Trump dit au monde d’aller se faire voir. Pluie de condamnations internationales. La poignée de main de Macron n’aura pas suffi à le convaincre. Il avait pourtant serré si fort ! Sa décision de dénoncer l’Accord de Paris est en cohérence avec ses promesses de campagne. Pour autant, est-il l’unique coupable ?
Des paramètres environnementaux catastrophiques
On n’aura de cesse de répéter que les signaux environnementaux sont alarmants. A tel point que les scientifiques en sont dépassés. La presse a déjà mentionné la fonte vitesse éclair des glaces des pôles et ses corollaires : montée du niveau de la mer, modification des températures océaniques et fonte du pergélisol qui libère des gaz (méthane notamment) qui risquent d’accélérer le réchauffement global. La température des villes pourrait d’ailleurs augmenter de 8 degrés, et les premiers symptômes sont déjà remarquables. Le week-end de l’Ascension, la France a vécu ses jours de mai les plus chauds depuis 70 ans. Et comme dans un écosystème tout est lié, le corail s’en trouve aujourd’hui au plus mal. Il semblerait que son « plan de sauvetage » soit tout bonnement inenvisageable. La Grande barrière australienne de corail a vécu sa plus grande période de blanchissement. 30% des coraux de surface sont déjà à l’agonie. Le corail, habitat et nourriture de base des poissons ; poissons eux-mêmes nourriture des hommes. Plus de corail, plus de poissons. Plus de poissons … Rien d’une bagatelle. L’accord de Paris, signé par 194 autres pays en décembre 2015, vise à contenir la hausse de la température moyenne mondiale en deçà de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Le retrait des Etats-Unis de cet accord va-t-il réellement aggraver ce qui est déjà catastrophique ?
Un protectionnisme à l’américaine
Cet accord aurait selon Trump « moins trait au climat qu’aux intérêts financiers défavorables aux USA. » Le président des Etats-Unis a dénoncé des conditions d’accords qui placeraient son pays en position de faiblesse économique et de « désavantage concurrentiel » vis-à-vis des autres Etats. Son discours a été une longue litanie des injustices qu’il prétend subir. Premièrement, d’après lui, cet accord obligerait les Etats-Unis à se détourner de l’exploitation d’un certain nombre de ressources naturelles ; ressources qu’il considère comme propriété nationale. Les scientifiques ont en effet estimé que pour stopper radicalement les effets du changement climatique, il faudrait laisser dans le sol 80% des ressources fossiles de la planète. Mais c’est bien connu, le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non compétitive. Deuxième point, le refus d’un déploiement d’une aide financière et technologique massive aux pays en développement par les pays principalement responsables du changement climatique par leurs activités. Belle solidarité que de tirer à boulets rouges sur le système de « Fond vert » d’aide à la lutte contre le réchauffement climatique.
“Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les chinois dans le but de rendre l’industrie américaine non compétitive.”
Le principe fondamental de l’Accord de Paris est celui de la « responsabilité différenciée ». Et c’est bien tout ce qui gêne Donald Trump. Citant la Chine et l’Inde comme principaux concurrents, Trump a déploré la baisse inévitable de la production dans des secteurs clés de l’économie américaine (ciment, fer, acier, charbon, gaz naturel) en cas d’application des accords de Paris. En effet, les principaux pays pollueurs s’étaient engagés à limiter leurs émissions de GES selon des barèmes différents, fonction de leur développement historique, et de la structure de leurs économies. Et cela ne passe pas pour Monsieur le Président. Son objectif ? Le retour de la croissance américaine, des emplois pour tous les citoyens. Cet accord auquel il renonce représente selon lui de nombreux risques, en termes de coût pour l’économie nationale, de qualité de vie et de pertes d’emplois. De pannes d’électricité même ! Ces considérations apocalyptiques lui ont été soufflées par un think thank climato-sceptique bien connu, le National Economic Research Associates (NERA), sponsorisé par des lobbies conservateurs (American Council for Capital Formation et la US Chamber of Commerce) dont l’objectif est de balayer toute régulation environnementale. Un tel discours arriéré frôle la démagogie en occultant la transition énergétique et sa création d’emplois. En effet, si certains secteurs risquent de péricliter, la conversion de l’économie dans des secteurs soutenables tels que les énergies renouvelables n’est-elle pas possible ? Il ne tient qu’aux gouvernements de former ses travailleurs et d’investir dans des secteurs de transition.
Ce protectionnisme nationaliste tissé de mensonges n’est pas une surprise, il est en cohérence avec son programme. Mais sa décision est une insulte aux populations précaires qui ont subi et continuent de subir de plein fouet les effets des politiques de compétitivité et de concurrence internationale. Trump pense défendre l’Amérique défavorisée, celle de Pittsburgh, qui fut longtemps un haut lieu de la sidérurgie mondiale et des chemins de fer, frappée de plein fouet par la désindustrialisation. Mais ils ne sont pas tant à blâmer que ceux que Trump protège réellement par sa décision politique, à savoir les multinationales qui sous couvert du retour à l’âge d’or du plein-emploi prennent à la gorge les habitants. L’industrie des gaz de schiste et ses arnaques en sont la preuve. Dans cette même région pauvre de l’Amérique, d’après Bastamag, 70% des propriétaires qui ont cédé les droits sur leur sous-sol à l’industrie du gaz de schiste se trouvent lésés.[1] Ainsi, nombreux sont les habitants qui soupçonnent les firmes pétrolières de la région de sous-déclarer les quantités de gaz et de pétrole qu’ils tirent du sol afin de baisser les redevances qui leurs sont dues (royalties). Véritable business que ces droits de forages, et cataclysme écologique, sur le dos des mêmes travailleurs que Trump prétend défendre.
Trump VS le reste du monde
L’annonce de la sortie des accords de Paris par Trump est reçue par la scène internationale comme une décision grave. Elle fait l’objet de condamnations multiples. Tout d’abord au sein de son propre pays. Ainsi, un certain nombre de grands patrons américains dont Tesla se sont dit inquiets. Le risque de ce retour au charbon est évidemment la perte de leadership que pourraient subir les Etats-Unis face à l’Europe et à la Chine en matière d’innovation énergétique. Selon un sondage réalisé par Yale, seulement 28 % des électeurs de Trump souhaitaient la sortie de cet accord.[2] Les Américains prennent-ils leur distance vis-à-vis du programme de leur Président ? De nombreuses personnalités américaines se sont indignées, parmi lesquelles Michael Moore, le réalisateur engagé contre le changement climatique, qui a tweeté un furieux : “USA to Earth : Fuck you”.
Attac pointe par ailleurs les faiblesses intrinsèques de l’accord qui ne contient aucun aspect contraignant ni sanction. Avant même de contrevenir à l’accord, les Etats-Unis s’y soustraient sans efforts. Chaque Etat peut d’ailleurs y déroger à l’envi. Porte ouverte à l’impunité éternelle des écocides ? En plus d’être considéré par beaucoup d’écologistes comme comportant des objectifs climatiques et des moyens d’y parvenir insuffisants, l’accord de Paris ne donne aucun pouvoir aux institutions, aux Etats, ou encore aux citoyens de poursuivre les Etats qui ne le respecterait pas. Quand le FMI et l’OMC peuvent imposer des conditions économiques mortifères à des pays qui ne respectent pas leurs règles du jeu, un homme seul peut balayer des mois de négociations environnementales d’un revers de main. Si Trump risque de fait de mettre les Etats-Unis au ban de la diplomatie internationale, force est de constater qu’il est toujours plus facile de taper sur un individu isolé qui refuse d’emboîter le pas d’une dynamique collective, quand bien même mauvaise soit-elle. Cette sortie de piste est un déni de réalité climatique, mais également un déni de l’humanité et de son sort collectif. Pour autant, le petit jeu de l’indignité internationale sonne faux. En effet, les Etats signataires reconnaissent eux-mêmes l’insuffisance des dispositions de l’accord. Par ailleurs, il ne rentrera pas en application avant 2020 et les premiers réajustements sont prévus pour 2023. Et surtout, les conditions de sortie définitive de l’accord par les Etats-Unis restent floues.
Droit dans le mur, avec ou sans les Etats-Unis
Si les déclarations sont navrantes, faire de Trump un bouc-émissaire ne ferait que nous détourner de la responsabilité du système économique tout entier auquel nous prenons part. Faut-il rappeler que le G7, réunissant les pays économiques les plus importants, n’a pas cru bon de discuter du climat ? Le Président de la Russie, responsable à elle seule de 8% de l’émission des GES, a été reçue en grande pompe à Versailles par Emmanuel Macron. Pourtant, les discussions se sont focalisées sur le terrorisme, cause jugée primordiale par notre président. Quid du changement climatique comme facteur aggravant du terrorisme ? S’il n’en est pas la raison exclusive, cela revient à souffler sur un brasier. A titre d’exemple, à cause du réchauffement climatique, le Lac Tchad a considérablement perdu de sa superficie. Les ressources en poissons, indispensables à la survie et à l’économie des populations locales s’amenuisent. Autant de malheureux jetés sur les routes à la recherche d’une vie meilleure. Autant d’individus désœuvrés qui peuvent rejoindre les rangs de Boko Haram, qui terrorise la région ; du moins constituer un terreau fertile à des déstabilisations sociales. Plutôt que de traiter les conséquences, ne devrait-on pas prévenir les causes ?
L’Europe regrette une « grave erreur » de la part de Trump et lui oppose déjà une fin de non-recevoir. L’accord de Paris ne sera pas renégociable. Mais que Trump ne soit pas l’arbre qui cache la forêt. Cet accord, au-delà du Fond vert de solidarité internationale, n’a jamais entendu infléchir le modèle économique à l’œuvre, basé sur un modèle productiviste, et entier responsable des dégâts irréversibles en cours. Quelle différence au fond entre un président américain qui entend conserver les emplois à l’échelle nationale dans l’industrie, et une Europe qui utilise l’écologie comme nouveau tremplin de croissance économique ? Pour se justifier, Trump a ainsi affirmé que les américains « seront écologiques mais ne mettrons pas en danger la croissance du pays. » L’Union Européenne parle elle de croissance verte, avec pour fer de lance les traités de libre-échange avec les USA (TAFTA) et le Canada (CETA), autre grand champion de l’exploitation des ressources fossiles. Soyons clair, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un capitalisme qui n’a de vert que le nom, avec l’écologie comme prolongement d’une guerre économique sans merci.
Macron, ou le leadership des faux-semblants
Au fond, le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris n’est qu’une goutte d’eau si le système lui-même n’est pas remis en question. Beaucoup de monde pour dénoncer Trump, mais qui pour mettre en avant le Nicaragua, qui a refusé de signer car jugeant l’accord trop peu ambitieux ? Par ailleurs, si l’Etat ne s’engage pas, plusieurs villes américaines ont déjà annoncé qu’elles mettraient en place une alliance pour le climat. Les gouverneurs démocrates des Etats de New York, de Californie et de Washington ont ainsi annoncé qu’ils s’engagent à “atteindre l’objectif américain de réduction de 26 à 28 % des émissions de gaz à effet de serre. » De nombreuses villes s’étaient déjà engagées à un objectif de 100 % d’énergies renouvelables. La Nouvelle Orléans, Los Angeles, New York ou encore Atlanta entendent poursuivre dans ce sens.
Le vrai sens critique à conserver doit se porter sur les positionnements emplis de faux-semblants de dirigeants européens qui vont sauter sur l’occasion pour verdir leurs intentions. En premier lieu, Emmanuel Macron qui dans un discours ému et empreint de solennité a souhaité conquérir le leadership abandonné par Donald Trump. Il a dénoncé une « faute pour l’avenir de notre planète », plagiant au passage une belle citation de l’ancien secrétaire général des Nations Unies : « Il n’y a pas de plan B car il n’y a pas de planète B ». Effectivement, il n’y a pas de planète B. C’est bien pour cela que nombreux sont ceux qui s’insurgent et luttent contre tous les symptômes, à commencer par les projets démesurés, inutiles et nocifs au nom du plein-emploi et de la croissance. Qu’Emmanuel Macron parade sur la scène internationale, soit. Mais qu’il n’oublie pas que son propre programme entend pérenniser le nucléaire et le diesel. Qu’il souhaite renouer avec la croissance en utilisant l’environnement comme tremplin à l’image de son soutien aux accords CETA et TAFTA. Et que dire des Cars Macron ? Non, le dogme Croissance-Productivité-Compétitivité n’est pas compatible avec une lutte contre les grandes perturbations environnementales. Il en est la cause. A trop vouloir produire, extraire, exploiter tant et tant de ressources, à trop louer les mérites d’une compétition commerciale internationale, notre propre existence est menacée. Make our planet great again. En nous inquiétant d’abord de la politique environnementale française à venir, menée par un Nicolas Hulot plein d’entrain mais cerné par un premier ministre ex-AREVA et une ministre du Travail ex-Business France.
[1] L’Amérique défavorisée, proie de l’industrie des gaz de schiste, de ses pollutions et de ses escroqueries, Bastamag, 13 janvier 2016
[2] Donald Trump quitte l’accord de Paris, la résistance s’organise, Reporterre, 2 juin 2017
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