Pérou : les mobilisations de novembre 2020 en perspective

© Marielisa Vargas

La crise politique et institutionnelle que traverse le Pérou depuis plusieurs années a atteint un niveau d’intensité et d’incertitude jamais vu depuis la chute d’Alberto Fujimori en 2000. A quelques mois des célébrations du bicentenaire de l’indépendance du pays (le 28 juillet 2021) et à quelques semaines de l’élection présidentielle, le pays a vécu, début novembre 2020, une mobilisation nationale en réponse à un coup de force politique orchestré par un parlement aux intérêts divers et obscurs, en destituant le président Martin Vizcarra. C’est finalement Francisco Sagasti, un centriste du Partido Morado, qui lui a succédé, à quelques mois des élections générales d’avril 2021 (présidentielles et législatives). Si l’instabilité politique du pays andin n’est pas nouvelle, elle s’est fortement exacerbée depuis 2016. Dans ce contexte, quelles étaient les motivations derrière le coup de force parlementaire ? Quelle partie de la société péruvienne s’est spontanément mobilisée, pourquoi, et avec quels effets ?

Acte 1. Le tremblement de terre Odebrecht dans un pays fortement divisé

La crise politique que vit aujourd’hui le Pérou ne peut être comprise sans rappeler que l’élection de Pedro Pablo Kuczynski (surnommé “PPK », de droite libérale) en 2016 ne s’est faite que par la plus petite des différences. C’est un peu plus de 40.000 voix, soit 0,24% des suffrages, qui le séparaient de Keiko Fujimori, représentante d’une droite « populaire » et fille de Alberto Fujimori, aujourd’hui en prison pour violations des droits de l’Homme et corruption lors de sa présidence (1990-2000).

Peu légitime sur le plan électoral (l’élection se devait en grande partie au rejet encore fort de la figure des Fujimori dans le pays), PPK a été très rapidement mis en difficulté au Parlement face à la majorité absolue détenue par Keiko Fujimori et son parti Fuerza Popular (FP). La multiplication des affaires de corruption, et plus particulièrement des révélations impliquant Kuczynski dans des soupçons de favoritisme à l’égard de l’entreprise brésilienne Odebrecht lors de la présidence Toledo (2001-2006), dont PPK fut tour à tour ministre de l’Economie, puis Premier ministre, ont eu raison de ce « président technocrate ». Il est poussé à la démission en mars 2018, dans un contexte de grande impopularité suite aux négociations entreprises avec une frange du fujimorisme pour octroyer la grâce présidentielle à Alberto Fujimori, en échange d’un soutien dans la procédure de destitution engagée à son encontre au Parlement.

Acte 2. L’arrivée au pouvoir de Martin Vizcarra et la dissolution du Parlement

C’est Martin Vizcarra, premier vice-président de Kuczynski, qui prend la présidence de la République en mars 2018. Peu connu de la scène politique nationale, Vizcarra a fait preuve d’une certaine habileté politique pour se convertir en quelques mois en l’un des présidents les plus populaires de ces dernières années.

Alors qu’il semblait pieds et poings liés par la majorité fujimoriste du parlement, Vizcarra s’est érigé en défenseur de la lutte contre la corruption et pour la réforme politique dans le pays, dans les limites du modèle constitutionnel actuel. Deux faits marquants de ce protagonisme politique sont à rappeler. D’une part, l’organisation, le 9 décembre 2018, d’un référendum pour approuver d’importantes réformes politiques et judiciaires (réforme du financement privé des campagnes politiques, ainsi que du mode de désignation du Conseil national de la magistrature) et bloquées par le Parlement. D’autre part, la défense des procureurs en charge de l’affaire Lava Jato, dont les enquêtes avaient abouti à la mise en prison préventive de Keiko Fujimori, accusée d’avoir reçu des financements illégaux de campagne de la part d’Odebrecht.

Au terme de plusieurs mois de tensions croissantes entre un exécutif fortement engagé dans la réforme politique et du système judiciaire, et un Parlement délégitimé par un blocage systématique de toute réforme, le coup de grâce fut donné par Vizcarra au travers de la dissolution du Parlement. Celui-ci s’apprêtait à désigner de nouveaux membres au sein du Tribunal Constitutionnel, précisément saisi d’une demande de libération de Keiko Fujimori. La dissolution du Parlement a par ailleurs scellé la rupture, déjà bien entamée, entre Vizcarra et ce qu’il restait du parti Peruano Por el Kambio, qui avait accompagné l’élection de Kuczynski en 2016, comme en atteste la tentative, vaine, du Parlement dissout de destituer Vizcarra et de nommer à sa place la seconde vice-présidente, Mercedes Aráoz, élue de PPK.

Acte 3. Les élections législatives anticipées et l’arrivée de coalitions incertaines au Parlement

L’élection législative anticipée de janvier 2020, sans la participation de partis soutenus par Vizcarra, fut l’objet de surprises (l’émergence du Frepap, parti évangéliste notamment) mais surtout d’un équilibre relatif entre divers partis aux agendas politiques propres, dans la perspective de l’élection générale de 2021. Sans groupe parlementaire, mais avec un soutien populaire toujours important, Vizcarra s’est rapidement retrouvé confronté à des parlementaires en course pour l’élection de 2021 mais aussi pour la défense d’intérêts particuliers.

Le fujimorisme s’est effondré et cette élection a su catalyser le mécontentement issu des crises successives des dernières années pour présenter des candidats apparemment “propres”, “nouveaux”, jeunes (Juntos Por El Peru, Partido Morado), ou issus de partis à la légitimité traditionnellement acquise (Accion Popular). Il n’en demeure pas moins que certains partis arrivants ont joué d’une personnalisation extrême lors de leur élection, parfois autour de leaders régionaux, dont les pratiques répondent à des réseaux d’intérêts privés (partis Podemos Perú, Alianza Para El Progreso). Union Por el Peru, lui, formule un projet politique hétéronome et militariste qui déresponsabilise le citoyen et promeut une culture politique autoritaire (1).

La confrontation entre Martin Vizcarra et le nouveau Parlement élu pour un peu plus d’un an ne s’est pas fait attendre. Elle s’est manifestée tout d’abord par le rejet, début août, du vote de confiance au Premier ministre Pedro Cateriano, nommé en juillet dans le cadre d’un remaniement ministériel. Déjà une multitude d’objectifs et intérêts avaient eu raison de cette nouvelle équipe ministérielle : le rejet par une partie des parlementaires (Frente Amplio et Frepap) du discours pro-minier clivant de Cateriano, figure de la droite libérale péruvienne, mais aussi la volonté d’une partie des groupes parlementaires (Alianza para el Progreso, Accion Popular et Podemos Peru) de faire tomber le ministre de l’Education, Martin Benavides, fervent défenseur de la réforme universitaire limitant la multiplication des universités privées. Alianza para el Progreso, Podemos Peru et Accion Popular sont, en effet, trois partis fortement liés à de lucratives universités privées, et certaines universités liées à des députés des rangs de ces partis ont vu leur « licence institutionnelle » rejetée par la Superintendance Nationale d’Education Supérieur Universitaire (SUNEDU), qui fut dirigée entre 2018 et 2020 par Martin Benavides.

C’est ce consensus particulier entre intérêts divers qui s’est, en partie, reproduit à l’occasion du vote de destitution de Martin Vizcarra le lundi 9 novembre. La révélation, en septembre dernier, d’audios impliquant Vizcarra dans une manœuvre visant à cacher une présumée proximité avec Richard « Swing », personnalité fantasque dont les juteux contrats au ministère de la Culture quelques mois auparavant avaient fait scandale, puis des accusations anonymes de pots de vin alors que celui-ci était président de la région Moquegua (2011-2014), l’entraîne dans une spirale de suspicion.

Pourtant, la majorité de l’opinion publique était favorable à ce que les enquêtes suivent leur cours et que Vizcarra termine les derniers mois de son mandat (ce qui signifiait la fin de son immunité), en avril prochain, afin que son cas puisse être examiné par la justice. L’idée étant de ne pas ajouter une crise politique à la crise sanitaire, économique et sociale que le Pérou traversait en pleine pandémie.

Une coalition hétéroclite de parlementaires s’est cependant saisie de l’affaire pour mettre en difficulté le président. Le 9 novembre 2020, et pour la deuxième fois consécutive, le Parlement examinait la possible destitution du président. A la surprise générale, celle-ci fut votée, avec 105 votes en faveur, 19 contre et 4 abstentions. La Constitution indique qu’en cas de destitution du président (ex-Vice-Président), c’est le président du Parlement qui prend la succession, soit Manuel Merino, du parti Acción Popular.

Alors que le scénario suivant était incertain, Vizcarra a accepté la destitution, en réaffirmant son respect des règles du jeu démocratique, non sans exprimer ses inquiétudes envers les manœuvres des parlementaires ayant pu aboutir à un vote unanime entre six groupes politiques, allant de l’extrême droite à la gauche. Il ajoute que la lumière sera bientôt faite sur les intentions avouées (destituer un président accusé de corruption) et cachées des parlementaires. Il quitte le Palacio de Gobierno et se retire dans sa maison personnelle, indiquant qu’il respecterait les procédures judiciaires le concernant. Le gouvernement est alors dissous dans la foulée. Les Forces armées déclarent soutenir le nouvel exécutif le 9 au soir.

Le coup de force parlementaire et les mobilisations

La crise institutionnelle s’est tout d’abord vue exacerbée par les doutes planant sur la constitutionnalité de l’acte de destitution. Celle-ci fut décidée sur la base de l’article 113 de la Constitution, invalidant le mandat du président en raison de son incapacité morale ou physique. Or, il s’agissait d’une interprétation forcée de la Constitution puisque l’usage veut que l’incapacité morale se réfère à une incapacité psychologique ou mentale à exercer des fonctions, non pas une enquête pour corruption. Si cette figure de l’incapacité morale permanente avait déjà été utilisée dans les tentatives de destitution qui ont précédé la démission de Pedro Pablo Kuczynski en mars 2018, la principale différence par rapport aux accusations portant contre Martin Vizcarra se situe dans le degré de preuve et le niveau d’avancement des enquêtes judiciaires. Alors que les accusations à l’encontre de Martin Vizcarra étaient, pour le moment, fondées exclusivement sur des déclarations de « collaborateurs efficaces » (2) anonymes et que la justice venait à peine d’ouvrir une enquête préliminaire, les preuves (notamment les virements effectués par les filiales de Odebrecht à Westfield Capital, entreprise de PPK) qui pesaient contre Kuczynski étaient bien plus évidentes, et les enquêtes à son encontre avaient déjà plusieurs mois.

L’avis de l’opinion allait, de plus, dans le sens d’une enquête judiciaire à la fin du mandat de Vizcarra. De son côté, le Tribunal Constitutionnel, qui s’est réuni la semaine suivante pour évaluer la constitutionnalité de la destitution, a, contre toute attente, refusé de se prononcer, pour des raisons purement administratives, laissant l’article 113 de la Constitution sans contours véritablement précis.

Outre un argument juridico-constitutionnel, de fortes craintes de régression démocratique se sont rapidement fait sentir, au regard notamment d’une absence de la séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs : celle-ci n’a plus existé, de facto, au Pérou. La brèche ouverte par une destitution expresse d’un président de la République revenait à remettre entre les mains du Parlement l’ensemble du pouvoir exécutif et législatif. Le Parlement pouvait destituer Merino et nommer quelqu’un d’autre à sa place, et ainsi indéfiniment, suivant un agenda et des intérêts subalternes, dans un régime qui est pourtant présidentiel. Si une telle situation s’était déjà produite par le passé, au moment de la destitution en 2000 d’Alberto Fujimori, ce fut alors une figure relativement consensuelle, et non issue de la majorité parlementaire, Valentin Paniagua, qui avait été désignée afin de prendre la présidence de la République.

Ces intentions et la légitimité de ce coup de force du Parlement se sont vus spontanément questionnés par la société civile : médias, universitaires, et des manifestants dans tout le pays ont exprimé leur rejet au gouvernement de Merino, l’article 46 de la Constitution déclarant que le peuple péruvien possède un droit d’insurrection face à un gouvernement usurpateur.

Les intentions des parlementaires

Quelles ont été les motivations d’une telle action du Parlement ? Et pourquoi sont-elles si mal passées auprès de la population, qui, à 90%, s’est déclarée opposée au gouvernement de Merino ?

Tout d’abord, il y a des raisons politiques à ce coup de force : prendre la revanche sur l’exécutif dans un contexte d’affrontements permanents.

L’enjeu de l’immunité parlementaire a également fait très vite polémique. La destitution est intervenue à cinq mois des élections générales, à la suite desquelles les 61 députés soumis à des accusations judiciaires, dont plusieurs pour corruption, et siégeant au Parlement, auraient perdu leur immunité. Si des rumeurs d’annulation des élections ont grandement circulé, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme, de même que la société civile ont rappelé l’impératif électoral, et le gouvernement de Merino a annoncé qu’il en respecterait le calendrier. Il n’empêche que le Premier ministre nommé, Flores-Araoz, a déclaré soutenir la réélection des parlementaires, donc de facto la prolongation de l’immunité de ceux qui se verraient réélus.

D’autres intentions du gouvernement Merino ne se sont pas fait attendre, révélant un agenda sous-jacent au cœur de l’alliance entre les différents groupes du Parlement. Plusieurs projets de lois controversées ont été évoqués dans la foulée de l’accession de Merino : un pour assouplir les règles des activités minières illégales en Amazonie ; et un autre pour revenir sur la réforme universitaire de la Sunedu, et relibéraliser les règles des universidades chicha, ces facultés-entreprises de l’époque de Fujimori bénéficiant aux proches des milieux des partis Podemos Peru, Alianza para el Progreso et Accion popular. L’enjeu de la libération du militaire Autauro Humala, auteur d’une tentative de coup d’Etat dans les années 2000 et placé en détention, ainsi qu’une éventuelle sortie du traité de San José et du rétablissement de la peine de mort, étaient poussés par le parti Union Por el Peru.

Enfin, la figure du Premier ministre n’a pas fait taire les critiques, comme représentant d’une vieille classe politique corrompue et conservatrice. Flores-Araoz était ministre de la Défense en 2008 lors du conflit minier de Bagua, le “Baguazo”, et avait déclaré à l’époque que l’Etat ne pouvait négocier avec “des lamas et vigognes” et des “analphabètes”, au sujet du projet minier, se référant ainsi aux indigènes. Une phrase qui a de nouveau circulé et indigné en novembre.

Les réactions de la société civile

Dans ce contexte, des manifestations massives ont été convoquées dans les principales villes du pays, et ce tout au long de la semaine, en défense et par amour et dignité du “peuple libre” et de la “patrie aimée”, le Pérou. Ces manifestations se sont opposées à une capture illégitime du pouvoir et à une classe politique associée à la corruption. La mobilisation de la société civile a finalement fait fléchir le gouvernement, puisque Merino a présenté sa démission dimanche 11 novembre, le lendemain de la marche au cours de laquelle deux jeunes furent assassinés à Lima par la police, Inti et Bryan, devenus par la suite héros nationaux.

Le Pérou est, avec la Bolivie et l’Argentine, le pays d’Amérique latine avec le plus de personnes mobilisées par an. Cependant, ils le sont dans le cadre de manifestations isolées les unes des autres. Le modèle néolibéral a, en effet, eu tendance, ces trente dernières années, à fragmenter une société civile déjà très diverse et clivée.

Contre toute attente, les manifestations actuelles ont dépassé leur nature isolée et le clivage entre Lima et les provinces, une première dans l’histoire récente du Pérou. Elles ont vu l’émergence de la nommée, a posteriori, “génération du bicentenaire”, ces jeunes de moins de 30 ans qui ont grandi dans la démocratie et se sont dressés contre la classe politique traditionnelle et une corruption endémique, dans la perspective de renouveler la politique nationale.

Le Pérou se trouve à présent sous une présidence de transition du centriste Francisco Sagasti jusqu’aux élections d’avril 2021. Une partie de l’opinion publique, et notamment la gauche, exige que soit discutée la question d’une nouvelle Constitution et d’intégrer lors du futur vote un bulletin pour décider d’un changement constitutionnel, tel que celui qui a eu lieu au Chili il y a quelques mois, suite à un moment d’insurrection populaire.

Les perspectives de sortie de crise et l’hypothèse des deux Pérous

Pour penser les possibles voies de sortie de crise au Pérou il est intéressant de se pencher sur l’origine sociale des manifestants, leurs demandes et leurs répertoires d’action ; et de mettre cela en lien avec la transition qui, a priori, se profile.

Les marches ont été convoquées, à Lima, le plus souvent dans des quartiers de classe moyenne, de classe haute, et dans quelques quartiers de classe moyenne-basse. Effectivement, ce sont les liméniens et les niveaux socio-économiques A, B et C les plus aisés qui ont déclaré, selon une étude, être sortis significativement le plus manifester (43% des liméniens, 53% des niveaux socio-économiques A et B, 42% du niveau socio-économiques C). Des niveaux similaires ont été observées parmi les publiques les plus intéressés par “la politique en général” : ces manifestations s’inscrivent dans le cadre d’une crise institutionnelle réactivant la question de la lutte contre la corruption dans l’opinion publique, qui s’est fortement politisée dans le pays ces dernières années.

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Inversement, seulement 34% des habitants des régions, et 28% des niveaux socio-économiques D et E, les plus modestes, déclarent être sortis manifester. (3)

Pourtant, selon une autre étude (4), ce sont ces mêmes niveaux socio-économiques D et E et les habitants de régions qui, de manière significative, déclarent le plus porter une attitude ouverte aux manifestations, aux différents types de protestation en général, et qui pensent que le fait de manifester aboutit à des résultats effectifs. De même, ce sont ces niveaux qui déclarent le plus avoir déjà manifesté dans leur vie.

Il semblerait, en effet, que ces populations manifestent principalement lors de conflits sociaux sectorisés en réclamant auprès d’une autorité ou représentation locales de l’Etat, que ce soit dans les quartiers populaires urbains (contre le manque d’arrivée d’eau, contre le trafic de terres, etc.) ou en régions (contre une opération minière par exemple).

Les personnes issues de ces strates socio-économiques sont celles qui ont le plus souffert dans la pandémie. Elles se sont organisées collectivement pour des demandes liées à la hausse soudaine de vulnérabilité qu’elles ont expérimentée, relatives à la faim, ou au manque de ressources sanitaires et de services publics.

Ces corrélations suggèrent une séparation entre deux Pérou idéal-typiques lors des manifestations actuelles, que les niveaux socio-économiques et le clivage Lima/régions aident à différencier. Il y a d’une part, le Pérou plutôt urbain et/ou de classe haute d’une société civile “directement intégrée” à l’Etat, qui s’est mobilisé massivement lors des marches nationales de ces dernières semaines, à l’image des universités ou des principaux médias d’opinion. Ces mêmes médias qui, lorsque potentiellement la présidence de transition allait être assurée par Rocio Silva Santisteban, représentante de la gauche, se sont montrés alarmés et ont appelé à une sortie de crise « stable » et « centriste », frileuse à l’idée d’un changement de Constitution.

Il y a d’autre part, un Pérou populaire et/ou des régions, qui s’est par exemple mobilisé contre la faim ces derniers mois de pandémie, ou contre l’économie extractiviste en province ces dernières années, avec des répertoires d’action propres. La gauche se présente comme la médiatrice de ces demandes et tente de lutter pour la visibilisation de l’enjeu constitutionnel et de changement du modèle néolibéral ; ainsi que pour une mobilisation qui fasse rivaliser les demandes de cet « autre Pérou » avec le discours dominant dans le pays.

Ces demandes provoqueront-elles un changement dans le moment actuel de politisation et de transition que vit le Pérou ? Seront-elles incluses dans un autre sens national-populaire péruvien ? Les mois qui viennent seront éclairants en ce sens.

(1) La figure du « collaborateur efficace » a été reprise par la justice péruvienne au fonctionnement de l’enquête Lava Jato au Brésil. Le « collaborateur » est en règle générale un accusé qui, ayant reconnu sa culpabilité, signe un accord de coopération avec la justice : en échange d’informations permettant de faire avancer les enquêtes, ceux-ci voient leurs peines encourues réduites.

(2) Instituto de Estudios Peruanos (IEP), IEP Informe de opinión- Noviembre 2020, Lima, novembre 2020, pp. 5, 15 et 21. Voir: (https://iep.org.pe/wp-content/uploads/2020/11/Informe-Especial-IEP-OP-Noviembre-2020-v2.pdf).

(3) Instituto de Estudios Peruanos (IEP), Actitudes hacia las marchas y otras formas de protesta, Lima, septembre 2019, pp. 5, 9, 11 et 15. Voir: (https://iep.org.pe/wp-content/uploads/2019/10/Informe-OP-Septiembre-2019-7-actitudes-hacia-las-protestas-5.pdf).

(4) Pour plus de détails sur le paysage politique législatif péruvien, voir: https://www.sciencespo.fr/opalc/sites/sciencespo.fr.opalc/files/article%20%c3%a9lections%20P%c3%a9rou%20-%20Roman%20Perdomo_0.pdf


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