Le 6 Novembre avaient lieu les élections intermédiaires (midterms) au Congrès américain (Chambre des Représentants et Sénat). Elles avaient valeur de test national sur la popularité (chancelante) de l’Administration Trump. Si le Trumpisme “perd des plumes” suite aux midterms, il a tenu le choc. Ces élections n’ont certes pas été “un grand jour” pour les Républicains comme le prétend Donald Trump, mais les Républicains confortent leur majorité au Sénat, en gagnant trois sièges sur les Démocrates. Toutefois, ils perdent le contrôle de la Chambre des Représentants au profit des Démocrates, qui gagnent également 7 postes de gouverneurs.
Chambre des représentants vs Sénat : des contextes différents
Ces résultats contradictoires à la Chambre des Représentants et au Sénat s’expliquent en partie par des contextes différents. Dans le cas de l’élection à la Chambre des Représentants (entièrement renouvelée tous les deux ans), les Républicains partaient avec un handicap dans la mesure où plusieurs dizaines de sortants ne se représentaient pas ; ce qui donnait un avantage tactique aux Démocrates. Dans le cas du Sénat, au contraire, les 35 sièges (sur 50) soumis à élection étaient majoritairement détenus par des Démocrates. Complication supplémentaire, une large partie des sièges Démocrates soumis à renouvellement étaient situés dans des Etats pro-Républicains ( les “red states”) ou ayant voté pour Trump en 2016.
Une majorité républicaine confortée au Sénat
Les Démocrates ont, sans surprise, perdu trois sièges dans les “red states” du Missouri, du Dakota du Nord et de l’Indiana. En revanche, la courte défaite (de 0,22 points) du Sénateur Bill Nelson en Floride reste à confirmer, “dans la mesure où dans cet Etat la loi veut que si moins de 0,5 point sépare les deux finalistes, un nouveau dépouillement soit automatiquement ordonné”. Les Démocrates sauvent (parfois de justesse) leurs sièges dans le Montana, en Virginie Occidentale, en Ohio, dans le Wisconsin, en Pennsylvanie et dans le Michigan. Et ils gagnent un siège sur les Républicains dans le Nevada et pourraient en gagner un second en Arizona si l’avance de la candidate Démocrate se confirme.
L’autre surprise de ces élections Sénatoriales est le score impressionnant obtenu par le candidat Démocrate au Texas, Beto O’ Rourke, qui obtient 48,3% face au Sénateur sortant Républicain et conservateur Ted Cruz (50,9%). Cette performance est liée à la campagne populiste inspirée de Bernie Sanders, menée par Beto O’Rourke : refus du financement des Super PACs, assurance maladie universelle et publique, légalisation de la marijuana… Les Démocrates ont décroché, dans son sillage, deux sièges supplémentaires au Texas à la Chambre des Représentants. Le Texas serait-il en train de devenir un “swing state” ?
Chambre des Représentants : un référendum anti-Trump
Les élections à la Chambre des Représentants ont fonctionné comme un référendum anti-Trump. Contrairement au Sénat, l’ensemble des sièges était remis en jeu, dans un contexte où 52% des Américains désapprouvent la politique menée par l’Administration Trump.
Cette victoire des Démocrates présente plusieurs caractéristiques saillantes : les “suburbs” (banlieues pavillonnaires) ont basculé de leur côté et ont fait la différence. Les Démocrates étant traditionnellement hégémoniques dans les zones urbaines et les Républicains dans les zones rurales, c’est là que se jouait le scrutin. Les Démocrates renforcent leur hégémonie dans leurs zones de forces traditionnelles que sont l’Illinois, New York, la Californie ou le New Jersey. Ils progressent dans les Etats à forte composante hispanique : Arizona, Floride, Texas, Nouveau-Mexique, Colorado. Le discours raciste et anti-migrants de Trump a sans aucun doute pesé dans la mobilisation de l’électorat démocrate dans ces Etats. En revanche, le rééquilibrage des forces n’est que partiel dans les Etats du Midwest (qui avaient voté pour Trump en 2016) : si les Démocrates progressent dans le Michigan et en Pennsylvanie ; ils obtiennent des résultats médiocres dans le Wisconsin et l’Ohio.
Démocrates : +7 postes de gouverneurs
Les élections aux postes de gouverneurs (36 postes étaient soumis à élection) confirment ces tendances. Les Démocrates l’emportent dans deux Etats à forte composante hispanique (Nevada et Nouveau Mexique) mais échouent (de peu) en Floride. Dans le Midwest, ils emportent trois Etats (Illinois, Michigan, Wisconsin), mais échouent en Iowa et dans l’Ohio. Ils remportent également deux “petits” Etats : le Maine et le Kansas.
Dans trois Etats, les Démocrates présentaient au poste de gouverneur des candidats issus de la communauté afro-américaine : Stacey Abrams en Géorgie, Ben Jealous dans le Maryland et Andrew Gillum en Floride. Tous trois étaient soutenus par le mouvement de Bernie Sanders Our Revolution. Tous trois ont perdu. Si la défaite de Ben Jealous face à un sortant populaire était prévisible, celle d’Andrew Gillum, une des étoiles montantes du parti Démocrate, est plus décevante. Le cas de la Géorgie reste en suspens pour le moment ; la candidate Démocrate refusant de concéder la défaite et attendant le décompte final.
Quels impacts sur la politique intérieure étatsunienne ?
La victoire des Démocrates à la Chambre des Représentants va certes compliquer la mise en oeuvre des projets de l’Administration Trump. “Les Démocrates vont forcer Donald Trump à rendre des comptes sur bien des sujets – ses impôts, le budget fédéral, l’abîme de conflits d’intérêts que représente sa présidence. Un peu renforcée, la majorité Républicaine au Sénat, de son côté, écarte toute possibilité de procédure en destitution.” Néanmoins, Trump reste en situation de se représenter aux élections présidentielles de 2020.
Les grands équilibres au sein du Parti Démocrate n’ont pas été bouleversés par ces élections. Il reste dominé par son aile centriste voire droitière. Le mouvement de Bernie Sanders n’est parvenu à faire élire qu’une dizaine de Représentants au Congrès (dont deux affiliés au DSA). On peut citer Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Deb Haaland, Veronica Escobar, Ilhan Omar, Raul Grijalva, Jesus Chuy Garcia.
Les 7 postes de gouverneurs gagnés par les Démocrates sont loin d’être négligeables pour l’avenir, dans la mesure où les gouverneurs organisent le scrutin présidentiel et participent au redécoupage des districts et circonscriptions électorales.
Ces élections dessinent peut-être une nouvelle géographie électorale : des Etats traditionnellement Républicains comme le Nevada, l’Arizona voire le Texas pourraient basculer dans l’escarcelle Démocrate (du fait de la politique anti-migrants), tandis que Trump conserverait l’avantage dans la “Rust Belt” (Wisconsin, Ohio, Michigan, Iowa), en mettant en avant sa politique protectionniste.