L’enjeu des débats sur la souveraineté pendant la Révolution française, 1789-1795 – Intervention de Florence Gauthier

Le cercle LVSL de Paris organisait le 30 novembre dernier une conférence autour de la thématique de la souveraineté populaire telle qu’elle a été théorisée et mise en pratique sous la Révolution française. Florence Gauthier, historienne des révolutions de France et de Saint-Domingue Haïti, professeur à l’Université Paris 7-Diderot, a centré son intervention sur l’enjeu des débats sur la souveraineté pendant l’époque révolutionnaire, de 1789 à 1795. Nous retranscrivons ici l’intégralité de son intervention.


Comme nous nous en apercevons tous les jours, notre système électoral actuel nous empêche de contrôler nos élus, qu’ils soient députés, Président de la République ou autre. Notre Constitution actuelle précise bien que :

Titre I, Art. 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. ». Et dans Titre IV, Art. 27 : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du parlement est personnel ».

Il y a une contradiction ici entre la notion de souveraineté du peuple et celle de la représentation puisque le député dans l’Assemblée nationale est sans mandat et que son vote lui est personnel. La signification de ces articles n’apparaît sans doute pas encore clairement, mais je vais l’analyser en comparaison avec l’histoire de la Révolution française. Je commence par ce rappel :

Qu’est-ce que le pouvoir politique ? C’est le pouvoir de prendre une décision politique qui concerne l’ensemble de la société, selon le principe anonyme, qui vient du fond des âges et que l’on cite à toutes les époques : « Ce qui concerne tout le monde doit être consenti par tous ».

Qui prend la décision ? Telle est la question centrale de l’exercice du pouvoir politique. Il y a trois réponses et si cela vous intéresse d’approfondir, lisez la source première qu’est Aristote, La Politique. Trois formes de prise de décision sont bien connues : soit une monarchie ou un chef sous tout autre dénomination, qui exerce le pouvoir de décision au niveau du législatif et de l’exécutif ; soit une aristocratie sous des dénominations variées ; soit encore le peuple ou démocratie. Il existe bien sûr une variété infinie de gouvernements mixtes entre ces trois formes.

J’en viens à l’histoire de la Révolution française et à la convocation des États généraux en 1789.

Qu’est-ce que les États généraux ?

Un rappel sur les institutions du Moyen Âge est indispensable pour comprendre de quoi il s’agit. Il faut se remettre dans l’ambiance de la chute de l’Empire romain d’Occident au Ve siècle de notre ère, produite par un soulèvement des victimes de Rome dans cet espace Ouest-européen, rassemblant les esclaves des Romains, les peuples conquis mais non esclavagisés qui subissaient la présence romaine et les envahisseurs barbares qui, venus du fond de l’Asie, se déplaçaient vers ce finistère qu’est l’Europe, à la recherche de territoires où s’établir.

Les Romains ont tenté longtemps de repousser les Barbares, en construisant des murs de soldats, le limes, mais ont finalement été battus militairement au Ve siècle. Ce fut la fin de la civilisation romaine conquérante et esclavagiste. Les populations ont alors mêlé les corps et les savoirs, les conceptions des relations humaines et les institutions politiques. Elles ont produit de nouvelles langues et se sont consacrées d’abord à l’agriculture. La communauté villageoise est devenue le noyau de ces sociétés médiévales et a développé ses facultés agraires et politiques sans oublier la notion de droit, reprise des Romains et réinterprétée selon sa conception fondée sur le refus de l’esclavage.

Menacées par des bandes de pillards, les communautés villageoises ont dû organiser leur protection militaire et accepter les services de ce qui est devenu une noblesse militaire. Mais, au IXe siècle, cette noblesse a cherché à imposer aux communautés villageoises une forme de servage. C’est alors qu’un immense mouvement de paysans s’est levé et a duré du XIe au XIVe siècle, à travers le domaine Ouest-européen.

Les paysans ont alors négocié avec cette noblesse asservissante un contrat social qui délimitait, sur le territoire du village, les droits du seigneur et les droits des habitants du village. Les paysans ont rédigé ces chartes de communes et fait reconnaître leur propre droit face à celui du seigneur. Parmi les droits des habitants, il faut rappeler que le servage était interdit et que les habitants des deux sexes étaient reconnus comme personnes libres. Les habitants ont mis par écrit leur droits politiques : l’assemblée générale des habitants des deux sexes décide en commun de la vie du village sur tous les plans, politique, économique, social et juridique.

Enfin, au XIVe siècle, le roi proposa d’intégrer ses sujets à la prise de décision politique en créant les États généraux dans le royaume de France (il existe d’autres dénominations comme les Cortès en Espagne ou le Parlement en Angleterre). C’était le grand conseil du roi et tous les corps du royaume envoyaient leurs mandataires, chargés de leur mandat : à savoir, les communautés villageoises, les corps de métiers urbains, les communes urbaines et les deux ordres du clergé et de la noblesse, organisés eux aussi en corps avec leurs mandataires.

Le peuple, réuni dans le Tiers état dans le royaume de France, participait aux décisions politiques du royaume et surtout, avait le droit précieux de consentir le montant des impôts. Droit précieux que nous avons perdu, mais qui vient pourtant d’entrer en mouvement revendicatif récemment. Retenons qu’à partir des États généraux, la souveraineté était partagée entre le roi et ses sujets selon la Constitution du royaume, fondée sur ce contrat social éclairé par la conscience populaire du « sens commun du droit ».

Je dois préciser maintenant le système électoral de tous ces corps : c’est celui du fidei commis en latin, commis de confiance ou mandataire révocable par ses électeurs. Nous ne le connaissons plus, il a disparu en France depuis la répression brutale de la Commune de Paris de 1871 et il est interdit dans la Constitution actuelle comme je viens de le rappeler. Le commis de confiance est une institution que nous connaissons encore sous des formes qui ne sont pas celles du système électoral.

Un médecin que l’on choisit : si on trouve qu’il ne convient plus, on en choisit un autre, tout simplement. Un ministre est choisit par un roi ou par une assemblée habilitée à le faire. Si le ministre ne fait pas ce qu’on lui demande, il est remplacé tout simplement.

Dans le système électoral médiéval, l’assemblée générale des communautés villageoises, à titre d’exemple, choisissait ses mandataires pour se rendre aux États généraux : ce mandataire était chargé d’un mandat et il était entretenu par les mandants ou électeurs. S’il ne remplissait pas son mandat, ses mandants le rappelaient et le remplaçaient, tout simplement. L’institution du mandataire, choisie, contrôlée par ses mandants et révocable si elle trahit son mandat a été celle du système électoral dans toutes les élections depuis le Moyen-âge et a duré des siècles et faisait partie intégrante de la culture politique du peuple, mais aussi du clergé ou de la noblesse. L’institution du mandataire n’est pas une institution démocratique en soi, mais elle le devient lorsque c’est un corps comme les assemblées générales de communes qui le pratiquent.

Or, depuis le XVIIe siècle, le roi n’a plus convoqué les États généraux. Je ne peux expliquer les raisons faute de temps. Et, depuis ce moment, la monarchie a été qualifiée de « despotique et tyrannique » parce que les sujets du roi étaient exclus de la prise de décision politique. En 1789, la crise de la monarchie française était telle que le roi ne pouvait plus gouverner. Louis XVI a choisi de convoquer à nouveau les États généraux. Ce choix d’une solution politique, en associant ses sujets aux décisions à prendre pour le futur, est à mettre à son actif. Et la société s’en est largement réjouie.

Les élections du Tiers état se sont faites au premier niveau des assemblées générales des habitants des deux sexes des communautés villageoises, dans les villes divisées en quartiers ou par corps de métiers et ont choisi leurs mandataires chargés du mandat des cahiers de doléances. Les mandataires de ce premier niveau se sont retrouvés au chef-lieu de bailliage et ont choisi, parmi eux, les mandataires qui iraient à Versailles, mandatés par la refonte des doléances en un cahier de bailliage. Les États généraux, convoqués selon la tradition le 1er mai, se sont réunis à Versailles le 5 mai 1789.

Les États généraux se transforment en Assemblée nationale constituante

A Versailles, un noyau de députés proposa de donner une Constitution à la France et parvint à entraîner une majorité de députés, ouvrant ainsi l’acte 1 de la Révolution : le 20 juin 1789 par le Serment du Jeu de Paume, ces députés se déclaraient, par leur propre volonté, « Assemblée nationale constituante » et juraient de ne point se séparer avant d’avoir réalisé cette Constitution. La réponse du roi fut la répression : il se préparait à réprimer militairement les députés et la ville de Paris, qui suivait avec passion ce qu’il se passait à Versailles.

Pourquoi cette réponse du roi ? Parce que l’Assemblée nationale constituante lui a retiré sa souveraineté. Et pourquoi a-t-elle pu le faire ? Parce qu’elle était une assemblée de mandataires révocables devant leurs électeurs et il s’agissait bien de la souveraineté populaire en acte : les mandataires de tous les habitants du royaume.

L’acte 2 de la Révolution s’est produit en juillet 1789, au moment où le roi préparait la répression. Ce fut le peuple entier qui se souleva, sous forme de jacqueries énormes, dans quasiment tout le pays. Les Jacques armés s’en prirent à la féodalité et commencèrent le brûlement des titres de seigneurie, exprimant clairement leur refus de maintenir plus longtemps la féodalité. De plus, villes et campagnes prirent le pouvoir local et créèrent les Gardes nationales avec des citoyens volontaires. Ce soulèvement appelé par les contemporains « Grande Peur » entraîna l’effondrement de la grande institution de la monarchie. Pourquoi ? Parce que les intendants et les gouverneurs militaires, agents du roi, se cachèrent tant ils avaient peur.

En août 1789, le roi avait perdu sa souveraineté, son épée et son administration. La nouvelle situation du pays, au lendemain de la Grande Peur, va mettre en lumière le débat de fond sur la question centrale de la souveraineté. Le mouvement populaire de juillet a empêché le roi de réprimer : le peuple s’est armé avec les Gardes nationales et c’est lui qui a sauvé l’Assemblée constituante.

L’Assemblée vote deux décisions importantes : le 4 août, elle vote un décret rendant hommage à la jacquerie : « L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal ». Mais elle ne l’appliquera pas. Et, le 26 août, elle vote une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui expose la théorie politique que je résume : les principes éthiques sont contenus dans l’article premier : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », et dans le droit de résistance à l’oppression (Art. 2), elle fonde la société politique sur le principe de la souveraineté populaire et sur la suprématie du pouvoir législatif sur l’exécutif.

Mais, le principe de l’égalité en droits va diviser l’Assemblée en un « côté droit » qui refuse la Déclaration des droits et un « côté gauche » qui s’engage à défendre les principes de la Déclaration des droits.

A partir de là, le « côté droit » de l’Assemblée va passer à l’offensive et voter une Constitution établissant une monarchie constitutionnelle et une aristocratie des riches, qui réserve, comme son nom l’indique, les droits politiques à un certain niveau de richesses. C’est la Constitution de 1791, qui a été mise en application de septembre 1791 au 10 août 1792, qui l’a renversée.

Que faisait le mouvement populaire de 1789 à 1792 ?

Il s’est organisé d’une manière autonome : les paysans d’une part, qui représentent plus de 85 % de la population, vont poursuivre les jacqueries. Pourquoi ? Parce que l’Assemblée nationale ne répond pas à leur programme de suppression de la féodalité et de récupération des biens communaux usurpés par les seigneurs.

Les jacqueries vont reprendre et imposer leur rythme à la Révolution. Depuis juillet 1789, il y eut cinq autres jacqueries, soit deux par an entre 1789 et 1793, qui éclatent à travers le pays, renforcent le mouvement paysan et son pouvoir local et récupèrent, dans les faits, des communaux usurpés avec les droits d’usage et poursuivent le brûlement des titres féodaux. L’Assemblée nationale a décrété la Loi martiale contre toutes les formes du mouvement populaire, mais n’a pas les moyens de l’appliquer. Pourquoi ? Parce que les paysans se protègent en s’armant et que les soldats ne sont pas toujours disposés à réprimer : c’était cela aussi la Révolution. L’Assemblée nationale, avec la Loi martiale, a déclenché une guerre civile ouverte.

En ville, le peuple s’organise en assemblées générales électorales en quartiers de commune, appelés sections de commune. Ce fut l’institution révolutionnaire par excellence: les assemblées générales électorales pour les États généraux se sont maintenues et sont devenues le lieu de réunion des citoyens des deux sexes, pour préparer des manifestations, lire de façon collective les journaux, discuter des lois et reprendre peu à peu les pouvoirs locaux de la commune.

L’Assemblée a bien supprimé dans sa Constitution de 1791 les assemblées générales communales démocratiques, mais le mouvement populaire ne lui obéit pas. Par contre, le mouvement populaire découvre que la Constitution de cette Assemblée nationale viole les principes de la Déclaration des droits et c’est bien cette contradiction qui fut le ressort de la Révolution.

La Révolution du 10 août 1792.

En août 1792, la situation s’est gravement dégradée : le roi a réussi, avec la complicité de l’Assemblée, à déclarer la guerre dans l’espoir que les armées ennemies vont venir le rétablir sur son trône. Cette haute trahison du roi conduit le mouvement populaire à organiser sa propre défense et, le 10 août 1792, les Parisiens et les volontaires de tout le pays, qui viennent des départements pour défendre les frontières du Nord, renversent la Constitution de 1791 et la monarchie. Le roi est emprisonné et la Révolution convoque une nouvelle assemblée constituante, la Convention.

La Convention est élue au suffrage universel par les assemblées générales électorales communales et le système électoral est celui du mandataire révocable. La Convention proclame la République démocratique : comme avec la Déclaration des droits de 1789, le principe de la souveraineté populaire est rétabli, avec le système électoral du mandataire révocable.

Cependant, un nouvel obstacle apparaît, celui du nouveau « côté droit » de la Convention, formé du parti de la Gironde. La Gironde va réussir au début de la Convention girondine à rassembler une majorité de voix sur ses propositions. La Gironde a peur du mouvement populaire et d’une république démocratique et continue de s’opposer au programme paysan, qui propose une réforme agraire supprimant la féodalité et protégeant les biens communaux et leurs droits.

Le programme paysan est complété par le mouvement populaire urbain qui est victime de la politique de liberté illimitée du commerce des subsistances : il s’agit de détruire les protections des marchés publics et d’imposer des pratiques spéculatives qui cherchent à privatiser le marché afin d’imposer les prix. Nous connaissons bien ces pratiques aujourd’hui. A l’époque, l’offensive capitaliste visait le marché des subsistances : il faut bien comprendre que la hausse des prix provoque des famines et se révèlent mortelles pour les salariés aux revenus fixes.

Le mouvement populaire avait élaboré le programme du Maximum pour répondre à cette offensive mortifère : il défendait « le droit à l’existence et aux moyens de la conserver comme premier des droits de l’homme » et avait même, en la personne de Robespierre, exprimé cela par un concept remarquable : celui « d’économie politique populaire » pour se libérer de « l’économie politique despotique ». Le mouvement populaire s’exprimait avec le courant appelé la Montagne. Mais la Gironde lui répondit à nouveau par la Loi martiale. La Convention était une assemblée constituante et la Gironde prépara la discussion sur la Constitution, mais l’interrompit en février 1793, craignant la poussée démocratique. Elle réussit ainsi à gouverner sans constitution jusqu’à sa chute.

De plus, la Gironde déclara une guerre de conquête avec l’objectif d’occuper la rive gauche du Rhin : la guerre était un moyen de prendre le pouvoir et de créer une diversion. Mais, les peuples occupés n’aimèrent pas la conquête girondine et se défendirent si bien que la politique girondine échoua : l’adversaire menaçait maintenant les frontières de la République. C’est alors que la majorité de la Convention changea et exprima son refus de la politique girondine.

La Révolution des 31 mai-2 juin 1793

Comme pour le 10 août, le peuple organisa sa propre défense et ce furent les assemblées générales des sections de Paris, appuyées par les volontaires partant aux frontières, qui organisent une nouvelle insurrection le 31 mai 1793.

Que demandaient-ils ?

Non la dissolution de la Convention, mais le rappel des députés de la Gironde qu’ils jugeaient infidèles depuis plusieurs mois. Le 31 mai, les sections parisiennes vinrent à la Convention réclamer les 32 députés et ministres qui avaient perdu leur confiance. La discussion dura jusqu’au 2 juin et les mandataires infidèles furent destitués.

Voilà un exemple remarquable de l’application de l’institution du mandataire révocable par le peuple souverain. Ces 31 mai-2 juin furent pacifiques, il n’y eut ni mort ni blessé. Et les 32 rappelés furent assignés à résidence, chez eux. La Montagne, qui n’était pas majoritaire en voix à la Convention, fit des propositions qui emportèrent la majorité des députés. Le premier débat de la Convention montagnarde fut celui sur la Constitution qui fut votée le 26 juin suivant, avec une Déclaration des droits naturels, proche de celle de 1789 et une Constitution fondée sur le principe de la souveraineté populaire et de la démocratie communale.

Le 17 juillet, la Convention votait enfin la grande Loi agraire qu’attendaient les paysans : suppression des rentes féodales, partage des terres entre seigneurs et paysans, reconnaissance de la propriété des biens communaux aux communes, partage égal des héritages entre les enfants des deux sexes, y compris les enfants naturels et ouvrait une série de mesures pour distribuer des lopins de terre aux paysans sans terre.

La politique du maximum concernant le marché des subsistances fut enfin appliquée et la politique montagnarde prit en mains la défense des frontières. Pour mener à bien cette politique, la Convention montagnarde renforça la souveraineté populaire au niveau de l’application des lois.

Ce sera mon dernier point. 

L’exécutif était, depuis 1789, décentralisé : il n’y avait plus d’appareil d’État. L’application des lois se faisait au niveau local des communes, des districts, des départements par des administrateurs élus par les assemblées générales communales. En décembre 1793, la Convention montagnarde organise le Gouvernement révolutionnaire. Pour empêcher la non application des lois, tactique des contre-révolutionnaires élus dans les instances démocratiques, la loi du Gouvernement révolutionnaire décida que l’application des lois se ferait au niveau de la Commune, sous le contrôle des assemblées générales sur leurs administrateurs élus. Ce fut ainsi que la législation que je viens de rappeler a pu s’appliquer avec une grande rapidité et répondre au mouvement populaire et surtout mettre fin à la guerre civile.

La décentralisation communale sous le contrôle des assemblées générales communales dissuadait efficacement les actes contre-révolutionnaires. Pour conclure sur la souveraineté populaire : il n’y a pas eu de dictature avec la Convention montagnarde, mais au contraire un approfondissement de la démocratie communale, expression de la souveraineté du peuple, qui contrôlait les pouvoirs publics, le législatif par le système électoral du mandataire révocable et l’exécutif par la décentralisation et l’application des lois au niveau de la commune.

Le 9 thermidor-17 juillet 1794, les opposants à cette République démocratique et sociale faisaient tomber la Montagne sur un simple vote et détruisirent cette souveraineté populaire, clé de cette expérience.

Les conséquences du 9 thermidor sur la souveraineté populaire

Je précise que ce qui a été maintenu de cette période démocratique a été la réforme agraire : les divers régimes qui ont suivi thermidor, le Directoire, le Consulat, l’Empire, la restauration des Bourbons etc. n’ont jamais osé défaire la réforme agraire, qui s’est maintenue en France.

Il faut souligner que ce fut une des rares réformes agraires en faveur des paysans qui ait pu se maintenir, ce n’a pas été le cas ni en URSS ni en Chine au XXe siècle. Louis XVIII répondait à ses Ultraroyalistes, qui lui demandaient de rétablir la féodalité en France : « Messieurs, voulez-vous rallumer la guerre civile en France ? ». Alors, les Ultraroyalistes se sont calmés.

Par ailleurs, il est important de savoir que la Déclaration des droits naturels de l’homme et du citoyen a été expulsée, depuis thermidor, du droit constitutionnel français. Vérifiez dans les Constitutions de la France qui ont suivi, c’est une recherche intéressante à vérifier. Et ce n’est que plus de 150 ans après, en 1946, à la suite d’une guerre terrible contre fascisme et nazisme que la Déclaration des droits de 1789 a été réintroduite dans le droit constitutionnel français. Puis, l’ONU a voté sa « Déclaration universelle des droits de l’homme » en 1948.

Enfin, les droits politiques des femmes qui existaient depuis le Moyen Âge, ont eux aussi été supprimés à l’occasion des diverses Constitutions avec leurs diverses formes d’aristocratie des riches depuis Thermidor.

Après la répression sauvage de la Commune de Paris de 1871, la Troisième République a annoncé le rétablissement du suffrage universel, mais c’est inexact : les femmes en étaient exclues et la misogynie, soit une forme de division du peuple, fut légalisée depuis.

Et ce n’est qu’avec la Déclaration des droits, en 1946, que les droits politiques des femmes ont été rétablis en France, les deux ensemble : il est certain que la Résistance a été un grand moment de retrouvailles avec « le sens commun du droit ».

Mais de nouveau, ce dernier est attaqué avec virulence.

Crédits : © Vincent Plagniol pour LVSL

Bibliographie sélective

Sur les théories politiques et le droit naturel :

Jacques Godechot éd., Les Constitutions de la France depuis 1789, Paris, Garnier-Flammarion.

John Locke, Deux traités de gouvenement, (1690), trad. Paris, Vrin, 1997.

Ernst Bloch, Droit naturel et dignité humaine, (1961) trad. Paris, Payot, 1976.

Florence Gauthier, Triomphe et mort de la Révolution des droits de l’homme, (1992) Paris, Syllepse, 2014.

Voir le n° 64, « Le droit naturel », revue Corpus, Paris, 2013.

Sur la question agraire :

Marc Bloch, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris/Oslo, Colin, 1931 ;

Rois et serfs. Un chapitre d’histoire capétienne, (1920) La Boutique de l’Histoire, 1996.

Rodney Hilton, Bondmen made free, trad. de l’anglais sous le titre approximatif Les mouvements paysans au Moyen-âge, Paris, Flammarion, 1979.

Peter Linebaugh, The Magna Carta Manifesto. Liberties and Commons for all, Univ. of California Press, 2008.

Henry Doniol, La Révolution français et la féodalité, (1876) Genève, Megariotis, 1978.

Anatoli Ado, Paysans en révolution, 1789-1794, Paris, Société des Etudes Robespierristes, 1996.

Florence Gauthier, « Une révolution paysanne. Les caractères originaux de l’histoire rurale de la Révolution française », voir site internet : http://revolution-francaise.net/2011/09/11/448-une-revolution-paysanne

Sur le système électoral :

Florence Gauthier, « Révolution française : souveraineté populaire et commis de confiance », sur le site www.lecanardrépublicain.net/spip.php?article751