Etats-Unis : la grève des ouvriers de l’automobile largement soutenue par les Américains

Grève de l’UAW aux Etats-Unis. © Adam Schultz

Depuis une semaine, le secteur de l’automobile connaît d’importantes grèves aux Etats-Unis. Après le refus des trois grandes entreprises  américaines – General Motors, Ford et Chrysler, rattaché au groupe Stellantis – de répondre aux revendications des travailleurs, le principal syndicat du secteur, l’United Automobile Workers (UAW) a déclenché un mouvement d’arrêt du travail, soutenu par d’importantes caisses de grèves. D’après les enquêtes d’opinion, les Américains se reconnaissent largement dans les paroles du président de l’UAW, qui a déclaré « se battre pour le bien de l’ensemble de la classe ouvrière ». Par Luke Savage, traduit par Jean-Yves Cotté [1].

Pour la première fois depuis presque quatre-vingt-dix ans, le syndicat United Automobile Workers (UAW) a entamé une grève chez les trois plus grands constructeurs automobiles. La décision audacieuse qui fait écho au ton offensif et très militant de sa nouvelle direction, élue lors d’un vote historique il y a quelques mois. Parmi les revendications de l’UAW figurent la fin du système des rémunérations à deux vitesses, l’amélioration de la protection sociale et des pensions de retraite et une augmentation des salaires de 40 %.

Dans la lignée des plus grandes heures de la tradition syndicale américaine, son président Shawn Fain n’a pas hésité à présenter cette grève comme un élément d’une stratégie de plus grande envergure menée au nom des ouvriers contre le pouvoir des grandes entreprises. « S’ils ont de l’argent pour Wall Street, ils en ont forcément pour les ouvriers qui fabriquent les produits. » a-t-il souligné récemment. « Nous luttons pour le bien de toute la classe ouvrière et des pauvres. » La conviction de Fain n’est pas infondée : rien qu’au cours de la dernière décennie, les trois grands constructeurs automobiles (Ford, General Motors et Stellantis) ont engrangé quelque 250.000 milliards de bénéfices – pour l’essentiel au cours des quatre dernières années, qui ont vu les profits exploser de 65 %.

Alors qu’on dit souvent les Américains réticents à la lutte des classes et à l’action sociale, un nombre considérable d’Américains semblent d’accord avec Fain. Le soutien de l’opinion publique aux syndicats a considérablement augmenté ces dernières années ; en 2021 l’institut de sondage Gallup a enregistré un niveau d’approbation de l’action syndicale de 67%, un chiffre jamais atteint depuis cinquante-six ans et qui demeure à peu près stable depuis. L’évolution est assez spectaculaire : en 2009, seuls 48% des Américains se disaient favorables aux luttes syndicales. Ce soutien massif de l’opinion explique sans doute pourquoi Joe Biden a eu des paroles plutôt positives à l’égard des syndicats – même si son action sur le sujet n’est pas brillante – comparé à son prédécesseur démocrate Barack Obama.

Si ces dernières années les syndicats ont recueilli toujours plus l’approbation de l’opinion publique dans son ensemble, le soutien apporté à l’UAW apparaît à la fois écrasant et transpartisan. Selon un autre sondage Gallup, réalisé juste avant la fête du Travail, quelque 75 % des Américains se disent solidaires des ouvriers de l’automobile. D’autres actions syndicales en cours, telle la grève des scénaristes de cinéma et de télévision et celle des acteurs, jouissent également d’un fort soutien.

Le climat actuel est donc sensiblement différent de celui qui régnait lors de la dernière crise économique d’ampleur que le pays a connue après 2008. Même si le paysage politique et culturel est sans doute plus polarisé aujourd’hui qu’à l’époque, la cause syndicale résonne désormais à un degré jamais atteint depuis au moins une génération.

À cet égard, la grève conduite par l’UAW est à même de déboucher sur un changement significatif, et potentiellement porteur de transformations, au-delà de l’industrie automobile – surtout si les ouvriers finissent par remporter la mise. Ainsi, comme le déclarait l’historien Nelson Lichtenstein, auteur d’un ouvrage sur le syndicalisme à Detroit, dans Jacobin : « Shawn Fain et les ouvriers de l’automobile retrouvent l’enthousiasme et le soutien dont jouissait l’UAW quand il était synonyme d’avant-garde en Amérique. »

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Un chiffre témoigne de ce regain d’intérêt pour les syndicats et le recours à la grève : avant même que l’UAW ne se mette en grève, les débrayages avaient déjà augmenté de 40 pour cent en 2023 par rapport à l’an dernier. Partout aux États-Unis, les ouvriers cessent le travail et ce faisant bénéficient d’un large soutien de l’opinion publique. « Je sais que nous sommes du bon côté dans ce combat », a fait remarquer Fain en début de semaine avant que la grève ne commence. « C’est un combat de la classe ouvrière contre les nantis, des pauvres contre les riches, de ceux qui n’ont rien contre la classe des milliardaires. » Massivement, les Américains semblent en convenir.

Notes :

[1] Article originellement publié par notre partenaire Jacobin