La France Insoumise face à son destin

Jean-Luc Mélenchon lors du meeting du 18 mars place de la République. ©Benjamin Polge

Après un peu plus d’un an d’existence et une histoire déjà riche, La France Insoumise, forte du score de son candidat Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle et de la visibilité de son groupe parlementaire, va devoir préciser sa stratégie dans la guerre de position à venir. Les défis auxquels le mouvement va se confronter sont nombreux.

Nous venons de sortir d’un long cycle électoral et, outre La République En Marche, le mouvement La France Insoumise (LFI) s’est imposé comme une nouvelle force incontournable de l’échiquier politique. Alors que quelques mois auparavant il semblait probable que ce soit le FN qui se dote d’une forte présence à l’Assemblée Nationale, la visibilité du groupe de LFI a permis au mouvement de s’installer comme le principal opposant à la politique d’Emmanuel Macron dans l’esprit des Français. Ce résultat est en grande partie le fruit d’une stratégie populiste, telle qu’elle a été théorisée par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, et mise en pratique par Podemos, mais aussi de l’explosion du PS. Ce progrès est considérable puisqu’il permet à l’antilibéralisme progressiste de sortir de la culture de la défaite. Les insoumis ont mené une vraie guerre de mouvement, ont donné tout son sens à la fonction tribunicienne via Jean-luc Mélenchon, et ne sont pas passés loin d’arriver au second tour de l’élection présidentielle. Après une séquence parlementaire agitée qui a duré un mois, il est nécessaire d’effectuer un petit bilan de ce qui s’est passé, et d’esquisser les défis auxquels le mouvement va devoir se confronter, alors que nous entrons dans une nouvelle phase qui appelle une stratégie de guerre de position.[1]

 

La stratégie populiste victorieuse de la rhétorique de gauche

Un des premiers enseignements que l’on peut tirer de cette élection présidentielle est qu’elle a permis de trancher entre deux orientations stratégiques. La première est le populisme, entendu comme une façon de construire un sujet politique collectif en articulant un ensemble de demandes sociales et en posant des lignes de clivages là où elles sont les plus efficaces, afin de déterminer un « eux » et un « nous ». Ici « ceux d’en bas, la France des petits », contre « ceux d’en haut ». Cette stratégie a nécessité la construction de nouveaux référents plus transversaux et la liquidation de l’ensemble des référents traditionnels de la gauche, qui, en tant que signifiants discrédités par la politique de François Hollande, étaient devenus des boulets politiques. La stratégie populiste ne nie pas la pertinence analytique du clivage gauche-droite, comme on l’entend souvent, mais refuse son utilisation rhétorique, dans les discours, et dans la pratique politique.

Cette stratégie s’est opposée à une seconde stratégie qui repose sur la rhétorique de gauche et la constitution d’un cartel de forces qui s’affirment clairement de gauche. Cette dernière a été portée par Benoît Hamon, candidat identitaire de « retour aux fondamentaux de la gauche », et par le PCF qui proposait, avant la campagne, la constitution d’un large cartel de gauche. Les scores des différents candidats et la dynamique de la campagne sont venus trancher ce débat.

Il est en effet nécessaire de rappeler que la campagne de LFI n’est devenue pleinement populiste qu’à partir du meeting du 18 mars place de la République. Auparavant, nous étions face à une stratégie hybride – très « homo urbanus », le nouveau sujet politique conceptualisé par Jean-Luc Mélenchon dans son ouvrage L’ère du peuple -, centrée sur le cœur électoral de la gauche et les classes moyennes. Le meeting du 18 mars, les drapeaux français, et le contenu historique et patriotique du discours, ont permis au mouvement de devenir plus transversal et de passer de l’incarnation de la gauche à l’incarnation du peuple. C’est d’ailleurs à partir de ce moment-là que Jean-Luc Mélenchon gagne des points dans les sondages et démarre sa dynamique, amplifiée deux jours plus tard par son excellente prestation lors du débat avec les « gros candidats ». Au cours de ce débat, le tribun arrive à se départir de l’image colérique qui lui collait à la peau au profit d’une image plus positive et souriante, ce qui lui permet de rentrer dans des habits d’homme d’État. En quelques jours, le candidat passe de 11% à 15% et dépasse Benoît Hamon, lequel commence dès lors à s’écrouler, avant de s’effondrer suite à la trahison de Valls. Ce sorpasso a aussi permis à LFI d’enclencher le phénomène de vote utile très présent dans l’électorat du PS, dont il faut reconnaître que les gros bataillons étaient néanmoins déjà partis chez Macron. C’est aussi à partir de ce moment populiste que les intentions de vote pour le FN se tassent.

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Jean-Luc Mélenchon en visite à Quito ©Cancilleria Ecuador

On rétorque souvent à la méthode populiste que l’électorat de LFI s’autopositionne majoritairement à gauche et que la rhétorique populiste est beaucoup moins transversale qu’elle ne le laisse croire. Ce constat est vrai, mais il est statique, et il doit être nuancé. Si cela est majoritairement vrai, ce n’est pas exclusivement vrai. L’enquête post-électorale IPSOS nous apprend ainsi que Jean-Luc Mélenchon est le candidat qui a attiré le plus de votants qui ne se reconnaissent proches « d’aucun parti », devant Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Par ailleurs, en perspective dynamique, il faut prendre en compte deux enjeux qui sont liés : la capacité à être le second choix de nombreux électeurs ; et la capacité à agréger des votes au second tour, qui est le moment où la transversalité s’exprime le plus fortement.

En l’occurrence, selon l’enquête CEVIPOF du 16-17 avril 2017, Jean-Luc Mélenchon a réussi a être le premier second choix des électeurs non définitifs de trois candidats différents : Emmanuel Macron (26% de ses électeurs non définitifs) ; Benoît Hamon (50%) ; et Marine Le Pen (28%). De plus, si l’on veut s’intéresser à la capacité à agréger au second tour, et selon les données récoltées par l’auteur de ces lignes, les candidats de LFI présents au second tour des législatives ont été capables de rassembler largement au second tour, sans pour autant contrecarrer totalement la vague macroniste. En effet, ces candidats, ultramajoritairement opposés à des candidats de La République En Marche, ont gagné en moyenne 29,11 points entre le premier et le second tour contre 18,46 points pour les candidats de LREM qui leur étaient opposés. Cela ne peut s’expliquer uniquement par la remobilisation de l’électorat LFI étant donné le recul du taux de participation national et le nombre de duels – plus de soixante duels -, même si cela a pu jouer localement. Voici ce qu’est la transversalité permise par la méthode populiste : la capacité à être une force de second tour et à ne pas être cloisonné dans un ghetto électoral.

Le score obtenu par Jean-Luc Mélenchon le soir du 23 avril, soit 19,58% et sept millions de voix, était en soi une victoire politique encourageante pour le futur. Il est dommage que le candidat n’ait pu le montrer et l’incarner au moment de sa conférence de presse, bien qu’on comprenne aisément que le fait de passer si proche du second tour puisse être démoralisant. Néanmoins, c’est à partir de ce moment-là que les médias et les adversaires politiques de LFI ont tenté de réenfermer le mouvement dans le rôle d’une force aigrie opposée à l’énergie positive macronienne et, il faut le dire, ils y sont partiellement arrivés. Le couac de l’affaire Cazeneuve – un des rares ministres de Hollande relativement populaires – et de la phrase prononcée par Jean-Luc Mélenchon sur « l’assassinat de Rémi Fraisse » ont amplifié cela. Cependant, les résultats des élections législatives, et l’existence d’un groupe parlementaire autonome, souriant et conquérant, sont venus battre en brèche cette spirale qui menaçait les insoumis. Désormais, un cycle se ferme et de nombreux défis guettent le mouvement.

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Le groupe France insoumise en conférence de presse ©Rivdumat

Dépasser la rhétorique d’opposition, conjuguer le moment destituant et le moment instituant

Le premier mois d’activité parlementaire des insoumis a été marqué par des moments médiatiques qui ont mis en scène une rhétorique d’opposition : refus de la cravate, refus de se rendre à Versailles, etc. Si l’on comprend aisément que dans un contexte où Les Républicains sont complètements minés par leurs divisions internes, et où le FN est invisible et subit le contrecoup de sa campagne de second tour catastrophique, il soit opportun de s’arroger le monopole de l’opposition, cette rhétorique va néanmoins devoir être dépassée, ou du moins conjuguée avec une rhétorique instituante. Cette exigence de changement de disque est d’autant plus pressante que le moment politique est marqué par la lassitude vis à vis de la politique suite à un long cycle électoral. La rhétorique d’opposition, à froid, alors qu’il n’y a pas de mouvements sociaux de grande ampleur et que nous subissons la dépolitisation post-présidentielle, prend le risque de tourner à vide.

Par rhétorique instituante, nous entendons la capacité à incarner et à développer des discours qui démontrent une capacité à produire un ordre alternatif à l’ordre actuel, un horizon positif, où il s’agit, selon les mots très pertinents de Jean-luc Mélenchon lors de la fin d’un des débats de la campagne présidentielle, de « retrouver le goût du bonheur ». La France Insoumise ne doit pas se contenter de contester le nouvel ordre macronien. Elle doit être à mi-chemin entre cet ordre qu’elle critique, qu’elle propose de dégager, et le projet de pays dont elle veut accoucher. Il est frappant de noter la différence des slogans entre les meetings de Podemos et ceux de La France Insoumise : lorsque dans les premiers on chante ¡Sí se puede! ; dans les seconds on scande Résistance ! et Dégagez ! Le changement qualitatif à opérer est fondamental, et passe par une transformation de la culture militante. Disons les choses clairement : la gauche antilibérale française a intériorisé la défaite, et elle ne s’imagine pas autrement qu’en opposante éternelle qui résiste indéfiniment aux assauts du néolibéralisme. Cette position est confortable et relève, parfois, du narcissisme militant qui se complait dans le rôle transgresseur de l’opposant. A l’inverse, il est notable qu’Iñigo Errejon, l’ancien numéro 2 de Podemos, déclare, le soir d’un contrecoup électoral : « Nous ne sommes pas ceux qui résistent » et « Nous sommes l’Espagne qui vient ». La France Insoumise, si elle ne veut pas être cantonnée au rôle de l’éternel opposant, va devoir travailler à la transformation de la culture de sa base militante, qui vient bien souvent – mais pas uniquement – de la vieille gauche radicale. Cette transformation est déjà en cours, avec notamment la mise au placard bienvenue des drapeaux rouges. L’heure est à son approfondissement.

Sans cette capacité de décentrement des militants par rapport à leur culture politique originelle et sans cette capacité d’articulation entre la volonté de destitution du vieux monde et la volonté d’institution d’un nouveau monde, un espace politique pourrait être laissé à Benoît Hamon. Ce dernier cherche à occuper l’espace de l’antilibéralisme crédible, qui se projette dans un « futur désirable ». Ce travail est la condition pour aller chercher ceux qui manquent, notamment parmi les classes moyennes urbaines et diplômées qui ont voté pour le candidat du PS à la présidentielle ou pour Macron, mais aussi parmi les classes populaires chez qui la demande d’autorité et d’ordre est puissante.

La difficile mais nécessaire synthèse politique entre classes populaires de la France périphérique et classes moyennes urbaines.

La force de La France Insoumise est d’avoir énormément progressé dans l’ensemble des Catégories Socioprofessionnelles et des classes d’âge – hormis les plus âgés – par rapport à 2012. Cette progression est tout à fait homogène lorsque l’on prend les données par CSP : 19% chez les cadres, dix de plus qu’en 2012 ; 24% chez les ouvriers, soit un gain de treize points ; 22% et dix points de gains chez les employés ; 22% chez les professions intermédiaires et huit points de progression ; mais aucun gain chez les retraités. Il est par ailleurs important de noter que l’électorat de Jean-Luc Mélenchon s’est considérablement rajeuni : 30% chez les 18-24 ans (+22) ; 24% chez les 25-34 ans (+11) ; 22% chez les 35-49 ans (+10) ; mais encore une fois de faibles scores chez les plus âgés. Cette structure de l’électorat constitue une force et une faiblesse : elle démontre la capacité de La France Insoumise a convaincre les primo-votants et à s’élargir vers toutes les CSP, mais elle l’expose à l’abstention différentielle, plus particulièrement au fait que les plus âgés votent beaucoup plus que le reste de la population. Les clivages politiques deviennent aussi des clivages générationnels.

L’homogénéité de la progression de Jean-Luc Mélenchon peut aussi être constatée territorialement. On observe une progression importante sur l’ensemble du territoire, hormis le bassin Sarthois, l’orléanais, l’ancienne région Champagne, la Vendée, la Corse, et la Franche-Comté où elle est plus modérée.

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Carte des gains de Jean-Luc Mélenchon entre 2012 et 2017

La capacité à progresser dans la plupart des couches de la population est une autre preuve de la transversalité acquise par le mouvement lors de la campagne présidentielle. Malgré des subjectivités politiques aussi éloignées que celle d’un cadre urbain et celle d’un ouvrier du Nord, Jean-Luc Mélenchon a su cristalliser, incarner et articuler des demandes politiques diverses.

Dès lors, la question se pose de savoir comment continuer à progresser dans l’ensemble des catégories les plus à même de voter LFI. Plus précisément, il s’agit de savoir comment convaincre les classes moyennes urbaines qui ont hésité entre Macron et Mélenchon – et elles sont nombreuses – et les classes populaires – ouvriers, employés et fonctionnaires de catégorie C de la Fonction Publique Hospitalière et de la Fonction Publique Territoriale – qui sont tentées par le vote FN, mais qui, sous l’effet de la crise que vit actuellement le Front National, peuvent être politiquement désaffiliées. Cette possibilité de désaffiliation est d’autant plus réelle que le FN est tenté par un retour au triptyque « identité, sécurité, immigration », et par la relégation du vernis social philippotiste au profit d’un discours libéral à même de conquérir la bourgeoisie conservatrice. Alors que la temporalité politique est aujourd’hui marquée par le projet de Macron sur le code du travail et par l’austérité budgétaire, le FN est invisible et LFI dispose donc d’une réelle fenêtre d’opportunité pour toucher ces couches populaires.

La difficulté réside dans le fait que les classes moyennes urbaines et que les classes populaires de la France périphérique émettent des demandes politiques potentiellement antagonistes : ouverture sur le monde, participation à la vie citoyenne, loisirs, écologie ou éducation pour les premières ; protection, autorité, valorisation du travail, relative hostilité à l’immigration et demande d’intervention de l’État pour les secondes. Bien entendu, nous tirons ici à gros traits, mais nous invitons nos lecteurs à aller consulter le dernier dossier sur les fractures françaises réalisé par IPSOS.

Il nous semble que cette contradiction peut être résolue en développant un discours progressiste sur la patrie qui n’apparaisse pas comme un discours de fermeture et de repli, mais comme un discours à la fois inclusif et protecteur : « La France est une communauté solidaire ; la patrie, c’est la protection des plus faibles par l’entremise de l’État ; la France, ce sont les services publics ; la France est une nation universelle et écologique ouverte sur le monde ; etc ». Ce type de discours a été développé par Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle, mais il doit être approfondi et investi symboliquement en lui conférant un contenu positif et optimiste. LFI doit articuler un discours holistique, produire un ordre patriotique alternatif, qui permette la cristallisation de ces demandes potentiellement contradictoires. Il s’agit de produire une transcendance et un horizon à la fois ouvert et protecteur, où la notion de service public redevient fondamentale, tout en conférant une place centrale au rétablissement de l’autorité de l’État, afin de répondre au sentiment décliniste que « tout fout le camp ». Ce dernier est très présent parmi les ouvriers, les employés et les fonctionnaires de catégorie C qui subissent l’austérité et voient l’État se déliter progressivement dans les territoires périphériques.

Néanmoins, s’arroger le monopole d’une vision protectrice, ouverte et inclusive de la nation n’est pas le seul enjeu saillant dans la guerre de position qui vient. A l’évidence, de nombreux français ont du mal à envisager un gouvernement de La France Insoumise. Dès lors, voter pour Jean-Luc Mélenchon peut représenter une forme de saut dans l’inconnu. C’est pourquoi le mouvement fait face à un enjeu de crédibilisation qui se situe à plusieurs niveaux : la nature du personnel politique ; la pratique institutionnelle ; et les codes et la symbolique de la compétence.

Se doter d’une capacité à gouverner et d’une crédibilité

Malgré les résultats catastrophiques des politiques économiques qui sont menées depuis trente ans, le personnel politique néolibéral arrive toujours à maintenir son apparence de crédibilité technique et économique. Pensons aux sempiternelles « baisses de charges » censées permettre la baisse du chômage, alors qu’il s’agit d’une dépense couteuse avec peu d’effets sur l’emploi… Cette illusion de crédibilité est pourtant au fondement de la capacité des élites à obtenir leur reconduction dans le temps, puisque c’est ce qui convainc de nombreux citoyens de voter pour elles par « moindre mal », tandis que les « marges politiques » sont représentées comme relevant du saut dans l’inconnu. Cette illusion de crédibilité s’appuie sur un ensemble de codes et de discours qu’il s’agit de maîtriser. La France Insoumise ne doit pas passer à côté de cet enjeu central si elle veut convaincre une partie de ceux qui hésitent à voter pour elle. Une fraction de son personnel politique doit donc se technocratiser sans pour autant se dépolitiser. Les facs de Sociologie, d’Histoire et de Sciences Politiques sont suffisamment représentées parmi le personnel politique qui gravite autour de LFI, alors qu’il existe un manque criant de profils issus du Droit, de l’Économie et de la haute administration. Ceci dit, c’est aussi dans la pratique institutionnelle quotidienne, dans l’administration de la vie de tous les jours, que réside la clé de la capacité à représenter la normalité.

A cet égard, les élections intermédiaires vont être essentielles. La prochaine échéance importante n’est pas 2022, mais 2020, année des élections municipales. Les scores de LFI dans les grandes villes au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 lui laissent de nombreux espoirs de conquêtes de plusieurs mairies, comme nous pouvons le voir sur le graphique suivant :

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Les scores des différents candidats dans les grandes villes. Source : Metropolis.

La conquête de mairies d’ampleur nationale est d’ailleurs centrale dans la stratégie de crédibilisation menée par Podemos comme le montrent les expériences de Madrid et de Barcelone. Comme l’explique Iñigo Errejon dans un entretien accordé à LVSL : « Cela peut paraître paradoxal, mais le plus révolutionnaire, lorsque nous avons remporté ces villes, est qu’il ne s’est rien passé ». En d’autres termes, leur victoire n’a pas engendré le chaos, alors que c’était ce qui était annoncé par leurs adversaires politiques. La démonstration de la capacité à gouverner à l’échelon local est une étape fondamentale pour convaincre de sa capacité à gouverner au niveau national. C’est aussi l’occasion de produire un personnel politique doté d’une visibilité, et qui maitrise les ressorts et les contraintes des politiques publiques, de ce que représente le fait de diriger une institution avec toutes ses pesanteurs administratives, ainsi que l’explique Rita Maestre dans un autre entretien paru dans LVSL. Cela appelle une stratégie de long terme pour conquérir ces bastions essentiels dans la guerre de position qui se joue, mais aussi que LFI clarifie et stabilise son modèle organisationnel.

Quel que soit le sujet, il n’y a aucune solution clé en main, mais nous croyons que c’est encore moins le cas en ce qui concerne l’organisation même de LFI. Il est néanmoins clair que le mouvement ne peut adopter les formes pyramidales traditionnelles des vieux partis. L’expérience historique a par trop montré leur tendance à la sclérose et à l’absence de souplesse face aux événements politiques. L’enjeu est de conjuguer horizontalité participative et verticalité ; production de cadres et limitation de l’autonomisation des cadres ; porosité avec les mouvements sociaux et institutionnalisation relative ; ou encore production de figures tribuniciennes et ancrage local. Quelque soit le modèle qui sera arrêté dans les mois qui viennent, aucun de ces enjeux ne nous semble pouvoir être négligé.

Les défis sont nombreux pour La France Insoumise, le passage d’une stratégie de guerre de mouvement à une stratégie de guerre de position n’a rien d’évident. Néanmoins, après des années de défaites interminables, les forces progressistes et antilibérales peuvent enfin avoir l’espoir d’une prise de pouvoir.

[1] La distinction entre guerre de mouvement et guerre de position nous vient de Gramsci. Pour faire simple, la guerre de mouvement renvoie aux périodes politiques chaudes, où les rapports de forces peuvent basculer spectaculairement et dans de grandes largeurs. La seconde renvoie aux périodes plus froides, où l’enjeu est de conquérir des bastions dans la société civile et la société politique, de développer une vision du monde, et de construire une hégémonie culturelle à même de permettre la naissance d’un nouveau bloc historique du changement.

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Benjamin Polge

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