Comment les enfants victimes de violence ont été affectés par la pandémie en Amérique latine

© Carlos Magno

Contraints de vivre avec leurs agresseurs, les enfants subissent de plein fouet l’explosion de la violence à leur égard, effet secondaire des mesures d’isolement social entreprises dans la région afin de lutter contre la pandémie. Bien souvent, les politiques publiques mises en place sont insuffisantes pour endiguer un phénomène à l’ampleur déjà inquiétant dans le sous-continent, mais qui a pris une nouvelle dimension suite aux mesures de restriction sanitaire. Le contexte politique – l’émergence d’une vague conservatrice dans la région – n’est pas non plus innocent.

Cecilia regarde sa mère d’un œil attentif pendant que celle-ci se prépare pour une nouvelle journée de travail, chez elles, rue Félix Olmedo. L’enfant est déjà habituée au rythme intense des clients qui défilent et qui repartent la peau chargée d’œuvres séditieuses. Fille d’une tatoueuse brésilienne expatriée en Uruguay, la petite fille grandit dans une maison transformée en studio, où l’art et l’activisme bercent son quotidien. Suivant l’engagement féministe de sa mère, les marques de conscience politique imprègnent cet environnement. Néanmoins, dénoncer et combattre les violences exercées contre les femmes ne les a empêchées, mère et fille, d’en devenir les victimes au sein de leur environnement familial au cours de la pandémie de la Covid-19.

Giovanna Castilho, 25 ans, se rappelle parfaitement la rencontre avec son ex-compagnon uruguayen, au Chili, à l’occasion d’un voyage en Amérique latine. « C’était le mec parfait pour moi ; militant, solidaire, intelligent, cultivé. J’en suis tombée follement amoureuse ». Quelques mois plus tard, en décembre 2018, elle quitte son appartement à Porto Alegre, dans le sud du Brésil, pour pouvoir donner libre cours à son idylle avec son prince charmant uruguayen. Pour elle, c’était également l’occasion de quitter le Brésil et d’échapper à la politique mise en place par Jair Bolsonaro.

Cependant, après quelques mois de vie commune, Jorge* se révèle être instable et agressif, notamment lorsqu’il se trouve être sous l’emprise de l’alcool et de médicaments, dont il est dépendant. Ils décident toutefois d’avoir un enfant ensemble. Giovanna avoue pourtant que, le jour de la conception de leur fille, il l’avait forcée à avoir un rapport sexuel. « Il m’a fallu du temps pour comprendre ce qu’il avait fait, mais la nuit où il m’a violée, je suis tombée enceinte ». Jorge la violera à plusieurs reprises durant sa grossesse.

Lorsque l’Uruguay a été touché par la crise sanitaire, Jorge, qui travaillait dans un bar, a perdu son emploi. En proie à la dépression et constamment sous l’effet de drogues, il est devenu plus violent encore. Alors que sa fille Cecilia n’avait qu’un mois, il l’a jetée au sol, lui causant un grave traumatisme crânien. « Je suis arrivée dans la cuisine et j’ai vu que sa tête était déformée, je ne savais pas si elle survivrait », souffle Giovanna. Durant leur séjour à l’hôpital, elle confesse également avoir vécu des violences en tout genre. « Les gens avec qui nous partagions notre chambre nous volaient notre nourriture, nous vivions dans un environnement extrêmement violent. Je me suis alors rendue compte que la violence avait été normalisée dans ma vie, et que la pandémie n’avait fait que renforcer cette fatalité, étant donné que l’on ne savait pas où aller. Et je n’avais personne pour me dire que je ne pouvais pas accepter une telle situation ».

À la suite de cet incident, Cecilia, bien que trop jeune pour en avoir conscience, a rejoint la catégorie des nombreux enfants dont les conditions de vie ont profondément été impactées par les mesures sanitaires d’isolement social ; la catégorie des plus fragiles et des oubliés, constamment laissés pour compte par les pouvoirs publics en Amérique latine.

UN GROUPE EN SITUATION D’EXTRÊME VULNÉRABILITÉ

En mars 2020, les organisations de protection des mineurs ont sonné l’alarme au sujet des violences faites aux enfants en Amérique latine. Avant même la pandémie de la Covid-19, il apparaissait difficile d’évaluer les différentes formes de violence auxquelles faisaient face les enfants. Mesurer ces actes et en repérer les victimes est en effet une tâche ardue, tant la violence se veut normalisée dans la région. Avec la crise sanitaire, la situation n’a fait que se dégrader en Amérique latine. Cette augmentation des violences à l’égard des enfants s’inscrit dans la tendance globale qu’ont connu les violences domestiques.

La violence touche les enfants sous des formes et dans des proportions différentes selon le genre, les filles représentent le plus grand nombre de victimes.

Une étude produite par l’UNICEF, en partenariat avec la Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC), a démontré que les femmes et les filles sont particulièrement exposées aux risques d’agressions sexuelles systématiques dans un contexte d’isolement [1]. De ce fait, l’on a observé une hausse des phénomènes d’exploitation sexuelle, d’agressions physique et psychologique, ainsi qu’une progression du mariage infantile depuis le début de la pandémie de Covid-19. Toujours selon l’UNICEF, plus de 10 millions de jeunes filles pourraient être mariées dans le monde d’ici la fin de la décennie [2]. Au Brésil, en tête du classement du nombre de mariages infantiles en Amérique latine, l’on estime qu’environ 340 000 filles âgées de moins de 18 ans sont contraintes de se marier chaque année [3].

De surcroît, l’Amérique latine enregistre 15% des grossesses précoces concernant les filles de moins de 15 ans. Au Pérou, en 2018, près de six filles âgées de 12 à 14 ans accouchaient chaque jour. En 2020, ce chiffre s’élevait à douze accouchements quotidiens. L’ONG Plan International y voit une conséquence directe de l’augmentation des agressions sexuelles au sein des familles. Dans ce contexte pandémique, les facteurs contribuant à la protection des jeunes filles, à l’instar de leur présence à l’école, ont totalement disparu, laissant le champ libre à l’explosion de ces violences.

Les données de l’Organisation panaméricaine de santé (OPS) révèlent ainsi une violence systémique en la matière qui prévaut en Amérique latine, qui est notamment à l’œuvre au sein de l’environnement familial et scolaire. Les enfants sont considérablement exposés aux agressions physiques et émotionnelles, et ce d’une manière généralisée, tandis que les adolescentes sont déjà victimes de violences conjugales.

Par ailleurs, dans les régions les plus en proie au crime organisé, les enfants, en particulier les garçons, sont susceptibles d’être recrutés par des gangs ou des trafiquants de drogue. Ils font partie, selon l’UNICEF, des 70 millions d’enfants vivant dans des foyers extrêmement pauvres en Amérique latine [4].

L’OPS estime également qu’au cours de l’année dernière, 58% des enfants d’Amérique latine ont subi des agressions physiques, sexuelles ou émotionnelles. Cependant, très peu d’enfants ont accès aux services dédiés à la prévention et à la lutte contre les violences. Ainsi, si plus de 90% des pays latino-américains déclarent disposer de services cliniques dédiés à la prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles, seuls 26% d’entre eux estiment répondre aux besoins nationaux d’aide aux enfants victimes de violence. Plus accablant encore, seuls 16% de ces pays rapportent que leurs services de soutien psychologique consacrés aux enfants victimes de violences sexuelles atteignent leurs objectifs [5]. 

Le phénomène de la violence persistante en Amérique latine fait l’objet de nombreuses discussions et controverses. Diverses théories tentent ainsi de comprendre la raison pour laquelle la violence intrafamiliale, mais aussi communautaire, se veut aussi prégnante sur le continent. Tout d’abord, ce phénomène peut trouver sa source dans la configuration des sociétés modernes basées sur l’adulto-centrisme et le sexisme, au sein desquels l’enfant, sujet passif, subit les conséquences des actions entreprises par ses parents.

En Amérique latine, ces violations sont légitimées par les traditions culturelles du machismo, avec une force particulière en province et dans les favelas, territoires délaissés par les États. Le patriarcat y joue en effet pour beaucoup, tant cette forme d’organisation sociale repose aussi sur la violence exercée à l’encontre des enfants. La figure masculine omnipotente du père, qui détient le droit de punir pour discipliner enfants et femme, est encore présente. Au sein des foyers, la maltraitance infantile et la violence conjugale sont le reflet d’une hiérarchie dans les relations sociales, accordant à la figure paternelle le pouvoir sur les autres membres de sa famille.

L’anthropologue argentino-brésilienne Rita Segato soutient que l’Amérique latine serait en proie à une nouvelle forme de guerre [6]. Ceci tiendrait du développement ces dernières décennies, d’acteurs armés non-étatiques toujours plus nombreux : crimes organisé (gangs, mafias et trafiquants, par exemple), paramilitaires, sécurités privées… souvent eux-mêmes liés aux institutions étatiques gouvernementales, armées, ou policières. Dans cette nouvelle forme – informelle – de conflit, la violence contre femmes et enfants n’est plus un effet collatéral, mais une arme de guerre. La « pédagogie de cruauté » vient occuper une place centrale stratégique, dans le but de détruire physiquement et moralement ses adversaires. Selon la chercheuse, le corps des femmes étant devenu une arme de guerre, les corps féminisés – c’est-à-dire « fragilisés » – des enfants le sont également. Dès lors, les agressions sexuelles et le viol sont devenus systémiques.

Le recours à ces outils de destruction s’est illustré notamment au Mexique et en Amérique centrale, où les conflits liés au narcotrafic ont profondément modifié les formes de la violence.

Les jeunes garçons sont activement engagés dans cette spirale de violence, poussés par la précarité économique. Au Mexique, les plus puissants carteles tels que Los Zetas, La Familia Michoacana et Los Caballeros Templarios, offrent des salaires d’environ vingt euros par jour aux garçons recrutés, alors que le SMIC journalier s’y élève à cinq euros.

Juanito Pistolas, l’un de ces enfants victimes du narcotrafic, était devenu tueur à gages à l’âge de 13 ans, après que les membres du Cártel del Noroeste aient tué sa famille et l’aient recruté. En 2019 à l’âge de 16 ans, il fut assassiné et décapité lors d’un conflit entre trafiquants et policiers. En trois ans de fonction, il avait tué plus de cent personnes. Prenant le parti opposé, à Guerrero, au sud-ouest du Mexique, des enfants deviennent soldats en espérant protéger leur famille de la violence des narcos.

Les autres pays d’Amérique latine n’échappent pas à ces violences ; d’après une étude menée par l’UNICEF en 2017, plus du quart des homicides commis contre des enfants ou des adolescents ont eu lieu en Amérique latine [7]. Cette violence est intimement liée aux fortes inégalités du continent, à l’exclusion sociale, aux disparités communautaires et à la faible légitimité du monopole de la violence d’État, conséquence directe des carences de l’État de droit en Amérique latine.

Dans ce contexte, trois pays se distinguent par la manière dont ils se battent – ou pas – contre la violence à l’encontre des enfants. L’Argentine, le Brésil et le Mexique, quelques-unes des principales économies d’Amérique latine, font face à une réalité inquiétante : des milliers de décès quotidiens causés par la Covid-19, ainsi qu’une nouvelle génération quotidiennement victime de violences.

BRÉSIL, L’IMPUISSANCE DES ORGANISATIONS DE PROTECTION DE L’ENFANCE

En 2021, Henry Borel, un garçon âgé de 4 ans, a été tué par son beau-père, un important conseiller municipal, dans leur appartement de luxe à Rio de Janeiro. Déjà éteint, l’enfant fut amené à l’hôpital par sa mère et son beau-père, avant d’y décéder en raison d’une hémorragie interne et d’une lacération du foie, provoqués par une attaque contondante violente. D’après des témoignages, Henry subissait des maltraitances et agressions psychologiques de la part de son beau-père – avec la complicité de sa mère. Pourtant, personne n’a rien fait pour le protéger. Malheureusement, le cas d’Henry n’est pas un incident isolé : les enfants, au Brésil, appellent à l’aide.

Itamar Gonçalves, directeur de l’ONG Childhood Brésil, admet que les établissements en charge de la protection des enfants n’étaient pas assez préparés pour faire face à la crise sanitaire. Avant même le début de la pandémie, ces organisations s’avéraient incapables de mettre en place des systèmes de prévention à même d’assister les enfants qui en auraient besoin. Itamar Gonçalves ajoute que depuis le début de la pandémie, plusieurs de ces associations ont fermé leurs portes, faute de financement des gouvernements fédérés, lesquels ont privilégié l’assistance aux malades et aux personnels de santé. En raison de cet isolement social, de nombreux enfants ont vu leurs contacts avec leurs amis, leurs familles et les services de protection de l’enfance pratiquement suspendus.

Itamar Gonçalves nous apprend également que les signalements d’agressions sexuelles ont considérablement diminué dans les centres urbains. Cependant, parallèlement à cette diminution plus que bienvenue, les plaintes pour violences domestiques, notamment à l’égard des enfants, sont de leur côté parties à la hausse. Par ailleurs, dans les communautés les plus périphériques, au sein desquelles les populations vivent en général sous le seuil de pauvreté, l’exploitation sexuelle des enfants – et en particulier des filles – a considérablement augmenté. « Ce type de comportement n’est pas toujours lié à l’argent, mais ces filles échangent des faveurs sexuelles contre de la nourriture en retour. La faim est cruelle et ces pratiques leur permettent de nourrir leurs familles. Elles offrent leurs corps pour avoir de quoi manger », soupire-t-il.

Selon les statistiques de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), le Brésil compterait aujourd’hui environ 52 millions de personnes en situation de pauvreté, parmi lesquelles 5 millions d’enfants qui évoluent dans un environnement misérable. De plus, au Brésil, les enfants représentent près de 10% des victimes de violences. D’après le Ministère brésilien de la Santé, 103 149 enfants et adolescents ont perdu la vie entre 2010 et août 2020. En outre, le Brésil est également le pays dans lequel le taux de mortalité infantile dû à la pandémie de la Covid-19 est l’un des plus élevés au monde.

L’ARGENTINE À L’ÉCOUTE

Prenant le contre-pied de la politique sanitaire menée par Jair Bolsonaro au Brésil, le président argentin Alberto Fernández (Todos) a décrété, dès le début de la crise sanitaire, la mise en place d’un confinement de plusieurs mois. De par l’isolement de sa population, l’Argentine a ainsi, dans un premier temps, réussi à contrôler la propagation de la pandémie. De plus, étant l’une des économies les plus puissantes d’Amérique latine, l’Argentine fait figure de modèle de développement pour les autres nations latino-américaines. Néanmoins, en dépit des efforts entrepris, l’Argentine n’a pas réussi à endiguer la violence et à construire une réalité sociale différente des autres pays de la région. En Amérique latine, la violence est la règle et non l’exception.

Depuis l’élection d’Alberto Fernández, la situation des enfants et des adolescents est à nouveau devenue une priorité pour le pays, nous livre Patricia Gordon, psychologue pour l’ONG « Alameda En Red », à Mar del Plata, dans la province de Buenos Aires. En tant que coordinatrice au sein du Comité exécutif pour la lutte contre la traite et l’exploitation des personnes et pour la protection et l’assistance à ses victimes, Patricia Gordon affirme que plusieurs politiques publiques argentines visent exclusivement à combattre les violences à l’égard des enfants et à en protéger ces derniers. Par exemple, des programmes comme Les victimes contre les violences ont mis en place des lignes téléphoniques à disposition des victimes à l’échelle nationale, provinciale et municipale, lesquelles reçoivent quotidiennement des demandes de renseignements ainsi que des plaintes. En dépit d’une volonté affirmée, il est encore trop tôt pour mesurer les effets réels de cette politique.

Patricia Gordon déplore l’évolution de la situation liée à la Covid 19 : « Je pense que les situations sont devenues plus compliquées depuis le confinement. En étant enfermés, nous avons réduit nos interactions. Je sais que c’était nécessaire, mais cela a permis aux agresseurs de commettre leurs méfaits en toute impunité ».

De plus, l’utilisation excessive des réseaux sociaux a facilité le mode opératoire des agissements des pédophiles. La vulnérabilité des enfants se traduit également par l’intense solitude à laquelle ces derniers sont confrontés devant les écrans.

AU MEXIQUE, UN NŒUD DE VIOLENCES

L’étendue des violences faites aux enfants se veut plus complexe pour le cas mexicain, nous affirme Lourdes Limón, psychologue exerçant dans une école secondaire à Guadalajara, dans l’État de Jalisco. Pour elle, la situation s’est brusquement dégradée lorsque Felipe Calderón (PAN), l’ancien Président mexicain, a déclaré la guerre au narcotrafic en 2006. Les enfants ont alors fait face à une double situation de vulnérabilité. Tandis que les garçons, parfois même très jeunes, se voyaient recrutés par les narcotrafiquants, l’utilisation du viol à l’encontre des fillettes et des adolescentes est vite devenue un outil d’intimidation de l’adversaire. « Cette semaine, l’on nous a rapporté trois féminicides de filles mineures, lesquelles avaient également été violées. Tout ça en une semaine », souffle-t-elle.

Au Mexique, comme dans la plupart des États d’Amérique latine, la pandémie est venue tout bouleverser. Lourdes Limón nous évoque, au cours de cette période mouvementée, un sentiment d’abandon complet de l’État, pourtant censé leur fournir les moyens d’assister ces enfants. Pour elle, deux schémas cohabitent désormais au Mexique. D’un côté, celui des étudiants qui ont pu fuir la violence implantée dans leur environnement scolaire (harcèlement scolaire et excès d’autorité des professeurs), et ainsi réussir leurs études. De l’autre, celui des étudiants contraints de subir ces violences au sein de leurs familles. Cependant, pour Lourdes Limón, ni les institutions de santé, ni les établissements d’enseignement ne disposent d’assez de soutien gouvernemental pour agir de manière effective.

Elle ajoute que dans les cas les plus extrêmes, les autorités compétentes peuvent retirer les enfants de leurs foyers afin de les protéger, mais que cela ne fait qu’empirer la situation dans laquelle ceux-ci se trouvent. « Les enfants qui ont été “sauvés” de leurs domiciles vivent aujourd’hui dans des lieux clos au sein desquels personne ne peut leur rendre visite. Au final, leur captivité demeure la même. Seule l’adresse a changé, mais ils sont toujours prisonniers. On nous a même rapporté des actes de violences sexuelles dans ces lieux ». Dans ces centres, les enfants reçoivent un traitement psychiatrique et des médicaments leur sont distribués sans aucun contrôle professionnel. Lorsque leur séjour touche à sa fin, ils sont reconduits dans leurs familles, sans pour autant disposer d’assez de médicaments leur permettant de poursuivre leurs traitements.

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À l’heure actuelle, la psychologue fait preuve de pessimisme concernant l’avenir de ces enfants. « Il m’est difficile d’imaginer un avenir, dans un pays qui nous tue à petit feu. Je veux simplement survivre et aider les autres à faire de même. Je veux croire dans le fait que notre travail, nos protestations, notre indignation permettront à ces enfants d’avoir un futur différent de celui auquel ils semblent actuellement destinés. Je suis dépitée, mais j’aime à imaginer un futur dans lequel ils pourront devenir ce qu’ils souhaitent être”.

« Je veux aussi que l’on comprenne que leur enfance ne nous appartient pas, et que nous ne pouvons pas parler à leur place. Ils ont une voix, et les seuls qui soient véritablement à même d’évoquer leurs situations, ce sont eux ».

En 2020, d’après les données de l’Ong Save The Children, plus de 11 000 enfants mexicains ont été admis à l’hôpital en raison de blessures le plus souvent infligées au sein de leurs domiciles, par des membres de leur famille. Au Mexique, plus de 1 900 enfants et adolescents ont été assassinés par leurs proches au cours de la dernière année. Par ailleurs, le nombre d’enfants issus d’Amérique centrale et du Sud qui ont, au cours de leur migration vers les États-Unis, été retenus par les autorités mexicaines a été multiplié par neuf depuis l’année dernière. Enfin, d’après l’UNICEF, le nombre d’enfants migrants signalés au Mexique a considérablement augmenté, passant de 380 pour l’année 2020 à près de 3 500 en 2021.

Afin de répondre aux besoins de ces enfants en situation de vulnérabilité, les pays d’Amérique latine entreprennent désormais de mettre en œuvre des politiques publiques effectives. Au Pérou, la ministre des Femmes et des populations vulnérables a annoncé, en 2021, la mise en place d’une aide économique mensuelle de l’ordre de 200 soles (environ 45 euros) pour les enfants dont l’un des parents a perdu la vie des suites de la pandémie de la Covid-19. De l’autre côté, au Guatemala, des organismes publics, comme l’Institut national des sciences légales, ont obtenu le renforcement des instruments de prise en charge complète des enfants victimes de violence et des mécanismes de punition de leurs agresseurs. Au Brésil, des campagnes massives de mobilisation en ligne contre les violences faites aux enfants – au travers, notamment, du hashtag #EmCasaSemViolencia (#PasDeViolenceÀLaMaison) – ont vu le jour le 18 mai 2021, à l’occasion de la journée nationale de lutte contre ce type d’agressions. Pourtant, selon l’OPS, en dépit des mesures entreprises, d’importantes lacunes subsistent toujours dans les approches de prévention et de soutien, lesquelles laissent toujours de nombreux enfants derrière elles.

Cependant, au lieu de mettre en place de nouveaux projets, il semblerait plutôt nécessaire d’évaluer les initiatives déjà existantes, afin de permettre leur mise en œuvre effective. Tant que les États ne disposeront pas de fonds suffisants leur permettant de financer des politiques concrètes de protection de l’enfance, il apparaît difficile de concevoir de vraies évolutions en la matière.

* Le prénom a été changé

Notes :

[1] Violencia contra niñas, niños y adolescentes en tiempos de COVID-19. NU CEPAL, NURE del Secretario General, UNICEF, 2020.

[2] COVID-19: A threat to progress against child marriage. UNICEF, 2021.

[3] WODON, Q., TAVARES, P., MALE, C., LOUREIRO, A. Casamento na infância e na adolescência: a educação das meninas e a legislação brasileira. World Bank Group, 2019.

[4] Panorama social da América Latina 2013: documento informativo. CEPAL, 2013.

[5] PREVENIR Y RESPONDER A LA VIOLENCIA CONTRA LAS NIÑAS Y LOS NIÑOS EN LAS AMÉRICAS. Resumen del informe sobre la situación regional 2020. Organización Panamericana de la Salud, 2020.

[6] SEGATO, R. La guerra contra las mujeres. Traficante de Sueños. 2016.

[7] Um rosto familiar: a violência na vida de crianças e adolescentes. UNICEF, 2017.