La fin de cette élection présidentielle atteint un niveau d’hystérie médiatico-politique et de propagande de haute voltige. Ce samedi 29 avril, le plateau de On n’est pas couché nous a livré un spectacle particulièrement grotesque : sous les applaudissements imbéciles, Moix a fustigé un Mélenchon soit disant « ni républicain ni démocrate », qualifié de « petit-dictateur en carton-pâte », tandis que la ridicule Burggraf nous confiait que Mélenchon l’avait « profondément déçue » (grand bien lui fasse !). Celle-ci allant même jusqu’à déclarer qu’elle voyait chez lui des relents de totalitarisme, sous prétexte qu’il avait refusé de reconnaître les résultats du premier tour, alors même que tous les bureaux de votes n’avaient pas terminé leur décompte. De la même manière, la cliquaille des intellectuels organiques du libéralisme, parmi lesquels BHL, Enthoven ou Barbier ont enfin pu trouver le moyen d’exister en déversant sur les ondes ou dans les chroniques papier du « monde libre », leur antifascisme événementiel de pleurniche et de pacotille…
C’est que les anti-démocrates ne sont pas ceux que l’on croit. La France prend en ce moment des allures inquiétantes de république bananière. Le service publique a désormais des airs de mafia libérale, tandis que la quasi-totalité du reste de l’appareil médiatique ne se cache même plus d’être aux ordres.
De toute évidence, cette élection fut belle et bien une élection volée : à coup d’orientation de l’opinion, de matraquages médiatiques et de discours calomniateurs, le statu quo libéral a vu se réaliser, dans ce second tour Macron – Le Pen, la meilleure configuration possible pour son protégé. Hypocrisie suprême : la sinistre Burggraf, qui avait déclaré sans sourciller que les grands médias étaient des « contre-pouvoirs», se paye désormais le luxe de donner des leçons de démocratie au seul candidat qui dénonçait la calamiteuse 39ème place de la France dans le classement international sur la liberté de la presse.
En ces temps d’imposture universelle, il convient donc de remettre la vérité « de la tête sur les pieds». Toutes ces belles personnes s’accordaient pour nous décrire un Mélenchon respectable en sa fin de campagne, repeint désormais en lâche, mauvais perdant et traître à la république pour ne pas appeler à voter pour le « rempart » tout-préparé qu’est l’escroquerie Macron. C’est vite oublier que dans les dernières semaines, tous les moyens ont été mis en œuvre pour empêcher le candidat de la France Insoumise d’accéder au second tour. L’enquête publiée par Marianne le 30 avril rapporte les conclusions du CSA sur le traitement médiatique des candidats à la veille du premier tour : il relève un temps de parole médiatique largement tronqué pour Mélenchon, près de 2 fois moins que Fillon, bien derrière Hamon, Le Pen et Macron (les deux dernier ayant bénéficié de 5 000 minutes de plus que le porte-parole de la FI). A temps de parole égal, le rapport indique que Marine Le Pen n’aurait peut être même pas accédé au second tour, au profit d’un duel Macron-Mélenchon. Avec une moyenne de 700 voix conquises par minute de temps de parole, il était de loin le plus convaincant, loin devant Le Pen (500). Et cela même alors qu’il subissait la campagne calomnieuse sur l’ALBA où le drapeau anti-russe fut agité à la vue de tous les benêts, offensive durant laquelle le maître de l’Elysée, à la vue de la vague insoumise, alla jusqu’à sortir de son silence pour dénoncer une « campagne qui sent mauvais ».
A la peur de voir s’éloigner la seule conjecture susceptible de porter le poulain de Rothschild, de la Commission européenne et de l’Institut Montaigne à la tête du pays, c’est tout le système qui s’est mis à trembler. Deuxième affront : pour avoir laissé entendre, qu’en agitant le « diable de service » Le Pen, le système utilisait là sa seule chance de se survivre et de faire élire le pantin de la finance, Mélenchon sera calomnié et traîné dans la boue. Comble de la manipulation la plus crasse, au lendemain du soir du premier tour, une tribune dans Libération lui somme d’enlever le triangle rouge de son veston.
En raison de sa défiance, le mauvais élève est sévèrement réprimandé, la servilité lui est exigée. Emmanuel Todd a-t-il pourtant tort lorsqu’il déclare que « voter Macron est un rituel de soumission » ? Soumission la plus totale à un va-t-en guerre instable, un fou à lier réclamant une armée personnelle directement placée sous son contrôle et reliée à son téléphone portable, à un homme de paille, lui qui joua le rôle d’intermédiaire direct entre le grand patronat et le gouvernement hollandien, manipulateur professionnel, docteur Frankenstein du pacte de responsabilité, du Crédit impôt compétitivité emploi, du travail du dimanche, et autre loi El Khomri. C’est que l’enfant chéri Macron ne se refuse rien : ses plus récentes déclarations en faveur d’un libéralisme de plus en plus décomplexé et ses caprices incessants de bébé braillard qui veut désormais gouverner par ordonnance vont même jusqu’à rendre de plus en plus abrupt un sentier royal qui avait été, pourtant, tout entier aménagé pour lui.
Mais l’issue de sa victoire ne fait aucun doute : l’épouvantail du nationalisme est agité par la finance, car il est son bras armé le plus sûr, celui sur lequel elle pourra toujours s’appuyer et qui ne lui fera jamais défaut.
L’enjeu est donc ailleurs, et le temps est à l’humiliation publique, à la distribution des « baisers de la mort », baisers que François Ruffin n’a pas manqué de recevoir de la part de Joffrin et d’Apathie. Retour au calme et à la contestation « raisonnable ». Fin de partie.
Il est de ces situations qui ne servent à rien d’autre sinon qu’à faire tomber les masques, à distinguer les vrais et des faux contestataires, à l’image de Michael Moore qui livrait, lors des élections américaines, un plaidoyer optimiste en faveur de Clinton. Or, nous entendons qu’en refusant d’appeler au vote Macron, Mélenchon aurait « déçu » ses électeurs, qui lui tourneraient soi-disant le dos. Un tel plat réchauffé servi au grand banquet des hypocrites ne satisfait visiblement que les grands gagnants de la mondialisation, puisque depuis la fin du premier tour, plus de 5 000 adhésions par jour viennent grossir les rangs de la France Insoumise. Situation qui annonce le divorce de plus en plus consommé entre un peuple à bout de souffle et une élite médiatico-politique qui ne dispose plus de la totalité de la classe moyenne éduquée, et qui s’enfonce de plus en plus dans son délire.
En tournant le dos au bal des puissants et en refusant de plier sa ligne, Mélenchon aura au moins montré qu’embrasser l’insoumission n’était pas qu’une vaine tournure purement rhétorique. Il aura prouvé qu’il aurait été le plus digne d’endosser le rôle de chef d’Etat, avec toute la force mentale qu’elle suppose, et sans laquelle on ne peut résister longtemps à la violence des calomnies.
Tout ici a une saveur de fin de règne, dans ce montage maladroit qui ne fait même plus illusion, et qui ne mettra pas longtemps à s’effondrer comme un château de cartes. Autrefois tout puissant, nous commençons à apercevoir la fin du pouvoir du discours de l’oligarchie.