Municipales : le Pacte pour la Transition prépare-t-il l’union des gauches écologistes ?

Quoiqu’on en pense du localisme et a fortiori dans le climat de décomposition politique actuel, les élections municipales à Paris ont toujours un parfum de national. Mais alors que la bataille fait rage dans la capitale, les principales listes écologistes et de gauche viennent de s’engager peu ou prou sur un texte d’engagements communs, le Pacte pour la Transition, ses trois principes et 32 mesures définis nationalement et portés localement par un collectif d’habitants et d’associations. Ce moment parisien est-il le signal d’un glissement politique ?


Les élections municipales à Paris ont toujours un parfum de national. Bien entendu, cette majorité comme toutes les autres affirmera qu’il s’agit d’un scrutin local qui ne vient pas sanctionner une politique nationale et/ou que de toute façon, la majorité en place est toujours sanctionnée aux élections locales, ce qui n’est effectivement pas loin d’être vrai : l’effondrement du Parti Socialiste entre 2012 et 2017 à toutes les échelles et élections territoriales en est l’exemple le plus spectaculaire et significatif. Pour autant, les oppositions n’auront pas totalement tort de clamer que la politique nationale est effectivement dans le viseur : selon un sondage Odoxa-CGI diffusé mardi 28 janvier, 30% des Français souhaiteraient sanctionner l’exécutif macronien à l’occasion des élections municipales.

Le scrutin de la capitale est d’autant plus national que Paris a été l’un des principaux bastions d’Emmanuel Macron durant les élections présidentielles. Il y avait récolté près de 35% des suffrages au premier tour : une défaite y serait doublement amère. Paris reflète également l’état instable des oppositions, et de la gauche et des écologistes en particulier, qui continuent leurs chevauchées solitaires. Pour encore longtemps ? Les principales listes écologistes et de gauche viennent de s’engager peu ou prou sur un texte d’engagements communs, le Pacte pour la Transition. Ses 3 principes et 32 mesures ont été conçus à l’échelle nationale, et portés localement par un collectif d’habitants et d’associations. Ce moment de convergence parisienne est-il le signal faible d’un glissement politique de plus grande ampleur ?

(source : https://www.pacte-transition.org/#pacte)
Les soixante ONG porteuses du Pacte pour la Transition.

Qu’est-ce que le Pacte pour la Transition ?

L’histoire commence fin 2019 lorsque le Collectif pour une Transition Citoyenne (CTC), composé d’une soixantaine d’ONG, lançait le Pacte pour la Transition, applicable dans les communes.. Le principe d’application est simple : des collectifs locaux et apartisans vont à la rencontre des listes candidates et leur demandent, quelle que soit leur couleur politique, de s’engager sur au moins 10 de ces 32 mesures. La démarche fait penser au principe de la Charte de Nicolas Hulot aux élections présidentielles de 2007, en plus participatif : c’est du côté du Pays basque qu’il faut aller chercher pour en comprendre la préhistoire. C’est en effet sur la terre natale du désormais bien connu mouvement citoyen de mobilisation contre le dérèglement climatique, Alternatiba, que dès 2014 des habitants appelaient leurs futurs élus à s’engager sur des mesures écologiques.

La démarche fait penser au principe de la Charte de Nicolas Hulot aux élections présidentielles de 2007, en plus participatif

On retrouve Alternatiba, qui a bien grandi depuis, au coeur du CTC qui porte aujourd’hui la démarche du Pacte pour la Transition sur l’ensemble du territoire. Et c’est de manière très révélatrice que la conférence de Presse du 4 mars 2020 qui réunissait le collectif parisien du Pacte et un certain nombre de listes candidates a également été l’occasion de tirer un premier bilan national : des collectifs citoyens se sont déclarés sur près de 2400 communes et ont annoncé officiellement la signature d’environ 300 pactes locaux pour la transition.

Car l’idée sous-jacente est bien de faire de la transition écologique, sociale et démocratique, un horizon politique commun et structurant tant pour les partis que pour l’électorat. Ainsi, lorsque quatre listes parisiennes affichent chacune leur engagement sur au moins 29 des 32 mesures, sur la même scène et lors d’une conférence de presse commune, on peut s’interroger : le Pacte serait-il l’ingrédient tant attendu d’une convergence politique des luttes ?

(source : http://www.enbata.info/articles/municipales-2014-lheure-du-bilan/
Photo officielle des maires du Pays Basque français engagés lors des élections 2014 dans le Pacte porté alors par Alternatiba.

A Paris, quel impact pour le Pacte ?

La première chose que l’on remarque, ce sont bien entendu les absents. C’est avec beaucoup de sobriété que Stéphanie Boniface, membre du collectif de citoyens parisiens porteurs du Pacte, explique que les listes de Serge Federbush (Rassemblement National) et de Marcel Campion “n’ont pas donné suite”, de même pour Rachida Dati (Les Républicains) qui a plus ancré sa campagne sur la sécurité et le déploiement d’une police municipale armée que sur ses ambitions écologiques.

Au sujet d’Agnès Buzyn (La République en Marche), la porte-parole se veut plus précise, annonçant que la candidate de la majorité présidentielle a indiqué son intérêt pour le Pacte, mais qu’à quelques jours du scrutin, ses propositions programmatiques sont encore loin de satisfaire les ambitions des 32 mesures. Le fait est révélateur de la difficile installation de la désormais ex-ministre de la Santé, grippée dans les sondages à la troisième position malgré son éloignement du dossier “coronavirus” : l’opération désespérée de sauvetage de son bastion parisien par le gouvernement semble d’autant plus tourner au désastre qu’il y a investi (ou sacrifié) l’un de ses rares éléments réputés fiables. Elle n’a en tous cas pas convaincu davantage que son prédécesseur sur la question de la transition.

Présentation listes
Les différentes listes signataires du Pacte pour la Transition introduites par Stéphanie Boniface (à droite), membre du collectif parisien du Pacte. De gauche à droite : Isabelle Saporta, Danielle Simonnet, Vikash Dhorasoo, Antoinette Gulh, Célia Blauel.

Si le député européen Yannick Jadot (Europe Ecologie Les Verts) affirme régulièrement que l’écologie n’est ni de droite, ni de gauche, force est de constater que la droite parisienne s’est donc, par échec ou conviction, inscrite très clairement en dehors du Pacte. A l’inverse, la question de la transition a laissé paraître un vivier important d’idées communes entre les listes candidates plus à gauche menées par Anne Hidalgo (Paris en Commun – Parti Socialiste), David Belliard  (L’écologie pour Paris – EELV), Danielle Simonnet et Vikash Dhorasoo (Décidons Paris – France Insoumise), mais aussi Cédric Villani.

Le Pacte se veut révélateur d’une certaine communauté d’idées

Si les Insoumis et les Écologistes ont signé les 32 mesures proposées (avec des niveaux d’ambition variables, comme le propose le Pacte) contrairement aux listes conduites par la maire sortante et le député mutin de la majorité qui en ont signé 29, le Pacte se veut révélateur d’une certaine communauté d’idées. Une convergence qui était déjà apparue lors d’un débat qui avait pris place le 25 février à la Base où les représentants des listes avaient donné l’impression d’avoir sur ces sujets de politique locale bien moins de divergences que de convergences, certes avec des nuances importantes dans la méthode et les ambitions, mais tout de même : qualité de l’alimentation dans les cantines, lutte contre le dérèglement climatique, amélioration des mobilités, rénovation thermique des bâtiments, ou encore, gestion plus ambitieuse des déchets sont apparues comme des objectifs communs, y compris du côté d’Isabelle Saporta qui représentait Cédric Villani. Alors, l’heure est-elle au grand rassemblement de l’écologie politique ?

La gauche parisienne et l’enjeu de la recomposition : mission impossible ou impasse politique ?

La question du rassemblement se pose d’autant plus que ce 4 mars 2020, le jour même de la présentation officielle du Pacte parisien et de ses signataires, François Ruffin déclarait au micro de France Info désirer une candidature unique à gauche pour les élections présidentielles de 2022 : “Il faudra éviter les logiques partidaires et suicidaires, si chacun y va dans son couloir, on est cuits.” Pour autant, alors même que les listes candidates concernées dans la capitale affirmaient un horizon politique commun à travers le Pacte pour la Transition, cette vitrine nationale parisienne offrait une image très peu unitaire ce 4 mars, les représentants profitant de l’événement pour affirmer leurs différences et divergences.

Premier indice de la désunion et principale cible des échanges lors de la conférence de presse, la liste d’Anne Hidalgo a essuyé les tirs les plus nourris. La plus virulente dans cet exercice a été Isabelle Saporta qui a attaqué la politique de la majorité socialiste, représentée par Célia Blauel, tant pour sa politique “debétonisation” que pour ses “conflits et frictions” avec le Conseil Régional dirigé par Valérie Pécresse, et les conséquences sur le manque de cohérence dans les politiques de transport et mobilités. Danielle Simonnet n’a pas non plus épargné la maire de Paris, critiquant la cherté des loyers pour les revenus les plus modestes et ses implications écologiques du fait de l’accroissement de la distance domicile-travail. Des critiques reprises en partie par Antoinette Gulh (L’écologie pour Paris – EELV), faisant apparaître une étonnante confluence de points de vue entre insoumis, écologistes et villanistes.

Jusqu’à ce que Danielle Simonnet réponde aux appels du pied d’Isabelle Saporta en affirmant clairement que les Insoumis ne “s’allieront jamais à des macronistes”. Propos appuyés par Vikash Dhorasoo qui a rappelé le soutien du député Cédric Villani au CETA, à la réforme des retraites ou encore à la loi Asile Immigration, l’ancien meneur de jeu des Bleus désormais candidat à la mairie du 18e arrondissement affirmant l’attachement de sa liste à “une écologie radicale et populaire”. Ce rejet des Villanistes par les Insoumis a fini d’enterrer le projet de grande coalition climat rêvée par David Belliard, ambition déjà fragilisée du fait de la participation des écologistes à la politique des précédentes mandatures.

Ainsi, quand Danielle Simonnet déclare préférer une “Ville écologique aux Jeux Olympiques”, elle ne fait pas qu’affirmer la spécificité de sa candidature à Paris par rapport aux autres listes : les propos de la candidate insoumise révèle que pour elle et son camp politique, la transition se situe en claire opposition à l’économie de marché et les grands projets qui l’incarnent, rendant improbable le scénario d’une convergence au second tour des élections municipales. Or à en croire les pronostics de François Ruffin pour la Présidentielle, c’est bien avant le premier tour que les forces politiques en faveur de la transition devront converger si elles espèrent pouvoir arriver au pouvoir. C’est peut-être en cela que transparaissent les limites actuelles d’un Pacte pour la Transition qui ne parvient toujours pas à réconcilier les gauches historiques.

La démarche de l’avenir, et l’avenir de la démarche

Mais n’est-ce pas trop en attendre d’un projet si neuf ? Certes le péril écologique est grandissant et rend plus urgente que jamais la convergence politique invoquée par François Ruffin : sans réaction politique forte au dérèglement climatique, le territoire français sera devenu littéralement invivable avant 2100. (source : https://www.pacte-transition.org/#welcome)

Carte représentant la répartition des communes signataires du Pacte sur l’ensemble du territoire métropolitain.La démarche du CTC est d’autant plus intéressante qu’elle conjugue plusieurs dimensions : l’alliance des expériences et savoir-faire d’associations non-marchandes et d’acteurs de l’économie sociale et solidaire marchande pour accompagner les territoires et collectivités en désir de transition ; l’affirmation progressive d’un imaginaire nouveau et commun, notamment à travers le développement de la Fête des Possibles (la prochaine édition aura lieu fin septembre 2020) ; le développement d’un municipalisme dans lequel la démocratie représentative est enrichie d’outils de démocratie directe. En l’espace de quelques mois, ce sont plus de 6500 citoyens et citoyennes dans près de 2500 communes qui sont engagés dans la démarche du Pacte et l’avenir de ce dernier dépendra, comme pour beaucoup de mouvements sociaux et écologiques actuels, de l’élargissement de son socle populaire et territorial.

Ce sont aujourd’hui plus de 6500 citoyens et citoyennes dans près de 2500 communes qui sont engagés dans la démarche du Pacte

Si le Pacte pour la Transition n’a pas rebattu les cartes des élections municipales à Paris, il aura réussi son entrée dans le jeu politique en un moment et un lieu déterminant de l’espace politique, notamment à gauche. Peut-être aidera-t-il dans les prochaines années et d’ici les élections présidentielles à répondre à la question suivante : l’impératif d’une transition écologique, sociale et démocratique dans le réel débouchera-t-il d’ici 2022 à une convergence politique autour d’un programme (ou pacte) commun porté par une candidature commune ? Inversement on pourra se demander quelles sont les barrières qui empêchent aujourd’hui l’avènement de cette union sacrée qui a manqué à la gauche en 2017.

Du camp climat à la naissance de l’écologie transversale

Les participants aux camp climat réunis dans la Cour. ©Julien Legast

Du 31 juillet au 11 août, se tenait la troisième édition du camp climat dans la ville alsacienne de Kingersheim. Après une année intense en mobilisations autour de l’enjeu climatique, le nombre de participants a été multiplié par trois pour atteindre plus de 1000 personnes. L’événement était organisé par les ONG Alternatiba, ANV COP21 et Les Amis de la terre. Retour sur une séquence déterminante pour l’avenir du mouvement écologiste où les discussions stratégiques se mêlaient aux nombreuses formations pratiques. Par Lenny Benbara et Pierre Gilbert.


Depuis désormais deux ans, l’ensemble de l’Europe assiste à la montée en puissance très rapide de la question écologique dans la jeunesse, y compris sur le plan électoral. C’est en particulier vrai en Europe du Nord comme l’illustrent les cas de l’Allemagne et de la Belgique. En France, quoique de façon plus modeste, la percée des Verts aux européennes est le révélateur, et non le déclencheur, d’un changement culturel profond amorcé par un mouvement climat autonome qui a rythmé l’agenda politique de l’année qui vient de s’écouler. L’enjeu semble devenu tellement central que tous les partis tiennent aujourd’hui des discours favorables à l’écologie. La démission de Nicolas Hulot avait fourni l’électrochoc nécessaire en la matière. Si on a beaucoup commenté les transformations du champ politique et les succès électoraux des partis, la réalité organisationnelle, culturelle et politique du mouvement climat a moins focalisé l’attention. Le camp climat 2019 offrait cependant une séquence de rattrapage estivale pour les esprits trop affairés le reste de l’année.

Renouvellement générationnel, diversité territoriale et culture de la transversalité

Le trait majeur de ce camp climat tient sûrement à sa composition sociologique et à l’important renouvellement générationnel des activistes présents. Les 21-30 ans étaient clairement surreprésentés parmi les participants. Alors que les structures partisanes traditionnelles peinent à attirer les jeunes, le mouvement climat est, de fait, une exception et un phénomène d’avenir. Ce constat est le même pour les cadres dont la composition est par ailleurs particulièrement féminisée : l’équipe de coordination du camp était entièrement féminine, signe que l’écologie est aussi le levier d’un changement culturel en matière de direction genrée des mouvements politiques.

Le second trait qui vaut la peine d’être mentionné est l’écrasante diversité géographique des participants à l’édition 2019. Selon les statistiques fournies par les organisateurs, 357 villes étaient représentées. On semble effectivement très loin du mouvement parisien bobo. Ce fait n’est pas à négliger, puisque cela a eu des conséquences à la fois dans la programmation du camp et dans l’ouverture culturelle du mouvement. Loin des ateliers et des conférences où on se regarde le nombril, le programme visait l’opérationnalité : formations aux actions non-violentes de désobéissance civile, à la vidéo, au cybermilitantisme, aux relations presse, etc.

L’orientation des ateliers témoigne d’un certain pragmatisme et d’une conscience aiguë que le mouvement a besoin d’une stratégie pensée et de victoires concrètes. Bien qu’on note une forte appétence pour l’horizontalité chez beaucoup d’activistes, les faits démontrent une grande discipline. La verticalité est de fait très bien acceptée, sans pour autant que des figures identifiées assument un leadership trop affirmé. Cette culture de l’efficacité se traduit en particulier par une volonté de construire l’écologie comme enjeu transversal et universel, et pas uniquement comme label identitaire de gauche.

Une « auto-organisation » organisée

Le camp climat est l’aboutissement de plus de six mois de travail. L’enjeu était de taille puisque le nombre de participants pouvait laisser craindre des défaillances organisationnelles et des difficultés à gérer une telle affluence sur une dizaine de jours. L’équipe de coordination s’est employée à nommer une centaine de référents chargés de différents aspects du camp, ce qui peut sembler proche d’une armée mexicaine. Cependant, la mise en responsabilité de personnes arrivées fraîchement dans le mouvement a permis la montée en compétence rapide des activistes les plus motivés et une dynamique d’appropriation militante de l’événement.

Un déjeuner au camp climat, photo © Quentin Jaud

Pour rendre possible une organisation si pléthorique, une application montée sur mesure par des militants, hébergé en partie grâce à framasoft l’ensemble des aspects du camp climat : programme, tâches bénévoles, calendrier, etc. Impossible de déroger aux tâches ménagères qui ont permis de maintenir le camp en très bon état de propreté : l’accueil de l’événement est chargée de vérifier si vous vous êtes inscrit à suffisamment de créneaux pour aider. La culture de la discipline est donc très forte malgré de nombreux participants fraîchement arrivés et ayant indiqué ne faire partie d’aucune organisation.

D’une certaine façon, le mouvement climat s’est transformé en école de formation accélérée, sur un plan à la fois quantitatif et qualitatif.

La question stratégique sur toutes les lèvres

De l’avis général, le mouvement climat a remporté des victoires culturelles importantes cette année en conditionnant l’agenda politique. Cependant, la surdité du gouvernement comme l’absence de victoire définitive ont engendré une frustration d’une partie des activistes, qui s’est traduite par des débats stratégiques sur la suite à donner aux mobilisations.

De ce point de vue, une grande hétérogénéité de positions existe au sein du mouvement climat. Pour une partie de celui-ci, en particulier les youtubeurs, le mouvement climat est devenu suffisamment consensuel dans l’opinion et doit désormais se radicaliser à travers une critique anticapitaliste. Pour les associations qui ont organisé l’événement, la lutte culturelle n’est pas encore aboutie, loin de là. En effet, l’écologie est encore un enjeu associé à une sociologie très précise : urbaine, diplômée, relativement aisée. Le travail pour transformer l’écologie et la faire pénétrer dans les classes populaires en est à ses balbutiements. C’est pourtant une condition importante pour permettre une articulation entre l’écologie et le social qui rende acceptable un programme de transition écologique radicale. Bref, l’enjeu est d’étendre la transversalité de l’écologie.

À côté de ces deux lignes cohabitent de nombreuses sensibilités. Néanmoins, ce qui domine chez les participants non affiliés à une organisation est une forme d’attente qu’une ligne stratégique claire soit établie au-delà des formes de mobilisation déjà mises en œuvre. Ici, le mouvement climat paie l’absence d’un leadership politique claire qui synthétise, donne une visibilité et unifie la pluralité des options internes au mouvement. Si les cadres actuels du mouvement ont effectivement une vision stratégique pour la suite, certains participants, en particulier les plus fraîchement arrivés, peinent à discerner celle-ci. C’est là que le leadership joue un rôle essentiel puisqu’il permet de créer un point de référence qui unifie le discours et transmet aux activistes une ligne d’horizon vers laquelle il faut tendre.

Ce flottement est sûrement un des défis les plus importants auxquels le mouvement climat devra répondre s’il veut capitaliser sur les nombreuses énergies à sa disposition et éviter les effets de déperdition qui ne manqueront pas de se faire sentir au moment où les victoires marqueront le pas. Le risque est que tout flottement engendre une remontée de l’hétérogénéité politique en exacerbant les divergences. Pour le moment, celles-ci sont plus ou moins contenues par la rhétorique de l’urgence et l’impératif d’efficacité politique.

Malgré ces défis, la rentrée démontre que le contexte politique est durablement favorable à l’essor des mobilisations écologiques. Le scandale des incendies de l’Amazonie est un épisode supplémentaire qui place l’urgence climatique au centre du débat politique, tout comme l’approche de la publication du prochain rapport spécial du GIEC ou encore des procès des décrocheurs de portraits. Dans cet environnement, le mouvement climat semble clairement armé pour donner une direction adéquate aux mobilisations écologistes. La grève mondiale pour le climat du 20 septembre prochain, que les ONG françaises préparent activement et qui se matérialisera par une grande marche à Paris, donnera une première idée de la température.