La bifurcation écologique n’est pas un dîner de gala

Champ d’éoliennes au milieu des nuages. © Thomas Richter

Après un été marqué par des événements climatiques extrêmes et un nouveau rapport du GIEC confirmant ses prévisions les plus inquiétantes, une grande partie de la planète est désormais traversée par une crise énergétique qui préfigure d’autres troubles économiques à venir. Cette conjoncture a enterré le rêve d’une transition harmonieuse vers un monde post-carbone, mettant au premier plan la question de la crise écologique du capitalisme. À la COP26, la tonalité dominante a été celle de l’impuissance, où les malheurs imminents ont laissé l’humanité coincée entre les exigences immédiates de la reproduction systémique et l’accélération des désordres climatiques. Texte de Cédric Durand, économiste et auteur de Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique (Zones, 2020), initialement publié par la New Left Review, traduit par Giorgio Cassio et édité par William Bouchardon.

À première vue, on pourrait penser que des mesures sont prises pour faire face à ce cataclysme. Plus de 50 pays – plus l’ensemble de l’Union européenne – se sont engagés à atteindre des objectifs de « zéro émission nette » qui verraient les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie diminuer de 40% d’ici à 2050. Pourtant, une simple lecture des données scientifiques montre que la transition écologique est loin d’être sur la bonne voie. Si nous ne parvenons pas à atteindre l’objectif mondial de zéro émission nette, les températures continueront d’augmenter, dépassant largement les +2°C d’ici à 2100. Selon le PNUE (Emissions Gap Report 2021, 26 octobre 2021), les contributions décidées au niveau national avant la COP2 permettraient de réduire les émissions à échéance de 2030 de 7,5%. Or, une baisse de 30% est nécessaire pour limiter le réchauffement à +2°C, tandis qu’une baisse de 55% serait nécessaire pour +1,5°C.

Comme le soulignait un récent éditorial de Nature du 31 mars 2021, nombre de ces pays ont pris des engagements de « zéro émission nette » sans avoir de plan concret pour y parvenir. Quels gaz seront visés ? Dans quelle mesure cet objectif net repose-t-il sur une réduction effective plutôt que sur des systèmes de compensation ? Ces derniers sont devenus particulièrement attrayants pour les pays riches et les entreprises polluantes, car ils ne réduisent pas directement les émissions et impliquent le transfert de la charge de la réduction des émissions de carbone vers les pays à revenu faible et moyen (qui seront les plus durement touchés par le dérèglement climatique). Sur ces questions cruciales, on ne trouve nulle part d’informations fiables et des engagements transparents, ce qui compromet la possibilité d’un suivi scientifique international crédible. En résumé, sur la base des politiques climatiques mondiales actuelles – celles qui sont mises en œuvre et celles qui sont proposées – le monde est sur la voie d’une augmentation dévastatrice des émissions au cours de la prochaine décennie.

La crise de l’énergie a déjà commencé

Malgré cela, le capitalisme a déjà connu le premier choc économique majeur lié à la transition bas carbone. La flambée des prix de l’énergie est due à plusieurs facteurs, notamment une reprise désordonnée après la pandémie, des marchés de l’énergie mal conçus au Royaume-Uni et dans l’UE qui exacerbent la volatilité des prix, et la volonté de la Russie de sécuriser ses revenus énergétiques à long terme. Toutefois, à un niveau plus structurel, l’impact des premiers efforts déployés pour restreindre l’utilisation des combustibles fossiles ne peut être négligé. En raison des limites imposées par les gouvernements à la combustion du charbon et de la réticence croissante des actionnaires à s’engager dans des projets qui pourraient être largement obsolètes dans trente ans, les investissements sont en baisse dans les combustibles fossiles. Si cette contraction de l’offre n’est pas suffisante pour sauver le climat, elle s’avère néanmoins trop importante pour la croissance capitaliste.

Plusieurs événements récents nous offrent un avant-goût de ce qui nous attend. Dans la région du Pendjab, en Inde, de graves pénuries de charbon ont provoqué des pannes d’électricité imprévues. En Chine, plus de la moitié des administrations provinciales ont imposé des mesures strictes de rationnement de l’électricité. Plusieurs entreprises, dont des fournisseurs clés d’Apple, ont récemment été contraintes d’interrompre ou de réduire leurs activités dans la province de Jiangsu, après que les autorités locales aient restreint l’approvisionnement en électricité. Ces restrictions visaient à respecter les objectifs nationaux en matière d’émissions en limitant la production d’électricité à partir du charbon, qui représente encore environ deux tiers de l’électricité en Chine. Pour contenir les retombées de ces perturbations, les autorités chinoises ont mis un frein temporaire à leurs ambitions climatiques, en ordonnant à 72 mines de charbon d’augmenter leur approvisionnement et en relançant les importations de charbon australien, interrompues pendant des mois en raison des tensions diplomatiques entre les deux pays.

Alors qu’une réduction de l’offre d’hydrocarbures est en cours, l’augmentation des sources d’énergie durables ne suffit pas à répondre à la demande croissante. Il en résulte une inadéquation énergétique qui pourrait faire dérailler la transition.

En Europe, c’est la flambée des prix du gaz qui a déclenché la crise actuelle. Hantés par le souvenir du soulèvement des Gilets jaunes contre la taxe carbone de Macron, les gouvernements sont intervenus avec des subventions énergétiques pour les classes populaires. Mais de manière plus inattendue, les hausses du prix du gaz ont précipité des réactions en chaîne dans le secteur manufacturier. Le cas des engrais est révélateur : un groupe américain, CF Industries (Deeefild, Illinois), a décidé d’arrêter la production de ses usines d’engrais au Royaume-Uni, devenues non rentables en raison de la hausse des prix. En tant que sous-produit de ses activités, l’entreprise fournissait auparavant 45% du CO2 de qualité alimentaire du Royaume-Uni – dont la perte a déclenché des semaines de chaos pour l’industrie, affectant divers secteurs, allant de la bière et des boissons non alcoolisées à l’emballage alimentaire et à la viande. Au niveau mondial, la flambée des prix du gaz affecte le secteur agricole par le biais de l’augmentation des prix des engrais. En Thaïlande, le coût des engrais est en passe de doubler depuis 2020, augmentant les coûts pour de nombreux producteurs de riz et mettant en péril la saison de la plantation. Si cette situation perdure, les gouvernements pourraient être amenés à intervenir pour garantir les approvisionnements alimentaires essentiels.

Les répercussions mondiales et généralisées des pénuries d’énergie et des hausses de prix soulignent les effets complexes qu’implique la transformation structurelle nécessaire à l’élimination des émissions de carbone. Alors qu’une réduction de l’offre d’hydrocarbures est en cours, l’augmentation des sources d’énergie durables ne suffit pas à répondre à la demande croissante. Il en résulte une inadéquation énergétique qui pourrait faire dérailler la transition. Dans ce contexte, les pays peuvent soit revenir à la source d’énergie la plus facilement disponible – le charbon –, soit provoquer un recul de l’économie en raison de la flambée des coûts et de ses effets sur la rentabilité, les prix à la consommation et la stabilité du système financier. A court terme, il s’agit donc d’un compromis entre les objectifs écologiques et la nécessité de favoriser la croissance. Mais ce dilemme énergétique est-il valable à moyen et long terme ? Un choix entre le climat et la croissance finira-t-il par s’imposer ?

Décroissance et investissement : les deux volets de la transition écologique

La réussite de la transition vers un monde décarbonné implique le déroulement harmonieux de deux processus complexes et interdépendants, aux niveaux matériel, économique et financier. Premièrement, un processus de démantèlement doit avoir lieu : les sources de carbone doivent être réduites de manière drastique, et avant tout l’extraction d’hydrocarbures, la production d’électricité à partir de charbon et de gaz, les systèmes de transport à base de carburant, le secteur de la construction (en raison du niveau élevé d’émissions liées à la production de ciment et d’acier) et l’industrie de la viande. Il s’agit ici de décroissance au sens le plus simple du terme : les équipements doivent être mis au rebut, les réserves de combustibles fossiles doivent rester dans le sol, l’élevage intensif doit être abandonné et toute une série de fonctions professionnelles relatives à ces secteurs doivent être supprimées.

Toutes choses égales par ailleurs, l’élimination des capacités de production implique une contraction de l’offre qui entraînerait une pression inflationniste généralisée. Ceci est d’autant plus probable que les secteurs les plus touchés occupent une position stratégique dans les économies modernes. Se répercutant sur les autres secteurs, la pression sur les coûts entamera les marges des entreprises, les profits mondiaux et/ou le pouvoir d’achat des consommateurs, déclenchant de violentes spirales de récession. En outre, la décroissance de l’économie carbonée est une perte nette du point de vue de la valorisation du capital financier : d’énormes quantités d’actifs perdus doivent être effacées puisque les bénéfices sous-jacents attendus sont abandonnés, ouvrant la voie à des ventes à la sauvette et ricochant sur la masse de capital fictif1. Ces dynamiques interdépendantes s’alimenteront mutuellement, les forces de la récession augmentant les défauts de paiement des dettes tandis que la crise financière gèle l’accès au crédit.

L’autre aspect de la transition est un effort d’investissement majeur pour faire face au choc de l’offre causé par la décroissance du secteur du carbone. Si le changement des habitudes de consommation pourrait jouer un rôle, notamment dans les pays riches, la création de nouvelles capacités de production décarbonées, l’amélioration de l’efficacité, l’électrification des transports, des systèmes industriels et de chauffage (ainsi que, dans certains cas, le déploiement de la capture du carbone) sont également nécessaires pour compenser l’élimination progressive des émissions de gaz à effet de serre. D’un point de vue capitaliste, cela pourrait représenter de nouvelles opportunités de profit, tant que les coûts de production ne sont pas prohibitifs par rapport à la demande disponible. Attirée par cette valorisation, la finance verte pourrait intervenir et accélérer la transition, propulsant une nouvelle vague d’accumulation capable de soutenir l’emploi et le niveau de vie.

L’impasse du marché carbone

Cependant, il faut garder à l’esprit que le timing est primordial : réaliser de tels ajustements en cinquante ans est complètement différent que de devoir se désengager radicalement en une décennie. Or, au vu de la situation actuelle, les perspectives d’un passage en douceur et adéquat aux énergies vertes sont pour le moins minces. La réduction du secteur du carbone reste incertaine en raison de la contingence inhérente aux processus politiques et du manque persistant d’engagement des autorités nationales. Il est révélateur qu’un seul sénateur, Joe Manchin, élu de Virginie-Occidentale, parvienne à bloquer le programme des démocrates américains visant à faciliter le remplacement des centrales électriques au charbon et au gaz.

Au vu de la situation actuelle, les perspectives d’un passage en douceur et adéquat aux énergies vertes sont pour le moins minces.

Comme l’illustrent les perturbations actuelles, le manque d’alternatives facilement disponibles pourrait également entraver l’abandon progressif des combustibles fossiles. Selon l’AIE – Agence internationale de l’énergie : « Les dépenses liées à la transition […] restent bien en deçà de ce qui est nécessaire pour répondre à la demande croissante de services énergétiques de manière durable. Ce déficit est visible dans tous les secteurs et toutes les régions. » Dans son dernier rapport sur l’énergie, Bloomberg (New Energy Outlook 2021estime qu’une économie mondiale en croissance nécessitera un niveau d’investissement dans l’approvisionnement et les infrastructures énergétiques compris entre 92 000 et 173 000 milliards de dollars au cours des trente prochaines années. L’investissement annuel devra plus que doubler, passant d’environ 1700 milliards de dollars par an aujourd’hui à une moyenne comprise entre 3100 et 5800 milliards de dollars par an. L’ampleur d’un tel ajustement macroéconomique serait sans précédent.

Du point de vue de la théorie économique dominante, qui ne jure que par le marché, cet ajustement passe par la détermination du bon prix. Dans un récent rapport commandé par le président français Emmanuel Macron, deux économistes de premier plan dans ce domaine, Christian Gollier et Mar Reguant, affirment que « la valeur du carbone doit servir de jauge pour toutes les dimensions de l’élaboration des politiques publiques ». Bien que les normes et les réglementations ne soient pas à exclure, une « tarification bien conçue du carbone », via une taxe sur le carbone ou un mécanisme de plafonnement et d’échange, doit jouer le rôle principal. Les mécanismes de marché sont censés internaliser les externalités négatives des émissions de gaz à effet de serre, permettant ainsi une transition ordonnée tant du côté de l’offre que de la demande. La tarification du carbone présente l’avantage de se concentrer sur l’efficacité en termes de coût par tonne de CO2, sans qu’il soit nécessaire d’identifier à l’avance les mesures qui fonctionneront. Reflétant la plasticité de l’ajustement du marché, « contrairement à des mesures plus prescriptives, un prix du carbone laisse le champ ouvert à des solutions innovantes ».

Cette perspective techno-optimiste et de libre marché garantit la conciliation entre la croissance capitaliste et la stabilisation du climat. Cependant, elle souffre de deux défauts principaux. Le premier est l’aveuglement de l’approche de la tarification du carbone face à la dynamique macroéconomique impliquée par l’effort de transition. Un récent rapport de Jean Pisani-Ferry (août 2021), rédigé pour le Peterson Institute for International Economics, minimise la possibilité d’un ajustement en douceur conduit par les prix du marché, tout en anéantissant les espoirs d’un Green New Deal qui bénéficierait à tous.

Puisque « la procrastination a réduit les chances d’organiser une transition ordonnée », le rapport note qu’il n’y a « aucune garantie que la transition vers la neutralité carbone soit bonne pour la croissance ». Le processus est assez simple : 1) comme la décarbonation implique une obsolescence accélérée d’une partie du stock de capital existant, l’offre sera réduite; 2) dans l’intervalle, il faudra investir davantage. La question qui se pose alors est la suivante: y a-t-il suffisamment de ressources dans l’économie pour permettre un accroissement des investissements parallèlement à une offre affaiblie ? La réponse dépend de la quantité de ressources inutilisées dans l’économie, c’est-à-dire de capacités de production inutilisées et du chômage. Mais compte tenu de l’ampleur de l’ajustement et de la brièveté du délai, cela ne peut être considéré comme acquis. Selon Jean Pisani-Ferry, « l’impact sur la croissance serait ambigu, l’impact sur la consommation devrait être négatif. L’action pour le climat est comme une montée en puissance militaire face à une menace : bonne pour le bien-être à long terme, mais mauvaise pour la satisfaction du consommateur. » Le transfert de ressources de la consommation vers l’investissement signifie que les consommateurs supporteront inévitablement le coût de l’effort.

En dépit de sa perspective néo-keynésienne, Pisani-Ferry ouvre une discussion éclairante sur les conditions politiques qui permettraient une réduction du niveau de vie et une lutte des classes verte menée en fonction des revenus. Pourtant, de par son attachement au mécanisme des prix, son argumentation, comme celle de l’ajustement du marché, repose de manière irrationnelle sur l’efficacité de la réduction des émissions de CO2. Le deuxième défaut de la contribution de Gollier et Reguant devient apparent lorsqu’ils appellent à « une combinaison d’actions climatiques dont le coût par tonne d’équivalent CO2 non émise soit le moins élevé́ possible ». En effet, comme les auteurs le reconnaissent eux-mêmes, la fixation du prix du carbone est très incertaine. Les évaluations peuvent aller de 45 à 14 300 dollars par tonne, selon l’horizon temporel et la réduction visée. Avec une telle variabilité, il est inutile d’essayer d’optimiser le coût de la réduction du carbone de manière intertemporelle. Ce qui importe n’est pas le coût de l’ajustement, mais plutôt la certitude que la stabilisation du climat aura lieu.

Pourquoi la planification est indispensable

Dans un travail sur les spécificités du modèle japonais d’Etat développeur (c’est-à-dire étant à l’origine du développement économique, ndlr), le politologue Chalmers Johnson fait une distinction qui pourrait également être appliquée au débat sur la transition écologique. Selon lui, « un Etat régulateur – ou rationnel par rapport au marché – se préoccupe de la forme et des procédures – les règles, si vous voulez – de la concurrence économique, mais il ne se préoccupe pas des questions de fond […] Au contraire, l’Etat développeur – rationnel par rapport au plan – a pour caractéristique dominante de fixer précisément de tels objectifs sociaux et économiques de fond. »

En d’autres termes, alors que la première vise l’efficience – en faisant l’usage le plus économique des ressources – la seconde s’intéresse à l’efficacité, c’est-à-dire à la capacité d’atteindre un objectif donné, qu’il s’agisse de la guerre ou de l’industrialisation. Etant donné la menace existentielle que représente le changement climatique et le fait qu’il existe une mesure simple et stable pour limiter notre exposition, nous devrions nous préoccuper de l’efficacité de la réduction des gaz à effet de serre plutôt que de l’efficience économique de l’effort. Au lieu d’utiliser le mécanisme des prix pour laisser le marché décider où l’effort doit porter, il est infiniment plus simple d’additionner les objectifs aux niveaux sectoriel et géographique, et de prévoir un plan de réduction cohérent pour garantir que l’objectif global sera atteint à temps.

Au lieu d’utiliser le mécanisme des prix pour laisser le marché décider où l’effort doit porter, il est infiniment plus simple d’additionner les objectifs aux niveaux sectoriel et géographique, et de prévoir un plan de réduction cohérent pour garantir que l’objectif global sera atteint à temps.

Ruchir Sharma, de Morgan Stanley, aborde cette question dans le Financial Times du 2 août 2021 et soulève un point qui plaide indirectement en faveur de la planification écologique. Il note que la poussée d’investissement nécessaire à la transition vers une économie bas carbone nous pose un problème matériel trivial : d’une part, les activités polluantes – en particulier dans les secteurs de l’exploitation minière ou de la production de métaux – ne sont plus rentables en raison de la réglementation accrue ou de la hausse des prix du carbone; d’autre part, l’investissement dans le verdissement des infrastructures nécessite de telles ressources pour accroître les capacités. La diminution de l’offre et l’augmentation de la demande sont donc la recette de ce qu’il appelle la « greenflation ». Ruchir Sharma affirme donc que « bloquer les nouvelles mines et les plates-formes pétrolières ne sera pas toujours la décision la plus responsable sur le plan environnemental et social ».

En tant que porte-parole d’une institution ayant un intérêt direct dans les matières premières polluantes, Sharma est loin d’être neutre. Mais le problème qu’il présente – comment fournir suffisamment de matières polluantes pour construire une économie à énergie propre ? – est réel et renvoie à un autre problème lié à une hypothétique transition axée sur le marché : la tarification du carbone ne permet pas à la société de faire la distinction entre les utilisations fallacieuses du carbone – comme envoyer des milliardaires dans l’espace – et les utilisations vitales comme la construction de l’infrastructure d’une économie bas carbone. Dans le cadre d’une transition réussie, le premier usage serait rendu impossible et le second serait aussi bon marché que possible. En tant que tel, un prix unique du carbone devient une voie évidente vers l’échec.

Contre le marché, le socialisme

Cela nous renvoie à un argument ancien mais toujours décisif : la reconstruction d’une économie – dans ce cas, une économie qui élimine progressivement les combustibles fossiles – nécessite la restructuration de la chaîne de relations entre ses divers segments, ce qui suggère que le sort de l’économie dans son ensemble dépend de son point de moindre résistance. Comme l’a noté Alexandre Bogdanov dans le contexte de la construction du jeune Etat soviétique, « en raison de ces relations interdépendantes, le processus d’expansion de l’économie est soumis dans son intégralité à la loi du point le plus faible ». Cette ligne de pensée a été développée plus tard par Wassily Leontief dans ses contributions à l’analyse des entrées-sorties (input-ouput). Il soutient que les ajustements du marché ne sont tout simplement pas à la hauteur de la transformation structurelle. Dans de telles situations, ce qu’il faut, c’est un mécanisme de planification prudent et adaptatif capable d’identifier et de traiter un paysage mouvant de goulets d’étranglement.

Avec sa préoccupation de longue date pour la planification et la consommation socialisée, le socialisme international est une piste évidente pour assumer cette tâche historique.

Lorsque l’on considère les défis économiques que représente la restructuration des économies pour maintenir les émissions de carbone en phase avec la stabilisation du climat, cette discussion prend une nouvelle tournure. L’efficacité doit primer sur l’efficience économique dans la réduction des émissions. Cela signifie qu’il faut abandonner le fétichisme du mécanisme des prix pour planifier la manière dont les ressources polluantes restantes seront utilisées au service d’infrastructures propres. Cette planification doit avoir une portée internationale, car les plus grandes possibilités de décarbonation de l’approvisionnement en énergie se trouvent dans le Sud. En outre, comme la transformation du côté de l’offre ne suffira pas, des transformations du côté de la demande seront également essentielles pour rester dans les limites planétaires. Les besoins en énergie pour assurer un niveau de vie décent à la population mondiale peuvent être réduits de manière drastique, mais outre l’utilisation des technologies disponibles les plus efficaces, cela implique une transformation radicale des modes de consommation, y compris des procédures politiques pour établir des priorités entre des demandes de consommation concurrentes.

Avec sa préoccupation de longue date pour la planification et la consommation socialisée, le socialisme international est une piste évidente pour assumer cette tâche historique. Bien que l’état médiocre des courants socialistes n’incite guère à l’optimisme, la conjoncture catastrophique dans laquelle nous entrons – ainsi que la volatilité des prix et les spasmes continus des crises capitalistes – pourrait accroître le caractère mouvant de la situation. Dans de telles circonstances, la gauche doit être suffisamment flexible pour saisir toute opportunité politique qui fera avancer la voie d’une transition écologique démocratique.

Note : ce texte a également été republié en français par le magazine Contretemps.

Les armes de la transition. Le romancier : Jean-Marc Ligny

Jean-Marc Ligny

Jean-Marc Ligny est romancier, spécialisé dans le roman d’anticipation et la science-fiction. Il a écrit plus d’une quarantaine d’ouvrages traitant notamment de la raréfaction de l’eau causée par le changement climatique, des migrations climatiques, de la question des semences ou encore de la réalité virtuelle. Il a été sollicité par le GIEC, la Mairie de Paris et le ministère des Armées pour évoquer des scénarios futurs potentiels. Jean-Marc Ligny nous éclaire ici sur le rôle du romancier dans la sensibilisation écologique des citoyens et des décideurs.

Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève en 2019. 

Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy.

Les armes de la transition. Le journaliste : Hervé Kempf

Hervé Kempf

Hervé Kempf est essayiste et un des pionniers du journalisme environnemental en France. Il est désormais rédacteur en chef du média Reporterre, spécialisé dans le reportage et le traitement de l’actualité de l’écologie. Hervé Kempf nous éclaire donc sur le rôle du journalisme dans le cadre de la transition écologique.

Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève en 2019. 

Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy.

Les armes de la transition. Le sociologue : Stéphane Labranche

Stéphane Labranche

Stéphane Labranche est sociologue, membre du GIEC, chercheur indépendant et enseignant à Sciences Po Grenoble. Il est un des pionniers de la sociologie du climat en France. À ce titre, il s’intéresse tout particulièrement aux mécanismes d’acceptation sociale qui conditionnent la réussite de politiques publiques écologiques. Stéphane Labranche nous éclaire sur le rôle de la sociologie dans le cadre de la transition.

Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève en 2019. 

Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy. 

Les armes de la transition. Le neuroscentifique : Thibaud Griessinger

Thibaud Griessinger

Thibaud Griessinger est docteur en neurosciences et chercheur indépendant en sciences comportementales appliquées aux questions de transition écologique. Il a récemment fondé un groupe de recherche qui s’est donné pour mission de remettre par la recherche et le conseil, la composante humaine au centre de la problématique écologique. Il travaille avec le ministère de la Transition écologique, ainsi que des villes et collectivités. Thibaud Griessinger nous éclaire sur le potentiel des sciences cognitives à guider le développement de stratégies de transitions écologiques plus adaptées aux citoyens.

Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève en 2019. 

Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy.

Malm et Mitchell : aux origines capitalistes de notre système énergétique

Pourquoi est-il si difficile de rompre avec le système énergétique dominant, malgré son impact catastrophique sur l’environnement ? À trop raisonner en termes de comportements individuels ou de pratiques culturelles, on se condamne à manquer l’essentiel. Les rapports de production, et plus spécifiquement la quête de maximisation de profit des classes dominantes, constituent les éléments les plus déterminants. C’est la thèse que défend Andreas Malm dans L’anthropocène contre l’histoire (éditions La Fabrique), ouvrage dans lequel il retrace l’évolution des systèmes énergétiques depuis deux siècles, conditionnée par une logique intimement capitaliste. Une lecture qu’il est utile de croiser avec Carbon Democracy (Timothy Mitchell, éditions La Découverte), qui analyse quant à lui la dimension impérialiste du système productif contemporain.

À l’heure de l’urgence climatique, les mesures politiques nécessaires ne sont pas mises en œuvre. Le monde de la finance continue de soutenir massivement les énergies fossiles, faisant pourtant planer une épée de Damoclès sur les marchés financiers, comme le soulignent le rapport Oxfam de 2020 ou celui publié par l’Institut Rousseau avec les Amis de la Terre. La température continue d’augmenter et une hausse de 1,5°C est attendue dans les prochaines années. Comment expliquer la difficulté à mener cette transition énergétique et à sortir de la logique qui a mené à la croissance exponentielle des émissions de gaz à effet de serre ? Un retour sur l’évolution, depuis deux siècles, des systèmes énergétiques modernes, apporte des éclairages instructifs pour comprendre les blocages de la transition.

Il faut en revenir aux années 1820-1840, au commencement de la révolution du charbon en Grande-Bretagne. L’aînée des puissances industrielles opère en quelques décennies une transformation radicale de son économie grâce à l’emploi du charbon et de la machine à vapeur. Jusqu’ici, les énergies utilisées (eau, vent, bois) servaient principalement à couvrir les besoins des foyers (chauffage, cuisson) et de quelques industries naissantes. L’essor du charbon permet le développement exponentiel de l’industrie manufacturière britannique, avec en tête de pont l’industrie du coton exportatrice dans le monde entier. Ces débuts de l’ère industrielle ont été abondamment documentés et commentés. Toutefois, une énigme semble n’avoir jamais vraiment été résolue : celle des motivations économiques de la transition d’une énergie hydraulique – celles des fleuves et rivières, captée par des moulins et autres roues à aubes – vers une énergie issue du charbon.

Le passage de l’énergie hydraulique au charbon au cours de la révolution industrielle

La grille d’analyse de cette transition, proposée par Andreas Malm dans L’anthropocène contre l’histoire, semble en mesure d’apporter des éléments nouveaux à la compréhension d’un paradoxe apparent. Ce dernier, que Malm documente avec précision, est celui de l’absence de supériorité du charbon sur l’énergie hydraulique, c’est-à-dire l’énergie mécanique des rivières anglaises, en termes économiques classiques – au moment de la transition au début du XIXème siècle. Et ce, au moment-même où le charbon commence à être plébiscité et va rapidement produire près de 10 fois plus d’énergie que les fleuves anglais. Malm montre en effet, qu’au moment où le charbon devient prédominant, au moins sur trois critères majeurs, l’énergie hydraulique demeurait plus performante.

Roue à aubes

Tout d’abord, l’énergie hydraulique était abondante avec à l’époque moins de 7% du potentiel électrique utilisé. Il existait encore une multitude de gisements d’énergie hydraulique importants. Deuxièmement, la machine à vapeur n’avait pas encore la régularité moderne ; l’eau offrait une régularité et une robustesse technologique que la machine à vapeur de Watt n’était pas en mesure d’atteindre. Troisièmement, l’eau était gratuite ou presque, modulo les droits fonciers, et ceci d’un facteur au moins égal à 3 comparé au prix du charbon sur le marché. Comment expliquer dans ce cas la transition rapide, sans limite, quasi-instantanée vers l’utilisation massive du charbon et de la vapeur ?

Le choix du système énergétique s’opère selon un objectif de maximisation de la plus-value captée par les investisseurs, et donc d’une augmentation symétrique du rapport d’exploitation des travailleurs.

Pour surmonter ce paradoxe, Malm propose une nouvelle théorie du capital-fossile, reposant sur l’analyse marxiste de la logique d’accumulation capitaliste. Pour Marx, la naissance des rapports de propriété capitaliste s’est accompagnée d’une compulsion d’accroissement de l’échelle de la production matérielle. Ainsi, le capitaliste investit son capital dans l’espoir d’en obtenir plus. La création de valeur supplémentaire, la survaleur (ou encore plus-value), se fait grâce aux travailleurs – seuls capables, par leur force de travail, de créer de la valeur et de transformer le capital (moyens de production et ressources apportées par le capitaliste). De là la célèbre formule marxienne d’accumulation du capital : A-M-A’ (Argent → Marchandise → Argent + plus-value), où la marchandise représente l’ensemble des moyens de production capitalistes – capitaux, travail et donc chez Malm, aussi l’énergie indispensable à la mise en valeur du capital.

Chez Marx, le capital est avant tout un rapport social, caractérisé par la séparation des travailleurs d’avec les moyens de production (la propriété) et d’avec les produits de la production, le tout dans une visée lucrative de la propriété. C’est donc un rapport de subordination. Le capital, ce « processus circulatoire de valorisation », n’existe qu’en « suçant constamment, tel un vampire, le travail vivant pour s’en faire une âme ». La logique d’accumulation du capital conduit de facto à une extorsion de la survaleur créée par les travailleurs. Le niveau de cette extorsion définit alors le ratio d’exploitation des travailleurs.

Malm explique alors que si le travail est « l’âme du capitalisme », la nature et les ressources qu’elle fournit en sont son corps. Sans la nature, les énergies et les ressources nécessaires à la mise en valeur du capital, le processus d’accumulation fondamental du capitalisme ne serait pas possible. Les énergies fossiles, qui permettent de démultiplier dans des proportions considérables la production d’un travailleur, sont l’adjuvant parfait et le corollaire nécessaire au processus de mise en valeur du capital par le travail humain. Le charbon et l’huile, plus tard le pétrole et le gaz, sont les auxiliaires de la production capitaliste. Ils sont, dit Malm, le « levier général de production de survaleur ». Ils sont les matériaux indispensables à la création de valeur capitaliste.

Si le charbon a été choisi comme énergie principale, c’est parce qu’il a permis une plus grande création de survaleur capitaliste par le biais d’une exploitation accrue du travail humain.

En quoi le système théorique proposé par Malm permet-il alors d’expliquer le paradoxe de la transition eau/charbon au début du XIXème siècle ? Dans cette perspective marxienne, le caractère d’auxiliaire nécessaire à la production de survaleur capitaliste des énergies fossiles implique que le choix du système énergétique s’opère selon un objectif de maximisation de la plus-value captée par les capitalistes et donc d’une augmentation symétrique du rapport d’exploitation des travailleurs. Et ceci permet d’expliquer avec clarté le choix du charbon au détriment de l’énergie hydraulique en Grande-Bretagne puis dans le monde entier. En effet, le passage de l’énergie hydraulique à la machine à vapeur a eu lieu parce que ce nouveau système énergétique permettait une exploitation accrue du travail humain.

En effet, les usines fonctionnant à l’énergie hydraulique devaient être construites hors des villes, elles nécessitaient de faire venir des travailleurs des villes à un coût élevé, ou bien d’engager une main-d’œuvre paysanne locale. Mais celle-ci, peu rompue aux rythmes de travail de l’usine et à sa discipline, était susceptible de retourner aux travaux des champs brusquement. Par ailleurs, une fois sur place, cette main-d’œuvre isolée pouvait faire peser des risques de grèves et de pression à la hausse des salaires sur les propriétaires, en raison de la difficulté de faire venir des travailleurs ou de remplacer rapidement une main-d’œuvre trop revendicative. Au contraire, les usines fonctionnant avec des machines à vapeur, même initialement moins performantes que les roues à aubes hydrauliques, avaient l’énorme avantage de se trouver en ville. Dans les banlieues industrielles, les capitalistes pouvaient embaucher une main-d’œuvre déracinée, rompue au rythme de travail à l’usine, avec, en cas de grèves, une « armée de réserve » prête à remplacer les travailleurs contestataires.

Malm montre ensuite comment le charbon et son caractère infiniment morcelable et transportable, a permis une adaptation bien plus efficace à la production capitaliste, au travail en usine mais aussi aux nouvelles réglementations sociales (limitation du temps de travail quotidien à 10 heures). Il déploie un certain nombre d’arguments complémentaires qui tous concourent à corroborer la thèse suivante : si le charbon a été choisi au détriment de l’énergie hydraulique en Grande-Bretagne au début du XIXème siècle, ce n’est pas parce que cette énergie était plus abondante, moins chère ou plus régulière, mais bien parce que le passage au charbon a permis une plus grande création de survaleur capitaliste par le biais d’une exploitation accrue du travail humain, plus régulière et moins soumise aux aléas climatiques et humains de la production hydraulique.

De manière plus contemporaine, l’histoire des systèmes énergétiques nous offre d’autres exemples auxquels appliquer la logique proposée par Malm. Le passage à l’ère du pétrole est dans cette perspective lui aussi très instructif. Timothy Mitchell, dans son livre Carbon Democracy propose une thèse intéressante permettant d’expliquer le rôle du charbon dans les luttes sociales du XIXème et XXème siècles et la transition vers un modèle où le pétrole prend une place centrale.

Charbon, luttes sociales et contre-mesures du capital

Le recours au charbon, énergie indispensable dès le XIXème siècle au fonctionnement des économies occidentales, a profondément changé les rapports de production et l’organisation économique de la société. Le charbon servait principalement à deux choses : l’approvisionnement énergétique indispensable pour l’industrie manufacturière et l’accroissement de la production matérielle ainsi que l’administration des empires coloniaux, et en premier lieu du plus grand de tous, l’Empire britannique. Le charbon utilisé dans les bateaux à vapeur servait à assurer les liaisons commerciales et militaires par voie maritime et ceux-ci ont très vite supplanté la navigation à voile. Cette transition a notamment été illustrée dans plusieurs des romans de Joseph Conrad. Ainsi, le fonctionnement de l’économie capitaliste coloniale reposait majoritairement sur l’énergie du charbon et la gestion de ses flux.

Mine de charbon, Matarrosa del Sil

Or, la production et les flux de charbon étaient souvent très concentrés dans l’espace. La mainmise sur cette production et ces flux était alors indispensable au bon fonctionnement de l’économie capitaliste. Timothy Mitchell lie cette concentration des flux énergétiques indispensables au capitalisme à l’émergence des luttes sociales et de la démocratie moderne. Plus précisément, il dresse le constat suivant : la gestion du charbon et de ses flux passait de manière très concentrée par trois lieux essentiels : la mine, les chemins de fer transportant le charbon et les ports. Ainsi, au début du XXème siècle, « la vulnérabilité de ces mécanismes et la concentration des flux d’énergie dont ils [les capitalistes] dépendaient donnèrent aux travailleurs une force politique largement accrue ». Selon Mitchell, c’est cette concentration spatiale de l’approvisionnement énergétique qui a conduit à la naissance de la démocratie moderne.

Les travailleurs spécialisés dans la gestion de flux énergétiques acquirent un pouvoir politique fort qui se matérialisa par la naissance des premiers partis et syndicats de masse. Ils pouvaient inverser le rapport de force face aux capitalistes en ralentissant ou en perturbant l’approvisionnement énergétique. C’est suite à cela qu’un grand nombre d’avancées sociales virent le jour au tournant du XIXème siècle et du XXème siècle : journée de 8 heures, assurance sociale en cas d’accident, de maladie ou de chômage, pensions de retraite, congés payés, etc. Comme le souligne Mitchell, la concentration de l’énergie indispensable à la production capitaliste avait créé une vulnérabilité. Pour reprendre la terminologie de Malm, l’organisation du système énergétique au charbon initialement choisi pour sa capacité à améliorer le rapport d’exploitation a en réalité conduit à une diminution de celui-ci en raison de cette vulnérabilité.

L’organisation du système énergétique au charbon, initialement choisi pour sa capacité à améliorer le rapport d’exploitation, a en réalité conduit à une diminution de celui-ci en raison de sa vulnérabilité.

La classe dominante a alors recouru de nouveau à un certain nombre de mesures pour regagner sa pleine souveraineté sur l’approvisionnement énergétique nécessaire à l’accumulation de capital. Mitchell décrit dans son livre ces mesures visant à restreindre le pouvoir des travailleurs : création de syndicats maison, appel à des briseurs de grève, constitution de stocks stratégiques énergétiques pour faire face à des imprévus (grèves, blocages). Ces mesures pour certaines d’entre elles, sont toujours appliquées de nos jours avec brio par la classe dirigeante. Ainsi en est-il des stocks stratégiques qui, s’ils sont conçus initialement pour pallier une défaillance de l’approvisionnement énergétique mondial, se révèlent aussi très pratiques pour limiter le « pouvoir de nuisance » des grèves syndicales. Le débat autour de l’insuffisance ou non des stocks stratégiques au cours des grèves contre la réforme des retraites, en raison du blocage des stocks et des raffineries opéré par les syndicats, en est le dernier exemple en date.

Le passage à l’ère du pétrole

La logique du capital en termes d’approvisionnement énergétique est alors toujours la même : diminuer le pouvoir du camp du travail, en diminuant l’emprise des syndicats sur la production et la distribution de l’énergie indispensable à la mise en valeur du capital. La hausse de l’approvisionnement énergétique issu du pétrole peut, elle aussi, être expliquée pour partie par cette logique-là. En effet, le pétrole présente, sous ce prisme d’analyse, des avantages certains. Tout d’abord, il ne nécessite que très peu de travail humain pour être extrait et sort de lui-même une fois le trou creusé. Deuxièmement, les réserves de pétrole ne sont pas localisées sur les territoires des pays industriels développés. La proximité des gisements de charbon dans les pays occidentaux, qui était au début un avantage, était devenue un inconvénient en ayant permis la naissance de forces sociales contestataires importantes sur le territoire.

Mitchell décrypte avec précision les conditions matérielles d’exploitation des gisements pétroliers. L’exemple du Moyen-Orient est assez flagrant. L’accès à une énergie pétrolière abondante et peu chère est un des facteurs déterminants, si ce n’est le plus important, pour analyser la politique des pays occidentaux vis-à-vis des pays producteurs de pétrole, du partage de l’Empire ottoman après la Première guerre mondiale (accords Sykes-Picot) à la guerre en Irak de 2003 en passant par la première guerre du Golfe de 1991. Mitchell montre comment l’histoire du Moyen-Orient est guidée par la volonté de l’Occident de mettre en place un contrôle impérialiste des ressources, favorisant la mise en place de pouvoirs locaux dont les intérêts de classe coïncident avec ceux des néoconservateurs. Dans ces pays, la « démocratie occidentale » n’avait pas sa place.

Puits de pétrole

À cet égard, il est très intéressant de voir comment les tentatives de reprise de contrôle de la manne pétrolière par les nations productrices ont été considérées – rarement d’un bon œil. Les exemples sont nombreux et ne concernent d’ailleurs pas que le pétrole : Irak, Venezuela, Libye, Kurdistan, Iran…

Le recours massif au pétrole s’explique bien entendu par des causes plus proprement « économiques » : baisse des ressources carbonifères en Occident, facilité d’extraction du pétrole, baisse des coûts de transport longue-distance, développement de l’automobile. Toutefois, le prisme d’analyse de Malm semble pouvoir expliquer aussi pour partie la préférence, partielle, donnée au pétrole sur le charbon. Il est intéressant de voir qu’en France, sur l’ensemble de l’énergie consommée en une année, seule la partie issue du nucléaire et des barrages – peu ou prou 20-25% de la consommation énergétique finale, est issue d’une production où les syndicats ont encore un pouvoir non négligeable. Pour le reste, pétrole, gaz et charbon, le capital a réussi, comme dans beaucoup d’autres pays, à se débarrasser, du moins partiellement, des entraves syndicales dans la mise en valeur du capital.

Quel système énergétique à l’avenir ?

C’est donc la logique intrinsèque de mise en valeur du capital qui semble avoir guidé les choix énergétiques des deux derniers siècles pour finalement se retrouver à l’origine du changement climatique. Sans énergie pour mettre en valeur le capital, la logique du capital s’effondre. Les énergies fossiles ont rempli ce rôle au cours des deux derniers siècles.

La solution optimale du point de vue du capital est et restera, sans contrainte exogène forte, le choix des énergies fossiles et de leur grande densité énergétique favorisant leur transport, permettant par là-même une meilleure mise en valeur du capital. Toutefois, les pressions environnementales, citoyennes et démocratiques commencent (modestement) à le contraindre à envisager un nouveau système énergétique. Pourtant, la logique capitaliste interne de mise en valeur du capital nécessite ce que Malm appelle « un levier général de production de survaleur », place occupée jusqu’ici par les énergies fossiles. Si les énergies nouvelles se révèlent incapables de remplir ce rôle, le système capitaliste n’aura probablement d’autre choix que de freiner au maximum la transition énergétique pour assurer sa survie.

Si la transition écologique devait bel et bien s’initier, plusieurs options sont concevables quant à la nature du système énergétique nouveau qui émergerait. Dans le cas de la France, on pourrait distinguer trois scenarii-limite, qui ressortent des débats actuels autour de la question énergétique, avec plusieurs variations et combinaisons possibles entre eux :

1. Une production qui continue à être majoritairement centralisée, avec une part importante de nucléaire répondant à l’électrification des consommations et au besoin de stabilité du réseau ;
2. Un système 100% renouvelable aux mains d’un nombre restreint de groupes, s’appuyant sur une organisation ubérisée du travail et une gestion libérale des marchés de l’énergie ;
3. Une croissance forte des systèmes énergétiques territoriaux totalement ou partiellement autonomes, gérés par les consommateurs et les collectivités territoriales.

Quelle serait alors, à la lecture de Malm et Mitchell, la solution plébiscitée par le capitalisme ?

Ndr : Un prochain article tentera de décrire les conséquences de chaque système et étudiera leurs conditions de possibilité afin de mettre en avant ce qui pourrait être la solution optimale du capital, ainsi que la solution qui pourrait être celle démocratiquement choisie.

Faciliter la transition écologique en anticipant ses potentiels effets indésirables

Faciliter la transition écologique, c’est aussi anticiper ses conséquences socio-économiques et sa manière d’affecter différemment et inégalement les acteurs. Alors même que la transition est nécessaire, inévitable et peut apporter un grand nombre de bienfaits, certains travailleurs, ménages et territoires risquent de concentrer les quelques effets indésirables et nécessitent donc une attention particulière de la part de la société.

Face au changement climatique, la transition écologique est inévitable. La société s’accorde presque à l’unanimité sur ce constat. Les modalités de cette transition sont quant à elles sujettes à des débats emportés. L’insuffisance et l’inconséquence du projet de loi gouvernemental ont fait l’objet de nombreuses critiques détaillées dans la presse et diverses organisations engagées pour le climat.

La transition écologique, qui représente un vaste chantier, impliquera des efforts qui seront inégalement répartis entre les acteurs de notre société. Ne pas prendre en compte cette réalité serait dangereux. Ainsi, l’un des événements déclencheurs du mouvement des Gilets Jaunes était la hausse de la taxe carbone et plus précisément de sa composante dans la taxe sur les carburants. Faciliter la transition c’est aussi anticiper les effets humains et socio-économiques indésirables qui existeraient si elle était pilotée d’une main peu habile. Cet objectif se rapporte à la réflexion autour de la notion de transition juste, née des mouvements syndicaux qui voulaient allier questions environnementales et sociales depuis les années 80 [1]. Bien que cette terminologie soit reprise régulièrement par un ensemble d’organisations qui ne sont pas toujours en première ligne des combats climatiques et sociaux (Commission Européenne, ONU), elle repose sur un enjeu qui, lui, est bien réel : celui de répartir équitablement les efforts entre les différents acteurs. Pour reprendre un slogan que l’on voit fleurir régulièrement au sein des marches pour le climat : « fin du monde, fin du mois, même combat ».

Pour cela, dresser un tableau des effets potentiellement négatifs de la transition permettrait d’appréhender l’une des meilleures gestions possibles. Le but de ce travail n’est pas de remettre en question les effets bénéfiques de la transition écologique — qui sont nombreux — ni le caractère indispensable de celle-ci, mais d’identifier avec précision et clarté celles et ceux qui risqueraient d’en être fragilisés. Quels sont les acteurs touchés ? Green & Gambhir [2] propose une classification distinguant 5 types d’acteurs au sein desquels des différences d’impact de la transition peuvent potentiellement survenir ou sont déjà visibles : les travailleurs, les ménages/consommateurs, les entreprises, les territoires et les pays. Une analyse fine des effets sur chaque catégorie d’acteurs de la transition à l’échelle française est nécessaire. À l’échelle interétatique, des différences d’effets, de pouvoir de changement et de responsabilités existent et sont parfaitement documentées.

Les possibles effets inégalitaires de la transition sur les ménages

Les effets inégalitaires les plus documentés et visibles dans l’espace public sont ceux sur les ménages et consommateurs. Nombreux sont les instruments de politiques climatiques qui impactent de manière inégalitaire mais l’un d’entre eux a tout particulièrement focalisé l’attention : la taxe carbone. Celle-ci fonctionne de manière assez simple. Il s’agit d’une taxe sur les émissions de Co2, appliquée en amont, c’est-à-dire directement sur les produits énergétiques carbonés — à la pompe à essence, au moment où la taxation est la plus facile à mettre en place. Bien que l’efficacité et l’optimalité de cet outil créent en général le consensus parmi les économistes, cette taxe est particulièrement régressive, touchant de manière plus importante les plus démunis. C’est ce que l’on observe dans la première figure, qui montre que la taxe carbone peut représenter un poids presque trois fois plus important pour les 10% les plus pauvres que pour les 10% les plus riches (cf. Figure 1). L’augmentation de la valeur du Co2 ne fait qu’amplifier ce phénomène. La taxe carbone, si elle n’est pas compensée par des politiques redistributives, est donc un outil profondément inégalitaire et régressif. Par ailleurs, au sein d’un même décile, il existe des disparités selon la localisation géographique du ménage (ville/périurbain/campagne), son équipement (diesel/essence, chauffage au fioul, isolement) ou encore sa composition [3][4][5]. Un certain nombre d’outils existent déjà pour contrecarrer ces effets inégalitaires, à l’image du chèque énergie attribué à près de 6 millions de foyers (jusqu’à 270 €/mois), mis en place en 2018 et élargi à la suite du mouvement des Gilets Jaunes.

Figure 1 – Part de la taxe carbone au sein du revenu disponible des ménages, par décile de revenu
(30,50 €/tCo2), d’après Berry [a]
Lecture : en abscisse, les déciles de revenu correspondent pour le décile 1 aux 10% les plus pauvres, le décile 2 aux 10% suivants, etc. En ordonnée, la part du revenu consacrée à la taxe carbone sous l’hypothèse d’une valeur du Co2 à 30,5 €/tCo2. Ainsi, un ménage du premier décile consacre en moyenne 0,81% de son revenu disponible à payer la taxe carbone dont 0,44% pour les dépenses énergétiques du logement (chauffage, cuisine) et 0,37% pour les transports (carburants).

Les ménages peuvent par ailleurs être touchés de manière très inégalitaire par de nouvelles normes et des interdictions. Ainsi en est-il par exemple des nouvelles zones à faible émission (ZFE) qui limitent puis interdisent certains lieux à des voitures trop polluantes. Là encore, on oublie régulièrement la composition du parc automobile des plus pauvres, possédant généralement des véhicules plus anciens et n’ayant pas les moyens de les renouveler régulièrement. Les primes à la casse et à l’achat de véhicules « propres » sont rarement suffisantes.

Des travailleurs qui ne font pas tous face aux mêmes enjeux

Analysons maintenant une dimension où le constat est déjà moins clairement établi. Celui de l’impact de la transition sur les travailleurs. En effet, même si nous pouvons nous accorder sur le fait que la transition écologique peut et va créer de l’emploi, que ce soit dans l’agroécologie, le bâtiment ou la gestion des déchets, certaines filières et emplois vont être amenés à disparaître ou à évoluer fortement (métallurgie, automobile, production & distribution de gaz, centrales thermiques & nucléaires). Vona et al (2017) [6] estiment à environ 3,4% ces emplois à risque en France (soit à peu près 750 000 emplois), susceptibles d’être détruits ou de profondément muter. Face à ces destructions d’emplois, plusieurs constats sont à dresser. Tout d’abord, les spécialistes de l’emploi et des compétences soulignent qu’il n’y a pas d’effet de vases communicants entre les emplois détruits et ceux créés dans les nouvelles activités vertes. En effet, il existe en moyenne des différences notables en matière de compétences. Le plan de programmation des emplois et compétences (PPEC), dit rapport Parisot (du nom de l’ancienne secrétaire générale du MEDEF), tente d’identifier les nouveaux emplois émergents au cours de la transition écologique. En moyenne, les nouveaux emplois créés requièrent un niveau de compétence plus élevé que ceux détruits. L’effort de reconversion risque donc d’être important et n’aura rien d’automatique. Parallèlement, la formation, initiale et continue, devra suivre pour fournir les compétences de demain.

Parmi les travailleurs susceptibles de voir leur emploi détruit, environ les 2/3 (soit 500 000) possèdent un niveau de qualification bas ou moyen [7]. La reconversion de ces 500 000 travailleurs sera particulièrement difficile. Les solutions du passé, notamment celles liées à la gestion de l’après-mines (Pacte charbonnier 1994) [8], ne sont probablement plus souhaitables et envisageables de nos jours. Elles consistaient en des mises en pré-retraite très tôt (à partir de 40 ans) à la fois financièrement chères et socialement destructrices (addiction, exclusion, dépression). Il faut aussi s’assurer que les reconversions se fassent sur des emplois attractifs et utiles à la société. La reconversion de ces travailleurs se fait en général à des niveaux de rémunération plus bas, dans des secteurs où les syndicats sont moins présents et possèdent un pouvoir de négociation moindre. En Allemagne, les mineurs de lignite reconvertis ont vu en moyenne leur paie baisser de 20% dans leur nouvel emploi [9].  La proposition d’une garantie d’emploi vert formulée par l’Institut Rousseau offre probablement une voie de sortie intéressante, avec la création d’emplois à faible niveau de qualification.

Une transition écologique susceptible de toucher particulièrement certains territoires

L’analyse des effets sur les travailleurs mène naturellement vers l’analyse des impacts territoriaux de la transition écologique. L’effort consenti pour la réaliser est très inégalement réparti au sein des territoires français. Certains vont probablement fortement en bénéficier tandis que d’autres seront peut-être fortement affectés. En effet, plusieurs conséquences délétères de la transition peuvent se concentrer sur des territoires réduits. Les filières sujettes à d’importantes mutations (métallurgie, automobile, centrales) correspondent souvent à des gros sites avec un grand nombre d’emplois concentrés sur un territoire restreint. Par exemple, la fermeture d’une centrale nucléaire (qui n’est bien entendu pas directement liée à la transition écologique mais à la stratégie énergétique du pays) représente un enjeu local crucial — comme la fermeture de Fessenheim qui a touché près de 5 000 emplois (directs ou indirects). Dans ce cas-là, EDF a été en mesure de reconvertir en interne une bonne partie des salariés. Tout de même, les effets négatifs de la transition écologique risquent de se faire particulièrement ressentir dans un très faible nombre de zones d’emploi. Pour donner quelques chiffres, près de 50% des émissions industrielles en France sont concentrées dans 10% des zones d’emploi (voir Figure 2). De même, 25% des emplois potentiellement touchés par la transition se concentrent dans 8% des zones d’emploi [11].

Figure 2 – Émissions de Co2 des principaux pollueurs en France, cartographie de Cédric Rossi [b]

Or l’enjeu territorial est vital. Pour en revenir à l’après-mines et à la désindustrialisation de régions entières, les territoires sinistrés ont pris des décennies à s’en remettre, avec des stigmates toujours visibles. L’identification et l’accompagnement de ces territoires devraient donc être au cœur de la démarche de transition, demandant une attention particulière portée par les pouvoirs publics.

Des effets sectoriels difficiles à déterminer

Enfin, un autre canal d’hétérogénéité des impacts de la transition est celui des secteurs d’activité. Même si la certitude que certains secteurs vont connaître de profondes mutations est bien ancrée dans nos consciences, il est plus difficile de nommer les secteurs qui vont être touchés. L’effet spécifique de la transition sur chaque secteur n’est pas aisément quantifiable et il existe très peu d’études exhaustives des effets sectoriels — à l’exception de gros modèles économiques, souvent peu précis. En effet, la déliquescence ou le rebond de secteurs dépendent de nombreux paramètres incertains : innovations technologiques (avion vert, voiture électrique), choix politiques (nucléaire, production et distribution de gaz), changements de consommation (agriculture). Par ailleurs, la dynamique sectorielle peut fortement dépendre de paramètres tout à fait extérieurs à la transition écologique, liés par exemple à la concurrence internationale — à l’image de la destruction méthodique de la filière pneumatique en France, aux choix de délocalisation de grands groupes, etc. Cette problématique entre en résonance avec celles de la souveraineté industrielle et de la réindustrialisation, prenant de plus en plus de place dans le débat public. D’importants exemples tel que le projet de restructuration d’EDF (projet Hercule) ou du maintien d’activités industrielles en France (filière automobile, Alstom, ou encore tout récemment avec la société aveyronnaise de métallurgie) l’illustrent parfaitement.

La transition écologique sera grandement facilitée par un réel état des lieux exhaustif de ses effets, positifs comme négatifs. Pour certains secteurs, territoires et travailleurs, les effets positifs ne compenseront pas les effets négatifs si rien n’est fait pour les accompagner. Une transition écologique juste ne pourra pas faire l’économie de la réflexion sociale et de l’égale répartition des efforts entre les acteurs de la société. Des emplois devront être créés, et des plans de reconversion massifs proposés aux industries et secteurs touchés.

Bibliographie

[1] Stevis, D., Felli, R. Global labour unions and just transition to a green economy. Int Environ Agreements 15, 29–43 (2015). https://doi.org/10.1007/s10784-014-9266-1

[2] Fergus Green & Ajay Gambhir (2019): Transitional assistance policies for just, equitable and smooth low-carbon transitions: who, what and how?, Climate Policy, DOI: 10.1080/14693062.2019.1657379

[3] CGDD, L’impact, pour les ménages, d’une composante carbone dans le prix des énergies fossiles, Mars 2016.

[4] OFCE, 2016, Impact distributif de la taxe carbone, P. Malliet et A. Aussay,

[5] Audrey Berry, The distributional effects of a carbon tax and its impact on fuel poverty: A microsimulation study in the French context, Energy Policy, Volume 124, 2019, Pages 81-94, ISSN 0301-4215, https://doi.org/10.1016/j.enpol.2018.09.021.

[6] [7] VONA, F., Job losses and the political acceptability of climate policies: an amplified collective action problem? , 2018

[8] Sénat, Pacte charbonnier https://www.senat.fr/rap/l03-147/l03-1471.html

[9] Cour des comptes, La fin de l’exploitation minière, Décembre 2000, https://dpsm.brgm.fr/sites/default/files/documents/rapport-fin-exploitation-charbonniere.pdf

[10] Haywood et al.

[11] Propres calculs sur données INSEE à l’échelle de la zone d’emploi

[a] Audrey Berry, The distributional effects of a carbon tax and its impact on fuel poverty: A microsimulation study in the French context, Energy Policy, Volume 124, 2019,

[b] Cartographie de Cédric Rossi, sous licence CC BY-SA 4.0

La nécessaire transition écologique va-t-elle faire baisser le niveau de vie ?

Vue de Senlis, Oise (Hauts-de-France) @ Wikimédia Commons

Depuis la fin du XVIIIe siècle, le progrès technique a rendu possible une amélioration exceptionnelle du niveau de vie dans les pays occidentaux, mais il fait croître dans le même temps l’empreinte carbone au point de n’être plus soutenable pour l’environnement. Faut-il en déduire hâtivement que la transition écologique suppose de faire baisser drastiquement le niveau de vie ? L’histoire montre qu’il n’y a pas de corrélation stricte entre développement humain et augmentation exponentielle des émissions des gaz à effet de serre. Tirons-en un enseignement pour mettre en œuvre un triple modèle d’organisation collective à travers la transition écologique : redistribution des richesses, réindustrialisation nationale et aménagement du territoire.

Notion largement admise, quoiqu’encore débattue sur le plan chronologique par les géologues, l’anthropocène désigne une période de l’histoire terrestre marquée par la manière dont les activités humaines affectent la lithosphère (la surface de la terre), commençant avec la révolution industrielle en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle. Lié à l’exploitation des ressources naturelles, le progrès technique et matériel s’est depuis lors accompagné d’une croissance exponentielle de l’empreinte carbone, provoquant le réchauffement climatique auquel nous faisons face. Ce même progrès a permis l’amélioration prodigieuse du niveau de vie des individus et des ménages, surtout dans les pays marqués par un capitalisme keynésien de redistribution (Welfare capitalism). Faut-il déduire de la crise climatique actuelle l’idée que tout modèle de développement humain conduit forcément au désastre écologique ? Le concept de « développement » désigne à la fois le niveau de richesse matérielle d’une société (l’équipement domestique, les infrastructures publiques, le patrimoine des ménages…) et le modèle social et humain qui l’accompagne. La possibilité du développement repose ainsi sur des critères matériels sans pour autant s’y réduire entièrement puisqu’il vise le bien-être des individus, une notion complexe qui recoupe des réalités à la fois économiques, sociales et psychologiques. Il faut ainsi questionner l’hypothèse selon laquelle la transition écologique supposerait la baisse du niveau de vie.

Une révolution industrielle avant l’anthropocène

L’histoire montre que le développement humain n’a pas toujours été producteur d’émissions carbones en quantités démesurées, car après tout, la machine à vapeur n’est pas l’acte de naissance de l’humanité. Historien de l’art médiéviste, spécialiste des techniques et prospectiviste, Jean Gimpel a consacré sa vie à réhabiliter le Moyen-Âge. Il l’interprète comme une période de confiance dans le progrès, en considérant même que l’homme médiéval y croyait profondément à l’inverse de celui de l’Antiquité qui en ignorait le principe de linéarité. Gimpel voit dans le dynamisme technologique et culturel de la France des XIIe et XIIIe siècles une révolution industrielle à l’époque médiévale. Dans Les bâtisseurs de cathédrales[1], il écrit qu’« en l’espace de trois siècles […] la France a extrait plusieurs millions de tonnes de pierres pour édifier 80 cathédrales, 500 grandes églises et quelques dizaines de milliers d’églises paroissiales. ». Les terroirs sont remembrés, les paysans défrichent les forêts. En évoquant les activités textiles et l’abattage des bœufs qui polluent les eaux urbaines comme la Tamise à Londres et la Seine à Paris, Gimpel montre ainsi que l’environnement a été affecté et détérioré au Moyen-Âge, soit bien avant le XIXe siècle. Sur un territoire plus restreint qu’aujourd’hui, la France atteint les 20 millions d’habitants vers 1320, soit autant que la Scandinavie contemporaine. C’est le grand pas en avant des XIe – XIIIe siècles dont nos paysages contemporains portent encore la marque, décris par Marc Bloch dans Les caractères originaux de l’histoire rurale française[2]. Aujourd’hui, les clochers romans et gothiques dominent encore les paysages agraires et leurs vastes openfields à la sortie de l’agglomération parisienne. Les flèches des cathédrales sont toujours les monuments les plus hauts dans de nombreux départements français et la quasi-totalité des paroisses du bassin parisien connaissent des reconstructions d’églises durant le Moyen-Âge tardif. C’est en observant l’appareillage des plus grandes églises que certains historiens ont découvert que les bâtisseurs gothiques ont inventé la construction préfabriquée des pierres en carrière et sur le chantier. C’est une méthode à laquelle la France n’aura de nouveau recours en masse qu’après la Seconde Guerre mondiale avec la préfabrication lourde en panneaux prédéfinis, comme le système Camus pour la reconstruction des années 1950. De ce formidable progrès technique, Gimpel va même jusqu’à penser que l’agriculture du XIIIe siècle pourrait être un modèle d’aménagement pour perfectionner les techniques agricoles de ce que l’on appelait le « tiers-monde » durant les années 1970. Il en a déduit une vision non linéaire et cyclique de l’histoire, déterminée par les lois de l’innovation technologique où aux grandes périodes d’expansions succèdent des phases de « plateau technologique » (ralentissement de l’innovation) puis de déclin. Dès la fin du XIIIe siècle, le développement social et technologique entre en stagnation et correspond à ce que l’historien Emmanuel Le Roy-Ladurie appelle « l’histoire immobile » entre le XIVe et le XVIIIe siècles.

Le Moyen-Âge tardif fut une véritable époque de révolution industrielle portant les germes du productivisme et du rationalisme.

Méconnu dans l’Hexagone, l’historien et philosophe américain Lewis Mumford anticipe avec 70 ans d’avance certaines thèses de Bernard Stiegler sur la technique et le temps. Mumford écrit dans Technique et civilisation[3] que l’impact véritable de la technique sur la civilisation humaine et sur son environnement remonte à l’avènement au XIe siècle de l’« âge éotechnique » en Europe occidentale. Située à l’aube de la technologie moderne, cette ère, qui s’achève vers 1750, se caractérise par le développement de techniques nouvelles grâce à l’usage du fer et à la généralisation de l’énergie hydraulique et éolienne. Rigoureusement intransportable, celle-ci se manifeste par une grande dispersion géographique des sources de production grâce à la densité d’implantation des moulins, à la fois dans les zones urbaines et rurales. Les énergies renouvelables contemporaines en reprennent le principe de déconcentration spatiale mais avec une capacité de rendement et de transport plus élevée (voire peut-être de stockage contre leur intermittence). L’invention de l’horloge dans les monastères bénédictins et cisterciens marque l’avènement progressif de la mécanisation et du règne de la technologie sur la civilisation humaine, car c’est en mesurant le temps qu’on peut ensuite maîtriser l’invention du chemin de fer et, comme aujourd’hui, les technologies de communication. Quoique l’origine bénédictine des horloges ait été depuis remise en question, la thèse générale de Mumford dans Technique et civilisation rejoint l’idée de Gimpel selon laquelle le Moyen-Âge tardif fut une véritable époque de révolution industrielle portant les germes du productivisme et du rationalisme[4], au point qu’il devient difficile de donner une date précise à l’avènement de l’anthropocène. On pourrait d’ailleurs multiplier les exemples d’une incidence anthropique sur l’environnement et les paysages qui remonte même bien avant le Moyen-Âge, si l’on songe à la maîtrise de l’irrigation et à la naissance de l’agriculture en Mésopotamie.

Vers la fin du progrès technique ?

Ferons-nous toujours preuve d’un rationalisme conquérant comme nos ancêtres essarteurs de la Beauce ? Notre époque peut-elle encore s’engager sur la pente ascendante du progrès matériel, comme ce fut le cas dans la France du XIIIe siècle et le monde anglo-américain du XXe siècle ? Dans La fin de l’avenir, la technologie et le déclin de l’Occident, Jean Gimpel s’exerce à la prospective[5]. On y lit ces lignes surprenantes : « Depuis la contre-culture et Mai 68, la psychologie du Français, comme celle de l’Américain, s’est modifiée dans le sens d’une rupture avec l’avenir matérialiste ». Il imagine la fin du progrès technologique pour les décennies à venir, notamment sous les coups du combat écologiste, avec comme conséquence la stagnation du développement humain. Cet ouvrage nous renvoie à l’idée, difficile à admettre, du déclin économique et social de la France contemporaine. Cette hypothèse a été récemment interrogée par l’historien et anthropologue Emmanuel Todd dans Les luttes de classe au XXIe siècle[6]. A la suite de la crise économique de 2008, il entrevoit l’amorce d’une baisse du niveau de vie orchestrée par l’État en impliquant une remontée des conflits de classe pour les décennies à venir. Plutôt qu’un enrichissement de la classe moyenne supérieure (à l’exception des 1% les plus riches dont le revenu augmente), Emmanuel Todd conçoit une stabilisation des inégalités pour 99% de la population dont la baisse de niveau de vie se manifeste par un ensemble de variables démographiques comme la chute du taux de fécondité. L’ouvrage est paru un an après le début des gilets jaunes, un mouvement populaire dont la mobilisation originelle s’explique par le refus d’une augmentation de la taxation des prix du carburant. Lors des tout premiers évènements, les gilets jaunes ont été particulièrement nombreux à manifester dans les zones dont le niveau d’équipement a récemment décliné : un article du Monde en date du 15 janvier 2021 relevait que « 30% des communes ayant perdu leur supérette dans les dernières années ont connu un évènement gilets jaunes, contre 8% pour les autres ». En obligeant les habitants à effectuer des distances plus longues en voiture pour se rendre dans les commerces alimentaires, la taxation du carburant fournit l’exemple d’une mesure écologique qui affecte particulièrement les marges en sous-équipement où se concentrent les faibles revenus. L’écologie libérale fait ainsi baisser le niveau de vie.

La transition écologique va-t-elle porter un coup fatal en altérant définitivement la qualité de vie ? Il faut à tout prix l’éviter car la préservation de l’environnement suppose de limiter la quantité des biens matériels produits et mis à notre disposition. Nous sommes également bien plus nombreux sur Terre : de 500 millions à la fin du Moyen-Âge, nous sommes passés aujourd’hui à 7 milliards, ce qui nécessite toujours plus d’épuisement et de partage des ressources naturelles. En ce sens, la lutte des gilets jaunes pour le maintien du niveau de vie constitue, au sein du monde développé, l’avant-garde politique des conflits de demain, dans la droite lignée de la modernité politique initiée par la Révolution française.

Rebâtir notre modèle social et technologique pour lutter contre la baisse du niveau de vie

Il existe des solutions. En premier lieu, il faut conduire une politique keynésienne d’État social pour répartir les richesses inégalement détenues. Ensuite, une stratégie de souveraineté politico-économique et de réindustrialisation verte doit réconcilier la protection de l’environnement avec le redéploiement d’une production nationale. Enfin, le retour à l’aménagement volontaire du territoire permettrait d’articuler la gestion collective des ressources d’énergie en voie de raréfaction avec la garantie d’un accès universel et égalitaire à l’équipement sanitaire, commercial et culturel. Selon la définition qu’en donne Eugène Claudius-Petit au conseil des ministres en 1950, l’aménagement du territoire désigne l’action d’organiser harmonieusement l’implantation humaine dans l’espace afin de la disposer en fonction des « ressources naturelles » et des « activités économiques ». Il constitue la méthode la plus volontariste pour mener à bien les grandes réorientations industrielles et écologiques. Assez analogues à l’approche anglo-saxonne du welfare planning, ces trois programmes doivent permettre de lutter contre le déclin français en maintenant le meilleur niveau de vie possible à travers la transition écologique.

Il s’agit d’éviter ce que le géographe Jean Labasse dénomme « l’illusion technicienne » : ni emballement technophile d’un côté […], ni décroissance générale de l’autre […]. Une attitude raisonnable et sobre doit esquisser une troisième voie qui mêle high-tech et low-tech.

C’est ce que l’urbaniste écossais Patrick Geddes, repris par Lewis Mumford, appelait en quelque sorte de ses vœux par l’avènement d’un « âge néotechnique » fondé sur des circuits agricoles de proximité, une offre d’électricité sans charbon ni fer, et une technologie au service du bien-être de tous, qui n’aliène pas l’individu. Selon un modèle analogue, Jean Gimpel défendait l’initiative de la Technologie intermédiaire (Appropriate technology) visant à adapter les innovations techniques à la réalité historique et anthropologique des sociétés contemporaines, selon leur niveau de développement. Elle demeure aujourd’hui largement ignorée par l’écologie politique, si bien que l’UNESCO s’en est ému récemment en dénonçant l’absence de remise en perspective culturelle et anthropologique des scénarios de transition. Il s’agit d’éviter ce que le géographe Jean Labasse dénomme « l’illusion technicienne » : ni emballement technophile d’un côté, naïvement nourri par le solutionnisme de la géo-ingénierie ou de la smart city, ni décroissance générale de l’autre pour revenir à un supposé état de nature révélateur de la méconnaissance des lois de l’histoire humaine. Une attitude raisonnable et sobre doit esquisser une troisième voie qui mêle high-tech et low-tech selon les spécificités géographiques et historiques. D’un côté, contre les grands projets inutiles d’aménagement métropolitain et l’artificialisation des sols, il faut renouer avec les restaurations du patrimoine culturel et la préservation des terroirs (schéma d’affectation des sols, réimplantations des haies bocagères, remembrement écologique des openfields, spécialités culinaires et « produits » régionaux). L’économie planifiée doit servir la fabrication d’objets non obsolescents et durables, dans une quantité qui répond aux besoins réels, en réemployant parfois certaines méthodes anciennes au lieu de recourir constamment à l’innovation. De l’autre côté, il s’agit de développer des technologies de pointe utiles en passant à une diversité de sources d’énergie décarbonées qui garantissent l’emprise au sol la plus limitée possible pour préserver l’environnement, et de développer la recherche scientifique comme le projet de fusion nucléaire au centre d’études de Cadarache (Bouches-du-Rhône). Il faudra également maîtriser la décarbonation de l’industrie relocalisée. La possibilité d’un tel compromis raisonné entre low-tech et high-tech devra prouver que l’homme est suffisamment ingénieux pour différencier son œuvre de celle de la nature et subvenir à ses besoins sans (trop) épuiser les ressources terrestres. Car, après tout, il s’agira d’être rationaliste sans excès productiviste.

Notes :
1 – Jean Gimpel, Les Bâtisseurs de cathédrales, Paris: Seuil, 1958.
2 – Marc Bloch, Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris: Armand Colin, 1931.
3 – Lewis Mumford, Technique et civilisation, 1934, traduction et réédition française Paris: Parenthèses, 2016.
4 – Voir Lynn Townsend White, jr, The Historical Roots of Our Ecologic Crisis, chap. 5 in Machina ex Deo : Essays in the Dynamism of Western Culture, Cambridge, Mass., and London, England, The MIT Press, 1968, p. 75-94
5 – Jean Gimpel, La fin de l’avenir : la technologie et le déclin de l’occident, Paris: Seuil, 1992.
6 – Emmanuel Todd, Les luttes de classe au XXIe siècle, Paris: Seuil, 2020.

Les armes de la transition. Le géopolitologue : Bastien Alex

Bastien Alex est invité aux armes de la transition

Bastien Alex est géopolitologue, chercheur et professeur à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques et dirige l’Observatoire Défense et Climat. Cet organisme fournit notamment des études au Ministère des Armées sur les liens entre changement climatique, déstabilisation des sociétés et conséquences en termes de sécurité. Bastien Alex nous éclaire sur le rôle potentiel d’un géopolitologue dans le cadre de la transition écologique.

Les Armes de la Transition est une émission présentée par Pierre Gilbert et produite par Le Vent Se Lève. 

Cette émission a été enregistrée par Vincent Plagniol et mixée par Thomas Binetruy. 

La fausse relance ferroviaire de Macron

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L’accident de train du 22 octobre 1895 en Gare Montparnasse

« On va redévelopper le fret ferroviaire massivement. On va redévelopper les trains de nuit, là aussi, on va redévelopper les petites lignes de train parce que tout ça, ça permet de faire des économies et ça permet de réduire nos émissions. » Lors de l’interview télévisée du 14 juillet, le chef de l’État a présenté un discours étonnement volontariste sur l’avenir du transport ferroviaire. Moins de deux semaines plus tard, celui-ci a été suivi de nouvelles annonces de la part du Premier Ministre Jean Castex qui a énuméré les actions en faveur du fret ferroviaire. Enfin, le récent plan de relance économique du gouvernement a annoncé le 3 septembre dernier le chiffre de 4,7 milliards d’euros d’investissement. [1] L’exécutif serait-il soudainement devenu ferrovipathe ?


La relation entre le rail et l’Elysée a débuté sur un coup de force. Le rapport Spinetta, en février 2018, décrivait les petites lignes comme « héritées d’un temps révolu » et préconisait leur fermeture. Quelques mois plus tard, le gouvernement a engagé une grande réforme du rail avec la Loi pour un Nouveau Pacte Ferroviaire. Transformation de la SNCF en Société Anonyme, filialisation du fret, fin du statut de cheminot, concurrence : la « modernisation » promise ressemble alors à une destruction en règle du service public ferroviaire. Malgré une grève massive et historique des cheminots, la réforme a été adoptée le 27 juin 2018, au grand dam des syndicats et de l’intérêt des usagers. Un an plus tard, c’est la fermeture de la ligne de fret Perpignan-Rungis qui marque un nouveau coup, symbolique, contre le ferroviaire. Malgré les promesses de réouverture de la ligne par le gouvernement en novembre 2019, puis en décembre, et maintenant à l’automne 2020, les wagons sont toujours à l’arrêt. En décembre 2019, la Loi d’Orientation des Mobilités, présentée par le Gouvernement, affiche comme objectifs ambitieux de « Sortir de la dépendance automobile »,  « d’accélérer la croissance des nouvelles mobilités », de « réussir la transition écologique » et de  « programmer les investissements dans les infrastructures de transports ». Dans le secteur ferroviaire, les mesures proposées sont pourtant loin de renverser la table. La loi prévoit que seulement 49% des investissements dans les infrastructures soient alloués au rail, le reste pour le routier. Le Gouvernement en profite également pour mettre à l’arrêt la plupart des grands travaux sur le réseau. Pourtant, depuis les annonces de l’été, les chantiers du fret, des trains de nuit et des infrastructures semblent s’organiser. Que peut-on en attendre ?

Au fret, rien de nouveau

Alors que le volume des marchandises transportées augmente, celui du ferroviaire diminue depuis 1984. © Ugo Thomas [2]
Selon l’INSEE, en 1984 le fret français transportait 57,7 milliards de tonnes-kilomètres[3] contre 32 milliards de tonnes-kilomètres en 2018. De 30% de marchandises transportées par le rail en 1984[4], la part du ferroviaire s’effondre à 18% dix ans plus tard, jusqu’à atteindre 9% en 2018. En 34 ans la part du ferroviaire dans le transport de marchandises diminue donc de plus de 70%. Si dans l’ensemble de l’Europe la situation est assez inquiétante, le sort de la France est plus dramatique que celui de ses voisins. Les données d’Eurostat nous permettent d’apprécier cette évolution à l’échelle européenne. En Allemagne, le trafic de fret ferroviaire a connu une hausse de 50%[5] entre 2003 et 2018. La dynamique est aussi positive en Autriche, en Suède et de manière plus nuancée en Italie. Si l’Espagne et le Royaume Uni ont, comme la France, vu une diminution de leurs volumes transportés par le fret ferroviaire (environ -10% pour les deux premiers depuis 2003), seule la France connaît une chute si importante. Alors que les trafics allemands et français étaient équivalents dans les années 1990, le trafic français est aujourd’hui quatre fois inférieur à celui Outre-Rhin. Enfin, alors que la part moyenne du fret ferroviaire dans le transport de marchandises en Europe est de 18%, cette même valeur se situe aujourd’hui en France dix points en deçà, c’est à dire à 9%.

La France connait l’un des pires bilans européens pour le fret ferroviaire. Loin derrière ses voisins. © Ugo Thomas

Trois éléments permettent habituellement d’expliquer cette situation : la désindustrialisation, le manque de connexions entre les infrastructures portuaires et ferroviaires et la concurrence de la route. Le routier présente en effet de nombreux avantages pour les entreprises : fiable, peu coûteux, les transporteurs y bénéficient également d’un réseau très dense permettant de desservir directement tout le pays. De plus, l’arrivée d’entreprises de transport routier d’autres États membres de l’Union Européenne permet aux transporteurs d’utiliser de la main d’œuvre étrangère avec des prétentions et des droits salariaux moindres que ceux attendus normalement en France.

Pourtant ces différents facteurs n’expliquent pas l’ensemble du déclin du fret ferroviaire. La situation dans le reste de l’Europe montre que malgré la désindustrialisation et l’émergence du transport routier, le fret ferroviaire peut persister et avec une part de marché plus importante que celle que nous connaissons en France. De plus, le fret ferroviaire est aujourd’hui moins coûteux que le transport par camion sur les longues distances. Un kilomètre avec un camion de 40 tonnes coûtait ainsi 1,20€ en 2007 contre 0,51€ pour un train de 1800 tonnes ramené au même poids.[6]

C’est dans la libéralisation et la mise en concurrence du fret ferroviaire que l’on trouve une autre source de ce déclin. De la séparation entre le gestionnaire des lignes et le transporteur en 1991 à la mise en concurrence du fret en 2004, l’Union Européenne a mené la chasse aux financements publics du fret. Les subventions des États aux activités fret ont été interdites et la chasse aux subventions croisées a mené à ce que les postes, alors mutualisés, soient dissociés. Les transporteurs privés ont alors pris en charge les trains massifs[7], plus rentables, laissant le marché des wagons isolés à Fret SNCF[8]. Alors que le fret embauchait encore plus de 10 000 cheminots avant l’ouverture à la concurrence en 2005, il en reste aujourd’hui moins de 5000.

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La gare de triage de Sotteville-lès-Rouen, devenue depuis une cimetière ferroviaire © Mouliric

La relance de Jean Castex, des demi-mesures pour préserver le statu quo

Le plan de relance du gouvernement annoncé le 3 septembre se contente en réalité de reprendre les mesures que le Premier Ministre avait déjà exposées le lundi 27 juillet. L’intention affichée par le gouvernement est de relancer le fret ferroviaire à partir du développement d’autoroutes ferroviaires, des transports combinés et avec la gratuité des péages ferroviaires pour 2020, puis la division par deux de leur prix en 2021. A ces annonces s’ajoute également la volonté de recapitaliser à hauteur de 150 millions d’euros le fret.

Cette subvention prouve que la libéralisation du fret ferroviaire est un échec. Elle va seulement permettre à Fret SNCF de ne plus être déficitaire temporairement : l’argent va uniquement permettre un maintien du trafic actuel sans envisager des investissements importants dans les infrastructures.

Le « transport combiné » couple quant à lui une partie du trajet en camion et une autre en train à partir d’un terminal de transport combiné avec d’importants corridors qui traversent la France et s’inscrivent dans une logique européenne. Ce système, déjà mis en avant par les précédents plans de relances, a pourtant de sérieuses limites. Il ne relie que peu de points de dessertes et, à ce titre, est peu flexible. De plus, le transport combiné s’appuie sur un simple ferroutage : le camion est mis sur un wagon. Cette technique reste donc bien moins économique que d’utiliser directement un wagon standardisé. L’annonce de Jean Castex, qui s’appuie déjà sur de précédents projets d’autoroutes, ne peut donc pas entraîner un report massif vers le fret ferroviaire. Et pour cause, en France, 63% du transport de marchandises concerne le trafic intérieur. Comme le dit Laurent Brun, secrétaire général de la CGT Cheminot, « Les autoroutes ne servent à rien sans routes départementales et communales ! »

Le ferroviaire, champion écologique du transport de marchandises

La situation du fret ferroviaire ne cesse de se détériorer malgré les plans de relances proposés. Pourtant, il est au cœur d’une forte demande de la part des citoyens, faisant figure de transport « propre » notamment à travers ses avantages face au transport routier.

Le transport routier est en effet à l’origine d’une forte pollution atmosphérique. Il émet quatre gaz à effet de serre différents (CO2, N2H, CH4 et HFC) et génère à lui seul 33,9% des émissions de CO2 en France en 2008 contre moins de 30% en 1990[9]. Le constat à valeurs égales est sans appel : le rapport Bain a conclu que le transport routier émet en France 82 grammes de CO2 par tonne-kilomètre contre 8 g/t-km pour le ferroviaire. Les données de l’Agence européenne de l’environnement recoupent en partie ces chiffres. Pour celle-ci, à l’échelle de l’Union européenne, le ferroviaire émet en 2018 20,97 g/t-km contre 75,33 g/t-km pour le routier. Ainsi, le fret ferroviaire qui ne transporte en France qu’un dixième des marchandises émet pourtant quatre à dix fois moins de CO2. En 2008, un rapport du Sénat affirmait que le bilan écologique du transport de marchandises était de 2 grammes/km de CO2 pour un train électrique et 55 grammes/km pour un train thermique contre 196 grammes/km pour un seul camion semi-remorque de 32 tonnes. Le fret ferroviaire français, l’un des plus électrifiés d’Europe, pourrait émettre encore moins s’il se séparait de ses vieilles locomotives diesel. Au-delà du bilan écologique, le fret ferroviaire peut également se vanter de participer à l’équilibrage du territoire en reliant des régions parfois mal desservies par la route.

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Aux USA, un réseau adapté permet de transporter deux conteneurs par wagons sur plusieurs kilomètres, une technologie impossible à renouveler en France sans adapter l’ensemble du réseau ferroviaire. © Dan

Les solutions pour relancer l’activité fret

Le principal problème du fret ferroviaire ne vient pas d’un manque d’innovation mais bien de la concurrence avec le transport routier. L’avantage de la route sur le rail repose sur le fait que les conséquences du transport routier ne sont pas prises en compte dans le prix : on parle d’externalités négatives. En plus de ce que débourse un transporteur, les citoyens vont payer deux fois le transport routier. Une première fois en payant par leurs impôts à travers les péages, la construction et la maintenance des infrastructures routières, puis une seconde fois à travers les incidences du trafic routier sur leur santé et leur qualité de vie. Outre l’impact écologique désastreux du transport routier, les embouteillages ou encore les nuisances sonores sont les conséquences directes du transport massif de marchandises sur les routes.

Depuis le début du déclin du fret ferroviaire au milieu du siècle dernier, ce sont 1,8 millions de camions qui ont été mis sur les routes. Un report modal massif du routier vers le ferroviaire aurait pourtant de nombreuses conséquences positives. Un seul train fret équivaut à 55 poids lourds de 32 tonnes, le tout pour moins de CO2 et sans toutes les conséquences du tout-routier sur la santé et la qualité de vie. Mais pour ce faire, trois actions sont nécessaires : investir massivement dans le fret ferroviaire (cheminots, infrastructures, réseau), remettre en cause la libéralisation du fret ferroviaire et répercuter l’ensemble des conséquences, sociales et écologiques, du transport routier sur son prix.

Le vrai faux retour des petites lignes

Les « petites lignes » représentent aujourd’hui 44% du réseau ferré[10] en opposition aux « lignes structurantes ». Héritières de l’histoire ferroviaire française, elles trouvent leur apogée en 1930 quand le réseau ferré s’étale alors sur 60 000 km de lignes. La diminution de la longueur du réseau trouve son origine dans la concurrence avec la route et la diminution du fret. Aujourd’hui il ne reste plus que 28 000 km de réseau dont seulement 7% sont constitués de Lignes à Grande Vitesse. La différenciation entre réseau structurant et petites lignes repose sur la hiérarchisation par l’Union Internationale des Chemins de Fer des voies en neuf catégories. Ce critère est pourtant destiné initialement à la maintenance des voies. Cette classification se fait suivant la charge théorique supportée par l’infrastructure et les petites lignes sont celles avec un trafic théorique inférieur à 7000 tonnes. Cet indicateur est loin d’être idéal puisque faussé par le trafic du fret, plus lourd que le trafic voyageur. Un seul train de fret de 1800 tonnes équivaut ainsi à 11[11] automoteurs à grande capacité de quatre caisses (220 places) ou 35[12] autorails mono-caisse (78 places). Cette nomenclature faussée a pourtant été la boussole des décisions publiques des derniers rapports (Rapports Rivier et Putallaz 2005, Putallaz et Tzieropoulos 2012 ; Spinetta 2018). Cette erreur de compréhension va par exemple pousser Jean-Cyril Spinetta à considérer que les petites lignes sont un coût, une faiblesse, du réseau français. Pourtant, ces voies sont essentielles pour assurer une desserte fine des territoires. Sur l’ensemble des petites lignes, 27% sont sans voyageurs car réservées au fret et dont la suppression serait un coup violent pour le trafic ferroviaire.

La France connaît également un autre phénomène ferroviaire particulier en Europe : sa politique d’entretien des voies. Alors que chez tous ses voisins européens, les dépenses des infrastructures se tournent prioritairement vers le renouvellement des voies et ensuite vers l’entretien de l’existant, c’est l’inverse qui se produit en France. Cette politique occasionne un vieillissement rapide du réseau français. Aujourd’hui, celui-ci affiche un âge moyen de 30 ans, avec près d’un quart des lignes ayant dépassé leur durée de vie normale. L’investissement de 1,5 milliards entre 2006 et 2015 a permis de réduire de 10 ans cet âge sur les petites lignes, hors fret, passant leur moyenne d’âge de 47 ans à 38 ans. Pourtant il faudrait aujourd’hui 5 milliards d’euros pour effectuer un renouvellement complet des lignes sans lequel près de 4 000 km de voies seraient menacés d’ici 2026.

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L’autorail X73500, l’un des trains français les plus léger symbolise les petites lignes TER souvent non-électrifiées © Snoopy31

Une relance hiérarchisée

La relance des petites lignes s’appuie sur un rapport[13] du recteur Philizot de février 2020. Celui-ci y recommande de hiérarchiser les petites lignes, d’établir rapidement un plan à moyen terme et de développer les trains légers. Les annonces qui suivirent reprendront strictement ses propositions. La hiérarchisation est faite en trois catégories : les petites lignes essentielles qui entrent dans le réseau structurant, financé par SNCF Réseau, le maintien du cofinancement Etat-SNCF-Région sur les lignes les plus rentables et le transfert total de la gestion des plus petites lignes aux Régions. Pour les lignes intégrées au réseau structurant, cette décision ne fait qu’augmenter le déficit de SNCF Réseau en leur donnant la responsabilité de l’entretien et de la régénération de ces lignes alors qu’elles étaient financées à 92% par la puissance publique[14]. Les lignes laissées à la gestion des Régions risquent quant à elles, d’être ouvertes à la concurrence. En région Grand-Est, les élus ont déjà voté l’ouverture à la concurrence de la ligne Nancy-Contrexéville et de certains tronçons entre Epinal et Strasbourg.

Le second point sur lequel s’appuie le gouvernement pour relancer les petites lignes est le développement des trains légers. Sans que le cahier des charges soit précisément connu, l’objectif semble s’orienter vers des trains peu coûteux, avec une capacité réduite, une masse limitée et le souhait d’une traction à hydrogène. La grande difficulté du train léger est sa vitesse limitée qui risque de l’empêcher de concurrencer l’autocar ou la voiture sur la durée[15]. La réduction capacitaire risque également de rencontrer ses limites dans les afflux de voyageurs aux heures de pointes ou lors des correspondances avec des liaisons plus importantes[16].

Les petites lignes, un outil pour développer les mobilités de demain

Alors que le plan de « relance » du gouvernement constitue en réalité l’aveu d’un abandon d’une partie des petites lignes aux Régions, les enjeux de ces dessertes mériteraient mieux.  Dans une société dépendante de voitures à combustible fossile, le développement de ces lignes s’inscrit dans l’impératif de l’urgence écologique. De plus, dans des territoires enclavés, éloignés des grandes aires urbaines et des centres économiques, la survie des petites lignes conditionne l’avenir de la région. Dans les territoires périurbains, le TER peut pourtant s’intégrer dans l’offre de transports métropolitains avec le développement du tram-train ou la mise en place d’une tarification unique pour les TER et les services de transports de l’agglomération. Enfin, l’offre TER gagnerait à intégrer les enjeux de l’intermodalité avec le développement de places pour les vélos. Loin d’être issues d’un temps révolu, le succès des petites lignes dépend aujourd’hui des politiques de transport.

Le train, transport d’avenir pour la transition écologique

L’un des enjeux majeurs de la transition écologique est la limitation du réchauffement climatique. L’objectif que se sont fixés les Etats lors de la COP21 de limiter à 2°C la hausse des températures ne peut être atteint que par une stratégie qui vise à décarboner l’économie. Alors que le secteur des transports est celui qui dégage le plus de gaz à effet de serre (29%[17] des émissions territoriales), le bilan du ferroviaire y est particulièrement positif. Si les comparatifs d’émissions de gaz à effet de serre donnent des chiffres très différents, tous consacrent le train comme étant de loin le transport le plus écologique face à la voiture et à l’avion[18]. Sans parler du transport de marchandises où les trains sont 4 et 10 fois moins polluant.
Pourtant, la suppression des petites lignes et des dessertes de nuit pousse les voyageurs à s’orienter vers l’aviation, subventionnée dans les petits aéroports via des délégations de services publics[19], et low-cost sur les trajets les plus importants. Dans les aires urbaines, l’absence d’offre ferroviaire attractive économiquement et sur l’ensemble de la journée ne permet pas de concurrencer la voiture individuelle.

Entre la voiture et l’avion, sur les trajets du quotidien comme sur le continent européen, le train se positionne comme le mode de transport écologique du futur. Pourtant, le manque d’ambition des gouvernements successifs et son abandon au profit de la voiture ont conduit à la diminution de son offre voyageur et fret. Les grands plans de « relance » ou de « redéveloppement » du ferroviaire promis par le gouvernement ne permettront, au mieux, qu’à préserver le statu quo. Néanmoins, sur le volet social, la mise en place de la concurrence dans les réseaux imposée par l’Union Européenne et mise en place par le gouvernement risque de donner dans les années à venir, un nouveau coup au service public ferroviaire.


[1] Toutes les mesures du plan de relance, Gouvernement, 3 septembre 2020, page 90. Disponible en ligne sur : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/plan-de-relance/annexe-fiche-mesures.pdf

[2] Transport intérieur terrestre de marchandises par mode, Données annuelles de 1984 à 2018, INSEE. Disponible en ligne sur : www.insee.fr/fr/statistiques/2016004

[3] Le tonne-kilomètre est une unité de mesure de quantité de transport correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre.

[4] INSEE, op. cit.

[5] Goods transported by type of transport (2003-2018), EUROSTAT [rail_go_typepas].

[6]  Pertinence du fret ferroviaire, diagnostic, SNCF, avril-mai 2009. https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/104000519.pdf

[7] Les trains massifs sont des trains fret qui ne nécessitent pas d’être réorganisés en cours de voyage, en opposition avec les wagons isolés qui doivent passer par des gares de triage.

[8] Fret SNCF regroupe les activités fret de la SNCF. Il s’agit aujourd’hui d’une SAS détenue par SNCF.

[9] Francis GRIGNON, au nom de la commission de l’économie, Avenir du fret ferroviaire : comment sortir de l’impasse ? Rapport d’information n°55 du Sénat, 20 octobre 2010. Disponible en ligne sur : https://www.senat.fr/rap/r10-055/r10-055.html

[10] SPINETTA J.-C. L’avenir du transport ferroviaire, rapport au Premier Ministre remis le 15 février 2018, 127 p. Disponible en ligne sur : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2018.02.15_Rapport-Avenir-du-transport-ferroviaire.pdf

[11] Moyenne entre le X76500 diesel et le Z27500 électrique.

[12] X73500, train le plus léger en service dans de nombreuses régions pour les petites lignes.

[13] Ministère de la Transition Ecologique Petites lignes ferroviaires – Des plans d’actions régionaux, , 20 février 2020. Disponible en ligne sur : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200220_JBD_DP_Petites_lignes_vf.pdf

[14] Sur les 240 millions d’euros d’engagements financiers pour la régénération des voies entre 2015 et 2018, 8% était assuré par la SNCF, 25% par l’Etat et 67% par les Régions

[15] Actuellement le X73500 s’approche le plus de cette description avec ses 80 places pour 50t

[16] Le X73500 subit déjà ces critiques et il sera difficile de produire un train plus léger avec un même niveau de service.

[17] AEE, 2018.

[18] 14gCO2/voy-km pour le train, 104 pour la voiture et 285 pour l’avion selon l’Agence européenne de l’environnement ; 3,4g pour le train, 110g pour la voiture, entre 73 et 254g pour l’avion selon le guide InfoGES du ministère de la transition écologique ; 1,9 à 26,5g pour le train, 213g pour la voiture et 172g pour l’avion selon la SNCF.

[19] La FNAUT pointe du doigt 11 lignes exploitées sous Obligation de service public dans l’hexagone.