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Créolisation : d’Édouard Glissant à Jean-Luc Mélenchon

Créolisation : d’Édouard Glissant à Jean-Luc Mélenchon

« Créolisation » : le mot est entré dans le débat public. Emprunté par Jean-Luc Mélenchon au poète martiniquais Édouard Glissant et mobilisé notamment lors de son face à face avec Éric Zemmour, il paraît néanmoins difficilement audible. La faute, certes à la progression médiatique des grilles de lecture de l’extrême droite, mais aussi à la nature de l’héritage glissantien. La créolisation n’a en effet pas vocation à être une politique, elle désigne à l’inverse une utopie réalisable et un processus inarrêtable. « Et que la Caraïbe créole parle au monde qui se créolise » suggère Édouard Glissant, avant d’ajouter que « cela n’est pas un Appel, ni un manifeste ni un programme politique ». Tout au plus, s’agit-il pour l’écrivain de révolutionner les imaginaires et de se protéger contre les réflexes identitaires. Une tâche nécessaire mais qui ne peut constituer la seule contre-offensive dans le climat actuel de guerre civilisationnelle – au risque sinon de transformer la poésie en idéologie et la politique en morale.

Le « miracle créole » de l’archipel antillais

La « créolisation » pour Édouard Glissant, écrivain français né en Martinique en 1928 et mort en 2011, débute en terres antillaises. C’est l’expérience de la Caraïbe créole, vaste archipel au large de l’Amérique centrale, qui donne au poète la preuve vivante de la mise en contact des cultures et des imprévisibles qui peuvent surgir depuis cette dernière. Ce processus n’a cependant rien d’irénique : l’histoire de la Caraïbe est d’abord celle d’un traumatisme. La pratique esclavagiste est en effet à l’origine du rapprochement géographique des cultures africaines, amérindiennes et européennes, dont la rencontre est fonction de la réalité brutale de l’exploitation. Esclaves et colonisés sont ainsi arrachés à leurs terres, à leurs histoires et à leurs langues et expérimentent la violence des identités trouées, menacées et dérobées. À la faveur pourtant des siècles, les Caraïbes permettent l’émergence d’une « communauté créole », qui a trouvé la force de se construire sans « identité-racine » à revendiquer.

Le miracle créole désigne alors le processus par lequel s’est réinventée une modalité du vivre-ensemble ancrée dans ce qu’Édouard Glissant appelle, à la suite des philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari, une « identité rhizome », en référence aux racines multiples des plantes. Une identité, dont l’élaboration dépend des cultures en présence, et dont le contenu ne peut être fixé à l’avance ; une identité qui rassemble, plus qu’elle n’oppose. Si la formule peut paraître naïvement creuse, elle est à la lumière de l’expérience antillaise significative, tant l’archipel semblait prédestiné à une guerre des ressentiments plutôt qu’à une renaissance culturelle. « Ce que nous avons toujours cru être l’impossible, de nos pays » relève Édouard Glissant s’est ainsi transformé en expérimentation inédite, ayant permis l’avènement d’un humanisme nouveau – les lieux d’Haïti, de Cuba, de Guyane, de Martinique ou encore de Guadeloupe portant en eux la trace d’une promesse, selon laquelle le pire n’est jamais certain.

Profondément marqué par cette puissance créatrice, Édouard Glissant n’aura cesse de l’amplifier à travers son œuvre : « Ce que la Relation nous donne à imaginer, la créolisation nous l’a donné à vivre » précise-t-il dans son Traité du Tout-Monde (1997). Auteur d’une Poétique de la Relation devenue, à l’aube de ses derniers jours, Philosophie de la Relation (2009), le poète entend fabriquer depuis la singularité de son archipel natal une nouvelle manière d’habiter et de penser le monde, échappant aux logiques unitaires et oppressives. La grammaire qu’il déploie (archipélisation, créolisation, Tout-Monde, tremblement, trace…) est caractérisée par sa capacité à envisager la rencontre des altérités et cherche à révéler les chances qui s’y logent, dès lors qu’est abandonné l’absolutisme des certitudes. « La trace va dans la terre, qui plus jamais ne sera territoire. La trace, c’est manière opaque d’apprendre la branche et le vent : être soi, dérivé à l’autre »1 ajoute Édouard Glissant, comme pour annoncer le vœu qu’il formule pour notre contemporanéité, promouvant une conception plurielle et ouverte des flux qui conduisent les hommes par-delà les rives de leur pays.

Les récents travaux de sciences sociales nuancent la thèse de l’exceptionnalité créole et ne manquent pas de souligner les conflits qui continuent d’abîmer l’archipel antillais.

L’optimisme de l’écrivain ne doit néanmoins pas être adopté sans prudence. Le « miracle créole » apparaît pour certains comme une fiction des origines, transmuant le négatif en positif afin de mieux panser les blessures du passé, plutôt que comme une expérience historique indélébile. Les récents travaux de sciences sociales, consacrés à la question, nuancent la thèse de l’exceptionnalité créole et ne manquent pas de souligner les conflits qui continuent d’abîmer l’archipel antillais2. On en trouve d’ailleurs déjà des indices auprès des détracteurs d’Édouard Glissant, à l’instar de Toni Morrison, qui refuse les stratégies d’embellissement3 et pointe le risque d’une réappropriation par le discours colonial des « chances » de la créolisation – c’est entendre déjà à bas bruit le refrain de l’heureuse mondialisation. Avant « d’ouvrir au monde le champ de [son] identité »4, encore faut-il en effet reconstruire les biographies sinistrées et reconquérir son humanité. La négritude césairienne, le noirisime haïtien, ou l’universalisme de Frantz Fanon, sont autant de critiques adressées au « Tout-Monde » glissantien dont les conditions de possibilité ne semblent pas encore réunies.

Créolisation(s) : pays réel, pays rêvé

La créolisation pose également le problème de sa pertinence en dehors de l’archipel caribéen. Dans L’intraitable beauté du monde (2009), Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau soutiennent qu’un processus de créolisation est à l’œuvre dans nos sociétés globalisées : il met en relation des aires géographiques et culturelles, des peuples et des populations, des identités figées et des identités en quête d’elles-mêmes. La créolisation est dès lors présentée comme un fait anthropologique, dont le devenir est incertain. L’Archipel-Monde, s’il devait advenir, pourrait se matérialiser sous forme fragmentaire ou unitaire, comme le laisse penser l’ambivalence de la métaphore archipélique. Mais la créolisation comme fait cède progressivement sa place à la créolisation comme projet. Dans le même texte, les deux écrivains relèvent un événement : l’élection de Barack Obama, un « blanc-noir » hissé à la plus haute fonction d’État, auquel est adressé L’intraitable beauté du monde. La victoire de ce dernier, impensable quelques décennies auparavant, témoignerait d’une ouverture croissante à l’altérité et d’une « défense et illustration de la pensée de la diversité »5.

Si l’espérance d’Édouard Glissant et de Patrick Chamoiseau est compréhensible à la lumière contrastée de l’histoire raciale et ségrégationniste américaine, la « preuve » Obama n’en demeure pas moins insatisfaisante. Le président cool des États-Unis incarne bien davantage les trois « mondes » qui entrent en contradiction dans la philosophie glissantienne : le créolisme, le mondialisme et l’identitarisme. Le premier est synonyme de reconnaissance et d’accueil de la différence ; le deuxième d’homogénéisation des civilisations et d’extinction des singularités ; le troisième d’exacerbation des particularités et de fermetures communautaires. L’accès d’Obama à la Maison Blanche est à ce titre imputable à des électorats aussi incompatibles que prêts à tout pour « s’identifier » à un candidat. Classes supérieures abreuvées à l’idéologie de la diversité, classes moyennes biberonnées à l’American Way Of Life et convaincues des vertus du libéralisme généralisé, classes populaires issues des minorités récemment politisées et adversaires déclarées de l’Amérique « blanche », tous concourent à l’obamania des années 2010. Le président « blanc-noir » serait par conséquent moins le produit de la créolisation que de la réunion contingente des blancs et des noirs autour d’une audacieuse campagne politique.

La créolisation, en voulant désigner à la fois un processus et une utopie, prend le risque de s’ériger comme prophétie auto-réalisatrice – le monde se créolise, alors créolisons-nous.

Le nuance mérite d’être rappelée, non pour discréditer l’hypothèse créole, mais pour mettre en évidence le paradoxe au sein duquel elle est prise. La créolisation, en voulant désigner à la fois un processus et une utopie, prend le risque de s’ériger comme prophétie auto-réalisatrice – le monde se créolise, alors créolisons-nous. Polarisée entre Pays rêvé, pays réel, à l’instar du titre d’un recueil du poète paru en 1985, elle est une « offrande »6 aussi féconde que funeste pour ceux qui voudraient s’en saisir. En tant que croyance en un monde meilleur, elle peut constituer un horizon partageable ; en tant que réalité empirique indiscutable, elle est un piège redoutable et – surtout – un pain béni pour l’opposition. « Le monde se créolise ? Alors, refusons d’être créolisés ! » C’est en substance ce qui s’est joué au cours du débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour, plaçant le premier dans une position justifiée par l’évidence, et le second dans une position fondée sur le volontarisme. Zemmour en sort gagnant : lui-seul, dans ce cas précis, donne l’impression de défendre l’insoumission de la France à des processus globaux et de pouvoir inverser le cours des choses. C’est qu’en effet, la créolisation n’est pas une politique mais une vision du monde. « Je crois qu’Obama est un visionnaire, mais qu’il ne veut pas le laisser voir » concède finalement Édouard Glissant7, confirmant implicitement que la politique créole – s’il y en a – ne peut être qu’affaire de voyants.

Poétique ou politique créole ?

Les hésitations inscrites au cœur de la créolisation invitent à comprendre la nature de l’héritage glissantien, qui relève d’une poétique et non d’une politique. La figure du « voyant » est elle-même empruntée à la tradition littéraire, qui érige les poètes en artisans d’avenir, capables de chanter l’harmonie secrète du monde et d’en élargir les rêves. « Qu’est-ce ainsi, une philosophie de la Relation ? Un impossible, en tant qu’elle ne serait pas une poétique » reconnaît Édouard Glissant8. La question de « la traduction » politique de la créolisation est par conséquent inopérante ; c’est bien davantage celle de la fonction politique de la poésie que nous invite à reposer l’écrivain martiniquais. Il en assume pour sa part le puissant pouvoir : « Les poétiques ne cessent de combattre. Les poétiques particulières survenues au monde sont des politiques réalisables partout. » Poétiser la politique, ainsi du projet glissantien qui cherche à faire résonner l’extraordinaire du poème dans l’ordinaire du quotidien, en révélant les liens qui unissent les présences peuplant l’étendue terrestre – de l’humus des forêts vierges aux humbles qui partout s’éveillent.

Lorsqu’Éric Zemmour qualifie la créolisation de « chimère pseudo-poétique », on ne saurait alors que trop le prendre en mot – l’ignorance et le mépris en moins. Car, contrairement à ce que le polémiste suggère, la dimension utopique de l’œuvre d’Édouard Glissant n’est un problème que si, précisément, elle est dévoyée en idéologie. Une stratégie conservatrice classique pour décrédibiliser les propositions alternatives et écraser l’avenir sous le poids des représentations présentes. L’utopie créole n’a pourtant ni vocation à être un modèle normatif auquel se conformer, ni un programme applicable ici et maintenant. Elle est avant tout « un cri, tout simplement un cri »10, comme l’écrit le poète, avertissant face aux dangers des conceptions étroites du monde. En choisissant d’invoquer « la créolisation », Jean-Luc Mélenchon oppose en ce sens un autre imaginaire aux discours de ses adversaires, fabriqués à partir d’une grammaire – l’identité, le territoire, les racines, l’origine – à laquelle Édouard Glissant s’est toujours opposé. « La grande question qui se pose pour nous est celle de la révolution de nos imaginaires » affirmait ce dernier en 2005. Si changer les imaginaires ne suffit guère pour changer la vie, force est néanmoins de reconnaître qu’ils participent de la lutte politique : ils nourrissent des propositions contre-hégémoniques et reconfigurent nos interprétations du réel.

La créolisation est une arme dans la bataille des imaginaires, elle ne peut rien contre la guerre civilisationnelle que s’attelle à préparer l’extrême-droite.

Comment mesurer toutefois l’efficacité stratégique de cette réappropriation ? Si la créolisation s’est imposée comme une variable nouvelle dans l’équation politique actuelle – en témoigne la succession d’articles de presse à son sujet et les débats qu’elle a suscités –, elle paraît aussi avoir produit davantage de perplexité que d’adhésion. Les raisons qui expliquent cette confusion, outre la complexité de la notion glissantienne et les caricatures véhiculées par ses opposants, sont plus profondes : si la créolisation est une arme dans la bataille des imaginaires, elle ne peut rien contre la guerre civilisationnelle que s’attelle à préparer, depuis des années, l’extrême-droite. L’erreur qui consiste à croire qu’il s’agit de répondre à cette dernière sur le terrain culturel est, d’une certaine manière, le produit du gramscisme appauvri qui sature l’arène politique. Dès lors que la politique est réduite à « une bataille d’idées », il suffit de formuler le vœu pieu qu’une idée en chassera en une autre – que la créolisation finira par l’emporter sur le grand remplacement. La réception mitigée de cette « proposition créole » apporte néanmoins un démenti à cette politique idéaliste, qui fait abstraction des forces en présence. Elle manifeste, de ce point de vue, moins un chauvinisme enraciné, que la conscience vive de l’inadéquation des ressources mises à disposition pour contrer l’offensive adverse.

L’impératif est donc de prendre acte d’une disjonction : la puissance poétique de la créolisation est fonction de son impuissance politique. Edelyn Dorismond a d’ailleurs largement interrogé l’impensé politique de la créolisation, en démontrant que si l’on pouvait créoliser la politique, l’inverse n’était pas vrai11. Édouard Glissant, lui-même, dans l’un de ses derniers ouvrages, semble parvenir à une conclusion similaire. Il écrit longuement : « La puissance des imaginaires est d’utopie en chaque jour, elle est réaliste quand elle préfigure ce qui permettra pendant longtemps d’accompagner les actions qui ne tremblent pas. Les actions qui ne tremblent pas resteraient stériles si la pensée de la totalité monde, qui est tremblement, ne les supportait. C’est là où la philosophie exerce, et aussi la pensée du poème. »12 L’œuvre de Glissant, s’il faut aujourd’hui s’en inspirer, exige d’assumer une politique qui ne tremble pas, au nom d’une pensée du tremblement – et non le contraire. Un équilibre précaire, mais qui peut concrètement s’éprouver dès lors que la politique organise des solidarités et des conflictualités nouvelles, sans faire le choix de l’essentialisation de la différence. Autrement dit : la victoire ne sera pas celle de ceux qui accueillent la créolisation contre ceux qui la refusent – du camp du bien contre le camp du mal –, mais de ceux qui reconstruisent une maison commune et donnent des gages de sa solidité ainsi que de son hospitalité.

République et créolisation : l’avenir de l’universel

La créolisation lègue in fine l’épineuse question de sa capacité à revitaliser le faire-commun. Car, même à se saisir précautionneusement de la poétique glissantienne, cette dernière n’en comporte pas moins une méfiance fondamentale à l’égard de la pensée républicaine qu’elle invite à dépasser. Édouard Glissant, interrogé en 2009 par Philosophie Magazine, n’a pas hésité à soutenir : « L’universalisme attaché à la République et à l’esprit français est une valeur usée, une négation des humanités au pluriel. Il ne permet pas d’appréhender le « tout-monde ». L’idéal républicain de la fraternité, l’idée de patrie universelle, de nation élue sont des aspirations qui datent d’une époque où le monde n’était pas encore monde. » C’est dire combien l’écrivain remet en question plus de deux siècles d’histoire et de clivages politiques, qui ont été structurants pour la France, en faisant de la famille républicaine un monolithique et en oubliant la pluralité de ceux qui s’en réclament. La position de Jean-Luc Mélenchon n’en est que plus délicate, lui qui tente de réconcilier – peut-être – l’irréconciliable et répondait dans les lignes de L’Insoumission que « l’universalisme de la Révolution française permet à la France d’être un pays créolisé »13. Une affirmation qu’Édouard Glissant aurait très probablement récusée, au regard du dialogue qu’il a mené avec Régis Debray à propos des mêmes sujets. À la République universelle, l’écrivain martiniquais oppose la République diverselle14, qui appelle nécessairement une tout autre conception de la communauté politique.

La « République créole » participe à reconduire un moralisme implicite, comme s’il fallait « créoliser » la république pour la rendre à nouveau acceptable.

La « République créole » n’a donc rien d’évident et constitue une hybridation audacieuse, dont la capacité à fédérer reste à démontrer. À l’heure actuelle, elle court le risque de la confusion généralisée, en brouillant les héritages auxquels il s’agit de se rattacher. Pis encore, elle participe à reconduire un moralisme implicite, comme s’il fallait « créoliser » la république pour la rendre à nouveau acceptable. Or, et c’est là l’honneur de Jean-Luc Mélenchon, d’avoir traditionnellement défendu la République contre tous les républicains proclamés et d’avoir rappelé, qu’en dépit de son nom usé, ses promesses de liberté, d’égalité et de fraternité se donnaient encore aujourd’hui comme une tâche à accomplir. La négation des humanités dont Édouard Glissant rend responsable l’universalisme est d’autant plus injuste, qu’il n’a jamais été question d’homogénéiser les cultures, mais de les faire accéder à la même dignité. Les Jacobins noirs, dont C. L. R. James fait le récit15, en sont un symbole éloquent : c’est au nom des idéaux révolutionnaires que Toussaint Louverture mène la libération d’Haïti en 1791 et rompt plusieurs siècles de déshumanisation. Le paradoxe de la créolisation glissantienne n’en est que plus manifeste : l’égalité radicale demeure la condition d’une poétique de la différence.

La passion française de l’égalité, comme le titrait encore un hors-série de L’Humanité paru en 2019, est pourtant aujourd’hui celle qui nous fait le plus défaut. Les mondes qui se font face – l’identitarisme, le créolisme et le mondialisme – ont tous en commun la subordination du principe d’égalité à d’autres exigences : égaux dans l’exclusif de la communauté, égaux dans la différence, égaux dans la concurrence. C’est dire combien le vieil universalisme paraît démodé, lui qui défendait l’égalité du genre humain. La pétition de principes a néanmoins des conséquences politiques : la communauté démocratique se dévitalise à mesure que ses fondements s’abîment. Il n’est guère étonnant que les sociétés « s’archipélisent », en un sens contraire à celui qu’Édouard Glissant n’a cessé de promouvoir. Se pourrait-il alors que le détour par les îles nous ramène au continent ? Gageons, qu’en poète, l’écrivain martiniquais puisse renouer avec les rêves d’avenir qui n’exigent en rien de renoncer au passé : « J’ajouterai qu’il nous faut avoir une vision prophétique du passé. (…) Il ne faut pas avoir du passé une vision qui détermine le présent, mais une vision qui ouvre à tous les présents possibles. »16

[1] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997, p.20.

[2] Voir par exemple : « Un miracle créole ? », L’Homme, 2013/3-4 (n° 207-208).

[3] Voir François Simasotchi-Bronès, « La créolisation, une poétique qui est un miracle », dans François Noudelmann et al., Archipels Glissant, Vincennes, PUV, 2020.

[4] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, op.cit., p.68.

[5] Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, L’intraitable beauté du monde. Adresse à Barack Obama, Paris, Éditions Galaade & Institut du Tout-Monde, 2009.

[6] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, op.cit., p.26.

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[7] « Glissant – Chamoiseau : un regard aigu sur Barack Obama », L’Humanité, 21 janvier 2009.

[8] Édouard Glissant, Philosophie de la Relation, Paris, Gallimard, 2009, p.82.

[9] Ibid., p.85.

[10] Édouard Glissant, Traité du Tout-Monde, op.cit., p.233. La citation prolonge celle du chapô.

[11] Edelyn Dorismond, « Créolisation de la politique, politique de la créolisation. Penser un « im-pensé » dans l’œuvre d’Edouard Glissant », dans Cahiers Sens public, n°10-11, 2009.

[12] Édouard Glissant, Philosophie de la Relation, op.cit., p.54.

[13] « Qu’est-ce que la créolisation ? Entretien avec Jean-Luc Mélenchon », L’insoumission, 4 septembre 2021.

[14] Voir Edelyn Dorismond « Créolisation et communauté. République diverselle et politique de la rencontre » dans François Noudelmann et al., Archipels Glissant, op.cit.

[15] C. L. R. James, Les jacobins noirs. Toussaint Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, Paris, Éditions Amsterdam, 2017.

[16] « Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau : de la nécessité du poétique en temps de crise », L’Orient littéraire, n°7, 2009.