Jadot se rallie. Mélenchon et Hamon se quittent bons amis. La séquence des tentatives de construction d’une candidature unique de ce que d’aucun appelle la gauche se referme. L’occasion de revenir sur le contenu de l’accord ayant conduit Jadot à prendre, seul, la décision de se rallier au candidat PS avant que les électeurs écologistes ne soient consultés. Une alliance qu’il refusait catégoriquement il y a quelques mois.
Un accord ambitieux… sur le papier !
Sur le papier, l’accord est agréablement surprenant. Sur la transition énergétique, l’accord prévoit une sortie du nucléaire en 25 ans avec la fermeture des premières centrales pendant le mandat pour tenir l’objectif d’une réduction de la part du nucléaire à 50 % d’ici 2025. L’objectif affiché est d’atteindre les 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050. Le projet d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure sera arrêté. Des études pour des solutions alternatives seront menées. En attendant, les déchets resteront en sub-surface. L’accord promet aussi d’établir une taxe carbone et la mise en place d’une fiscalité favorable aux tranports propres (le grand retour de l’éco-taxe). L’accord prévoit de coordonner cette transition énergétique par un pilotage national. Ce pilotage national devra mettre en cohérence les politiques publiques et les budgets avec les engagements pris lors de la COP 21. De la planification écologique en somme.
Sur le plan international, l’accord promet de s’opposer au CETA, au TISA et au TAFTA. L’Union Européenne devra lancer un plan de 1000 milliards d’investissements pour se mettre en conformité avec l’accord de Paris sur le climat. Une réorientation des mesures de quantitative easing de la BCE vers la transition énergétique est aussi demandée.
Concernant l’agriculture et la santé, le projet est également ambitieux. On nous promet l’interdiction des pertubateurs endocriniens et des pesticides, et la sortie du diesel d’ici 2025 pour les véhicules légers. Un grenelle de l’agriculture est annoncé. La PAC devra être réformée pour en faire un outil de reconversion des exploitations vers l’agriculture biologique. Le développement intensif du bio dans les cantines accompagnera cette transition. Petite cerise sur le gâteau : une législation protectrice des animaux accompagnera la fin des exploitations d’élevage industriel.
Même dans nos rêves les plus fous, on n’aurait pas imaginé le PS prendre un tel tournant écologiste. Parti productiviste s’il en est, le PS se trouva le plus souvent du côté des lobbys ces 5 dernières années. Face à un tel demi-tour, il convient d’en venir à la raison pour savoir si c’est un tournant sincère ou si l’on assiste au remake écolo du discours du bourget.
Qui rappelle les trahisons du PS…
Car en la matière, il y a un précédent : l’accord entre les socialistes et les Verts en 2012. La comparaison ne plaide pas en faveur du PS. Furent promis et ne furent pas apppliqués : la loi de séparation bancaire, l’interdiction du travail de nuit et des tâches physiques pour les travailleurs de plus de 55 ans (le PS a préféré reculer l’âge de la retraite), le rétablissement de la hiérarchie des normes (coucou la loi El Khomri), la présence des salariés et de leurs représentants dans les instances de décision et de rémunérations des grandes entreprises, le rétablissement du repos dominical (coucou la loi Macron), l’égalité salariale femmes-homme, le passage à 20% de la surface agricole utilisée en bio (6 % aujourd’hui!), une taxe européenne sur les transactions financières de 0,05 %, autoriser la BCE à racheter des emprunts d’États, le salaire minimum européen, la reconnaissance de l’État de Palestine et le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales pour les étrangers résidant en France depuis cinq ans et plus. Et j’en passe ! Lire l’accord de 2011 nous donne d’ailleurs une idée, par contraste, du niveau d’impréparation et de droitisation avec lesquels le PS affronte l’élection de 2017.
Que vous êtes tatillons ! Le gouvernement n’a-t-il pas oeuvré au service de la COP 21 ? On ne crachera pas sur un accord international signé par tous les pays de la planète ou presque. On ne pourra s’empêcher, cependant, de noter que, si l’accord a pour objectif de maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2 degrés, les contributions des Etats laissent entrevoir une limitation du réchauffement climatique à 3 degrés. La catastrophe ! Avec un Trump qui pourrait retirer la signature américaine du traite et un CETA, soutenu par le gouvernement PS, qui ne mentionne même pas l’accord de Paris et remet en cause les engagements de baisse d’émissions de gaz à effet de serre en faisant exploser les échanges internationaux, les progrès de la COP 21 seront vite caducs. Pour le reste, le bilan du PS en matière d’écologie n’est pas fameux. Aucune centrale nucléaire n’a été fermée pendant le quinquenat, alors que l’accord de 2012 promettait la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025. En matière d’énergies renouvelables, pour ne citer que cet exemple, on n’atteindra pas les 3,5 Gigawatts produits par les éoliennes en mer avant 2025 alors que le grenelle de l’Environnement en prévoyait 6 à l’horizon … 2020. Et la situation ne risque pas de s’arranger : les deux entreprises fabricants des éoliennes off-shores ont été vendues à General Electric et Siemens de sorte que l’on a aucune espèce de contrôle sur la construction des éoliennes off-shores. Cela semble mal parti pour le pilotage national de la transition écologique.
Côté agriculture, ce n’est pas mieux. Il faudra attendre 2018 pour voir les néonicotinoïdes tueurs d’abeille interdits, avec des dérogations jusqu’en 2020 ! La Commission Européenne ne cesse de maneuvrer pour empêcher d’une façon ou d’une autre, les pertubateurs endocriniens d’être interdits. Dernier épisode : le 28 décembre dernier, l’ordonnance qui devait mettre en place le « certificat d’économie de pesticides », qui aurait contraint les vendeurs de pesticides à réduire leurs ventes de 20 % d’ici 2020, a été annulée. Pourtant, « l’usage des pesticides a augmenté notablement de 9.7% en 2014 par rapport au chiffre de l’année précédente. On est très loin de l’objectif du Grenelle de diviser par 2 la consommation en 2018 », note France Nature Environnement.
Et en augure de nouvelles…
Un accord non respecté, une mandature anti-écologiste au possible : on se demande bien comment on peut faire confiance au PS pour respecter un tel accord. D’autant que les conditions politiques ne sont pas vraiments réunies. Les investitures données jusqu’à présent par le PS bénéficient majoritairement à des députés “légitimistes” réinvestis. On se demande comment les mêmes qui ont voté une politique anti-écologiste vont pouvoir soutenir une politique de rupture. Inversement, on se demande comment un électeur pourra faire confiance à un député qui, après avoir soutenu la politique de F.Hollande, promettra de soutenir le contraire pendant 5 ans. Quand aux circonscriptions promises, elles sont bien maigres. En 2012, les Verts avaient obtenu le soutien du PS dans 61 circonscriptions. Résultat : 17 députés. Si tant est qu’un deputé EELV offre une plus grande garantie de respect des promesses qu’un député PS, EELV obtient à peine 43 circonscriptions. Évidemment, ceux qui ont negocié l’accord sont récompensés. Au passage, le PS a donné des circonscriptions où se retrouvent des députés soutenant Macron. Pas sûr qu’ils se retirent dans ces conditions.
Enfin, si on y regarde de près, le contenu de l’accord est flou. On nous promet le refus du CETA. Donc le candidat du PS et le parti qui le soutient refuseraient un CETA que leur gouvernement a signé, que le parlement européen a adopté grâce aux députés socio-démocrates européens et qui s’appliquera provisoirement sans qu’aucun pays ne l’ait ratifié ? On peut douter de la parole du PS quand, dans le même temps, son candidat, Benoît Hamon, n’a pas daigné se déplacer à l’Assemblée Nationale lorsque les communistes ont soumis une proposition de loi pour soumettre le CETA au référendum du peuple français. Pire, du fait du désaccord entre les députés socialistes, le groupe PS s’est abstenu. L’EPR de Flamanville, qui ruine EDF, n’est même pas mentionné. Contrairement à l’accord de 2012 qui prévoyait la fermeture de 24 réacteurs d’ici 2025 en commençant par Fessenheim et les sites les plus dangereux, aucun calendrier précis n’est prévu. Fessenheim n’est même pas mentionné ! Pire, on promet la fermeture du nucléaire en 25 ans, soit en 2042. Comme les réacteurs ont une durée de vie de 40 ans, il faudra soit prolonger la durée de vie de certains réacteurs soit lancer l’EPR de Flamanville ! Pour les grands projets inutiles, des conférences de consensus sont prévues. On sait que ce genre de formules creuses cache de grands renoncements. D’ailleurs, on ne promet même pas l’abandon du projet NDDL, juste l’abandon de son site. Le grand plan d’efficacité et de sobriété énergétique ne mentionne aucun objectif chiffré, quand l’accord de 2012 prévoyait la rénovation d’un million de logements par an. De nombreux éléments manquent à l’accord : rien sur l’indépendance de la BCE ni sur les traités européens alors que ceux-ci empêchent les investissements nécessaires à la transition écologique. Hors de question de parler de protectionnisme alors même qu’il est nécessaire pour relocaliser la production. Rien n’est dit sur la libéralisation des services publics non plus.
Malgré les bonnes attentions affichées, il semble bien que cet accord ne soit condamné à n’être qu’un affichage de bonnes attentions. De belles couleuvres en perspectives pour les Verts.