Le mythe de la droite progressiste

La nomination d’Edouard Philippe en tant que Premier ministre assume la volonté du président Macron de mener une politique de droite. De droite certes, mais paraît-il qu’il s’agirait d’une droite moderne, ouverte, progressiste, finalement une droite qui ne serait pas si éloignée de la gauche. Le centre-droit incarné par Edouard Philippe, inoffensif ?

 

Peut-être moins effrayant qu’un filloniste…

L’ampleur de cette farce s’est dessinée lors des primaires de la droite en 2016. Face au discours très dur de Nicolas Sarkozy, notamment sur l’immigration et par ses propos stigmatisant les musulmans, Alain Juppé est apparu plus modéré – à l’époque, Fillon était encore discret. Quand l’ex-président gesticulant occupait l’espace médiatique à coup de propositions chocs et clivantes, le courant juppéiste souhaitait incarner la “raison” pour rassurer les électeurs. En bref, Sarkozy, par ses excès, faisait de son adversaire principal le représentant d’une droite modérée, si bien que des électeurs de gauche sont même allés jusqu’à voter pour lui. Dès lors, les Bruno Le Maire, NKM et autres Benoît Apparu semblaient appartenir à ce qu’on appellera curieusement l’aile gauche de LR.

La duperie réside dans le fait de considérer cette droite comme modérée et donc moins dangereuse. Si on lui concèdera un positionnement moins hystérique que la branche sarkozyste sur les questions sécuritaires, la droite ne reste pas moins porteuse d’un projet destructeur pour notre modèle social : Juppé le modéré défendait lui-même la suppression de 250 000 postes de fonctionnaires, la suppression de l’ISF ou encore la dégressivité des allocations chômage.

… mais la casse sociale sera la même 

Ce mythe de la droite modérée s’inscrit dans une continuité de prises de position qui visent à déplacer le centre de gravité de la scène politique toujours plus vers la droite. Forcément, quand un président élu sur un programme de gauche applique une politique économique de droite, la droite elle-même paraît moins effrayante.

Edouard Philippe incarne parfaitement ce faux progressisme de droite : parce qu’il a été juppéiste, et même rocardien dans sa jeunesse, il est perçu comme moins brutal, moins dangereux pour les travailleurs. Et pourtant, son bilan parle pour lui : vote systématique contre les très rares avancées sociales du quinquennat Hollande alors même que certains députés LR ont su s’affranchir des consignes partisanes quand les mesures leur paraissaientt d’intérêt général, quand il ne défend pas carrément les centrales à charbon. Le creusement des inégalités et l’aggravement de la précarité des travailleurs ou encore l’absence d’ambition écologique mèneront au même désastre, qu’ils soient portés par des xénophobes de droite ou des européistes très ouverts que l’on situe au centre-droit.

Il n’existe pas de modération dans la violence sociale. Le projet du président lui-même est à ce titre extrêmement dangereux : rien de modéré dans le massacre des protections sociales avec la réforme du marché du travail qui se prépare. La logique néolibérale ne peut pas être négociée à la marge, elle doit être combattue avec intensité pour être renversée au profit d’une autre organisation économique et sociale.

 

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