[Edito] Si Valls c’est déjà un peu la gauche, que Benoît Hamon c’est un peu trop la gauche et qu’avec Mélenchon, on frise le communisme de guerre, comment qualifier les projets de Philippe Poutou et de Nathalie Arthaud ? En analysant la trahison de la social-démocratie convertie en droite de moins en moins complexée, on peut remettre en perspective les étiquettes médiatiques et rechercher où l’on trouve de la radicalité à gauche.
La désunion de la gauche et les fortes oppositions entre ses différentes tendances nous amènent naturellement à analyser leurs divergences, à qualifier ces courants pour permettre aux électeurs de se décider, et donc à les étiqueter. Mais où retrouve-t-on de la radicalité dans les offres politiques à gauche ?
La gauche a vu sa tendance la plus libérale gouverner de 2012 à 2017 en menant une politique très proche de celle de la droite sur de nombreux points – Loi Macron et El Khomri, état d’urgence, CICE – allant jusqu’à l’indécence du débat sur la déchéance de nationalité. Ce social-libéralisme, qui se revendique lui-même comme appartenant à la grande famille de la gauche, a creusé le fossé avec la gauche de transformation sociale qui s’est sentie trahie par ce revirement libéral.
Dès lors, le programme de Benoît Hamon a rapidement été qualifié de « gauche de la gauche », comme pour marquer un embryon de radicalité, de rupture avec la politique menée par François Hollande. Or, ce positionnement ne se justifie qu’en comparaison du programme ouvertement libéral et autoritaire de son concurrent Manuel Valls : mais s’appuyer sur le vallsisme pour déterminer les positions relatives de la gauche, est-ce seulement pertinent ?
Le discours médiatique ayant placé Benoît Hamon à la « gauche de la gauche », quelle place allait-il rester pour le candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, porteur d’un projet nettement transformateur des réalités socio-économiques ? En continuité de sa première fourberie intellectuelle au sujet de Benoît Hamon, la médiacratie a proclamé Jean-Luc Mélenchon représentant de l’extrême-gauche ; et c’est encore l’image qu’il garde aujourd’hui auprès de nombreux électeurs. Pourtant son projet garde dans le fond une modération certaine, et dans l’éternel débat de la gauche entre voie réformiste par les institutions démocratiques et action révolutionnaire, force est de constater que Jean-Luc Mélenchon incarne cette gauche modérée, respectueuse des institutions du pouvoir bien que souhaitant les remettre en cause.
C’est ainsi que les candidats se revendiquant d’extrême-gauche sont totalement disqualifiés par le discours médiatique : Poutou est raillé quand il parle d’interdire les licenciements, ses propositions de liberté d’installation sont balayées par l’argument, philosophique s’il en est, du « monde des bisounours ». Et si on parle d’extrême-gauche pour Jean-Luc Mélenchon, quel espace laisse-t-on pour la gauche révolutionnaire qui parle de socialisation des moyens de production, qui souhaite mener la lutte des classes pour les abolir, ou qui analyse l’Etat comme un outil de l’oppression bourgeoise ?
Tous ces axes de réflexion de la gauche sont décrédibilisés, parce que Manuel Valls c’est déjà un peu la gauche, et Jean-Luc Mélenchon ça l’est déjà beaucoup trop. Ce glissement insidieux de l’échiquier politique vers la droite se fait à dessein : il vise à effacer du débat public les concepts de lutte des classes ou la critique de la religion néolibérale.
La gauche que l’on dit radicale (Hamon, Mélenchon) ne l’est en réalité pas du tout ; c’est qu’une partie de la sociale-démocratie s’est soumise au consensus néolibéral et essaye de tirer le reste de la gauche avec elle dans sa tombe. Et il faudrait que quelqu’un qui voit en Mélenchon le nouveau Lénine discute un peu avec un anarchiste ou un trotskyte, histoire de comprendre ce qu’est la gauche radicale.
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