suscite le sujet, la délégation des questions purement militaires n’a concerné qu’une infime partie de l’activité de ces contractants en Afghanistan.

Le nombre de contractants américains a explosé ces dernières années au Moyen-Orient, bouleversant le ratio avec les forces de l’armée régulière. En 2019, on pouvait même recenser dans cette région du monde 53 000 contractants américains pour seulement 35 000 soldats de l’armée régulière

Le recours à ces sociétés privées n’a cessé de s’accroître au fil de la guerre sous la pression de la frange néoconservatrice américaine. « Selon le rapport 2019 du Congressional Research Service (CRS) Department of Niveaux d’entrepreneurs et de troupes de la Défense en Afghanistan et en Irak : 2007-2018, ces dernières années la présence d’entrepreneurs en Afghanistan et en Irak représentait souvent plus de 50 pour cent de la présence totale du DoD dans le pays ». Un roulement s’est progressivement institué avec l’armée régulière. Pour des raisons financières et symboliques, les États-Unis ont décidé d’externaliser en partie leur présence dans les zones de guerre dont ils souhaitent s’extraire.

Le nombre de contractants américains a explosé ces dernières années au Moyen-Orient, bouleversant le ratio avec les forces de l’armée régulière. En 2019, on pouvait même recenser dans cette région du monde 53 000 contractants américains pour seulement 35 000 soldats de l’armée régulière4. Et le cas afghan a été une des illustrations les plus flagrantes de ce phénomène.

La fonction symbolique du soldat auxiliaire a permis aux États-Unis de minorer ses pertes en zone de guerre en passant sous silence la mort des contractants. À la fin de l’année 2019, on recense la mort de 3 814 entrepreneurs en Afghanistan contre environ 2 300 soldats. Le bilan lourd de part et d’autre aurait donc pu être d’autant plus catastrophique pour le gouvernement.

Après une courte réduction d’effectifs sous Obama, on constate une accentuation du recours aux contractants sous la présidence Trump. Ce dernier, lié à des dirigeants de grandes sociétés privées comme Erik Prince – qui a défendu à de nombreuses reprises une privatisation de la guerre en Afghanistan6, a fait accroître considérablement leur nombre au cours de son mandat. Au total on pouvait comptabiliser en octobre 2020 près de 18 000 contractants en Afghanistan, comprenant 6000 américains et 7 000 ressortissants de pays tiers, selon un organisme de surveillance du gouvernement américain.

Des sociétés hors de contrôle 

La mauvaise réputation des ces contractants a souvent permis d’alimenter le discours anti-Occident des talibans. L’impunité dans laquelle il leur est arrivé de fonctionner au cœur de la guerre a été constamment critiquée sans être remise en cause.

Les multiples bavures commises par des contractants de sociétés militaires privées en Afghanistan sont pour la plupart restées sans suite. Ainsi, le 5 mai 2009, quatre hommes de Blackwater (sous couvert d’une société appelée Paravant) tiraient sur une voiture, causant un mort et quatre blessés. Aucune raison tangible n’a permis de justifier cet acte inqualifiable, et malgré tout le gouvernement afghan s’est retrouvé réduit à l’impuissance – ce qui a permis aux talibans d’exploiter cette tragédie.

On peut lire dans un rapport de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime : « En Afghanistan, le ministère de l’Intérieur avait mis en place en 2008 une procédure d’enregistrement et d’agrément pour les sociétés militaires privées opérant dans les limites du territoire afghan. Les autorités afghanes avaient souhaité établir des règles contraignantes et disposer d’un droit de regard pour clarifier l’organisation interne et connaître les hauts responsables de ces sociétés.7 » Pourtant, comme le montre Ilyasse Rassouli, ce qui ressemblait plus à un droit de regard qu’à une règle réellement contraignante n’a finalement été suivi d’aucun acte concret, du fait qu’il n’existait aucun mécanisme d’enregistrement des plaintes et de sanctions. Les États-Unis ne le désirant pas plus que les compagnies elles-mêmes.

Les choses auraient pourtant dû aller plus loin quelques années après, suite à de nombreuses dérives de compagnies. Comme l’analyse un article du Monde diplomatique : « Le Président afghan Hamid Karzaï avait émis un décret en août 2010 pour que toutes les sociétés militaires privées présentes en Afghanistan cessent leur activité à la fin de l’année. Par l’intermédiaire du commandant en chef des forces américaines, le général Petraeus, les États-Unis ont réussi à court-circuiter cette décision et ont négocié avec le pouvoir afghan des dérogations pour les sociétés militaires privées américaines.7 »

Mais si les sociétés étrangères sont mises en lumière, il ne faut pourtant pas oblitérer le poids des compagnies privées afghanes. Plus soucieuses des règles et souvent liées étroitement au pouvoir en place, ces compagnies n’en ont pas moins comblé le déficit de structures étatiques du pouvoir central. On pourra citer parmi les plus importantes : Asia Security Group (contrôlé par Hashmat Karzaï, cousin du président), NLC Holdings (fondée par le fils de Rahim Wardak, ministre de la Défense), Sherzai (un des plus anciens soutiens de Karzaï), Watan Risk Management (propriété des frères Popal, autres cousins de Karzaï), ou encore Commando Security aux mains du commandant Ruhullah, un seigneur de guerre étroitement lié au gouvernement et qui escorte les convois américains entre Kandahar et la province d’Helmand. (Libération, 23 août 2010). Ces organisations ont pour la plupart bénéficié de la manne d’argent déversée par les Américains en Afghanistan.

La mise en place d’un système d’extorsion organisé

En s’intéressant à la question du financement des talibans, nombreux sont ceux qui ont pointé les investissements provenant de pays étrangers,  la question du commerce de l’opium ou l’utilisation de ressources propres au pays sur les territoires occupés. Pourtant un point a souvent échappé à cette grille d’analyse : le rançonnage des activités de compagnies étrangères sur le sol afghan. Si le trafic de l’opium ne leur rapporte que 10 à 15% de leurs revenus selon un rapport de 2009, la majeure partie des sommes est en fait prélevée localement8.

Plus on « reconstruit » l’Afghanistan, et plus les talibans s’enrichissent. » 

Laisser-faire ou connivence, pour assurer la sécurité de certaines routes ou de chantiers, certaines compagnies ont dû s’assurer l’accord des talibans en échange de modiques sommes. Faire appel aux talibans pour protéger ses installations ou tout simplement éviter de se faire attaquer était devenu presque habituel et permettait à des sociétés, qu’elles soient afghanes ou étrangères, de minimiser leurs coûts. Une hypocrisie s’était donc installée alors que des accords naissaient entre ennemis pour des raisons purement économiques. Comme le note le Monde diplomatique en 2010, « Les principales cibles de ce racket sont les militaires américains, ou plus exactement leurs sous-traitants. Chaque mois, six à huit mille convois livrent à quelque deux cents bases le matériel nécessaire à la conduite de la guerre : munitions, essence, matériel de bureau, papier toilette, téléviseurs.9 » Les sociétés militaires privées ne pouvant se permettre de subir attaques après attaques s’étaient donc résolues à subir une extorsion pure et simple pour pérenniser leurs activités.

Mike Hannah, chef de projet pour une entreprise de camionnage appelée Afghan American Army Services, a expliqué, atterré : « Vous payez les habitants des zones locales – certains sont des chefs de guerre, d’autres des politiciens de la police – pour faire passer vos camions. » Les sommes variant selon les différents itinéraires. Pour Hannah, la situation était simple, sans accords financiers ses camions s’exposaient à être attaqués.

Aram Roston journaliste pour le média The Nation ne pourra que constater cette quasi duplicité notamment dans le sud de l’Afghanistan dans les terres les plus hostiles. “Les entreprises de sécurité ne protègent pas vraiment les convois de marchandises militaires américaines ici, car elles ne le peuvent tout simplement pas ; ils ont besoin de la coopération des talibans10” Des sociétés comme Four Horsemen International se sont risquées à tenter d’assurer par eux-mêmes la sécurité de leurs transports, mais après avoir subi de lourdes pertes, ils durent se résoudre à se conformer à ce chantage. Pour les compagnies, s’allier à ceux qu’ils étaient censés combattre devenait tolérable quand il fallait mener à bien leurs activités. 

Les sociétés militaires privées cherchent à embaucher des employés au prix le plus bas possible pour effectuer leurs missions de logistique. Poussés par l’espoir d’obtenir un salaire plus avantageux et un emploi stable, nombreux sont ceux qui vont quitter leur pays d’origine pour se mettre au service de ces compagnies en zone de guerre. Ainsi, des milliers de travailleurs issus de pays pauvres comme les Philippines ou le Népal ont dû fuir en urgence l’Afghanistan après le retrait des troupes américaines. Comme le montre le Los Angeles Times, certains se sont retrouvés coincés à Dubaï en attendant de trouver un moyen de rentrer chez eux. Les clauses assez floues des contrats de ces compagnies leur ont permis de pouvoir se décharger de toute responsabilité vis-à-vis de leurs employés.

Le géant de la construction Fluor, un des plus grands entrepreneurs en Afghanistan, qui a obtenu plus de 3,8 milliards de dollars de la part du ministère de la Défense américain depuis 2015 a utilisé le prétexte de la crise sanitaire pour expliquer la situation. Ainsi malgré le départ progressif des États-Unis, « début juin, 2 491 travailleurs contractuels étrangers restaient dans les bases américaines à travers l’Afghanistan, contre 6 399 en avril, selon les derniers chiffres de l’inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’Afghanistan. » Il était bien moins risqué pour le gouvernement américain d’exposer les contractants plutôt que leurs soldats.

Quid des contractants après le retrait des forces américaines ?

Le général Kenneth McKenzie, chef du Commandement central américain, avait déclaré que les sous-traitants quitteraient le territoire comme le fait l’armée américaine, ce qui est d’ailleurs une condition fixée noir sur blanc dans l’accord de Doha. Ces négociations menées sous la présidence Trump avaient fixé un calendrier pour le retrait de troupes américaines en échange d’un cessez-le-feu et de garanties sécuritaires.

Le jugement de McKenzie sur les contractants posait pourtant certaines questions. Tout d’abord le coût de ce départ. Le département de la Défense américain a conclu en Afghanistan près d’un milliard de contrat avec dix-sept compagnies différentes, des accords souvent convenus sous l’administration Trump. Mais l’échéance de nombre d’entre eux renvoie à 2023 voire au-delà, en cas de départ accéléré, le Pentagone s’expose donc à devoir payer des centaines de millions de dollars ou à faire face à des années de litiges juridiques.

Mais une autre raison pourrait permettre de minimiser ces annonces du départ des Sociétés Privées par le gouvernement Biden. Parmi les sociétés militaires privées présentes sur le sol afghan, nombre d’entre elles ne travaillent pas pour l’armée mais plutôt pour d’autres départements et une série d’organismes privés. On peut ainsi prendre l’exemple de l’Agence américaine pour le développement international ou le département d’État qui retiennent tous les deux des contractants pour les programmes en cours (à l’extérieur de Kaboul), malgré le retrait. Un entrepreneur de Bagram a ironisé en estimant que « McKenzie parlait de sous-traitants américains sur les contrats du DoD, mais pas nécessairement des autres agences ou d’autres nationalités. Il y a beaucoup de « si » et d’exceptions potentielles dans cette ligne de sa part. » La présence américaine par le biais de certaines compagnies n’était donc pas prête de disparaître de ce conflit. Pour autant, avec la reprise du pays par les talibans et le départ des officiels et de nombre de sociétés, les entrepreneurs américains ont dû se conformer à suivre le chemin de l’armée régulière américaine.

Le retrait soudain de certaines compagnies est une des raisons de l’échec rapide de l’armée afghane face aux talibans. En plus du départ des soldats, le retrait du personnel nécessaire et essentiel pour faire fonctionner l’armée de l’air est une des causes fondamentales de cette déroute. En mai déjà, des experts militaires et un rapport de l’inspecteur général du ministère de la Défense tiraient la sonnette d’alarme. Ils estimaient que les forces afghanes ne pourraient pas faire voler les dizaines d’avions de combat, d’avions cargo, d’hélicoptères et de drones de fabrication américaine pendant plus de quelques mois. Sans force aérienne structurée et le personnel adéquat, l’avantage tactique de la force afghane a été rapidement perdu.

Les sociétés militaires privées s’adaptent. Si elles profitent d’une intervention militaire et d’une implantation sur le long terme, elles peuvent également bénéficier du chaos et de l’échec des opérations de pacification. Selon le Wall Street Journal, l’ancien dirigeant de la sulfureuse compagnie Blackwater, Erik Prince, aurait ainsi déclaré qu’il offrait des places dans un avion affrété au départ de Kaboul pour 6 500 $ par personne. Ces tentatives des contractants restent dispersées et compliquées par les talibans et l’armée américaine. Le temps fait défaut et les contractants en profitent pour pallier aux manquements des gouvernements étrangers pour des raisons souvent plus financières qu’humanitaires.

Sources :

[1] Hibou, Béatrice. « Avant-propos », Béatrice Hibou éd., La privatisation des États. Karthala, 1999, pp. 5-9. 

[2] Dr.Rondeaux Candace, Bauer Gregory, Campos Krisanne, “Interview of Ambassador James Dobbin, The Afghanistan Papers”, The Washington Post, Monday, 11 Janvier 2016

[3] Campos Krisanne, Rondeaux Candace, “Interview de Douglas Lutte Assistant du président et conseiller adjoint à la sécurité nationale pour l’Irak et l’Afghanistan, The Afghanistan Papers”,  The Washington Post, 20 Février 2015. 

[4] Peltier, Heidi, “The Growth of the “Camo Economy” and the Commercialization of the Post-9/11 Wars”, Boston University, 30 Juin 2020.

[5] Charlier, Marie-Dominique, “Mercenaires d’Etat en Afghanistan”, Le Monde Diplomatique, Février 2010.

[6] Hasan Mehdi, “Erik Prince de Blackwater: Irak, privatisation des guerres et Trump | Tête à tête”, Youtube Al Jazeera English, 8 Mars 2019.

[7] Ilyasse Rassouli. « Les sociétés militaires privées : acteurs controversés de la sécurité internationale », mémoire soutenu en Science politique à la faculté de Science Po Grenoble, 2014.

[8] UNODC, « Addiction, crime and insurgency : The transnational threat of Afghan opium », Octobre 2010.

[9] Imbert, Louis, “ D’où vient l’argent des talibans ?”,  Le Monde Diplomatique, Septembre 2010.

[10] Roston, Adam, “How the US Funds the Taliban”, The Nation, 11 Novembre 2009.

L’émergence des sociétés militaires privées : la guerre à l’heure du néolibéralisme

© Logo officiel de Blackwater

La dernière tentative de coup d’État contre le président du Venezuela Nicolas Maduro n’a pas été menée par une agence liée au gouvernement américain, mais par une société militaire privée, basée aux États-Unis. Elle est symptomatique de la montée en puissance fulgurante de ces acteurs sur l’échiquier géopolitique. Plus d’un million de personnes travaillent aujourd’hui pour une société militaire privée dans le monde. Blackwater (américaine) en Irak ou Wagner (russe) en Libye [1] : ces compagnies ont pignon sur rue en zone de conflits. La privatisation de missions habituellement prises en charge par l’État ne touche dorénavant plus seulement le secteur économique, mais également les questions de défense et la gestion de la politique extérieure. La libéralisation des structures étatiques a rendu possible l’éclosion de ces sociétés. Censées combler les défaillances des armées, elles prennent aujourd’hui une importance croissante dans la conduite des affaires militaires.


Mercenaires et sociétés militaires privées

Pour nuancer le caractère supposément inédit du recours à des groupes privées par les États, il faut comprendre que ce n’est pourtant pas un fait nouveau dans l’histoire. Afin de pallier les manquements de l’armée, les structures dirigeantes ont souvent fait appel à des groupes qu’on qualifiera de « mercenaires ». Pour l’historien Yvon Garlan ce terme fait explicitement référence à « un soldat professionnel dont la conduite est avant tout dictée, non par son appartenance à une communauté politique, mais par l’appât du gain ». Stricto sensu, le recours aux mercenaires est aussi vieux que l’histoire.

«Vous ne savez donc pas que je vis de la guerre et que la paix me ruinerait »

Le cas de la Compagnia bianca (compagnie blanche) constitue réellement ce que l’on peut identifier comme l’ancêtre le plus lointain du modèle entrepreneurial des sociétés militaires privées actuelles. Créée en 1361 par John Hawkwood, cette structure rassemblait des soldats de plusieurs nationalités – Français, Anglais ou Allemands (pour beaucoup des rescapés de la guerre de Cent Ans). Cette compagnie n’a cessé de changer d’allégeance afin de se mettre au service du plus offrant, et a remporté de nombreuses batailles avant sa dissolution en 1394. Dans sa réponse à des moines qui lui souhaitaient que Dieu lui apporte la paix, Hawkwood résuma la raison d’être de sa société en une formule lapidaire : « Vous ne savez donc pas que je vis de la guerre et que la paix me ruinerait » [2]. Ces organisations dépendent essentiellement de l’existence de conflits armés entre pays.

Plus tard, le Royaume-Uni aura recours à de nombreuses reprises à ces armées privées en les dotant de prérogatives toujours plus élargies. Ce sera le cas en 1600, avec la naissance par décret royal de la Compagnie britannique des Indes orientales qui défendra le monopole du commerce dans l’océan Indien pendant plus de deux siècles.

Le recours à des contractants militaires n’est donc pas un fait nouveau, singulièrement en cas de guerre. Pourtant il est indéniable que la puissance, les missions et le statut de ces groupements ont bien évolué ces dernières décennies. On s’intéressera ici uniquement aux sociétés militaires privées qui agissent pour le compte des États et non aux entreprises de sécurité privées, employées par exemple par des ONG ou des grandes firmes.

La notion de simple « mercenaire » se retrouve dépassée par l’ampleur qu’a pris le phénomène depuis les années 90. On observe la formation d’un nouveau concept entrepreneurial bien plus complexe avec des compagnies d’envergure internationale qui ont élargi leur champ d’activité. Loin de seulement compenser les écueils de l’armée régulière, les missions déléguées aujourd’hui à ces groupements les font remplacer les États dans certains domaines. Les sociétés militaires privées sont dorénavant autonomes et agissent en dehors des cadres étatiques, avec parfois des objectifs qui divergent de ceux de leur État d’origine.

Comme l’observe le chercheur Pascal Le Pautremat, on peut également ajouter que « les frontières entre guerre ouverte et guerre secrète sont de plus en plus nébuleuses » au fil du temps. Il n’est plus aussi aisé qu’avant de discerner si l’engagement militaire est officiel ou non de la part des États.

Pour essayer de définir de façon assez simple ce que représente aujourd’hui une société militaire privée, on peut reprendre les mots de Peter Singer l’auteur de Corporate Warriors – the Rise of the Privatised Military Industry : « Une compagnie militaire privée ou CMP est une compagnie qui se charge de jouer le rôle traditionnellement joué par l’armée et les services secrets, et en général par l’appareil de sécurité national » [3].

Le marché global de ces entreprises est en constante expansion ces dernières années avec une demande toujours plus importante. Mais pourquoi les États font-ils véritablement appel à ces compagnies privées ?

Les raisons de cette externalisation

Le recrutement s’explique d’abord par la symbolique qui ressort de la réputation et de l’image de ces entreprises. Lors d’un conflit chaque mort de soldat est l’apport d’une nouvelle pierre à l’édifice des opposants de la guerre. Plus les victimes sont nombreuses, plus les gouvernants doivent gérer une opinion publique qui leur devient défavorable. A contrario, la mort de contractants n’est pas comptabilisée officiellement. La capture ou le décès de mercenaires en zone de guerre est un coût bien plus tolérable pour eux en terme d’image publique.

En plus de cela, les bavures et les éventuels cas de corruption sur le sol étranger leur sera bien moins reproché (ou seulement par ricochet). Ils peuvent donc s’ériger comme des parangons de vertus tout en menant des missions en sous-main dans le monde entier. Cette présence militaire informelle leur permet de conserver un ancrage dans des zones de conflits, dont ils se sont pourtant officiellement retirés.

La deuxième raison touche à l’impératif de rentabilité. Externaliser et donc déléguer des opérations est bien moins coûteux pour les États. Comme l’évoquait Sami Makki dans le Monde Diplomatique, le département de la défense américain estimait ainsi, en 2002, « qu’il pourrait économiser plus de 11 milliards de dollars entre 1997 et 2005 grâce à l’externalisation » [4]. Des sommes colossales donc, qui achèvent de convaincre nombre de gouvernements. L’évolution de ces organisations et la multiplication de leurs missions rendent même ces économies bien plus importantes aujourd’hui.

La période post-seconde guerre mondiale fut réellement une période faste pour les mercenaires. La décolonisation a poussé nombre de dirigeants à les employer pour contrecarrer les projets des différents mouvements indépendantistes notamment en Afrique noire, que ce soit en Guinée ou au Zaïre. Les Anglo-saxons vont profiter de cette époque fertile pour poser les bases de sociétés militaires privées. Ce sera également un des objectifs du renommé mercenaire français Bob Denard (singulièrement en « République des Comores»).

Mais c’est véritablement l’écroulement du bloc soviétique qui va permettre la formation de ce qu’on appelle aujourd’hui les sociétés militaires privées. Les États vont progressivement diminuer leur budget de la défense (notamment les États-Unis) durant cette période de détente [5]. En réponse à ces coupes majeures, des groupements conservateurs et néoconservateurs vont pousser à une externalisation de leurs moyens de défense pour éviter un retrait du pays de la scène internationale. Un lobbying assuré en particulier par des personnages comme Dick Cheney ou Paul Wolfowitz qui revendiquent le fait que les USA conservent une emprise sur le monde en tant que leader incontesté. Cette demande de délégation de la défense sera facilitée par la démultiplication des crises régionales dans le monde, que ce soit au Moyen-Orient ou dans les Balkans. La création des sociétés militaires privées résultera donc en premier lieu d’une banale logique d’offre et de demande.

Pour se distancier du mercenariat traditionnel qui avait mauvaise presse, ces sociétés vont essayer de se vendre comme des entreprises comme les autres en normalisant leur activité.

Executive Outcomes va être répertoriée comme la première organisation assimilable à une société militaire privée. Créée en 1989, elle officiera notamment en Angola et en Sierra-Leone pour lutter contre des mouvements révolutionnaires mais surtout sécuriser des territoires pour des entreprises pétrolières américaines.

Ce sera ensuite l’explosion. Près de 3000 contrats vont être signés entre le gouvernement étasunien et ces nouvelles sociétés entre 1994 et 2004 [6]. On peut penser entre autre à la guerre dans les Balkans où interviendra le groupe MPRI (Military Professional Resources Incorporated) qui aidera de façon décisive l’armée croate en modernisant son matériel tout en adaptant sa stratégie (avec le soutien de Bill Clinton).

Mais c’est une autre compagnie qui obtiendra le succès le plus retentissant : Blackwater, une société fondée par l’ultraconservateur et ancien Navy Seal, Erik Prince [7]. Cette société militaire privée va connaître une expansion express à la faveur d’un événement qui va véritablement propulser le groupe et avec lui l’activité des sociétés militaires privées.

L’attentat du 11 Septembre 2001 va rebattre les cartes de la défense américaine. Un régime ultra-sécuritaire va se mettre en place avec une demande accrue sur les questions régaliennes notamment après le Patriot Act. Les sociétés militaires privées vont se mettre en avant et seront bien servies aux moments des lancements des deux guerres en Irak et en Afghanistan. Al Clarck, un des fondateurs de Blackwater le reconnaîtra lui-même : « C’est Oussama ben Laden qui a fait de Blackwater ce qu’elle est aujourd’hui ».

Les contractants des sociétés militaires privées réussiront à investir massivement les zones de conflits avec un soutien total de l’administration Bush qui va encourager cette externalisation. Cette période marque l’ouverture d’une nouvelle ère pour les questions de défense, la privatisation va progressivement grignoter l’armée régulière depuis lors. Si les multiples bavures ont entamé la crédibilité des contractants, la parenthèse ouverte après l’attentat du World Trade Center ne s’est jamais refermée. Le nombre de compagnies s’est démultiplié avec des plate-formes de lobbying pour soutenir leur cause auprès des États.

Crimée, Libye, Sahel… les sociétés militaires privées sont aujourd’hui présentes dans la majeure partie des zones de conflits avec un pouvoir toujours plus colossal.

Une explosion du recours aux sociétés militaires privées

Après l’Irak, on observe une évolution progressive de ces entreprises. En se développant, elles vont assurer la prise en charge d’opérations toujours plus variées : interventions anti-pirates en Somalie, lutte contre le terrorisme au Sahel, opérations humanitaires… Suivant les Anglo-saxons, les autres grandes puissances vont se décider également à investir massivement dans ce type de compagnies. Des sociétés chinoises se sont par exemple implantées en Afrique, ce sera le cas pour la Crimée ou plus tard la Libye pour les Russes… (France Info a d’ailleurs tenté d’établir un bref état des lieux des opérations de sociétés militaires privées en Afrique [8]). Le nombre de contractants sur les zones de conflit n’est plus anodin. Au début de la guerre en Irak en 2003 on pouvait comptabiliser 1 contractant privé pour 10 membres de l’armée américaine et ce sera même le double quatre ans plus tard. En terme de comparaison le ratio n’était que de 1 pour 100 lors de la première guerre du Golfe.

En 2019, on pouvait même recenser 53 000 contractants américains pour seulement 35 000 soldats de l’armée régulière au Moyen-Orient [9]. Actuellement, les sociétés militaires privées emploient plus d’un million de personnes [10] pour près de 1 500 compagnies existantes [11] (chiffre de 2012). Si on rapportait ce chiffre aux armées nationales régulières, cela représenterait la seconde armée du monde.

Les missions touchent aujourd’hui un large éventail de possibles : soutien aux opérations militaires, conseil militaire (entraînement, armement…), soutien logistique (hébergement, maintenance…), sécurité civile, ou encore prévention de la criminalité (dont une bonne part de renseignement) [12]. Ces entités toujours plus volumineuses ont développé au fur et à mesure de leur évolution une capacité d’adaptation aux situations périlleuses.

Dissocier le pouvoir politique américain de ces entreprises militaires est devenu aujourd’hui impossible. (…) La soeur du fondateur de Blackwater, Erik Prince, assure actuellement le rôle de Secrétaire à l’Éducation du gouvernement Trump.

La première puissance est souvent vue comme une source d’inspiration pour le meilleur comme pour le pire. L’ampleur qu’ont pris les sociétés militaires privées dans le pays commence ainsi à devenir progressivement une tendance pour le reste du monde. Si les États-Unis ont été un vivier pour ces compagnies c’est en grande partie dû à la logique néolibérale qui s’est ancrée dans la société depuis les années 80. Pour les penseurs de ce paradigme, la privatisation entraîne une baisse des coûts tout en accroissant la qualité du service. De grandes fondations libérales accompagnées par des groupes politiques ont défendu cette vision dans les plus hautes strates de l’État, ce qui n’a pas manqué d’impacter le secteur de la défense.

Les liens entretenus entre ces sociétés et le monde politique ont favorisé l’explosion de cette délégation. Pourtant l’idée même de la rentabilité imputable à cette externalisation devrait être relativisée. En 2019, 45% des contrats signés entre le département de la défense et des contractants étaient jugés « non-compétitifs ». Il n’existait donc aucun phénomène de concurrence pouvant entraîner une baisse substantielle des coûts [13].

Mais rien n’arrête la cécité de la logique néolibérale étasunienne. Près de la moitié du budget de la défense américain de 2019 (environ 370 milliards) était ainsi consacré à des entrepreneurs privés. Cette somme a été multiplié par deux fois et demi en moins de vingt ans. Une délégation qui s’étend de la construction d’infrastructures jusque ce recours aux services de mercenaires.

Les subventions colossales sous lesquelles sont noyées leurs sociétés militaires privées explique leur succès inédit à l’aune de cette exception américaine. A titre d’exemple, la compagnie KBR (Brown & Root, and Kellogg) a pu collecter près de 50 milliards de dollars de contrats issus du Department Of Defense entre 2001 et 2019.

Les sociétés militaires privées et le complexe militaro-industriel : le cas des États-Unis

Les États-Unis constituent un cas particulier en la matière.

La gestion néolibérale de la chose militaire n’équivaut pas, de l’autre côté de l’Atlantique, à un retrait de l’État : les entreprises militaires privées doivent au contraire leur fulgurante émergence aux généreuses subventions étatiques, dont elles ont été arrosées des décennies durant. L’externalisation du secteur de la défense s’est opérée, aux États-Unis, sous le strict contrôle de l’administration. Il est donc permis de relativiser le caractère “privé » des sociétés militaires américaines, dont les actions s’inscrivent presque toujours en continuité avec les visées géopolitiques du gouvernement américain. Les États-Unis n’ont-ils pas mené à bien une étatisation du secteur militaire privé, en même temps qu’une privatisation de la défense ?

Dissocier le pouvoir politique américain de ces entreprises militaires est devenu aujourd’hui impossible. Que la famille du fondateur de Blackwater Erik Prince soit une de plus grosse contributrice du parti Républicain (auquel il a donné lui-même des sommes incalculables) n’est sans doute pas pour rien dans les liens fusionnels entre l’administration Bush et son entreprise. Une bonne partie de la famille Prince est d’ailleurs ancrée dans le monde politique. Sa propre sœur Betsy DeVos assure actuellement le rôle de Secrétaire à l’Éducation du gouvernement Trump.

Les dirigeants de la compagnie Diligence Llc, Lanny Griffiths and Ed Rogers, étaient par exemple aussi membres du lobby républicain Team Barbour Griffiths and Rogers. Mack McLarty, ancien chef de cabinet de Bill Clinton deviendra quant à lui consultant de la société après avoir quitté son poste [14].

Une relation de proximité qui touche également les hauts gradés de l’armée. « Il serait rare de trouver un officier supérieur à la retraite qui ne soit pas lié d’une manière ou d’une autre à un entrepreneur militaire », déclarait Christopher Preble, vice-président de la défense et de la politique étrangère de la Cato Institute (l’une des grandes fondations libérales américaines) [15].

Ces relations incestueuses aboutissent à des hausses régulières des subventions étatiques allouées à ces sociétés militaires privées, qui en sortent par là-même renforcées… et avec davantage de moyens pour intensifier leur lobbying visant à accroître leurs subventions. Ce cercle vicieux est aujourd’hui l’une des composantes essentielles du complexe militaro-industriel américain.

Ces sociétés militaires privées ne se contentent pas de militer pour recevoir des subventions. Elles ont également un agenda géopolitique. Leur prospérité étant liée à l’existence de conflits, c’est sans surprise qu’on les retrouve soutenir les options les plus belliqueuses sur tous les théâtres d’opération. Elles ont par exemple pesé de tout leur poids, après le 11 septembre, pour convaincre les autorités américaines que Saddam Hussein détenait bien des armes de destruction massive. Devant le comité des forces armées du Sénat, David Kay, l’un des hiérarques de la société militaire Science Application International Corporation, ira jusqu’à promouvoir une intervention armée en se cachant derrière sa fonction d’expert indépendant.

L’administration Trump semble satisfaire en tous points l’agenda des sociétés militaires privées. Accroissement sans précédent du budget militaire, explosion des contrats signés entre le Pentagone et les sociétés militaires, accroissement des tensions avec l’Iran, le Venezuela ou la Chine : depuis près de quatre ans, elles bénéficient d’une politique budgétaire, de choix géopolitiques et d’un climat médiatique qui leur sont résolument favorables.

Si ces liens incestueux avec le pouvoir politique sont possibles, c’est aussi que l’encadrement de ces sociétés laisse à désirer, ce néo-mercenariat restant encore aujourd’hui une activité au périmètre loin d’être clairement délimité.

Une activité aux statuts relativement peu définis

Un flou juridique entoure l’utilisation de cette armée auxiliaire alors que les sociétés sont pourtant souvent dépendantes de conventions internationales et de réglementations nationales.

Lors d’un conflit, le statut des personnes physiques est déterminé par la convention de Genève de 1949 et des différents protocoles qui ont par la suite enrichi le texte (notamment l’article 47 ajouté en 1977). La plupart des participants seront étiquetés en tant que « combattants ». Rentrent dans cette case à la fois l’armée régulière mais également les milices, des mouvements de guérilla (comme les FARC), etc… Ces derniers seront tenus au droit international (et donc aux questions humanitaires) en tant que potentiels utilisateurs d’armes.

Une autre catégorie serait celle des « mercenaires », mais ils sont normalement employés par une partie au conflit et participent clairement et officiellement aux combats. Les employés des sociétés militaires privées (qui sont donc des contractants) rentrent difficilement dans cette deuxième classification. Le recrutement s’effectue via une société, non par un État, et ils n’ont pas forcément pour ordre de participer au conflit (du moins officiellement). Si ce protocole lutte en partie contre le mercenariat, ce flou laisse un haut degré d’appréciation et les incriminations pénales sont peu mises en avant. Pourtant cette convention a été signé par près de 161 États ce qui en fait le seul véritable texte de loi ayant une portée quasi universelle [16].

D’autres textes internationaux ont tenté de préciser ce qu’englobe la notion de mercenaire avec des réglementations plus strictes mais rares sont les États qui en sont partie prenante (exemple du document de Montreux en 2008). S’il n’y a pas de législation stricte commune c’est aussi que les approches des gouvernements ne sont pas convergentes, notamment sur la CPI par exemple.

En parallèle, chaque État dispose de sa propre législation nationale concernant le mercenariat. Les USA se reposent ainsi sur un certain nombre de textes qui réglementent par exemple l’exportation de connaissances, de biens et de services en matière de défense. Un certain contrôle de la part de la justice et des législateurs a été également prévu. Le Congrès a un droit de regard, mais uniquement sur les contrats dont la somme est supérieure à cinquante millions de dollars. En cas de bavure dont la gravité est constatée, les contractants peuvent aussi tomber sous la juridiction de la Cour martiale.

Des élus comme Jan Shakowsky (élue de l’Illinois à la Chambre des représentants) poussent depuis plusieurs années pour que des normes plus strictes soient adoptées en matière de transparence des activités des sociétés militaires privées.

La France défend pour l’instant une position bien plus ferme sur le sujet. La loi relative à ces compagnies adoptée en Avril 2003 réprime assez durement l’activité de mercenariat. Pourtant elle conserve une certaine ambiguïté, n’interdisant pas les sociétés qui travaillent selon les lois anglo-saxonnes [17].

Les sociétés militaires privées disposent d’un arsenal juridique qui leur permet de s’adapter et de trouver des failles aux réglementations nationales et internationales. Après que l’Afghanistan et l’Irak aient interdit la présence de ces compagnies sur leur territoire, nombre d’entre-elles ont tout simplement changé l’appellation de leur fonction devenant des “entreprises de gestion des risques”. Malgré l’interdiction officielle, des sociétés-écrans continuent leurs activités. Suite à l’interdiction de Blackwater, Erik Prince a ainsi tout simplement créé une nouvelle compagnie : Frontier Services Group, très active en Afrique.

Incontestablement, les législations actuelles sont incapables de contrôler réellement ce qui se passe lors des conflits.

Une impunité quasi totale en zone de guerre malgré les scandales

Si les sociétés militaires privées ont eu souvent droit à une médiatisation défavorable c’est aussi que certaines de leurs opérations ont pu mal tourner. On ne compte plus le lot de scandales relevant d’affaires de contractants de sociétés militaires privées.

La plupart du temps, ces bavures ne sont pas relevées et restent impunies. Aucune transparence n’est requise de la part des sociétés militaires privées qui se défaussent bien souvent de leur responsabilité en cas de complications. Les objectifs de l’armée ne sont pas ceux des compagnies, le désordre peut leur servir pour assurer leur sécurité.

Il arrive que certaines affaires n’arrivent pas à être camouflées et finissent par être médiatisées. Ce fut le cas par exemple pour la compagnie DynCorp poursuivie pour un scandale d’esclavage sexuel impliquant des mineurs en Bosnie en 1999 [18] .

Ou encore pour la société CACI International, Inc, accusée d’avoir fait usage de la torture dans la prison d’Abou Ghraib entre 2003 et 2004 [19] .

Plus retentissant, la société Blackwater ne put échapper à des poursuites après que cinq de ses gardes privés aient ouvert le feu et causé la mort de dix-sept civils irakiens (et une vingtaine d’autres blessés) le 16 Septembre 2007 [20]. À son audition devant le Congrès le 2 Octobre 2007, Erik Prince déclarera simplement que « les civils sur lesquels il a été fait feu étaient en fait des ennemis armés ». Malgré plusieurs preuves démontrant une certaine préméditation de la part de certains gardes, le procès s’étalera sur plusieurs années avant de finir par la condamnation de trois agents à des peines réduites (entre douze et quinze ans de prison).

Le marché global de ces compagnies, qui s’élève à plus de 210 milliards de dollars, pourrait atteindre 420 milliards en 2029. Sera-t-il alors possible d’opérer un retour en arrière, lorsque cette logique de délégation au privé aura atteint de telles proportions ?

Blackwater est le symbole de l’impunité dans laquelle prospère les compagnies privées. On reproche à la société plus de 195 crimes et délits graves simplement sur le sol irakien [21], mais dans la plupart des cas ils ne furent suivis d’aucune poursuite.

Le New York Times dévoilera même une note en 2014 qui nous montre que l’administration américaine était parfaitement au courant des dérives de Blackwater [22]. En Août 2007, Jean Richter, un enquêteur du département d’État américain s’est rendu en Irak afin « d’évaluer les performances » de la compagnie. Il y détaillera un nombre incalculable de fautes graves, jusqu’à sa prise de contact avec le responsable de la société en Irak qui ira jusqu’à menacer sa vie [23]. Une toute puissance que les États-Unis ne remirent jamais en cause. Blackwater, devenu depuis Academi, conserve un haut niveau de responsabilité aujourd’hui qui n’est que peu contesté (Erik Prince défendait encore la privatisation de la guerre en Afghanistan l’année dernière [24]).

Cette concentration des critiques autour du cas ultra-médiatisé de Blackwater finira pourtant par masquer des affaires autrement plus importantes avec d’autres compagnies. Si la société a fini par être célèbre en acquérant une réputation désastreuse, elle reste l’arbre qui cache la forêt et permet de passer sous silence l’intervention d’autres organisations comme Kellogg Brown and Root. Peter Dale Scott l’établit de manière convaincante dans son ouvrage The American War Machine : la sulfureuse compagnie assure une fonction de paravent en détournant l’attention des affaires des autres sociétés.

La récente déconfiture vénézuélienne

Récemment, l’intervention ratée d’une société militaire privée a été en partie oblitérée du champ médiatique malgré l’importance qu’aurait pu prendre l’opération. Une tentative de coup d’état au Venezuela qui s’est déroulée dans la nuit du 2 et 3 Mai et qui a rapidement tournée au fiasco pour les instigateurs [25]. « L’Opération Gedeon » avait été préparée depuis des pays voisins dont la Colombie et impliquait plus d’une dizaine de paramilitaires et plusieurs autres dizaines d’hommes. Parmi ces soldats deux d’entre eux ont retenu l’attention : Luke Denman et Airan Berry deux citoyens américains, respectivement ancien béret vert et ancien soldat des Forces spéciales. Après l’échec de leur opération et leur arrestation, les deux hommes avoueront publiquement leurs objectifs dans une confession filmée et diffusée à la télévision vénézuélienne [26]. Denman expliquera qu’il était chargé d’entraîner des soldats vénézuéliens près de la frontière du pays et que le plan devait permettre de sécuriser Caracas et son aéroport principal. Un prérequis avant de faire tomber et d’exfiltrer Nicolas Maduro jusqu’aux États-Unis.

Il donnera également l’identité des commanditaires de l’expédition : une société militaire privée du nom de Silvercorp USA, dirigé par un ancien béret vert, Jordan Goudreau. La compagnie n’est pas la première venue, elle aurait même assuré la sécurité de plusieurs meetings du président américain depuis 2018. Si beaucoup ont douté du bien fondé de l’opération qui finira par renforcer Maduro, Jordan Goudreau finira lui-même par reconnaître publiquement l’implication de sa société. Il apparaîtra dans une vidéo au côté de Javier Nieto Quinter (ancien capitaine de la garde nationale vénézuélienne) en assumant la légitimité de l’intervention.

Pour Juan Guaidó l’opposant principal de Maduro, et pour Washington, tout sera fait pour ne pas être relié à ce fiasco qui rappelle furieusement la fameuse opération de la « baie des cochons ». Pourtant pour Guaidó les choses seront plus compliquées. Denman l’impliquera nommément dans sa vidéo confession. Du coté de Silvercorp également, on diffusera l’extrait d’un contrat de 213 millions de dollars sur lequel apparaît la signature de Guaidó. Le Washington Post finira même par publier un second contrat reliant la société militaire privée à des proches de l’opposant vénézuélien [27]. Ces derniers, sous pression, tenteront de se dédouaner en affirmant que « ce n’était qu’un contrat exploratoire » et que les liens avec la compagnie étaient rompus bien avant l’intervention.

Cette histoire sera un ratage complet du début jusqu’à la fin. Guaidó finira affaibli, Silvercop discrédité, et des soupçons pèseront sur une possible implication des États-Unis.

L’opération aurait cependant pu avoir de forts retentissements si elle avait été mieux préparée et plus volumineuse. Elle pose dans tous les cas la question de la souveraineté des États, notamment ceux de l’hémisphère Sud, face aux sociétés militaires privées.

Quel avenir pour les sociétés militaires privées ?

L’idéologie néolibérale s’est parfaitement ancrée dans le milieu de la défense, le recours aux contractants risque de se démultiplier dans les prochaines décennies.

Le marché global de ces compagnies, qui s’élève à plus de 210 milliards de dollars, pourrait atteindre 420 milliards en 2029, selon le centre d’analyse Visiongain [28]. Sera-t-il alors possible d’opérer un retour en arrière, lorsque cette logique de délégation au privé aura atteint de telles proportions ?

À trop déléguer, les pays finissent par se déposséder peu à peu de l’emprise qu’ils avaient sur la chose militaire. Tous les États ne sont évidemment pas au même niveau en terme de recours aux sociétés militaires privées – la France, par exemple, étant plutôt en défaveur de cette externalisation, bien qu’elle ne rejette pas l’utilisation d’entreprises de « conseil » dans le domaine (comme GEOS). Pourtant, la plupart des gouvernants tendent vers une légalisation progressive de l’activité. Même en hexagone, des groupes de pressions se forment pour faire accepter cette délégation [29] (comme l’atteste le rapport de 2012 présenté par les députés Christian Menard (UMP) et Jean-Claude Violet (PS), en faveur des sociétés militaires privées).

Plusieurs raisons peuvent faire craindre cette utilisation intensive de groupes privés en remplacement de l’armée régulières [30]. On a déjà évoqué le peu d’emprise des gouvernements sur ces compagnies avec une autonomie quasi totale dans leurs décisions. Du fait du lien intrinsèque entre sécurité et confidentialité, il est extrêmement difficile pour les gouvernements d’avoir accès aux clauses des contrats signés par ces entreprises.

Mais comme le souligne Elliott Even, il est également à craindre de voir se profiler une perte de savoir-faire et ce qui pourrait constituer un brain drain des forces armées vers les sociétés privées. La logique d’externalisation et les salaires avantageux du privé ne peuvent que pousser les spécialistes (dans le secteur des nouvelles technologies notamment) à se détourner du service de l’État. Certains domaines de compétence risquent ainsi de devenir la possession exclusive des sociétés militaires privées dans plusieurs années. À l’horizon de la délégation, la dépendance.

Enfin comme l’évoquait en son temps Hawkwood, les compagnies militaires privées vivent de la guerre. Attiser les braises pour provoquer des affrontements entre pays n’effraierait pas nombre d’entre-elles (tout comme faire du lobbying auprès de gouvernements pour obtenir une guerre). Elles ne sont mues que par l’impératif de maximisation du profit. Elles n’hésitent donc pas à dramatiser les risques que courent les populations pour vendre leurs matériel de contrôle et proposer leurs services, favorisant les factions les plus belliqueuses au sein des États et recourant à la propagande de guerre pour légitimer leur existence.

Déléguer, oui… mais à quel prix ?

Notes :

[1] : https://www.rfi.fr/fr/europe/20200201-groupe-wagner-une-soci%C3%A9t%C3%A9-militaire-priv%C3%A9e-russe (Wagner)

[2] : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2007-1-page-137.htm

[3] : https://www.youtube.com/watch?v=6LaSD8oFBZE (Vice)

[4] : https://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/MAKKI/11663

[5] : https://journals.openedition.org/sdt/20562

[6] : https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2004_num_69_4_1117

[7] : https://www.lesechos.fr/2009/07/blackwater-une-armee-tres-privee-474501

[8] : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/guinee-equatoriale/passage-en-revue-des-mercenaires-chiens-de-guerre-et-autres-societes-militaires-privees-presents-en-afrique_3749699.html

[9] : https://www.washingtonpost.com/national-security/2020/06/30/military-contractor-study/

[10] : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afghanistan-irak-des-guerres-tres-privees_894324.html

[11] : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i4350.asp (Rapport parlementaire AN 2012)

[12] : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2007-1-page-107.htm

[13] : https://watson.brown.edu/costsofwar/files/cow/imce/papers/2020/Peltier%202020%20-%20Growth%20of%20Camo%20Economy%20-%20June%2030%202020%20-%20FINAL.pdf

[14] : https://www.sourcewatch.org/index.php/Diligence,_LLC

[15] : https://www.washingtonpost.com/politics/pentagon-nominees-ties-to-private-firms-embody-revolving-door-culture-of-washington/2017/01/19/3524e8f4-dcf9-11e6-918c-99ede3c8cafa_story.html?utm_term=.3650925cd8bf

[16] : https://www.youtube.com/watch?v=37FPLhAU9uU (RT France)

[17] : https://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/VIGNAUX/11674

[18] : https://www.theguardian.com/world/2001/jul/29/unitednations (DynCorp)

[19] : https://www.washingtonpost.com/local/public-safety/abu-ghraib-contractor-treatment-deplorable-but-not-torture/2017/09/22/4efc16f4-9e3b-11e7-9083-fbfddf6804c2_story.html (CACI International Inc)

[20] : https://www.liberation.fr/planete/2007/10/08/en-irak-blackwater-accuse-de-massacre-delibere_12437 (Blackwater)

[21] : https://www.reuters.com/article/us-iraq-usa-blackwater/blackwater-involved-in-195-shootings-report-idUSN0150129520071002

[22] : https://www.marianne.net/monde/blackwater-en-irak-la-securite-sans-foi-ni-loi

[23] : https://www.nytimes.com/interactive/2014/06/30/us/30blackwater-documents.html

[24] : https://www.youtube.com/watch?v=KOB4V-ukpBI (interview de Erik Prince pour Al Jazeera en faveur de la privatisation de la guerre en Afghanistan en 2019)

[25] : https://www.mediapart.fr/journal/international/150520/au-venezuela-l-echec-d-une-operation-de-mercenaires-embarrasse-l-opposition (Venezuela)

[26] : https://www.theguardian.com/world/2020/may/06/venezuela-maduro-abduction-plot-luke-denman-americans-capture   

[27] : https://www.washingtonpost.com/world/2020/05/07/de-miami-venezuela-fall-el-plan-de-capturar-maduro/ (contrat Guaido)

[28] : https://www.visiongain.com/private-military-security-services-market-set-to-grow-to-420bn-by-2029-says-new-visiongain-report/ (Rapport centre d’analyse Visiongain)

[29] : https://www.lemonde.fr/international/article/2013/05/29/les-societes-militaires-privees-francaises-veulent-operer-plus-librement_3420080_3210.html

[30] : https://www.cairn.info/revue-inflexions-2014-1-page-149.htm