Chaque jour, des milliards de données sont extraites de nos outils digitaux et réutilisées par les géants du numérique à des fins de ciblage publicitaire. La critique de ce capitalisme de surveillance a été popularisé dans les médias, notamment par Shoshana Zuboff, professeur émérite à la Harvard Business School, et auteur d’un ouvrage éponyme. Elle dénonce inlassablement les dangers que font courir les GAFAM sur l’autonomie des citoyens. Mais faut-il s’indigner de la soif insatiable de Google ou d’Amazon pour les données personnelles ? Ou simplement y voir la conséquence prévisible de l’extension du capitalisme vers de nouveaux marchés ? Evgeny Morozov, auteur de nombreux ouvrages consacrés au numérique (dont Le mirage numérique : Pour une politique des big data, publié en 2015), répond à Shoshana Zuboff dans cet article.
Si l’utilisation par Zuboff de l’expression « capitalisme de surveillance » est apparue pour la première fois en 2014, les origines de sa critique remontent plus loin. On peut en trouver la trace dès la fin des années 1970, à l’époque où Zuboff commençait à étudier l’impact des technologies de l’information sur les lieux de travail – un projet de quarante ans qui, en plus de donner lieu à de nombreuses publications, l’a également nourrie