Perturbateurs endocriniens : l’Europe ruine notre santé !

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Appel de Prague ©Nathalie Ruaux

Mercredi 21 décembre, les Etats ont refusé une proposition de réglementation des perturbateurs endocriniens faite par la Commission européenne. Un coup d’arrêt aux manœuvres de Bruxelles pour continuer à nous faire avaler ces substances nocives pour notre santé. Alors que les puissants blablatent, les multinationales de l’industrie chimique se frottent les mains et continuent à nous empoisonner. 

La Commission Européenne défend mordicus les perturbateurs endocriniens !

Retour à l’envoyeur ! Mercredi 21 décembre, alors que certains d’entre vous aviez le nez dans vos derniers préparatifs de Noël, une partie de notre santé se jouait à Bruxelles. Engluée dans ses contorsions pour servir les différents lobbys avec lesquels elle s’est compromise, la Commission faisait une proposition de texte aux États. Officiellement, il s’agissait d’interdire les perturbateurs endocriniens. Alléluia ! L’Europe protège enfin notre santé ! Manque de pot, l’UE, c’est comme les assurances : il vous suffit de regarder les trois lignes en petits caractères en bas du contrat pour comprendre qu’on essaie de vous enfumer.

Regardons-y de plus près. Oh surprise ! Dans son texte, la Commission épargne l’industrie chimique en accordant une dérogation à une quinzaine d’insecticides et à quelques herbicides contenant des perturbateurs endocriniens. Cela concerne des masses considérables de produits. Selon Générations futures, la dérogation épargne 8700 tonnes de produits commerciaux par an, rien que pour la France.  L’impact sur la santé humaine est criminel. Ainsi, la proposition permet la mise sur le marché du 2,4-D, un désherbant classé « cancérogène possible pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Ce n’est pas tout. Par cette action, la Commission menace la vie de beaucoup d’êtres vivants dont celle de nombreuses plantes, des coccinelles ou des écureuils.

Et ce n’est que le premier volet de la proposition de la Commission. Non contente d’inscrire des dérogations destructrices dans la première partie du texte, la Commission ajoute une seconde partie encore plus laxiste. Selon le journal Le Monde (pas une officine remplie de zadistes, hein), cette partie “fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique compétente, des ONG et de certains Etats-membres, dont la France”. Selon eux, ce texte protège insuffisamment la population des maladies liées aux perturbateurs endocriniens (cancers, problèmes de développement du cerveau, infertilité, diabète, etc.) Rien que ça ! Quand on prend connaissance de cette seconde partie, on comprend pourquoi ! En effet, en plus des nouvelles dérogations, cette seconde partie prévoit que l’évaluation des risques, qu’impliquent l’utilisation des perturbateurs endocriniens, puisse se faire au cas par cas, et après la mise sur le marché des produits correspondants. Oui ! Oui ! Vous avez bien lu. C’est non seulement criminel du point de vue de la santé publique, mais c’est, en plus, illégal selon le Parlement européen, nombres d’ONG et certains pays.

Une fois de plus, la Commission cède aux lobbys 

Pourquoi la Commission agit-elle de façon aussi irresponsable ? Je vous le donne en mille : le laxisme du texte correspond exactement aux demandes de l’industrie chimique, et de ses mastodontes – BASF, Bayer et Syngenta – qui égaient nos journées avec ces merveilleux petits poisons que sont les perturbateurs endocriniens ! Autre élément révélateur : si la Commission se plie en quatre pour satisfaire les volontés de ces trois multinationales, c’est qu’elles ont le soutien d’un Etat puissant : l’Allemagne. « Cette demande ne vient pas de nous, mais des autorités allemandes », avoue au Monde Graeme Taylor, directeur des affaires publiques de “l’Association européenne pour la protection des cultures” (lobby des pesticides). Evidemment que la demande vient du lobby mais le soutien des autorités allemandes n’est pas de trop.  La Commission se défend de toute subordination de l’intérêt général aux intérêts privés de ces multinationales. Elle invoque une controverse scientifique sur le sujet. C’est oublier que cette controverse est alimentée par des études à l’indépendance plus que douteuse, puisque financées par les industriels. Une centaine de scientifiques s’en était émue récemment. Manque de pot : les États, à qui il reste un soupçon de responsabilité (du fait, notamment, de la pression de citoyens conscients des dangers) ont refusé la proposition de la Commission. Il faudra donc suivre de près la prochaine proposition que doit faire la Commission.

Mais au fait : perturbateurs endocriniens, kesako ? 

Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui ont un impact sur le système hormonal des êtres vivants. On les retrouve dans beaucoup d’objets du quotidien : plastiques, cosmétiques, peintures, l’alimentation, pesticides. Selon de nombreuses études, ils contribuent à l’augmentation de nombreuses maladies : infertilité, cancers, diabète, obésité, problèmes neurologiques, trouble du développement du cerveau, problèmes de comportement chez les enfants (trouble de l’attention, hyperactivité et même autisme). Ils entraînent des malformations congénitales et des anomalies du neuro-développement. 

Un coup d’arrêt à une longue liste de manœuvres de la Commission pour permettre à l’industrie chimique d’utiliser les perturbateurs endocriniens

Ce n’est pas la première fois que la Commission cède au lobbys sur le sujet des perturbateurs endocriniens. Cela fait des mois et des mois qu’elle pilonne la mise en application du règlement “Pesticides” (2009) censé interdire les perturbateurs endocriniens. 

En application du règlement “Pesticides”, la Commission doit établir une définition des perturbateurs endocriniens depuis 2013, ceci afin de pouvoir les interdire. Il aurait été simple de reprendre la définition de l’OMS, établie en 2002. Elle définit les perturbateurs endocriniens comme des « substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ». Or, il faut attendre 2016 pour que la Commission adopte une définition ! De plus, elle refuse de reprendre celle de l’OMS et en choisit une volontairement restrictive. Selon la Commission, un perturbateur endocrinien est “une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Si la Commission a modifié la définition internationale, ce n’est pas pour le confort de la précision mais pour restreindre le champ d’application de l’interdiction. En effet, la référence à la “santé humaine” implique d’observer des effets sur l’être humain avant de pouvoir interdire. Les effets observés sur les organismes non-humains ne suffiront plus. Selon cette définition, le tributylétain (TBT), par exemple, substance toxique, jadis utilisée dans les peintures des coques de bateaux  ne serait pas identifié comme perturbateur endocrinien. En effet, la France l’avait interdit dans les années 1970, après observation des effets de cette substance sur les mollusques marins (changement de sexe). Autre problème : la définition de la Commission fait un focus sur « l’évaluation des risques » et non sur les dangers. Cette distinction permet de mesurer la nocivité des substances alors qu’elles sont déjà sur le marché, en se basant sur des seuils et non plus sur la nocivité intrinsèque de la substance. Cela permet à la Commission d’octroyer des dérogations pour les substances à faible exposition (vous voyez le lien avec la proposition de la Commission soumise au vote le 21 décembre ?).

Il faudra regarder avec attention la prochaine proposition de la Commission. Nul doute qu’elle se fera encore une fois la porte-parole des intérêts des multinationales plutôt que de notre santé. Nul doute aussi que si la mobilisation citoyenne n’est pas au rendez-vous, les Etats n’auront aucun de mal à accepter une réglementation laxiste. 

Pour aller plus loin :

  1. Intoxication : perturbateurs endocriniens, lobbysites et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé, Stéphane HOREL, La Découverte, 2015
  2. https://reporterre.net/Perturbateurs-endocriniens-les-Etats-disent-non-a-la-Commission-europeenne
  3. http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/20/perturbateurs-endocriniens-le-cadeau-discret-mais-majeur-aux-lobbys-des-pesticides_5051771_3244.html
  4. http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20151008.OBS7296/bruxelles-chouchoute-les-lobbys-pas-nos-hormones.html

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