Cuba après Castro : permanence, changement et durcissement du contexte international

© Vincent Ortiz pour Le Vent Se Lève

À l’heure où les Etats-Unis d’Amérique adoptent des orientations géopolitiques plus agressives que jamais à l’égard de Cuba, des changements semblent se profiler sur l’île. Le 24 février, les Cubains ont adopté à 86% la nouvelle constitution du pays. Celle-ci prévoit le remplacement du « communisme » par le « socialisme » dans les textes, actant la reconnaissance de la propriété privée et l’ouverture aux investissements étrangers. Après de nombreux débats, il ne contient finalement pas d’ouverture en vue de la légalisation du mariage entre personnes du même sexe. L’occasion est propice pour effectuer un bilan de la première année du président Diaz-Canel, dans un contexte international à l’hostilité croissante.


Le durcissement du contexte géopolitique et le risque d’un isolement croissant

Malgré un isolement permanent dû à l’embargo américain sur l’île, les rapprochements avec les pays étrangers se sont multipliés ces dernières années. Ils se sont accompagnés du développement du tourisme, encouragé par les autorités cubaines, qui représente tout de même 4 millions de visiteurs étrangers en 2017, pour un pays de 11 millions d’habitants. La volonté de mettre fin à l’enclavement de Cuba se voit également dans l’arrivée tardive d’Internet sur l’île, avec le développement du wifi public dans les grandes villes. La couverture internet demeure pour le moment beaucoup trop chère pour la grande majorité des Cubains, strictement publique – les boxes personnelles étant interdites -, et limitée à quelques points sur l’île.

Un semblant de dégel s’était amorcé en 2014 sous l’administration Obama, avec l’appui diplomatique du Vatican. Cependant l’embargo imposé sous Kennedy, bien que légèrement assoupli, n’a pas été remis en cause et continue d’étouffer l’île. Le dernier décret de politique étrangère signé par Barack Obama portait sur la confirmation des sanctions américaines contre Cuba, que Donald Trump prévoit de durcir encore. Les pertes pour l’économie cubaine sont considérables. On estime qu’elles s’élèvent chaque année à plusieurs milliards de dollars, et limitent drastiquement les capacités de consommation de la population. L’embargo américain rend difficile pour Cuba d’effectuer du commerce avec d’autres pays, les mesures de rétorsion étant de taille : un bateau qui accoste à Cuba est interdit d’entrée aux Etats-Unis pendant six mois. L’élection de Donald Trump à la tête des Etats-Unis a entraîné un recul du tourisme américain. L’administration Trump s’est en effet employée à mettre des bâtons dans les roues aux potentiels touristes, notamment en empêchant les voyages personnels, c’est-à-dire non-encadrés par un groupe. Il pousse le gouvernement cubain à réaffirmer l’antagonisme structurant entre Cuba et l’impérialisme américain.

Le gouvernement cubain a mené ces deux dernières décennies une stratégie de diversification de ses partenaires. À échelle régionale, le Panama constitue l’un de ses partenaires les plus importants, avec deux millions de dollars d’exportations de celui-ci vers l’île en 2015. Ces liens entre l’île socialiste et le gouvernement conservateur du Panama peuvent paraître contre-nature, mais les importations composant 80% de l’offre de biens cubaine, les accords commerciaux ne peuvent que bénéficier aux deux camps. Cuba a également cherché à contracter des accords économiques avec le Portugal ou encore le Canada, ce dernier servant souvent d’intermédiaire dans les relations avec les Etats-Unis. L’Union européenne a elle aussi revu sa copie en revenant en 2016 sur la « Position commune » de 1996. Cependant, cette évolution positive des relations diplomatico-économiques de Cuba menace d’être compromise par le virage néolibéral et pro-américain d’une majorité de pays d’Amérique latine.

Jair Bolsonaro, président du Brésil, et Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale vénézuélienne auto-proclamé président du Venezuela. © Telesur

L’île perd les bonnes relations qu’elle entretenait avec le Brésil – cultivées depuis l’élection de Lula (2002) – avec l’arrivée de Bolsonaro, qui revendique un anti-communisme digne de la Guerre Froide. Le programme Mais Medicos, qui permettait à quelques 8500 médecins cubains de venir travailler au Brésil a pris fin il y a trois mois suite à des critiques du nouveau président. L’Equateur ou l’Argentine, alliés politiques importants du gouvernement cubain sous la présidence de Rafael Correa (2007-2017) et des Kirchner (2003-2015), comptent désormais parmi ses adversaires résolus. La contestation grandissante du gouvernement de Nicolas Maduro pourrait faire perdre un nouvel allié à Cuba, et non des moindres. Le président vénézuélien Hugo Chavez (1999-2013), prédécesseur de Maduro, avait été adoubé par le gouvernement cubain comme « le meilleur ami de la Révolution cubaine ». Il avait mené à un rapprochement considérable des deux pays, qui s’est manifesté par une explosion du commerce bilatéral ainsi qu’une politique d’entraide mutuelle baptisée  « pétrole contre médecins » – le Venezuela fournissant une abondante manne pétrolière à Cuba, Cuba envoyant ses médecins appuyer les « missions sociales » mises en place par Hugo Chavez.  L’avenir des relations cubano-vénézuéliennes dépendra de l’issue de la tentative de coup d’Etat de Juan Guaido contre Nicolas Maduro appuyée par les Etats-Unis. La lutte pour la tête du Venezuela oppose un allié historique de Cuba à un partisan inconditionnel des Etats-Unis, qui affiche ouvertement son hostilité envers le gouvernement cubain. Dans ce basculement global du sous-continent américain, seule la Bolivie d’Evo Morales semble demeurer une alliée stable du gouvernement cubain.

Ce durcissement considérable du contexte international ne doit pas voiler l’importance des mutations que l’on peut observer sur l’île.

« Actualisation » du socialisme et volonté de conserver l’héritage de la Révolution

Les mots ont un sens. Ceux de la nouvelle Constitution cubaine, bien qu’essentiellement symboliques, sont symptomatiques d’un changement en cours sur l’île. Mais quelle est son ampleur réelle ? Le nouveau texte prend pour base la Constitution de 1976, instaurée par le Parti communiste cubain à la suite de la révolution de 1959 contre le despote Batista, tout en la modifiant sur certains points non négligeables. Si dans la version initiale on peut lire : « l’Etat oriente les efforts communs vers les hautes fins de la construction du socialisme et le progrès vers la société communiste », la révision se limite à : « L’Etat oriente les efforts communs vers les hautes fins de la construction du socialisme. Il s’emploie à préserver et fortifier l’unité patriotique des Cubains et à développer des valeurs éthiques, morales et civiques ». En règle générale, le mot « communisme » a disparu du texte, si l’on excepte les expressions liées au parti (« Parti communiste cubain » et « Union des jeunes communistes »).

La transition vers davantage de libéralisme, allant jusqu’à un régime hybride, semble bien être à l’œuvre. Raul Castro a mené depuis son accession au pouvoir en 2006 une politique dite d’actualización, en ouvrant par exemple les secteurs automobiles et immobiliers au privé. 200 corps de métier sont aujourd’hui ouverts au secteur privé. Cuba est-elle en passe de muer en un “socialisme de marché” à la chinoise, alliant multinationales capitalistes et contrôle étatique ? La libéralisation de l’économie, très modeste avec seulement 13% des emplois relevant du secteur privé, donne du grain à moudre aux futurologues. Mais elle semble beaucoup trop faible pour que la comparaison soit pertinente. De même, l’encadrement extrêmement strict de la propriété privée par le gouvernement cubain, excluant tout mécanisme d’accumulation ou d’apparition d’acteurs économiques au poids significatif, n’autorise pour l’instant aucune assimilation avec la dynamique chinoise. Si la politique du gouvernement cubain cherche à encourager l’initiative individuelle, le développement accru de la propriété privée et l’apparition d’un secteur non-étatique de l’économie, il semble qu’elle cherche également à se prémunir du développement d’un capitalisme de milliardaires.

La Constitution réaffirme plusieurs “acquis” de la Révolution cubaine : gratuité des soins et de l’éducation, droit universel au logement, ou encore à l’alimentation. La prise en charge étatique de ces secteurs a permis aux Cubains et leur permet encore de bénéficier d’une espérance de vie supérieure à celle des Etats-Unis et d’un taux de scolarisation de 100% jusqu’à la fin du secondaire.

De quoi Miguel Diaz-Canel est-il le nom ?

L’ère Castro est-elle réellement terminée ? La mort de Fidel fin 2016 et le départ de Raul Castro de la présidence en 2018 ont semblé marquer sa fin. Raul Castro demeure cependant secrétaire général du Parti communiste de Cuba, conservant ainsi un grand pouvoir. L’actuel président Miguel Diaz-Canel est un proche des Castro, ayant été le vice-président de Raul pendant son mandat, mais d’un point de vue symbolique il incarne une époque nouvelle. Né en 1960, il n’a pas participé à la Révolution. L’image est importante : il s’agit de montrer que la Révolution se perpétue même sans lutte armée, sous la forme d’un processus continu.

Miguel Diaz-Canel et Raul Castro. © Telesur

La présidence de Diaz-Canel survient à un moment où une ouverture politique – relative – semble voir le jour. Bien sûr, le cadre autoritaire hérité des années Castro, mis en place pour lutter contre les agressions des Etats-Unis, reste en place : parti unique, contrôle étatique de la presse, censure des opinions critiques. Le développement de nouvelles formes de communication ne permet pas toujours d’y échapper. Récemment, les SMS contenant les mots « Yo voto No » ou « Yo no voto », (« Je vote Non » ou « Je ne vote pas ») ont été filtrés pendant la campagne pour l’adoption de la Constitution.

Force est cependant de reconnaître qu’une place plus grande est accordée à la contestation depuis quelques temps. La campagne physique pour le « Non » au référendum par exemple n’a pas été réprimée et a permis l’émergence d’opposants comme Manuel Cuesta Morua – dont les liens avec Washington sont pourtant de notoriété publique -, qui critique la nouvelle Constitution dans le poids qu’elle continue d’accorder au PCC et la trop timide libéralisation de l’économie. L’accès à internet a également permis au dark web de se développer. Des changements progressifs voient donc le jour. La question de la démocratie à Cuba est cependant sur-déterminée par le contexte géopolitique. Tant que les Etats-Unis maintiendront l’embargo sur l’île et que le spectre d’une nouvelle Baie des Cochons planera sur Cuba, une libéralisation politique réelle semble très peu probable.

Le recul sur la question du mariage gay

Alors que le gouvernement fait profession d’une défense sans concessions des droits LGBT, l’article 68 de la Constitution, qui dispose que « le mariage est l’union volontairement consentie d’un homme et d’une femme », n’a finalement pas été changé en « l’union volontairement consentie de deux personnes ». Il s’agit du débat qui a le plus agité les commissions au moment de la rédaction de cette révision. Il faut dire que Cuba entretient un rapport particulier aux droits des homosexuels.

En 1959, Fidel Castro considérait les homosexuels, selon ses propres mots, comme des produits de la « décadence bourgeoise ». Il a initié une politique d’arrestation et de « rééducation » des homosexuels. Un événement marquant de cette répression est la nuit dite des 3P – prostituées, pédérastes et proxénètes – où des prostituées et homosexuels ont été arrêtés et envoyés dans des camps de travaux forcés, les guanahacahibes. Ils ont été fermés peu de temps après leur ouverture, sur ordre personnel de Fidel Castro, qui y constatait les vexations dont étaient victimes les homosexuels. Le gouvernement a progressivement effectué certaines concessions, dépénalisant l’homosexualité en 1979.

Aujourd’hui, Cuba est devenue une figure de proue de la lutte pour les droits LGBT en Amérique Latine. Mariela Castro Espin, la fille de Raul Castro, est l’une des pierres angulaires de cette lutte. Avec sa défunte mère Vilma Espin, elles ont permis l’acceptation des personnes queer au sein de la société cubaine. Grâce à elles, les Cubains peuvent changer de sexe dans leur pays depuis 2008. Elle a aussi fortement milité pour le droit au mariage des personnes du même sexe mais a, cette fois, essuyé un revers. Le retour en arrière sur le texte constitutionnel du régime cubain s’explique notamment par la pression exercée par les églises évangéliques, encore puissantes sur l’île. La communauté évangélique cubaine se composant d’environ 1 million de personnes, soit 10% de la population, la mention polémique a été retirée du texte. Cette question est cependant loin d’être tranchée : le gouvernement a annoncé que le mariage gay à Cuba serait soumis à référendum d’ici 2 ans, pour savoir s’il sera intégré au Code de la Famille.

À l’abri de la tempête géopolitique qui couve, la société cubaine évolue, lentement mais de manière significative. L’élection de Hugo Chavez au Venezuela en 1999, suivie par celle de ses alliés géopolitiques, avait permis à Cuba de se libérer momentanément de l’asphyxie de l’embargo américain. Plus que Cuba après Castro, c’est peut-être Cuba après le chavisme – et la possibilité pour l’héritage de la Révolution de 1959 de survivre au chavisme – qui devrait poser question.

Ce que les médias passent sous silence à propos de Cuba

©Madden. Cette image est dans le domaine piubloc

Depuis le décès de Fidel Castro, les mêmes propos sont répétés en boucle par les journalistes et les hommes politiques : Cuba est l’une des dernières dictatures, elle enferme ses opposants, viole les droits de l’homme et affame son peuple. L’occasion est trop belle pour dire tout et n’importe quoi à ce sujet. Réponse aux mensonges et raccourcis à propos de Cuba.

Ségolène Royal, pour avoir osé dire qu’il « n’y a pas de prisonniers politiques à Cuba », a vu un torrent de boue s’abattre sur elle. Simplement parce qu’elle a eu l’outrecuidance de défendre Cuba. Car c’est bien cela qui lui est reproché, puisque personne n’a apporté le moindre élément permettant de démentir son affirmation.

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Vous la voyez l’opposition radicale au régime ? Et la bavure digne de la tyrannie policière la plus arbitraire ? Non ? #HeuresLesPlusSombres

Ah non, pardon, en réalité, seul Amnesty International a tenté un truc. Comme unique exemple à charge, l’organisation cite le cas de l’artiste El Sexto, arrêté pour avoir tagué « se fue » (« il est parti », ce que certains interprètent comme une référence au décès de Fidel Castro) sur le mur d’un grand hôtel de la Havane et de plusieurs bâtiments prestigieux ! (1) Scandaleux ! Il est vrai qu’à Paris, si un artiste avait eu l’idée de taguer le Fouquet’s ou la Cathédrale Notre-Dame, la police l’aurait probablement applaudi et il n’aurait bien sûr encouru aucune poursuite pénale…

Je ne sais pas qui s’occupe de la com’ d’Amnesty International, mais si c’était pour sortir une ânerie pareille, il aurait mieux valu faire comme tous les autres et dénoncer sans preuve, cela aurait été hautement plus crédible… (2)

« Mais peu importe ! » diront les autres. « Cuba est une dictature et rien ne le justifie ! »

Vraiment ? Retour en arrière

De la soumission aux États-Unis à la révolution

Cuba, de 1899 à 1959, était de fait une colonie états-unienne. Connue comme étant « le bordel de l’Amérique », l’île était alors gangrenée par la pauvreté, la prostitution, le jeu, les narcotrafiquants, la mafia et autres malfrats états-uniens venus échapper à la prohibition. Pour se faire une idée, il faut savoir que Miami et Las Vegas n’existaient pour ainsi dire pas avant la révolution cubaine, puisque l’île tenait leur rôle.

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Le dictateur Batista (à droite) en visite aux Etats-Unis en 1938.

Lorsque les guérilleros conduits par Fidel Castro rentrent victorieux à la Havane le 8 janvier 1959, ils viennent de renverser la dictature militaire pro-américaine de Fulgencio Batista, responsable de la mort de 20 000 cubains en sept ans. Beaucoup reprochent à Fidel Castro de s’être alors rendu coupable d’un nettoyage politique contraire aux droits de l’Homme. Mais de quoi parle-t-on ?

Fidel Castro avait maintes fois appelé la population à ne pas se livrer à la vengeance et à un « bain de sang », mais à laisser la révolution rendre justice. Il y eut donc des procès qui ordonneront 631 condamnations à mort et amèneront 146 proches de Batista à être fusillés. Il n’y eut aucun lynchage ou exécution sommaire. Comparons ces chiffres à une situation similaire : en 1944, lorsque la France fut libérée, il y eu près de 9 000 exécutions sommaires et plus de 1 500 condamnés à mort (parmi eux on compte des écrivains et des journalistes, ce qui ne fut pas le cas à Cuba). (3) Il ne viendrait à l’idée de personne de remettre en cause le gouvernement de l’époque ou le Général de Gaulle pour ces faits.

La guerre meurtrière des États-Unis contre Cuba

Le nouveau gouvernement cubain se heurte rapidement à l’opposition des États-Unis. Ces derniers sont irrités par ses réformes et les nationalisations. Ils mettent fin à l’importation de sucre en provenance de l’île (qui représentait 80 % des exportations de Cuba vers les États-Unis et employait près de 25 % de la population). En 1962, les États-Unis vont jusqu’à imposer un embargo à Cuba qui rompt les relations commerciales entre les deux pays (même alimentaires), et obligent la majeure partie des pays américains et leurs alliés occidentaux à faire de même.

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191 pays ont condamné l’embargo des États-Unis sur Cuba. L’ONU a condamné 18 fois ce qu’elle considère comme un « blocus ».

Tout produit élaboré avec des éléments d’origine cubaine est interdit d’entrée aux États-Unis. Les avoirs de l’État cubain aux États-Unis sont gelés. Les transactions financières sont interdites. Tout échange en dollars avec l’île est sanctionné. Pendant des décennies, il sera interdit aux citoyens états-uniens de se rendre à Cuba. Le but affiché des États-Unis est de profiter des difficultés que provoque l’embargo pour provoquer la chute de Fidel Castro. L’embargo n’a cessé d’être renforcé par les États-Unis (jusqu’en 2009). (4)

En 1996, la loi Helms-Burton interdit à toute personne ou entreprise dans le monde de commercer des produits issus de biens américains qui ont été nationalisés par le régime cubain après la révolution. (5)

En 2004, l’administration Bush adopte une loi visant à condamner à dix ans de prison et à un million de dollars d’amende tout citoyen états-unien se rendant à Cuba sans autorisation, ou avec autorisation mais plus de 14 jours, ou qui dépenserait sur l’île plus de 50 dollars par jour, ou qui enverrait de l’argent à un proche adhérent du parti communiste local. (6)

L’embargo a donc condamné Cuba à l’autarcie, la poussant dans les bras des soviétiques. Il est encore en vigueur aujourd’hui. C’est l’embargo commercial le plus long de l’époque contemporaine. En 2014, on estimait les pertes directement liées à l’embargo à 116 milliards de dollars pour l’île. (7)

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Le groupe terroriste Alpha 66 fêtant ses 50 ans à Miami.

Mais quand il s’agit de l’Amérique latine, son « pré carré », les États-Unis ne s’attaquent pas qu’au portefeuille. Ils ont aussi financé à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars toutes sortes d’activités pouvant nuire à Cuba, terrorisme compris. Ainsi, des groupes comme Alpha-66 et Omega 7, entraînés en Floride, se sont rendus responsables de divers sabotages et attentats (rien qu’en 1960-1961, sur une période de sept mois, la CIA a commandité 110 attentats à la dynamite, a fait placer 200 bombes, et déclenché 800 incendies dans des plantations), faisant de Cuba l’un des pays au monde qui déplore le plus grand nombre de victimes d’attentats (3478 morts et plus de 10 000 blessés dont 2 099 handicapés à vie). (8) En 1971, la CIA fit importer une épidémie de peste porcine africaine sur l’île, à l’aide de ces organisations terroristes. En 1981, l’introduction de la dengue hémorragique toucha près de 350 000 personnes à Cuba, et entraîna la mort de 158 d’entre elles dont 101 enfants. (9) Durant toute sa vie, Fidel Castro aura été la cible de 638 tentatives d’assassinats. (10)

Face à toutes ces menaces, Fidel Castro, qui voulait pourtant la démocratie sur l’île, dut se résigner à accroître la répression, la censure et le poids du parti communiste cubain, qui devint peu à peu le parti unique de l’île.

« Imaginez ce que serait la situation aux États-Unis si, dans la foulée de leur indépendance, une superpuissance leur avait infligé pareil traitement : jamais des institutions démocratiques n’auraient pu y prospérer », résume Noam Chomsky. Il est de bon ton de donner, du haut de sa France stable du XXIe siècle, des leçons à Fidel Castro sur le type d’institutions démocratiques qu’il aurait dû mettre en place pour recevoir un brevet de « pays moralement soutenable par l’Occident ». (11) 238 morts causés par le terrorisme djihadiste nous ont récemment amenés à envisager une remise en cause de l’État de droit : multiplions le nombre de victimes par 15, ajoutons-y un blocus terrible, le financement de partis d’opposition par l’étranger et nous comprendrons ce qui a poussé le gouvernement cubain à mettre en place ces mesures autoritaires.

Les droits de l’Homme à Cuba

Il convient encore de citer Noam Chomsky : « Concernant les violations des droits de l’Homme, ce qui s’est produit de pire [à Cuba] ces quinze dernières années a eu lieu à Guantánamo, dans la partie de l’île occupée par l’armée américaine, qui y a torturé des centaines de personnes dans le cadre de la “guerre contre le terrorisme”. »

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Pour ceux qui pensent le contraire (ce qui montre bien le niveau de désinformation qu’il y a quand il s’agit de Cuba) : il y a des élections à Cuba. Ici, le 19 avril 2015 lors du premier tour des élections municipales.

La censure largement assouplie à Cuba depuis les années 1990. Il n’y a aujourd’hui plus un seul opposant politique ou journaliste en prison à Cuba (or, faut-il le rappeler, les États-Unis étaient en 2005 le 6e pays au monde avec le plus de journalistes en prison, selon le CPJ, le Comité pour la protection des journalistes). (12) (13) Cuba n’a condamné personne à mort depuis 2003 (14) ; même en 2006, lorsqu’il y eut de nouveaux attentats, la peine de mort n’a pas été appliquée. Contrairement à la plupart de ses voisins latino-américains, Cuba n’a recours ni à l’assassinat et aux enlèvements d’opposants, ni à la torture. (15) Cuba ne possède pas de police anti-émeute (les CRS en France). Depuis la création du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, l’île est réélue régulièrement pour y siéger auprès d’une cinquantaine de pays. (16)

La liste de « prisonniers politiques » fournie par les opposants cubains, sur laquelle les médias occidentaux se basent, ne comprend aujourd’hui plus que des criminels que même Amnesty International refuse de prendre en compte parce qu’elle est composée « de gens jugés pour terrorisme, espionnage ainsi que ceux qui ont tenté et même réussi à faire exploser des hôtels » (rapport d’Amnesty International de 2010).

Bien qu’il se pluralise de l’intérieur, le parti unique existe toujours à Cuba. Il faut cependant noter l’existence d’institutions démocratiques inconnues en France, comme le référendum d’initiative populaire qui permet de révoquer les élus. Une forme de démocratie directe existe à Cuba : les habitants se réunissent en assemblées de quartier pour délibérer sur le choix d’un candidat et peuvent le révoquer à tout instant. Il est interdit au parti communiste de désigner ou de faire campagne pour un candidat ; ainsi la moitié des députés cubains ne sont pas membres du parti communiste. (17) (18)

Le bilan de Fidel Castro : le socialisme concret

Si Cuba n’a pas choisi la voie de la démocratie libérale, c’est avant tout pour préserver l’héritage de la révolution, à savoir celui d’un socialisme concret qui vient en aide aux plus démunis et qui s’est instauré (avec réussite) malgré l’embargo. En voici quelques exemples :

A Cuba, personne ne dort dans la rue. C’est le seul pays d’Amérique latine et du tiers-monde à s’être débarrassé de la malnutrition infantile, selon l’Unicef. (19) L’île a atteint le plein emploi (le taux de chômage y était de 3,3% en 2014). (20) Les inégalités y ont été réduites de près de 30% depuis la révolution (selon l’évolution de l’indice de Gini, qui sert à calculer les inégalités). (21) En 2016, 60% du budget de l’État correspond aux dépenses courantes de maintien des services gratuits de base dont bénéficient tous les Cubains. (22)

Cuba a, en dépit du blocus, et ce, dès 2015, avant même la date prévue, atteint les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) définis par les Nations Unies. (24)

Au niveau de l’Indicateur de Développement Humain (IDH), Cuba se classe 67e selon l’ONU. (23) Devant le Brésil, la Chine, l’Inde, le Mexique, la Turquie, l’Ukraine, l’Afrique du Sud, l’Iran… Hors revenus, Cuba se classe même 26e, devant notamment le Royaume-Uni.

A Cuba, le secteur des travailleurs indépendants et d’autres formes de gestion non-étatique sont aujourd’hui en expansion. 504 613 Cubains travaillent à leur compte : ils sont protégés par le système de sécurité sociale et bénéficient du droit à la retraite – on est donc loin du cliché du pays communiste qui bride la liberté d’entreprendre. (25)

Dès 1961, soit deux ans après la révolution, Cuba fut l’un des rares pays à avoir éradiqué l’analphabétisme. Dans le détail, le taux d’alphabétisation des 15-24 ans atteint aujourd’hui les 100%, et celui des adultes 99,8%, ce qui place Cuba dans le top 5 des pays les plus alphabétisés au monde selon l’ONU.

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Vingt-huit pays bénéficient du programme d’alphabétisation cubain « Moi aussi je peux » qui a permis d’apprendre à lire et à écrire à plus de 8 millions de personnes. (29)

L’accès gratuit et universel à l’éducation est garanti à tous les citoyens à Cuba. Selon l’UNESCO, Cuba est le pays qui affiche le meilleur résultat d’Amérique Latine et des Caraïbes en matière d’éducation. Cuba est le pays disposant du plus grand nombre d’enseignants par habitant et du plus faible nombre d’élèves par classe dans le primaire et le secondaire (19 élèves par maître dans le primaire et 15 dans le secondaire). (26)

En 1959, Cuba ne comptait qu’une seule université. Aujourd’hui l’île compte 52 établissements d’enseignement supérieur. (27) Le taux brut de scolarisation dans l’enseignement supérieur y était de 95,2% en 2011, soit le 2e meilleur score du monde (derrière la Corée du Sud) selon l’ONU. La télévision cubaine diffuse régulièrement des cours du second degré pour la population adulte. (28)

D’après l’ONU, la mortalité infantile à Cuba est de 4,2 pour 1000, soit le taux le plus faible du continent américain, (à titre de comparaison, il est de 5,9 pour 1000 aux USA). Toujours selon l’ONU, celui-ci était de 69,86 pour 1000 avant la révolution.

L’espérance de vie à Cuba est de 79,4 ans selon l’ONU. Soit 0,3 ans de plus qu’aux États-Unis et seulement 1 an et demi de moins qu’en Allemagne. C’est le 3e meilleur chiffre d’Amérique derrière le Canada et le Chili. C’est 5 ans de plus que la moyenne de la zone Amérique latine et Caraïbes (30) et c’est près de la moyenne des pays riches de l’OCDE. (31)

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L’opération « Miracle », lancée en 2004 par le gouvernement cubain, a été à l’origine de 2,6 millions d’interventions chirurgicales pour rendre la vue à des personnes pauvres dans 30 pays d’Amérique latine, des Caraïbes et d’Afrique.

A Cuba, l’accès gratuit à tous les services de santé est garanti. Il y a un médecin pour 147 habitants de l’île, soit le meilleur ratio au monde. C’est plus de deux fois plus qu’en France (1 pour 299). Depuis la révolution, 109 000 médecins ont été formés à Cuba. Avant, il n’y en avait que 6 000, dont la moitié a fui le pays lors de la révolution. (32) Cuba est le seul pays au monde à avoir créé un vaccin contre le cancer du poumon, le Cimavax, (33) et un médicament permettant d’éviter les amputations liées à l’ulcère du pied diabétique. (34)

L’école de médecine de la Havane, « la plus avancée au monde » selon le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, forme aujourd’hui 11 000 jeunes venus de 120 nations. Depuis la révolution, l’île a même déployé 135 000 soignants à travers le monde, lors de catastrophes naturelles ou humanitaires. En reconnaissance de ses efforts, Fidel Castro fut le premier chef d’État à recevoir la médaille de la Santé pour tous, décernée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2014, l’OMS qualifiait le système de santé cubain « d’exemple à suivre ». (35)

Un an après la révolution, Cuba a interdit la ségrégation raciale, soit sept ans avant les États-Unis. La même année, la fédération des femmes cubaines fut crée. L’égalité femme-homme est une réalité sur l’île, notamment du point de vue salarial. En 2013, Cuba occupait le troisième rang mondial du plus grand pourcentage de femmes élues députés. Elles président 10 des 15 provinces du pays. Alors que l’île comptait plus de 150 000 prostituées dans les années 50, la prostitution a été éradiquée en 1967 (pas définitivement, hélas, car elle tend à réapparaître ces dernières années : elles seraient entre 12 et 20 000 aujourd’hui selon les opposants). Les prostituées ont été soignées (30 à 40% d’entre elles souffraient de la syphilis), éduquées, logées et réinsérées.

Cuba promeut la prévention en matière d’éducation et de réinsertion sociale pour éviter la délinquance. C’est l’un des pays les plus sûrs d’Amérique latine : le taux d’homicide volontaire y est de 4,2 pour 100 000 habitants (contre une moyenne de 23 pour 100 000 en Amérique latine). Cuba est le pays d’Amérique Latine qui enregistre le moins de violences contre les enfants.

Libertés individuelles ou libertés collectives ?

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« Hop ! Confisqué ! »

Contredire les mensonges répandus à propos de Cuba n’empêche évidemment pas de jeter un regard critique sur les erreurs commises par le gouvernement, comme pour n’importe quel autre pays, à n’importe quel moment de l’histoire. Mais on ne peut déclarer que la révolution a été volée d’un coup par un « régime dictatorial ». Car le gouvernement cubain a toujours été cohérent dans ce qu’il a accompli. La même logique, le même objectif, ont été poursuivis de A à Z.

Le clivage à propos de Cuba devrait se résumer ainsi : si l’on pense que les libertés collectives priment sur les libertés individuelles, alors on soutient Cuba ; si l’on pense l’inverse, alors on condamne. Les deux ne sont évidemment pas contradictoires, et certains gouvernements ont même décidé de ne pas choisir. Prenons l’exemple de deux d’entre eux : le Chili de Salvador Allende et le Venezuela d’Hugo Chavez.

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Salvador Allende et Fidel Castro.

Salvador Allende, malgré les menaces que faisaient planer les États-Unis depuis son élection en 1971, a décidé de rester démocrate jusqu’au bout, avec la fin qu’on connaît : le putsch de 1973 mené par le général Pinochet, qui fit 3 à 4 000 morts et contraignit Allende au suicide, le Chili devenant alors une dictature militaire ultralibérale pour les vingt années qui suivirent.

Au Venezuela, le même scénario faillit se reproduire : en 2002, un coup d’État eut lieu, et Chavez, élu démocratiquement, aurait dû être fusillé dans la foulée. Mais le peloton d’exécution refusa d’obtempérer et il eût la vie sauve. La révolte des militaires et de la population contraignit les putschistes à renoncer.

Au Chili, les États-Unis ont préparé le terrain pour que le coup d’état se produise, l’ont piloté en sous main et l’ont officiellement soutenu. Au Venezuela, les putschistes furent financés par les États-Unis et la CIA fut directement impliquée.

A l’aune de ces exemples, et de toutes les tentatives de déstabilisation états-uniennes à Cuba citées plus haut, on comprend bien qu’il va falloir prendre en compte le fait suivant : non, Cuba n’avait pas, et n’a jamais eu, le choix d’être une démocratie libérale. C’est à contre-cœur, et contraint et forcé par les agressions états-uniennes, que Fidel Castro a mis en place des mesures liberticides à Cuba. Il faut également prendre en compte un autre élément : beaucoup de démocraties dans le tiers-monde sont des farces. Regardez par exemple la Colombie, où l’on compte depuis le début de l’année, 70 assassinats de proches du parti socialiste, ou le Honduras, où dès qu’un président un peu trop de gauche est élu, hop !, les militaires font un coup d’État avant de réorganiser des élections.

Ce sont tous des pays où une large part de la population est maintenue dans l’extrême pauvreté, où la violence et la corruption sont reines et où les gouvernements pratiquent régulièrement les « disparitions », l’assassinat et la torture. Comme Fidel Castro le rappelait souvent : A quoi sert la démocratie ou la liberté d’expression dans un pays qui compte 50% d’analphabètes ? Dans un pays où une grande partie de la population meurt de faim ou de maladie ? L’éducation, la médecine, la répartition des richesses : toute démocratie n’est que comédie sans ces libertés collectives préalables.

Aristote, dans Les Politiques, avait déjà bien compris que l’objectif d’un État n’est en rien la forme de ses institutions, mais sa capacité à agir ou non dans l’intérêt de son peuple. Il n’aura échappé à personne la façon dont les peuples reçoivent, chaque fois, ceux qui tentent d’imposer la “démocratie libérale” dans leur pays. La première volonté des peuples est d’abord de se libérer des puissances qui les étranglent et de pouvoir vivre par eux-mêmes : ça s’appelle la souveraineté nationale. C’est là que réside la clé pour comprendre Cuba : plus que tout, le génie de Fidel Castro, c’est d’avoir su interpréter, et appliquer, la volonté générale de son peuple. Les Cubains lui en sont reconnaissants, notamment car ils ont été les premiers acteurs de la transformation de l’île. Les centaines de milliers de Cubains à s’être réunis aux quatre coins du pays pour saluer la mémoire du Comandante en sont la parfaite illustration.

« L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. » Ainsi débute le Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau. Discours de Fidel Castro à l’ONU, sur les « fers » dans lesquels se trouvent les peuples pauvres du monde entier. (Pensez à activer les sous-titres !)

Je vous laisse, je m’en vais taguer « Hollande a renoncé » sur le mur du Ritz, comme mon pays démocratique me le permet. Et si tel n’est pas le cas, si par malheur je me fais embarquer au commissariat, alors il faudra en conclure que je suis un prisonnier politique. Amnesty International, j’attends vos retweets.

En complément :

Ainsi que les divers livres et articles de Salim Lamrani, de loin le meilleur spécialiste de Cuba en France.

Notes :

(1) : http://www.europe1.fr/international/la-reponse-damnesty-international-a-segolene-royal-a-cuba-il-y-a-eu-620-arrestations-en-octobre-2918420

(2) : Ce n’est malheureusement pas la première fois qu’Amnesty International dit des bêtises sur Cuba : https://www.legrandsoir.info/cuba-ou-comment-amnesty-international-saisit-trop-vite-des-batons-visqueux.html

(3) : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89puration_%C3%A0_la_Lib%C3%A9ration_en_France

(4) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Embargo_des_%C3%89tats-Unis_contre_Cuba

(5) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Helms-Burton

(6) : https://www.legrandsoir.info/Recrudescence-de-l-agression-etasunienne-contre-Cuba.html

(7) : http://www.20minutes.fr/monde/1440187-20140909-embargo-americain-coute-116-milliards-usd-economie-cubaine

(8) : http://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/201110/06/01-4454865-cuba-commemore-les-victimes-du-terrorisme-americain.php
Au sujet du terrorisme à Cuba, sujet méconnu et complètement occulté dans la presse internationale, lire notamment le très bon livre de Maurice Lemoine Washington contre Cuba. Un demi-siècle de terrorisme (http://www.monde-diplomatique.fr/2005/12/LEMOINE/13057
)

(9) : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89v%C3%A9nements_cubains_attribu%C3%A9s_aux_%C3%89tats-Unis_par_le_gouvernement_cubain

(10) : http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/11/26/ces-638-fois-ou-la-cia-a-voulu-se-debarrasser-fidel-castro_5038675_3222.html

(11) : https://www.les-crises.fr/ce-qui-a-ete-omis-a-la-mort-de-fidel-castro-par-noam-chomsky/

(13) : Le rapport de 2015 de Reporters sans frontières évoque deux journalistes en prison à Cuba : Yoeni de Jesús Guerra García et José Antonio Torres. Mais ces deux individus ne sont pas en prison du fait de leur profession, mais pour des délits/crimes :

– le premier a été condamné à 7 ans de prison en 2014 pour vol et abatage de bétail ne lui appartenant pas.
– le second a été condamné à 14 ans de prison en 2011 pour espionnage. Il lui est reproché d’avoir envoyé une lettre à un haut fonctionnaire américain où il explique qu’il peut lui offrir “des informations sensibles (sur Cuba), qui peuvent mettre à mal la sécurité du pays”. Il a reconnu à de nombreuses reprises avoir écrit cette lettre.

(14) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Peine_de_mort_aux_Cara%C3%AFbes#Cuba

(15) : Bien que la CIA et l’opposition cubaine aient évoqué des cas de torture, aucun élément n’a jamais confirmé ces accusations, au point qu’Amnesty International n’en a jamais fait mention dans ses rapports.

(16) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_des_droits_de_l’homme_des_Nations_unies

(17) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_%C3%A0_Cuba

(18) : Sur la question des droits de l’Homme à Cuba, lire l’article de Salim Lamrani “Cuba, la France, les États-Unis, et la question des droits de l’homme”, qui se livre à un comparatif avec la France et les Etats-Unis, et qui démontre ainsi l’exagération dont Cuba est l’objet sur ces questions, notamment de la part de ceux qui relaient en masse les rapports d’Amnesty International sur Cuba : https://www.legrandsoir.info/cuba-la-france-les-etats-unis-et-la-question-des-droits-de-l-homme.html

(19) : UNICEF, Progrès pour les enfants, un bilan de la nutrition, 2011.

(20) : http://knoema.fr/atlas/Cuba/Taux-de-ch%C3%B4mage

(21) : https://es.wikipedia.org/wiki/Anexo:Pa%C3%ADses_por_igualdad_de_ingreso

Sur l’indice de Gini : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1551

(22) : http://www.cubadebate.cu/especiales/2016/02/18/cuentas-claras-sobre-el-presupuesto-del-estado-fotos-video-e-infografia/#.WIrNWNT_Z_k

http://www.librered.net/?p=45004

(23) : Tous les chiffres de l’ONU donnés dans l’article sont consultables à partir de ce lien : http://hdr.undp.org/en/data

(24) : http://fr.granma.cu/mundo/2015-09-04/cuba-a-atteint-les-objectifs-du-millenaire-pour-le-developpement-malgre-le-blocus

(25) : https://www.cubanet.org/actualidad-destacados/decrecieron-los-pequenos-negocios-privados-en-2015/

(26) : https://ries.revues.org/511

(27) : http://elpais.com/diario/2002/05/09/ciberpais/1020911733_850215.html

(28) : https://www.ecured.cu/Televisi%C3%B3n_educacional

(29) : UNESCO, La crise cachée : les conflits armés et l’éducation, 2011, p. 76. http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001917/191794f.pdf

https://es.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9todo_de_alfabetizaci%C3%B3n_%22Yo,_s%C3%AD_puedo%22

(30) : http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/L-esperance-de-vie-augmente-en-Amerique-latine-et-aux-Caraibes-_NG_-2012-09-19-855224

(31) : http://www.lemonde.fr/sante/article/2015/11/04/l-esperance-de-vie-atteint-80-5-ans-selon-l-ocde_4802922_1651302.html

(32) : http://geopolis.francetvinfo.fr/castro-le-succes-de-la-politique-de-la-sante-a-cuba-99099

(33) : http://www.slate.fr/story/101473/traitement-cancer-poumon-prouesses-medicales-cuba

(34) : http://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/cuba-le-traitement-miracle-contre-l-amputation-des-diabetiques-354644.html

(35) : http://www.france24.com/fr/20140919-ebola-epidemie-cuba-sante-medecine-qualite-soins-sierra-leone-

Crédits photo : ©Madden. Cette image est dans le domaine public

Cuba, tête de gondole du tiers-mondisme

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@Alberto Korda, Source : Museo Che Guevara, La Havane, Cuba. Libre de droits car tombé dans le domaine public.

A l’heure du décès de Fidel Castro, il convient de se demander comment une aussi petite île que Cuba peut autant faire réagir, et de manière aussi manichéenne, à travers le monde. Parmi les raisons de l’image positive véhiculée par l’ancien dirigeant cubain en dehors de l’Europe et des Etats-Unis, on trouve son engagement pour la souveraineté des peuples à travers le monde qui en fait un symbole des luttes anti-impérialistes du XXème siècle.

De l’isolement régional…

Il n’est pas étonnant de voir que la République de Cuba n’est jamais devenue une République populaire et a gardé sa dénomination d’origine. Pour les dirigeants cubains, la révolution de 1959 est le prolongement logique de la lutte pour l’indépendance de la fin du XIXème siècle, portée par des figures comme José Marti, qui imaginait déjà à son époque un destin commun pour l’Amérique latine. Indépendante en 1898 suite à une guerre entre les Etats-Unis et l’Espagne sur son territoire, l’île reste de fait dépendante des Etats-Unis, de par l’amendement Platt qui leur donne un droit d’ingérence, puis grâce au régime de Fulgencio Batista, qui ouvre grandes les portes du pays à l’allié étasunien.

Dans les premières années de la révolution, le nouveau régime cubain est exclu, avec la pression des Etats-Unis, de l’Organisation des Etats Américains lors de la conférence de Punta del Este (Uruguay) en 1962. Castro va donc à partir de ce moment-là chercher à se faire entendre via les organisations internationales auxquelles appartient Cuba et faire de l’ONU une tribune pour sa cause.

En Amérique latine, l’action de Cuba va donc se limiter à un soutien à de nombreux mouvements de guérilla en opposition aux dictatures militaires sans soutenir « d’exportation de la Révolution », ce qui va accélérer une fin des relations avec les pays de la région. Il faudra attendre les années 1980 et la fin des dictatures militaires dans la région, ainsi que l’engagement de Cuba pour l’abolition de la dette extérieure des pays du Tiers-monde, pour voir une normalisation de ces relations.

…à un statut d’acteur international

Cependant, Cuba devient dans le reste du monde le symbole du petit pays qui réussit à s’échapper de la zone d’influence américaine, sentiment renforcé par le débarquement manqué de la CIA dans la Baie des Cochons en 1961 puis par le blocus mis en place l’année suivante. Le régime castriste va utiliser cette image pour mettre en place une politique extérieure d’importance. L’équilibre à trouver reste cependant assez fragile, Fidel Castro apportant son soutien au mouvement des non-alignés tout en gardant un relatif alignement sur le nécessaire allié soviétique. C’est ainsi que La Havane organise en 1966 la Conférence Tricontinentale, à laquelle participent des représentants de 82 pays du Tiers-monde. De cette conférence, minée par le récent enlèvement de Mehdi Ben Barka, découlent la création de l’Organisation de Solidarité des Peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine et le soutien non seulement aux mouvements d’émancipation nationale mais aussi au Nord-Vietnam et à Cuba contre le blocus.

Fidel Castro devient alors l’un des symboles des dirigeants engagés du Tiers-monde. Il rencontre régulièrement et crée des liens avec les grands dirigeants tiers-mondistes, et engage Cuba sur la question palestinienne, contre l’apartheid en Afrique du Sud et pour l’indépendance réelle des pays dans une optique internationaliste.

C’est dans cette optique que Cuba va s’engager dans la guerre civile angolaise du côté du MPLA face à l’UNITA, soutenue par l’Afrique du Sud et le Zaïre de Mobutu Sese Seko. Cet exemple reste le plus parlant, mais on verra aussi des soutiens logistiques à l’Algérie, à l’Ethiopie de Mengistu – de loin la pire alliance menée par le régime castriste – ou au Nicaragua sandiniste. Après la fin de la Guerre froide, cette aide logistique évolue en une exportation de capital humain qui permet un soutien international contre le blocus.

Une réintégration réussie en Amérique latine

Après la disparition de l’URSS, traumatisme profond pour les dirigeants cubains, le régime cherche à diversifier ses échanges, avec la Chine, l’Espagne et surtout le Venezuela d’Hugo Chavez. Le programme « Barrio adentro », qui voit l’envoi de médecins cubains au Venezuela contre un accès à des prix réduits sur le pétrole vénézuélien, sera à l’origine de la création en 2005 de L’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques), qui s’oppose au libre-échange promu par les Etats-Unis et propose une politique d’échanges, d’investissements et de solidarité.

La réintégration de Cuba dans la région n’est cependant pas seulement le fait de gouvernements de gauche dite « radicale », en atteste la création de la CELAC (Communauté d’Etats latino-américains et caraïbes) en 2010, portée par le Président brésilien Lula et présidée par Hugo Chavez et par le Président chilien Sebastián Piñera, qui inclut Cuba mais pas les Etats-Unis, preuve d’un changement profond dans la manière dont l’Amérique latine se pense désormais.

Ainsi, Cuba et les problèmes internationaux posés et mis en avant par le régime castriste ont pris une importance géopolitique sans précédent pour un aussi petit Etat qui semblait avant 1959 voué à rester dans « l’arrière cour » des Etats-Unis. Cela doit-il être comptabilisé dans le bilan politique de Fidel Castro ? De notre point de vue oui. Ayant participé à faire avancer les questions d’autodétermination et d’antiracisme, son action, critiquable comme toutes peuvent l’être, est un réel espoir pour de nombreux peuples à travers le monde.

Sources :

Marie Laure GEOFFRAY, Castro, Fidel (1926-2016) In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 5 décembre 2016. Disponible sur http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/fidel-castro/

Jean LAMORE, Cuba, 7e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2007

Jacques LEVESQUE, La guerre d’Angola et le rôle de Cuba en Afrique, Etudes internationales, 1978, Vol.9 (3), pp.429-434

Jean MENDELSON, Tricontinentale (1966) In Universalis éducation [en ligne]. Encyclopædia Universalis, consulté le 5 décembre 2016. Disponible sur http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/tricontinentale/

Ignacio RAMONET, Fidel Castro. Biographie à deux voix, Fayard, Paris, 2007

Crédit photo : @Alberto Korda, Source : Museo Che Guevara, La Havane, Cuba. Libre de droits car tombé dans le domaine public.