« Nous voulons être l’outil juridique au service des mouvements écologistes » – Entretien avec Chloé Gerbier, juriste chez Notre Affaire A Tous

Chloé Gerbier, juriste chez Notre Affaire A Tous

Il y a maintenant deux ans, plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous, attaquaient l’État français en justice pour “inaction climatique”. Le 3 février dernier, dans une décision hautement symbolique, le tribunal administratif de Paris reconnaissait sa carence fautive et le préjudice qui en découle tout en se donnant deux mois supplémentaires afin de statuer sur une éventuelle injonction à le réparer. En actionnant le levier de la justice climatique, la partie civile espère renverser cette logique. Chloé Gerbier, juriste spécialisée en droit de l’environnement chez Notre Affaire à Tous, revient sur les enjeux de telles actions en matière juridique et en esquisse les perspectivesEntretien réalisé par Joseph Siraudeau.

LVSL  En décembre 2018, vous lanciez avec trois autres associations (Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France) un recours en justice : “l’Affaire du Siècle” visant à poursuivre l’Etat français pour inaction en matière climatique. En quoi consiste votre action et qu’est-ce que la “justice climatique” ?

Chloé Gerbier – Le terme “justice climatique” est né dans les années 1980 lors de discussions internationales à partir du moment où nous nous sommes rendus compte que nous avions une responsabilité différente dans le réchauffement climatique, mais également que ses impacts n’étaient pas proportionnés à cette responsabilité. Ainsi, des pays qui ont bénéficié d’une phase d’industrialisation rapide ont vu leur contribution au dérèglement climatique exploser, accentuant par la même occasion la vulnérabilité des pays n’ayant pas connu le même essor. C’est d’ailleurs à partir de ce constat qu’est né le concept de “dette écologique”. Il suppose que les pays ayant le plus participé à la déplétion des ressources ou aux émissions de gaz à effet de serre pour se développer ont contracté une forme de dette envers les autres pays. Les rapports de l’ONG OXFAM montrent en ce sens que ce sont les 1% les plus riches qui polluent le plus, établissant une causalité directe entre niveau de “développement” (disons plutôt de richesse) et la consumation de l’environnement.

La notion de “justice climatique” vise donc précisément à réduire ces injustices entre certains qui construisent leur richesse sur la destruction de l’environnement, et d’autres qui ne profitent pas d’un développement, mais subissent les conséquences directes de ces destructions. Elle permet une approche qui n’est pas entièrement physique et technique de l’environnement, par la sociologie, le droit et l’économie. L’idée est d’analyser et de comprendre les inégalités face au changement climatique et entre les générations en essayant de voir comment le dérèglement climatique touche différemment les populations. Notre action tend à agir pour cette justice climatique à travers l’outil du droit, touchant à la fois au droit public et privé. 

« Nous voulons être l’outil juridique au service des mouvements écologistes. »

LVSL – Quelle est la dimension symbolique derrière le fait de porter plainte contre son propre État ? Et que cela signifie-t-il concrètement ? 

C. G. – L’État s’est engagé à agir pour le climat devant ses citoyens. Il a fixé ses propres objectifs et ses propres lois visant à entériner cet engagement. Ce n’est pas quelque chose de conceptuel ou de flou puisque ces engagements ont été inscrits dans notre corpus juridique. Attaquer l’État en justice, c’est rappeler qu’il n’est pas au-dessus des lois. En effet en ignorant ses engagements, l’État confirme la crise démocratique qui entoure les problématiques environnementales, il s’agit donc de réparer celle-ci. 

Avec la crise écologique, nous avons dorénavant affaire à une population qui souffre du réchauffement climatique, ce que nous avons mis en avant dans un rapport qui s’intitule “Un climat d’inégalités”. Les engagements en matière climatique ne sont pas simplement moraux puisqu’ils impactent directement la population française qui est soumise à ces risques. L’idée d’attaquer son propre État en justice vise donc à obtenir de l’État qu’il procède aux engagements auxquels il s’est lui-même lié vis-à-vis des citoyens et plus encore des plus vulnérables, et par là même de réparer cette crise démocratique en matière d’environnement. 

LVSL  Considérez-vous, au regard de vos différents recours, que les cadres juridiques sont satisfaisants pour mettre en place une protection de l’environnement par le droit ?

C. G. – Aujourd’hui, les cadres, outils et obligations juridiques sont clairement insatisfaisants. On a de grands accords, ce qu’on appelle le “droit doré”, comme l’accord de Paris, qui est une forme de soft law. Mais lorsqu’on entre dans la matière et la complexité du droit, on se rend très vite compte que les outils particuliers sont très peu protecteurs. Par exemple, dans le cadre des projets imposés et polluants, certains sont soumis à des études d’impact et si l’un d’eux a énormément d’incidences sur l’environnement, ce n’est pas pour autant qu’il sera empêché. L’outil d’évaluation est là mais n’a aucun impact, son usage est insatisfaisant. Les outils sont encore trop peu contraignants et trop peu dissuasifs pour la matière pénale. En plus de cela, on assiste à un détricotage constant du droit de l’environnement. Des décrets arrivent de manière mensuelle et viennent grignoter les droits acquis en créant des procédures de dérogation ou en abaissant les nomenclatures afin de permettre à de plus en plus de projets imposés et polluants de voir le jour. 

Du point de vue de “l’Affaire du siècle”, ce recours repose sur le fait que le droit n’est pas assez contraignant pour que l’État ait à respecter les logiques auxquelles il s’était astreint à s’engager. On est dans une crise “démocratique” du droit parce qu’il n’est plus assez fort pour endiguer le politique au profit d’objectifs inscrits dans la loi pourtant insuffisants. On peut également le voir avec la Convention Citoyenne pour le Climat qui porte des mesures plébiscitées au vu des sondages, mais que l’on va considérer comme étant en désaccord avec d’autres intérêts d’ordre économique notamment, justifiant de les vider d’une grande partie de leur substance au profit d’un amoindrissement des mesures pourtant nécessaires et urgentes.

LVSL  Qu’est-ce que vous entendez par « crise démocratique du droit » ? 

C. G. – Plusieurs choses, qui recoupent une même réalité : la volonté citoyenne, la participation du public et les engagements politiques qui ne sont pas traduits en normes opposables. On a une déconnexion entre l’intérêt public tel que conçu par les citoyens (la Convention Citoyenne pour le Climat n’en est qu’un exemple), et la traduction juridique de cet intérêt public. Les intérêts économiques s’y retrouvent prépondérants, au détriment des préoccupations sociales ou environnementales. Je pense que c’est ce phénomène qu’on retrouve en filigrane des nombreuses mobilisations du quinquennat. 

LVSL  Qu’aimeriez-vous changer ?

C. G. – La souche commune de notre action réside dans la responsabilité légale et dans le fait que l’on parvienne par le droit à la conditionner au respect de l’environnement. Cette responsabilité, c’est celle des entreprises privées, de l’État, vis-à-vis des collectifs et citoyens, elle porte sur la sauvegarde des sols de leur territoire mais aussi face au maintien d’un environnement sain tel que garanti par la Constitution. 

C’est la responsabilité de poursuivre ce qu’on a annoncé et de réparer cette crise de la démocratie écologique pour parvenir à quelque chose de réellement contraignant.

LVSL  Dans le projet loi climat rendu public figurent deux grandes annonces des ministres de la Transition écologique et de la Justice : la création d’un délit général de pollution et de mise en danger de l’environnement. Pourquoi la reconnaissance du crime (désormais délit) d’écocide est-il clivant d’un point de vue juridique ?

C. G. – Le gouvernement a complètement balayé l’idée d’un crime d’écocide. On n’est plus du tout sur la définition de l’écocide comme un crime tel qu’on l’entend : “l’atteinte durable et grave au fonctionnement de l’écosystème”. Le napalm utilisé pendant la guerre du Vietnam en est un exemple classique. Ce qu’il faut savoir, c’est que le crime d’écocide demande à être reconnu sans intentionnalité. 

L’intentionnalité, pour les crimes en droit pénal, est un prérequis. C’est à dire que pour qu’une infraction soit qualifiée de crime, il faut en avoir conscience et vouloir le commettre. Dans le cas d’atteinte à l’environnement, il faudrait retirer cette intentionnalité pour qu’il ait une valeur et une application. Sinon, par exemple, il faudrait démontrer à chaque fois que Total a déversé des polluants dans l’air ou dans les cours d’eau en ayant pour intention de détruire un écosystème, ce qui est impossible. 

Pour certains juristes, cela remet en cause les fondements du droit pénal alors que, si l’on regarde bien, le problème principal est de reconnaître juridiquement quelque chose qui est fait tous les jours. On a conscience de dépasser les limites planétaires et ce que peut supporter notre environnement chaque jour, mais nombreux sont ceux qui ne veulent pas reconnaître ce fait. Les règles de droit pour les crimes ont un caractère exceptionnel : on outrepasse une règle dont on a conscience qu’il ne faut pas la dépasser et c’est cela que l’on souhaite punir. Si on ne reconnaît pas en avoir conscience, l’intentionnalité devient problématique. 

Mais sans cet élément on est sur une re-dite :  il existe déjà des règles de droit qui permettent de punir pénalement les atteintes à l’environnement sans véritablement parler d’écocide. 

En enlevant la question de l’intentionnalité, le fait de porter atteinte à l’équilibre de notre environnement et des communs pourrait du jour au lendemain être puni alors qu’hier on pouvait le faire avec une forme d’impunité. Politiquement et juridiquement parlant, avec un droit rigide et cristallisé autour d’intérêts économiques, cela pose problème. Cet ensemble résiste au fait d’accepter un crime d’écocide dont l’intentionnalité ne serait pas nécessaire. Les règles de droit actuelles sont faites pour se plier aux intérêts économiques au détriment de l’environnement. Nous essayons de contourner ce problème de structure qu’il est aujourd’hui très difficile mais essentiel de perturber.

LVSL  La Charte de l’environnement de 2004, venait inscrire dans la Constitution des droits et des principes relatifs à l’environnement et à sa préservation, tels que “le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé” (article 1er). Votre action, au-delà de son objectif immédiat qui est de mettre l’État devant le fait accompli, pourrait-elle initier un nouveau mouvement de constitutionnalisation de l’environnement en France ? 

C. G. – La Constitution est le garant de cet équilibre entre intérêt public et liberté économique, aujourd’hui le calibrage doit être remis en cause. L’intérêt public en France prend en compte l’intérêt économique de manière prépondérante. Par exemple, quand on conclut un marché public, le critère économique prime sur le critère environnemental. Quand on autorise un projet à détruire des espèces protégées, on peut l’autoriser pour un intérêt public majeur mais aussi sur la base de critères économiques. Ce qu’on essaye de redéfinir, c’est cet intérêt public. Aujourd’hui, il ne peut plus être économique mais doit être environnemental, social et, en dernier ressort, économique. Je pense que chaque avancée est bonne à prendre sur le sujet dans le sens où le droit est la charpente de nos sociétés. On l’a particulièrement ressenti pendant le confinement : on ne pouvait pas se balader sans un morceau de papier sous peine d’amende. En définitive, influer sur la Constitution, c’est essayer de changer le cœur de cet équilibre entre environnement et intérêt économique et donc essayer de faire balancer l’intérêt public majeur.

LVSL  Dans un article publié sur votre site internet, intitulé L’Affaire du Siècle : entre continuité et innovations juridiques, vous écriviez que “le juge est invité à accueillir l’idée qui consiste à lier les enjeux climatiques aux droits fondamentaux”. Cela laisse entrevoir des réalités plus ou moins développées en fonction des pays, telles que les droits de la nature et les droits humains. En quoi cette affirmation rejoint l’idée d’un droit planétaire ?

C. G. – Le droit planétaire est un concept étrange. Il existe un droit international qui s’appuie sur du soft law [droit mou, consistant en des règles de droit non codifiées]. Je pense que lorsqu’on parle de droit planétaire, c’est le fait d’avoir des droits fondamentaux qui tendent à être reconnus par une communauté mondiale, d’introduire l’environnement et le droit à un environnement sain parmi les droits fondamentaux, comme une base éthique attachée à la dignité humaine. Mais pas seulement. D’un côté, on a tout ce qui s’attache à l’Homme et de l’autre on a tout notre travail autour des droits de la Nature, qui est de reconnaître des droits attachés à des communs. Ces derniers permettent et déroulent tous les autres droits fondamentaux inscrits dans un droit international très étendu. On porte sur un pied d’égalité le droit à un environnement sain et les droits fondamentaux d’ores et déjà inscrits et reconnus. Les droits de la Nature ne sont pas des droits qui auraient simplement des valeurs mais qui devraient être inscrits comme valeurs absolues, car la protection des communs permet ensuite le développement de tous les autres droits. Il va falloir reconnaître très rapidement les liens d’interdépendance qui existent entre les deux. 

LVSL  La désobéissance civile répond à certains principes supérieurs (libertés, dignité humaine…) par la voie de l’illégalité. Quels principes moraux, invoqués cette fois-ci par voie légale, sous-tendent votre démarche ?

C. G. – Je pense qu’il y a un lien entre notre bataille et la désobéissance civile. Nous défendons des principes qui devraient être fondamentaux et inscrits dans le droit. J’en reviens encore à la Constitution et à la Charte de l’environnement. Le droit, c’est quelque chose de tangible, qu’on peut évaluer par des pics de pollution dans l’air et le dépassement de seuils par exemple. L’idée de droits fondamentaux, et non de principes supérieurs, parle beaucoup plus. Notre action est liée à la responsabilité partagée de l’État et de chacun des acteurs face à l’environnement. Par ailleurs, la différence réside surtout dans le fait qu’on utilise des outils qui ne sont pas les mêmes.

« La victoire serait de réparer notre démocratie autour du droit, qui viserait avant tout la protection des citoyens mais aussi du vivant. »

C. G. – Quand on fait de la désobéissance civile, on ne dit pas qu’on est là parce que la loi est une mauvaise loi. En réalité, peu importe cette loi-là, on porte des intérêts qui sont plus forts et qui méritent de commettre des actes illégaux pour être mis au premier plan. Aujourd’hui, l’État de droit dans lequel on vit n’est plus suffisant car ces intérêts n’y sont pas retranscrits. Ce que l’on essaie de porter par notre action juridique, c’est la révision de ce droit pour qu’il traduise ces fondamentaux-là.

LVSL  Vous spécifiez sur votre site que “tous les moyens d’action ont été utilisés” pour tenter de faire réagir les acteurs privés et publics. Pourtant, ces derniers sont demeurés sourds à ces appels du pied. La justice climatique s’inscrit-elle dans une démarche militante, dépassant les modes d’action infructueux ?

C. G. – L’État français trouve des parades et des éléments de communication qu’il devient de plus en plus difficile de démonter. Aujourd’hui, on demande aux citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat de trouver une manière de diminuer à hauteur de 40 % les gaz à effet de serre [par rapport aux niveaux de 1990] alors que l’Europe a adopté un objectif de baisse de 55 % et on se glorifie de cet objectif-là. En réalité, il faut faire plus. Je pense aussi que c’est dans cette radicalité que réside la dimension militante. Demander quelque chose de militant en droit, c’est-à-dire quelque chose avec un enjeu fort et de l’ambition, sous-tendu par la notion d’urgence, c’est quelque chose qui est déjà militant. Par militant, on entend le fait de sortir des clous. 

« Notre droit est à l’image de notre politique profondément libérale avec une protection des libertés individuelles et économiques très forte. Or, demander qu’on casse cet équilibre est déjà quelque chose de fondamentalement militant. »

LVSL  En quoi le combat contre le réchauffement climatique nécessite-t-il d’être porté à différentes échelles – juridique, militante, éducative – afin de remporter des victoires ?    

C. G. – Je pense que toutes les méthodes sont complémentaires, qu’elles permettent toutes d’avancer et d’ajouter une pression sur les demandes. Néanmoins, il est essentiel qu’on puisse les traduire en droit et ainsi leur donner du contenu. Il est primordial qu’on puisse, lorsqu’on s’oppose à l’artificialisation des sols par exemple, réglementer les obligations sur les centres commerciaux ou fixer un pourcentage d’artificialisation à ne pas dépasser dans les plans locaux d’urbanisme. Quand on rentre autant dans la technicité, il faut traduire les demandes en droit. L’inscription légale doit donner corps à ces droits fondamentaux qu’on essaye de reconnaître.

LVSL  Vous prônez en quelque sorte la mise en œuvre d’un droit radical, dans le sens où vous prenez le problème à sa racine tout en essayant d’y introduire une nouvelle graine… 

C. G. – Une décision du Conseil Constitutionnel qui date de la fin de l’année dernière met en balance la protection de l’environnement en tant que patrimoine commun de l’humanité, avec les intérêts économiques.

« Aujourd’hui, il faut comprendre qu’il s’agit effectivement d’abord de préserver l’environnement, sans quoi aucun droit économique ni liberté individuelle ne pourra être développé. »

Sans forcément planter une graine, on essaie par chacune de nos actions de faire en sorte que la balance penche en ce sens. Chaque amendement, chaque victoire juridique et chaque texte défendu participe à ce changement. Malheureusement, la course est longue pour arriver à ce qu’on puisse parler d’un droit environnemental ou d’un droit à la hauteur de la crise écologique. Il est essentiel de continuer à faire pression parce que nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité politique de changer les choses.

Les néonicotinoïdes, pesticides tueurs d’abeilles, font leur (r)entrée au parlement

© Niklas Pnt / Pixabay

Ce mardi 27 octobre, l’inquiétant projet de loi de réintroduction des substances néonicotinoïdes, aussi connues sous le nom de « pesticides tueurs d’abeilles », arrive en séance publique au Sénat. Adoptée le 6 octobre par l’Assemblée Nationale avec 313 députés en faveur, cette dérogation est censée venir en aide à la filière de la betterave, actuellement en crise. Cette proposition de réintroduction, qui bafoue la « Loi biodiversité » de 2016, ainsi que le principe de non-régression du droit environnemental, fait aujourd’hui l’objet d’une vive opposition au sein des milieux écologistes, qui nous alertent quant à la dangerosité de ces pesticides. Le Vent Se Lève a donc interrogé deux voix politiques à la proue de ce débat : Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres et ex-ministre de l’écologie, ainsi que Joël Labbé, sénateur écologiste du Morbihan, à l’origine de la Loi Labbé, qui interdit l’usage de pesticides dans les espaces verts, promenades et voiries. Retour sur un projet de loi aux multiples enjeux écologiques, sanitaires et démocratiques. Par Judith Lachnitt et Noémie Cadeau.


Les néonicotinoïdes : de véritables poisons pour la biodiversité

Que sont exactement les pesticides néonicotinoïdes ? Delphine Batho a commencé par nous éclairer sur ces substances, leur usage technique et leur histoire :

« Les néonicotinoïdes sont des pesticides insecticides qui ont été mis sur le marché dans les années 1990 et qui sont les plus puissants insecticides de synthèse jamais inventés par l’espèce humaine. Ils sont 7000 fois plus toxiques que le DDT interdit il y a 50 ans. Cela signifie qu’il faut 7000 fois plus de DDT que de néonicotinoïdes pour avoir les mêmes effets toxiques. C’est donc un poison extrêmement nocif qui a la particularité d’être systémique, c’est-à-dire que l’ensemble de la plante gorgée de ces substances devient elle-même une plante insecticide. Tous les insectes qui vont la butiner si elle a des fleurs, ou boire les petites gouttelettes d’eau qui sont les sueurs de la plante, vont mourir. La deuxième caractéristique de ces substances, c’est leur rémanence. C’est-à-dire qu’elles vont dans la terre comme dans l’eau, peuvent s’y accumuler et y rester plus de 20 ans. Les néonicotinoïdes sont utilisés systématiquement et préventivement par enrobage de semences. La graine de la plante va être enrobée du produit avant d’être semée. De cette façon, la plante est gorgée de néonicotinoïdes tout au long de sa vie, des racines jusqu’aux fleurs, et on va utiliser ce produit toxique insecticide, même sans savoir s’il y aura ou non un insecte ravageur ».

L’état des lieux qu’elle dresse est effarant : « Ces néonicotinoïdes ont donc été utilisés sur des millions d’hectares en France, pendant des années et des années dans une logique qui est complètement anti-agronomique. »

Les différentes études scientifiques s’accordent sur la dangerosité de ce produit toxique. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) recommandait dès 2012 d’engager une réévaluation au niveau européen des substances actives néonicotinoïdes, et de faire évoluer la réglementation européenne pour une prise en compte renforcée des impacts de ces substances sur le comportement des abeilles. La plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a fait état dans son dernier rapport, publié le  6 mai 2019, du risque d’effondrement de la biodiversité. Delphine Batho affirme ainsi :

« On est dans un contexte où 85% des populations d’insectes en France ont été détruits en 23 ans, depuis l’autorisation des néonicotinoïdes et où un tiers des oiseaux des champs ont disparu. Ce n’est pas un phénomène spontané, c’est une destruction vertigineuse. Que, dans ce contexte-là, on envisage d’autoriser les néonicotinoïdes sur 400 000 hectares et même de réautoriser de façon complète certains produits néonicotinoïdes en France, c’est suicidaire ».

“On est dans un contexte où 85% des populations d’insectes en France ont été détruits en 23 ans, depuis l’autorisation des néonicotinoïdes et où un tiers des oiseaux des champs ont disparu.”

Elle rappelle également : « Depuis le milieu des années 1990, les apiculteurs ont lancé l’alerte quant à la quantité spectaculaire de mortalité des colonies d’abeilles domestiques. Les néonicotinoïdes tuent les pollinisateurs qui sont déjà menacés par d’autres pesticides tels que le glyphosate, qui leur supprime leur nourriture ». Toujours selon Delphine Batho : « Dans les Deux-Sèvres, chaque année, entre une et deux espèces d’abeilles sauvages disparaissent ». Certains arguent, pourtant, que tant que les néonicotinoïdes sont appliqués sur une plante qui n’a pas de pollen, les abeilles ne courent pas de risques puisqu’elles ne viendront pas butiner la plante. Or, face à ces arguments, Joël Labbé rappelle l’importance du phénomène qu’on nomme la « guttation » : le matin, les feuilles de betteraves laissent perler de petites gouttelettes d’eau, où les abeilles adorent s’abreuver. « Evidemment, ces émanations sont chargées de molécules néonicotinoïdes : ce simple fait nous aide à comprendre que ce n’est pas sans danger pour les pollinisateurs », rappelle le sénateur écologiste.  

À ce danger pour la biodiversité s’ajoute leur impact sur la santé humaine. Joël Labbé tire la sonnette d’alarme sur ce point : “L’association Générations futures vient de démontrer que l’on retrouvait des pesticides néonicotinoïdes en résidus dans 10% de l’alimentation. Et il se trouve que ce sont des neurotoxiques qui touchent le système nerveux central pour les humains. L’effet cumulatif de ces pesticides peut avoir un impact durable sur la santé humaine. Ce n’est pas un hasard d’ailleurs que la maladie de Parkinson soit désormais reconnue maladie professionnelle pour les agriculteurs. Autant d’arguments qui nous alarment et nous font dire qu’il ne faut absolument pas revenir sur cette interdiction.”

“L’association Générations futures vient de démontrer que l’on retrouvait des pesticides néonicotinoïdes en résidus dans 10% de l’alimentation.”

La baisse des rendements des betteraviers : conséquence du réchauffement climatique et de la politique européenne

Delphine Batho souligne que si la filière betterave-sucre fait cette année face à un problème de jaunisse dû à la prolifération de pucerons, elle est d’abord victime de la suppression des quotas européens. Elle affirme ainsi que la multiplication des pucerons qui mettent en danger les récoltes de betteraves cette année est d’abord due au changement climatique : “Comme les hivers sont doux et les printemps chauds, il y a une prolifération des pucerons plus précoce et plus importante”. Or selon la députée écologiste : “Cette question du changement climatique est aussi manipulée puisqu’on nous dit que la perte de rendement est estimée à 15%. En réalité 15% c’est si on compare aux rendements des cinq dernières années. Si l’on compare les chiffres de cette année à ceux de 2019, qui était aussi une année de sécheresse, on voit en fait que la perte de rendement est de 8,5 % et que le reste est lié à la sécheresse qui réduit la taille des betteraves.” 

Delphine Batho © Clément Tissot

Ainsi, elle ajoute que : “Les lobbies ont surfé sur le contexte lié à la COVID 19 en mettant en avant des arguments fallacieux selon lesquels la France risquait une pénurie de sucre, ce qui est totalement faux. Nous sommes largement exportateurs, cela représente la moitié de la production française en sucre. Le problème de la jaunisse représente 15% du rendement, c’est un aléa auquel on peut faire face et qui ne va pas provoquer une pénurie dans les supermarchés”. Le véritable incident qui a mis à mal la filière betterave-sucre n’est pas la crise de la jaunisse mais la suppression des quotas européens. Delphine Batho explique ainsi que :

“La suppression du prix garanti au producteur s’est traduite par une dérégulation du commerce du sucre à l’échelle internationale. Cette dérégulation a engendré une crise de surproduction internationale. En France, les surfaces cultivées de betterave à sucre ont augmenté de 20% afin d’entrer dans une logique de surproduction. Les prix se sont alors effondrés et quatre sucreries ont fermé dans la période récente. Ces dégâts-là, tant sur l’emploi que sur le prix payé au producteur, ne sont pas le résultat du puceron mais bien la conséquence de la suppression des quotas européens.”

Malgré ces constats, la seule réponse apportée par le gouvernement aux difficultés des agriculteurs est de réintroduire un pesticide, qui avait pourtant été interdit dans la loi de 2016 pour ses dangers sur la biodiversité et la santé humaine. Le réintroduire va à l’encontre des injonctions de l’IPBES qui plaide pour une agriculture raisonnée rompant avec le modèle intensif qui participe à l’artificialisation des sols et à la destruction de la biodiversité. 

Sortir l’agriculture de sa dépendance à l’agrochimie et promouvoir l’agroécologie

Selon l’IPBES, les petites exploitations (moins de 2 hectares) contribuent au maintien de la richesse de la biodiversité et assurent mieux la production végétale que les grandes exploitations. Mais les modèles agroécologiques peuvent-ils prévenir le problème de la jaunisse, qui touche cette année, de manière incontestable, les producteurs de betteraves sucre ? Delphine Batho souhaite renverser cette perspective : “Pendant des années on a simplifié les paysages agricoles, on a mis des néonicotinoïdes qui ont tué les insectes prédateurs des pucerons, on est entré dans un modèle simplifié où ce ravageur n’est pas régulé par un bon fonctionnement des écosystèmes qui permettrait que, quand le puceron se montre, les larves de coccinelles le mangent”.

Ainsi, entrer dans une agriculture raisonnée implique de changer les pratiques, de planter des haies et de faire revenir ce qu’on appelle les auxiliaires des cultures. Ce projet de loi va donc au-delà d’une lutte pour ou contre les producteurs de betterave, il ouvre un débat plus profond sur le modèle agricole à promouvoir. L’ancienne ministre de l’écologie souligne ainsi que :

“Dans le cadre du projet de loi, des agriculteurs ont été auditionnés. Certains font de la betterave à sucre en bio. Ils sont sur un modèle avec des rotations longues. Une énorme diversité des cultures y est pratiquée. Ce sont des modèles beaucoup plus dynamiques donc très créateurs d’emplois qui sont touchés par la jaunisse, mais beaucoup moins polluants car ce sont les prédateurs qui viennent manger les pucerons. Il faut donc des parcelles plus petites entourées de haies avec plus de rotations de cultures. Ce que nous proposons, c’est ce qui a été fait en Italie pour sortir des néonicotinoïdes, notamment sur les cultures de maïs. Ils ont mis en place un système d’assurance mutuelle collective où chaque exploitation agricole met à l’hectare quelques euros qui représentent beaucoup moins d’argent que le coût des néonicotinoïdes, de manière à assurer le revenu des agriculteurs qui auraient des dégâts liés à la jaunisse ou autre chose”.

Néanmoins, ces systèmes de rotations de cultures sont à l’opposé du modèle d’agriculture intensive qui domine aujourd’hui et qui incite les producteurs à spécialiser toujours davantage leurs systèmes de culture et d’élevage. L’injonction européenne à produire à toujours plus grande échelle afin de rester compétitifs sur les marchés internationaux a poussé les agriculteurs à agrandir leurs exploitations et à moderniser leurs techniques sur la base d’un modèle productiviste d’agriculture intensive (croissance de pratiques agricoles nuisant à la santé des sols, perte de contenu organique, surutilisation de pesticides). 

Un état des lieux de la législation sur les pesticides

Si la proposition de loi permettant de réautoriser les néonicotinoïdes est aussi inquiétante, c’est aussi car elle revient sur l’un des engagements phares de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, promulguée le 8 août 2016. Cette loi centrale avait notamment permis de reconnaître dans le droit de l’environnement français les concepts de préjudice écologique, de non-régression du droit de l’environnement, de compensation avec « absence de perte nette de biodiversité » et de solidarité écologique. Parmi les 72 articles de cette loi, l’un d’entre eux promettait la réduction de l’usage des pesticides en poursuivant la démarche “Terre Saine commune sans pesticides”, un label qui valorise les communes ayant cessé d’utiliser des pesticides dans tous les espaces publics qui relèvent de la responsabilité de la collectivité territoriale. 

Cette lutte contre l’emploi des pesticides dans les communes se place dans la continuité de la Loi Labbé, promulguée en 2017, qui interdit aux personnes publiques d’utiliser des produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, promenades et voiries accessibles ou ouverts au public. A partir du 1er janvier 2019, cette interdiction s’est étendue aux particuliers. Joël Labbé est donc revenu avec nous sur l’histoire de cette loi. Maire de Saint-Nolff dans le Morbihan, sa commune est en 2005 la première de Bretagne à s’engager dans une démarche d’Agenda 21, dont la première grande décision a été de proscrire tous les pesticides des espaces publics de la commune dès 2006. Joël Labbé a ensuite poursuivi ce combat lorsqu’il a été élu sénateur en 2011 :

“Lorsque s’est mise en place une mission d’information sur les pesticides, leur impact sur la santé humaine et l’environnement, nous avons travaillé durant six mois sur le sujet, d’une manière pluri-politique. Nous avons auditionné des agriculteurs qui utilisaient des pesticides, d’autres qui n’en employaient pas, des fabricants, des distributeurs, des cancérologues, des généticiens, des pédiatres spécialisés dans les malformations de nourrissons dues aux pesticides. Cette capacité d’approfondissement est un outil précieux à disposition des sénatrices et sénateurs. Un rapport a ensuite été publié suite à cette enquête, qui recommandait de sensibiliser la population aux dangers que représentaient les pesticides.”

Joël Labbé décide alors de faire une proposition de loi s’intéressant non pas aux pesticides agricoles, un domaine dans lequel il est très difficile d’obtenir une majorité, mais au non-agricole. “J’ai ainsi proposé une loi qui interdirait l’usage des pesticides dans les collectivités – riche de l’expérience menée dans ma commune – et aussi dans les jardins domestiques. À cette annonce, on m’a fait comprendre que mon projet était utopique, irréalisable en raison des lobbys, des réglementations européennes… Mais je suis quelqu’un de tenace, alors je me suis donné un an pour mener de nouvelles auditions et écrire une proposition de loi, constituée de deux articles. L’article 1 promulguait l’interdiction des pesticides dans tous les espaces publics des communes à compter du 1er janvier 2020, nous étions alors en 2013, et dans les jardins domestiques à compter du 1er janvier 2022. Finalement, cette loi supposément infaisable a trouvé une majorité en janvier 2014 ; puis en 2015, la loi de transition énergétique a réduit les délais d’application (2017 pour les collectivités, 2019 pour les particuliers)”. 

Joël Labbé
Le sénateur écologiste Joël Labbé © Flickr, SmartGov

Le sénateur écologiste conclut ainsi l’histoire de son combat : “J’ai pour habitude de dire que c’est une toute petite loi, mais c’est une loi « pied dans la porte ». Néanmoins, elle a un enjeu stratégique, car ce sont les mêmes molécules qui sont utilisées dans les pesticides agricoles, or elles ont dans ce cadre été interdites pour des raisons de santé publique et de protection de la biodiversité.”

À l’avenir, l’objectif est que cette loi devienne une norme européenne, pour que l’ensemble des pays de l’Union appliquent ces interdictions. Joël Labbé rappelle qu’à l’heure actuelle, la France est la plus avancée de l’ensemble de l’Europe sur ce sujet, mais il ne souhaite pas s’arrêter là : “J’ai aussi fait une proposition à l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN). Cette motion a été retenue, j’irai donc la défendre pour que la sensibilisation à l’alternative aux pesticides soit généralisée à l’échelle mondiale. Cela peut paraître ambitieux, mais il est important de voir large au vu du péril planétaire qui menace le climat et la biodiversité. On sait que les pesticides ont un impact terrible sur la biodiversité.”

Une régression du droit de l’environnement

Face à ces combats durement remportés, il est d’autant plus insupportable que le droit de l’environnement puisse être ainsi bafoué. Dans la loi du 8 août 2018 sur la biodiversité est en effet inscrit le principe de non-régression, article L. 110-1 du Code de l’environnement selon lequel : « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Or, le projet de loi proposé par le gouvernement pour réintroduire les néonicotinoïdes le remet en cause en ré-autorisant sur le marché un produit reconnu par l’ANSES comme toxique pour la biodiversité.

“La première chose à faire c’est d’inscrire le principe de non régression dans la Constitution”

Delphine Batho affirme ainsi que : “La première chose à faire c’est d’inscrire le principe de non-régression dans la Constitution”, afin que celui-ci ne puisse pas être remis en cause. Cela permettrait en effet d’éviter que les avancées environnementales acquises ne soient annulées au motif d’impératifs économiques.

Un enjeu démocratique dans le débat public

Ainsi, par-delà les enjeux écologiques et de santé publique, ce débat sur les néonicotinoïdes est aussi au coeur de notre démocratie, comme le rappelle justement Joël Labbé : “Un travail d’information est aussi nécessaire pour démocratiser ce débat : on compte beaucoup sur les médias, grands publics comme numériques, pour faire en sorte que ces informations se propagent. Les grands sujets de société ne doivent pas rester seulement des débats en hémicycles, mais au contraire devenir des débats nationaux, où les citoyens puissent donner leur avis et influencer les choix qui seront faits.”

XR BEE ALIVE néonicotinoïdes
Les activistes d’Extinction Rébellion devant l’Assemblée nationale ont tenté d’interpeller les députés sur la dangerosité des néonicotinoïdes lors d’un happening le 5 octobre dernier.

“Derrière tout ça, c’est la réhabilitation de la démocratie qui est en jeu, pour que les citoyens puissent décider de ce que l’on met dans leurs assiettes et de leur santé.”

“En tant que parlementaire minoritaire, il est précieux pour moi de travailler avec les acteurs de terrains, comme ici l’Union Nationale de l’Apiculture Française, avec les scientifiques, Jean-Marc Bonmatin du CNRS notamment, spécialiste de l’impact des pesticides sur les abeilles, avec les ONG comme Greenpeace, la fondation Nicolas Hulot, Pollinis, mais aussi Générations futures, qui a mené un extraordinaire travail d’investigation scientifique. Ces différents acteurs sont à même de mobiliser et de vulgariser les arguments de ces débats. Derrière tout ça, c’est la réhabilitation de la démocratie qui est en jeu, pour que les citoyens puissent décider de ce que l’on met dans leurs assiettes et de leur santé.”

Concernant le vote d’aujourd’hui au Sénat, il y a fort à parier que le texte ne sera pas voté dans les mêmes termes que ceux issus de la séance du 6 octobre dernier à l’Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire pourrait se réunir et avoir la tâche de rédiger un texte de compromis afin de pallier le risque d’inconstitutionnalité du texte exposé à la censure du Conseil constitutionnel.

Vu les débats suscités par ce texte, la saisine du Conseil constitutionnel semble inévitable. Auquel cas, les sages disposeront d’un mois pour rendre leur décision (8 jours si le Gouvernement fait une demande de procédure accélérée), ce qui laisse le temps à la société civile d’envoyer au Conseil constitutionnel ses arguments dénonçant l’inconstitutionnalité du texte.

Les associations écologistes sont attendues sur cette « porte étroite » et pourraient soulever l’inconstitutionnalité manifeste de certains articles pointés par les élus de gauche et écologistes lors des débats. En plus de la rupture d’égalité devant la loi (puisque seuls les betteraviers pourraient être autorisés à utiliser les néonicotinoïdes), le principe de non régression pourrait être invoqué. Ce principe découle directement de la charte de l’environnement à valeur constitutionnelle et qui consacre en son article 2 le principe d’amélioration de l’environnement.

Au vu des politiques menées par ce gouvernement depuis des années, il semble inutile d’attendre le respect de cette charte qui malgré sa valeur constitutionnelle, n’a de cesse d’être bafouée. La lecture de ce texte sacré par la République prête aujourd’hui à rire.

Pour Jérôme Graefe, juriste en droit de l’environnement : “C’est un recul qui envoie un très mauvais signe dans un contexte d’intoxication globale de l’environnement et d’effondrement de la biodiversité. Sur les 100 espèces cultivées qui nous fournissent 90 % de la nourriture dans le monde, 71 dépendent des abeilles pour leur pollinisation, un service écosystémique estimé à près de 5 milliards d’euros en France. Ce projet de loi est un non-sens économique, écologique, sanitaire et historique.