Les nouvelles sont de plus en plus affolantes sur le front de l’environnement. Ce mercredi 2 août, nous entrons en dette écologique. Cela signifie que nous avons consommé tout ce que la planète était capable de produire en une année. A partir, d’aujourd’hui nous vivons à crédit. Les scientifiques nous annoncent qu’il nous reste 5% de chances de maintenir le réchauffement climatique sous le seuil fatidique des deux degrés. Et pendant ce temps là, le Conseil Constitutionnel valide le CETA et le gouvernement coupe leurs aides aux producteurs bio.
Global Footprint Network nous annonce que nous entrons en dette écologique. A partir d’aujourd’hui, pour continuer à vivre, nous allons prendre à l’écosystème plus que ce qu’il n’est capable de reconstituer. En se basant sur 15 000 données de l’ONU, cet institut de recherche international nous apprend que l’exploitation humaine des ressources est supérieure à la capacité de la planète de reconstituer ses réserves. Cette année, nous consommerons les ressources naturelles qui pourraient être produites par 1,7 planètes en 1 an.
Depuis 40 ans, cette surconsommation des ressources naturelles évolue à un rythme exponentiel. En 1961, nous n’avions besoin que de trois quarts des ressources produites par la Terre en un an. C’est en 1970, que pour la première fois, nous avons consommé plus que ce que la planète est capable de reconstituer. Depuis, la date approche d’années en années : le 5 novembre en 1985, le 1er octobre en 1998, le 20 août en 2009. Et donc le 2 août cette année. Si nous ne mettons pas immédiatement un coup d’arrêt à cette course folle à la consommation, en 2030, nous avalerons l’équivalent de ce que peuvent produire deux planètes en une année. Et encore, de nombreuses critiques avancent que cet indicateur ne tient pas suffisamment compte de la destruction de la biodiversité, de l’épuisement des sous-sols ou de la consommation d’eau.
Évidemment, tous les être humains ne sont pas responsables de la même manière de cette énorme empreinte écologique que nous laissons. Si la civilisation humaine adoptait le mode ds vie américain – comme on nous invite régulièrement à le faire du reste – nous aurions besoin de 5 planètes. Le mode de vie Chinois requiert, lui, 2,1 planètes. Le mode de vie Indien nous demanderait seulement un peu plus d’une demie planète. Ce comptage est un peu absurde tant il est vrai que cette fête ne durera pas longtemps (et que les 10% les plus riches sont nettement plus responsables que les ménages pauvres de l’empreinte écologique) mais il nous permet de souligner ce fait : l’empreinte écologique des pays développés est cinq fois supérieure à celle des pays pauvres. Aurélien Boutaud, consultant et coauteur de L’Empreinte écologique (La Découverte, 2009) ajoute que « Si on regarde les seules émissions de gaz à effet de serre, par exemple, on peut avoir l’impression que les pays riches les ont réduites. En réalité, ils en ont délocalisé une partie vers les pays pauvres. L’empreinte carbone de la France est ainsi d’environ 40 % supérieure à ses rejets carbonés. »
Comment inverser la tendance ? Les solutions sont connues : il faut limiter les émissions de gaz à effet de serre qui représentent 60 % de l’empreinte écologique mondiale. Réduire les rejets carbonés de 50 % permettrait de reporter le jour du dépassement de près de trois mois. Pour réussir à maintenir la hausse des températures au-dessous de 2 °C – objectif inscrit dans l’accord de Paris –, l’humanité devra s’affranchir des énergies fossiles avant 2050. « L’enjeu est d’atteindre un pic des émissions d’ici à 2020″ complète Pierre Cannet, le responsable du programme climat et énergie au Fonds mondial pour la nature (WWF) France.
Autre action nécessaire : limiter l’empreinte alimentaire. « Pour cela, il est indispensable de stopper la déforestation, de diminuer notre consommation de produits dérivés des animaux, de lutter contre le gaspillage alimentaire et d’opter pour des modes de production plus durables, comme le bio, l’agroécologie ou la permaculture », avance Arnaud Gauffier, responsable de l’agriculture et de l’alimentation au WWF. S’il on veut rembourser la dette écologique, la seule qui compte pour notre survie, il faut donc nous libérer de l’obscurantisme consumériste, de l’agriculture intensive et réduire notre consommation de protéines carnées.
Il nous reste une infime chance maintenir le changement climatique sous les 2 degrés
Si l’urgence est telle, c’est que nous disposons de très peu de temps pour agir. Une étude parue ce lundi dans la revue Nature Climate Change nous fait savoir qu’il y a 5 % de chances pour que l’on atteigne l’objectif de la COP 21 soit le maintien de la hausse des températures sous les deux degrés. C’est le seuil qui permet de limiter autant que faire se peut une catastrophe climatique qui est désormais irréversible alors que l’ONU nous annonce 250 millions de réfugiés climatiques en 2050. Les chances d’atteindre l’objectif de 1,5 °C, également contenu dans le texte ne sont que d’1 %.
Pour en arriver à ce résultat, les auteurs de l’étude ont utilisé des projections de croissance de la population pour estimer les émissions de carbone. Ils prévoient donc une « augmentation de la température est probablement de 2 °C à 4,9 °C, avec une valeur médiane de 3,2 °C » ! Et encore, leurs calculs intègrent des efforts pour réduire la consommation d’énergies fossiles.
Il faut dire que nos dirigeants ne font pas grand chose pour endiguer le phénomène. Déjà, contrairement à l’accord en lui-même, les contributions volontaires des Etats donnent un réchauffement global à 3 degrés. Par ailleurs, l’accord est très flou : il prévoit un pic d’émissions de GES “dès que possible” et ne spécifie même pas la date butoir à laquelle la civilisation humaine doit s’interdire toute énergie fossile. Or, pour atteindre leurs objectifs de 2 degrés, les nations devraient en finir avec les énergies fossiles en 2050.
Le Global Footprint Network note quelques signaux encourageants cependant : l’empreinte écologique par habitant des Etats-Unis a diminué de près de 20 % entre 2005 et 2013. La Chine, plus gros pollueur mondial, affiche des objectifs très ambitieux. Tout cela est quand même bien maigre pour prévenir la catastrophe.
Pendant ce temps là, le gouvernement coupe les aides aux paysans bio et le Conseil Constitutionnel valide le CETA
Autre bon signe pour la planète : le développement du secteur bio en France. Alors que l’ensemble de l’agriculture conventionnelle est engluée dans la crise, le bio se porte à merveille. Les surfaces en agriculture biologique ont augmenté de 17 % en 2016. 21 fermes bio se créent chaque jour. D’ailleurs, la consommation de produits bio a explosé : + 22% en un an !
Mais visiblement, cela déplait au gouvernement. C’est ce qu’explique la Fédération Nationale des agriculteurs bio : « L’enveloppe versée par Bruxelles au titre de la politique agricole commune (PAC) pour soutenir ce mouvement [le développement du bio ndlr] est déjà épuisée, et nous ne sommes qu’à mi-parcours de la programmation 2015-2020. La solution serait de prendre à l’agriculture conventionnelle pour donner à l’agriculture biologique. La France reçoit chaque année 7,5 milliards d’euros au titre du 1er pilier de la PAC – aides directes pour soutenir le revenu des exploitants – et 1,5 milliard au titre du 2e pilier qui finance les zones à handicaps naturels, les mesures environnementales et climatiques et les aides au bio. Or, la réglementation européenne permet aux États membres de transférer jusqu’à 15 % du budget alloué du pilier 1 vers le pilier 2. Le gouvernement peut donc très bien décider, demain, d’augmenter la part de transfert, actuellement de 3 %.” Résultat : le ministre de l’agriculture a décidé de transférer 4,2 % du 1er pilier vers le 2nd pilier pour financer les mesures agro-environnementales et climatique, les indemnités compensatoires des handicaps naturels et les aides au bio.” Or, Le Monde nous apprend que, pour l’année prochaine : “selon le ministère, cette enveloppe supplémentaire sera entièrement consacrée au surcoût du financement de l’ICHN.” Le gouvernement coupe donc purement et simplement les aides pour le bio.
Autre décision prise pour saper le bio : le maintien du « paiement redistributif » à 10 %. Cette mesure prévoit de majorer l’aide versée aux 52 premiers hectares. C’est un soutien aux petites exploitations alors que du fait du mécanisme de paiement à la production, les gros producteurs céréaliers bénéficient de la majeure partie des aides de la PAC. La majoration était prévue pour passer de 5 % de l’enveloppe globale en 2015 à 20 % en 2019. Il suffit que la FNSEA et les producteurs de blé éructent pour que le gouvernement lèse encore un fois les petites et moyennes exploitations.
Autre annonce irresponsable : la validation du CETA par le Conseil Constitutionnel. Ce traité qui va s’appliquer provisoirement avant même que le Parlement ait pu en débattre, va faire exploser les échanges avec le Canada : on prévoit une hausse de 23%. Les émissions liées au transport vont augmenter de la même manière notamment de méthane et d’oxyde d’azote. C’est en pure contradiction avec les engagements de réduction des gaz à effets de serre de 40% d’ici 2030 pris lors de la COP 21. Au passage, l’accord de Paris n’est pas cité une seule fois dans le texte du CETA. Ce traité facilitera aussi l’importation de sables bitumineux canadiens dont l’extraction produit une fois et demie davantage de gaz à effet de serre que les pétroles conventionnels.
Sur le terrain de l’agriculture, c’est une folie : les marchés européens seront envahis de viande produite dans des fermes pouvant concentrer jusqu’à 30 000 bêtes issues d’animaux nourris à 90% de maïs OGM et soumis à des antibiotiques activateurs de croissance. Sur les 4 500 Indication Géographiques Protégées (IGP), seules 173 IGP sont reconnues.
Trump peut bien s’agiter et Macron jouer au sauveur, les deux ne font rien pour prévenir la catastrophe climatique qui vient.
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