Après le pape François, un virage réactionnaire de l’Église catholique ?

Le Pape François au Vatican en 2018. © Ashwin Vaswani

A la tête de l’Église catholique durant douze ans, le pape François a défendu une vision au progressisme certes limité mais en rupture avec le statu quo qui prévalait. Ses réformes internes autant que ses prises de parole fortes pour l’environnement, la justice sociale et la paix resteront dans les mémoires. De même, son discours orienté vers le « Sud global » marque une rupture avec l’occidentalisme. Mais à l’heure où l’extrême-droite se renforce dans le monde entier, cet esprit risque fort de s’éteindre lors du conclave à venir [1].

Il se pourrait bien que nous considérions un jour la dernière décennie comme une anomalie dans l’histoire moderne de l’Église catholique. Le pape François — figure de proue de cette période, et considéré comme radical selon les normes de la hiérarchie catholique — n’est plus, et nous pourrions maintenant assister à un virage politique majeur du Saint-Siège. En fin de compte, et de manière inquiétante, la mort de François pourrait bien signifier un alignement de la papauté avec l’extrême droite mondiale.

Progressisme limité

Cela n’avait pourtant rien d’inéluctable. Élu en 2013, Jorge Mario Bergoglio, premier pape latino-américain de l’histoire, a introduit au Vatican une attention particulière à la justice sociale, profondément ancrée dans la théologie radicale de la libération de sa région d’origine — ainsi qu’un intérêt sans précédent pour les questions environnementales et les droits des migrants. Ce fut un changement radical de priorités, après les pontificats conservateurs de Jean-Paul II et Benoît XVI, tous deux plus soucieux de maintenir la morale traditionnelle que de raviver les valeurs chrétiennes fondamentales d’égalité et de fraternité.

Jorge Mario Bergoglio a introduit au Vatican une attention particulière à la justice sociale, profondément ancrée dans la théologie radicale de la libération, ainsi qu’un intérêt sans précédent pour les questions environnementales et les droits des migrants.

Contrairement à ses prédécesseurs, François a consacré deux de ses encycliques — les déclarations papales les plus importantes — à des questions explicitement politiques : Laudato si (2015), centrée sur la crise environnementale, et Fratelli tutti (2020), sur la justice sociale. Cette dernière affirmait notamment « le droit de chaque individu à trouver un lieu répondant à ses besoins fondamentaux » — un signe du soutien indéfectible de François aux migrants, alors que les sentiments anti-immigration montaient en Europe et aux États-Unis. François ne cachait pas son mépris pour les leaders populistes d’extrême droite comme Donald Trump ou son compatriote argentin Javier Milei (ce dernier l’ayant qualifié de « gauchiste crasseux »).

Le pontificat de Bergoglio a aussi été marqué par une évolution dans l’attitude de l’Église sur les questions de genre et de sexualité, certes moins radicale que ce que certains espéraient. Sa position sur la sexualité était beaucoup plus libérale que celle de ses prédécesseurs : on se souvient notamment de sa fameuse réponse « Qui suis-je pour juger ? », lorsqu’on l’interrogea sur l’homosexualité dans l’Église. Il a également irrité les ultraconservateurs en permettant aux prêtres de bénir des couples « en situation irrégulière » — y compris des couples de même sexe — et en surprenant beaucoup en nommant des femmes à des postes de pouvoir au sein de l’administration du Vatican.

François a conservé l’orthodoxie catholique sur d’autres questions. Il s’est farouchement opposé au droit à l’avortement, même en cas de viol.

Cependant, François a conservé l’orthodoxie catholique sur d’autres questions. Il s’est farouchement opposé au droit à l’avortement, même en cas de viol. De manière choquante, il a même comparé les médecins qui pratiquent des avortements à des « tueurs à gages ». Pour de nombreux catholiques progressistes, ce fut un rappel brutal des limites du changement sous son pontificat.

Réformes internes importantes mais insuffisantes

Sur le plan institutionnel, le bilan de François est également contrasté. Dès son arrivée, il a voulu assainir une bureaucratie vaticane entachée par des scandales de corruption révélés par les « Vatileaks ». Il a lancé une réforme financière ambitieuse : 5 000 comptes bancaires suspects ont été fermés, des mécanismes de contrôle ont été mis en place, et des réglementations contre le blanchiment d’argent ont été adoptées. Pourtant, en 2015, une nouvelle fuite de documents, « Vatileaks 2 », a révélé que les problèmes persistaient. Et en 2016, les Panama Papers ont montré que l’Église possédait d’importants investissements offshore. Des décennies de pratiques opaques et vénales ne pouvaient être effacées en quelques années.

Plus que ces scandales de corruption, ce sont les affaires de pédocriminalité au sein de l’Eglise qui avaient particulièrement terni l’image du culte catholique. Des milliers de cas d’abus sexuels de prêtres sur des enfants ont été délibérément couverts par les papes Jean-Paul II et Benoît XVI. François a cherché à mettre fin à l’impunité des coupables de ces actes en prenant des mesures fortes, comme l’exclusion du cardinal américain Theodore McCarrick, reconnu coupable en 2019 d’avoir commis et couvert des abus sexuels.

Toujours en 2019, le Vatican a organisé un sommet sur la pédophilie, qui a permis de mettre en place de nouveaux protocoles pour recenser les témoignages des victimes. Pourtant, cinq ans après, le premier rapport de la commission pour la protection des mineurs a révélé de sérieux manquements dans le traitement de ces plaintes. Avec le décès du pape François, l’avenir de ces réformes reste incertain.

Orientation géopolitique en faveur du « Sud global »

Au-delà des intrigues et secrets bien gardés du Vatican, l’accession de François à la papauté a également marqué un tournant en matière d’orientation géopolitique, le Saint-Siège s’alignant bien plus sur les positions du Sud global. Contrairement à Jean-Paul II, qui était un fervent allié de Washington dans la lutte contre le communisme, François s’est distancé des leaders occidentaux sur la question des relations avec l’Ukraine, la Chine et la Palestine (le sort des Palestiniens était encore au cœur de son dernier message public pour la fête de Pâques 2025, ndlr).

Contrairement à Jean-Paul II, qui était un fervent allié de Washington dans la lutte contre le communisme, François s’est distancé des leaders occidentaux sur la question des relations avec l’Ukraine, la Chine et la Palestine.

En 2018, le Saint-Siège a ainsi signé un accord controversé avec la République populaire de Chine, que la première administration Trump a vivement dénoncé. Par la suite, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, il a appelé le Président ukrainien, mais aussi rendu visite à l’ambassadeur russe pour lui exprimer ses craintes sur le conflit. Un geste interprété par les Occidentaux comme un signe d’une sympathie à l’égard de Vladimir Poutine. Enfin, le souverain pontife a qualifié le massacre des civils de Gaza par Israël de « terrorisme », une déclaration qui a détonné avec le silence, voire la complicité, de la plupart des gouvernements occidentaux sur la question.

Un conclave aux enjeux majeurs

Le pape François étant maintenant décédé, la suite demeure une question ouverte. Le conclave qui élit le nouveau pape mêle la pompe religieuse à l’intrigue politique — une caractéristique emblématique de l’histoire du Vatican. Lorsqu’un pape meurt, un régime de sede vacante est déclaré, ce qui déclenche le processus du conclave : une réunion de tous les cardinaux électeurs du monde entier, âgés de moins de 80 ans, qui se tient entre quinze et vingt jours après le décès du pape.

Il s’agit d’une réunion secrète où les cardinaux sont coupés du monde extérieur : ils n’ont pas accès à Internet et ne quittent la chapelle Sixtine que pour manger et dormir à la Casa Santa Marta. Le conclave se poursuit jusqu’à ce qu’un cardinal obtienne les deux tiers des voix — ce qui nécessite généralement plusieurs tours de scrutin — et c’est alors que la célèbre fumata bianca (fumée blanche) signale l’élection d’un nouveau pontife. Ces dernières décennies, les successions papales ont été réglées en deux ou trois jours (deux votes ont lieu chaque jour).

Entre la mort du pape et le début du conclave se tiennent les Congrégations générales, durant lesquelles tous les cardinaux discutent de l’état de l’Église. C’est là que se déroule l’essentiel des manœuvres politiques visant à orienter le résultat du vote. Cette phase a été cruciale dans l’élection de Bergoglio. Comme le raconte Gerard O’Connell, correspondant au Vatican du magazine America, dans son livre The Election of Pope Francis, l’archevêque de Buenos Aires avait alors gagné en popularité auprès des prélats grâce à sa position ferme en faveur de la transparence financière — un sujet sensible après les révélations des Vatileaks.

Même si les murs de la chapelle Sixtine sont épais, le Vatican reste influencé par les tendances politiques mondiales.

Il est difficile de prédire l’issue du prochain conclave. Toutefois, il existe de bonnes raisons de penser que le successeur de François sera un pape plus conservateur. D’abord parce que son pontificat a été profondément transformateur, tant sur le plan institutionnel que dans sa communication publique, ce qui rend peu probable que les cardinaux choisissent un candidat aussi réformateur. L’Église a tendance à résister au changement radical et prolongé (un autre facteur en faveur du conservatisme est l’influence toujours importante d’organisations catholiques intégristes comme l’Opus Dei et les Chevaliers de l’Ordre de Malte, dont les relais financiers et politiques dans les milieux conservateurs restent puissants, ndlr).

Mais surtout, même si les murs de la chapelle Sixtine sont épais, le Vatican reste influencé par les tendances politiques mondiales. Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, et l’extrême droite en progression à l’échelle mondiale, élire un nouveau pape aussi progressiste que François reviendrait à nager à contre-courant — et l’histoire montre que le Vatican s’est toujours davantage adapté aux nouvelles réalités qu’il ne les a affrontées. C’est pourquoi il est probable que la prochaine fumata bianca annonce une figure plus conservatrice que Jorge Bergoglio. Le climat actuel suggère même qu’il pourrait s’agir de l’antithèse même du pape « progressiste ».

[1] Article traduit depuis notre partenaire Jacobin.

L’Église et le socialisme, deux visions du monde incompatibles ?

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Vue de la Basilique Saint-Pierre ©JerOme82

Loin d’être anecdotique, la critique du capitalisme et l’encouragement à bâtir un monde plus juste font partie intégrante du message de l’Église. Souvent méconnus, ils prennent racine à la fin du XIXe siècle, alors que les ouvriers sont exploités dans les usines. Léon XIII dénonce l’attitude des patrons et incite à protéger les plus pauvres. Depuis, son appel a été relayé par les papes successifs, qui l’ont affiné et orienté pour répondre aux défis de leur époque. Contrairement à une idée répandue, le capitalisme moderne n’est donc pas béni par l’Église, loin de là. On trouve même certains constats partagés avec les théories socialistes et communistes, qui prennent leur essor surtout avec le marxisme. On sait la virulence anticléricale de ce dernier. On sait combien Rome a été méfiant à l’égard des initiatives menées par les chrétiens de gauche. De nombreux observateurs y voient la preuve d’une connivence entre le clergé et la bourgeoisie. Certains chrétiens s’en servent encore comme prétexte pour évacuer toute réflexion sur la répartition des richesses. Si bien qu’il faut y regarder de plus près pour tenter de comprendre et expliquer les oppositions entre ces deux visions du monde.

Premier temps : responsabiliser les riches et soutenir les pauvres

En 1846, deux ans avant la publication du Manifeste du parti communiste, Pie IX désigne indifféremment communisme et socialisme comme une « doctrine néfaste » qui, « une fois admise, serait la ruine complète de tous les droits, des institutions, des propriétés et de la société elle-même »2. À sa suite, Léon XIII dénonce une « peste mortelle qui se glisse à travers les membres les plus intimes de la société humaine et qui la conduit à sa perte »3. Pour les papes, ce système « monstrueux » aboutirait « par la force des choses à un bouleversement universel et à la ruine de toutes les institutions »4. Mais, dans le même temps, les conditions de travail effroyables des ouvriers font émerger la « question sociale ».

En 1891, Léon XIII condamne les doctrines qui poussent « à la haine jalouse des pauvres contre les riches » en prétendant que « toute propriété des biens doit être supprimée ». Il critique l’attitude des « spéculateurs » qui, « ne faisant pas de différence entre un homme et une machine », abusent sans mesure des ouvriers pour « satisfaire d’insatiables cupidités ». Tout en mettant en garde les plus fortunés, qui devront rendre à Dieu « un compte très rigoureux de l’usage » qu’ils auront fait de leur argent, il précise que les salaires doivent être suffisants pour parer « aisément » aux besoins des ouvriers et de leurs familles. En plus du nécessaire, chacun est invité à partager ses richesses avec ceux qui en ont besoin, tandis qu’il revient à l’État de se « préoccuper d’une manière spéciale des faibles et des indigents »5.

Comparé aux corporations de l’Ancien Régime, le capitalisme libéral est accusé par le pape d’avoir livré les travailleurs « isolés et sans défense » à la merci « de maîtres inhumains » et à la cupidité « d’une concurrence effrénée »6. En France, Albert de Mun ou Léon Harmel incarnent cette première génération de « catholiques sociaux », soucieux de responsabiliser les élites sans remettre en cause véritablement la répartition des rôles avec les ouvriers. L’influence du monarchisme est encore forte. En 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État est explicitement condamnée par Pie X comme une « négation de l’ordre surnaturel »7. Dans un contexte où l’Action française séduit le clergé français, le pape dénonce les « profanes nouveautés de langage » et les « contradictions de la fausse science » ; c’est l’origine du mot « modernisme » dont on entend encore parler aujourd’hui8. Créé à l’initiative de Marc Sangnier, le mouvement du Sillon milite pour la démocratie chrétienne et s’intéresse de près au socialisme. Plus de 10 000 prêtres et jeunes ouvriers se réunissent pour discuter de société et de religion à travers l’hexagone. Déjà, en appelant les évêques à s’opposer à la publication et à la lecture de « tout livre pernicieux »9, Pie X avait manifesté une fermeture à la réflexion et à la créativité dans le domaine social. En 1910, sa décision de mettre un coup d’arrêt au Sillon ébranle les certitudes des catholiques sociaux10. Pour le pape, le pouvoir descend d’en haut pour aller vers le bas, et non l’inverse. Il est inconcevable d’admettre que le peuple décide car « toute société de créatures dépendantes et inégales par nature » a besoin « d’une autorité qui dirige leur activité vers le bien commun et qui impose sa loi »11.

Pie XI et le « socialisme modéré », une ouverture relative

En 1931, pour la première fois, Rome manifeste une petite ouverture à l’égard d’un certain socialisme. Pie XI critique les communistes qui poursuivent « par tous les moyens, mêmes les plus violents » une « lutte des classes implacable » et une « disparition complète de la propriété privé ». Mais il existe des formes plus modérées, qui ont gardé « le nom de socialisme », et dont les revendications « ressemblent étonnamment à ce que demandent ceux qui veulent réformer la société selon les principes chrétiens ». En effet, la lutte des classes, si elle renonce aux actes d’hostilité et à la haine mutuelle, « se change peu à peu en une légitime discussion d’intérêts, fondée sur la recherche de la justice ». Ainsi, elle peut être « un point de départ pour arriver à une coopération mutuelle des professions ». Par ailleurs, « ce n’est plus la propriété même des moyens de production qui est attaquée, mais une certaine prépotence sociale que cette propriété, contre tout droit, s’est arrogée et a usurpée ». Pour le pape, la concentration des ressources est le fruit d’une concurrence sans limite, qui favorise ceux « qui sont le moins gênés par les scrupules de la conscience »12.

Est-ce le socialisme qui se transforme et s’inspire de principes chrétiens ou la manifestation d’une meilleure prise en compte des problématiques sociales par l’Église ? Sans doute les deux. Pourtant, malgré cette « part de vérité », les catholiques ne peuvent adhérer pleinement à un système qui astreint les hommes « à se livrer et se soumettre totalement à la société ». Il est impossible de subordonner les biens les plus élevés de l’homme, y compris la liberté, à une exigence de production rationnelle. Pour Pie XI, un tel système ne peut d’ailleurs exister ni même se concevoir sans employer la contrainte de manière excessive. En réalité, et on retrouve ici l’idée de Pie X, c’est l’autorité sociale qui a failli et la « démoralisation des cercles dirigeants de la vie économique » a ensuite atteint le monde ouvrier13.

Est-ce le socialisme qui se transforme et s’inspire de principes chrétiens ou la manifestation d’une meilleure prise en compte des problématiques sociales par l’Église ? Sans doute les deux.

En 1937, le pape aborde de nouveau la question mais sous l’angle du matérialisme, qui est devenu le fondement du communisme. Dans une telle doctrine, explique-t-il, « il n’y a plus de place pour l’idée de Dieu ». Pour Pie XI, il est inconcevable que les bolcheviques soient perçus comme les défenseurs d’un mouvement pour la paix mondiale alors qu’ils « excitent à une lutte des classes qui fait couler des fleuves de sang » et qu’ils accumulent des « armements illimités »14. Son successeur, Pie XII, prononce même l’excommunication de ceux qui professent et propagent les doctrines matérialistes communistes15. Néanmoins, en parallèle de cette position qui a bien peu évolué en cent ans, les papes s’attachent à dénoncer de plus en plus les accumulations de richesses et les inégalités qu’elles engendrent. À la radio, en 1944, Pie XII reconnaît que le marxisme entend porter secours « aux victimes d’un déplorable régime économique et social ». Trop souvent, le progrès technique a servi aux « calculs égoïstes avides de grossir indéfiniment les capitaux ». Mais ce n’est pas une fatalité : « pourquoi ne se plierait-il donc pas aussi devant la nécessité d’assurer la propriété privée de tous, pierre angulaire de l’ordre social ? »16.

Propriété privée et lutte des classes, un désaccord profond

Une caractéristique de la pensée sociale de l’Église est de défendre la propriété privée. En 1945, le cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris, rappelle qu’elle « tient à la dignité de la personne humaine autant qu’à l’utilité de tous ». Personne ne peut enlever à un autre ce qui lui appartient par nature : « la misère du prolétaire, souvent privé du nécessaire pour aujourd’hui et dépourvu de toute réserve pour le lendemain, l’insécurité à laquelle il est condamné, non seulement pour lui-même mais pour les siens, constitue un état inhumain et injuste ». S’appuyant sur l’héritage des papes, il conclut que le bien commun a des exigences à faire valoir sur la propriété privée, mais « la première chose qu’il réclame est l’existence même de cette propriété »17.

En France, ces réflexions amènent certains prêtres à vouloir s’engager en partageant la condition ouvrière. Très vite, la pensée sociale de l’Église et le marxisme sont confrontés et rapprochés. Comme le remarque Madeleine Delbrêl à Ivry, ceux qui s’y intéressent sont bien souvent conduits par « le souci d’une fidélité concrète aux pauvres et à la pauvreté, tels qu’ils sont béatifiés dans l’Évangile »18. En 1948, le cardinal Henri de Lubac écrit : « on nous reproche d’être des individualistes même malgré nous, par la logique même de notre foi, alors que, en réalité, le catholicisme est essentiellement social. Social au sens le plus profond du terme : non pas seulement par ses applications dans le domaine des institutions naturelles, mais d’abord en lui-même, en son sens le plus mystérieux, dans l’essence de sa dogmatique. Social à tel point que le “catholicisme social” aurait toujours dû paraître un pléonasme »19. Formés par la Mission de France ou par la Mission de la mer, les pères ouvriers partagent les conditions de travail et d’existence des prolétaires.

Après une période de tensions avec Rome, le pape Pie XII craint l’influence du marxisme et met un terme à l’initiative française. En 1954 puis en 1959, les prêtres sont sommés de se retirer des usines et des bateaux où ils travaillent. Une grande incompréhension naît alors. Le Canard Enchaîné, ironique, remarque que les « prêtres-bourgeois » sont eux aussi en « pays de mission ». Leur apostolat, « pour être plus ancien », n’en est pas moins périlleux : ils sont envoyés dans un « milieu absolument corrompu » où l’argent est roi « et engendre toutes les dépravations »20. Le dominicain Jacques Loew s’étrangle : « Comment des travailleurs absents du quartier de six heures du matin à sept heures du soir, et ceux des autres corporations, retrouveront-ils le contact avec les prêtres ? »21.

Beaucoup ont trouvé dans le marxisme « une grille d’interprétation de la réalité sociale ». Par fidélité au Christ, il voulaient s’engager « avec les pauvres et les opprimés au côté du parti qui porte ce combat, donc des communistes »22. Mais, comme le soulève Jean-Yves Calvez en 1956, « la conception marxiste de l’homme et de sa réalisation est inséparable de la suppression pratique de la religion et de la négation théorique de Dieu » ; « tout ce que Marx prétend découvrir à l’homme dans l’auto-production de lui-même et dans sa passion pour l’homme, le christianisme le reconnaît à Dieu23.

D’ailleurs, Proudhon fut aussi « l’un des grands adversaires » de la foi chrétienne, et ce « de la façon la plus violente, la plus provocante »24. Le marxisme demande « la haine de Dieu au nom de l’amour des hommes »25, écrit Madeleine Delbrêl ; c’est « l’effort désespéré de l’homme pour se sauver seul », remarque le cardinal de Lubac26. Ainsi, l’Église ne saisit jamais la main tendue de Maurice Thorez27, car « aucune poursuite du bien commun dans l’ici-bas » ne justifie de mettre de côté sa foi ; « c’est elle seule qui, étant au terme, peut déterminer le sens bon ou mauvais de l’action »28.

On a parlé même parfois de système « pseudo-religieux »29. Pour Gaston Fessard, « chercher des structures théologiques dans l’athéisme marxiste peut sembler le comble du paradoxe » mais cette apparence voile pourtant « une profonde vérité »30. Le marxisme prétend qu’il est possible d’instaurer durablement l’unité sur Terre. L’Église, au contraire, sait qu’elle ne « triomphera jamais pleinement du mal, c’est-à-dire de la désunion » et que « l’état de guerre » a son germe dans le cœur de chacun31. Bien des années plus tard, André Manaranche constate que ceux qui ont cru parvenir à l’unité ont, en fait, « construit une société étouffante où la manipulation permet de feindre l’unanimité (sans oublier quelques goulags) »32. Finalement, « l’union vraie ne tend pas à dissoudre les uns dans les autres les êtres qu’elle rassemble, mais les uns par les autres, à les achever »33.

La « socialisation », une période de collaboration

En 1961, tout en encourageant le « libre exercice des activités productrices », Jean XXIII manifeste une franche sympathie pour « la socialisation », c’est-à-dire le mouvement par lequel l’État assure les soins médicaux, l’instruction et l’orientation professionnelle. Bien sûr, il faut veiller à ne pas réduire de façon trop importante le « rayon d’action libre des individus » mais l’intervention de l’État n’est pas un péril en soi. Au contraire, la socialisation favorise l’essor des « qualités propres à la personne » puisqu’elle consiste à organiser la vie commune pour « satisfaire les exigences de la justice sociale ». En de nombreux pays, écrit-il, une « foule de travailleurs » reçoit un salaire qui oblige à des « conditions de vie sous-humaines », tandis que quelques privilégiés vivent dans l’abondance et le « luxe effréné ». Ce contraste est « criant et outrageant » ; en aucun cas la rémunération ne peut être abandonnée aux lois du marché.

Ainsi, tout en encourageant l’initiative de chacun et la propriété privée des moyens de production, l’Église bénit l’élargissement de la sphère d’intervention publique. Il ne s’agit plus seulement de garantir que les salaires soient décents mais aussi de mettre en place un système d’assurance pour les « cas d’évènements malheureux » et de permettre un accès aux routes, aux transports, à l’eau potable, aux loisirs ou à la culture…34 Jean XXIII entrebâille la porte pour une collaboration avec le socialisme, à condition de se méfier des « fausses théories ». Certaines rencontres, « qui jusqu’ici avaient paru inopportunes ou stériles », pourraient être prometteuses pour l’avenir35. Dès les premières phrases, la constitution pastorale du Concile Vatican II manifeste une attitude générale de confiance et d’optimisme36. Cela ne veut pas dire que l’Église « soit désormais indifférente aux erreurs, qu’elle ignore l’ambiguïté des valeurs du monde moderne. Elle sait tout ce qu’elles peuvent contenir d’équivoques, de menaces et de périls ; mais elle arrête volontiers sa considération sur les aspects positifs de ces valeurs, sur ce qu’elles renferment de précieux pour la construction d’une société meilleure et plus juste. Elle voudrait aider au rassemblement de toutes les bonnes volontés pour résoudre les immenses problèmes que notre siècle doit affronter »37. En 1965, les évêques du monde ne prennent pas directement position sur le socialisme. Plutôt que de stigmatiser des doctrines ou des camps, ils cherchent à comprendre le phénomène de l’athéisme, et se laissent même questionner par lui38.

La socialisation est une sorte de recherche d’équilibre. L’Église appelle à trouver une voie intermédiaire entre collectivisme et individualisme. Certes, il faut se garder de tout sacrifier à l’organisation collective de la production mais il faut éviter aussi de faire de l’économie un jeu automatique, en refusant toute réforme sous prétexte d’attenter aux libertés39. Dès 1961, Jean XXIII insiste sur la nécessité d’imaginer des structures nouvelles – comme la coopérative – pour que les travailleurs puissent être plus nombreux et bénéficier davantage des fruits40. La propriété est envisagée de façon renouvelée, en insistant sur la destination universelle des biens, dans la continuité des Pères de l’Église et en rupture par rapport au droit romain qui avait influencé certaines formulations. Ainsi, l’Église rappelle des exigences perdues de vue : les biens possédés doivent être considérés comme communs et profiter aux autres, une personne dans l’extrême nécessité a le droit de se procurer l’indispensable à partir des richesses d’autrui et il faut secourir les pauvres, même en donnant de son nécessaire41. En 1967, Paul VI critique vertement le système capitaliste, qui a fait de la concurrence une loi suprême. Il s’agit de ne pas oublier, écrit-il, que la propriété des biens de production a des limites et qu’elle implique des obligations sociales. Ainsi, sans pour autant planifier de façon arbitraire, l’État doit choisir et imposer les objectifs à poursuivre42. Symboliquement, ces années marquent un tournant. Le pape réhabilite les prêtres ouvriers, qui retournent travailler en usine43. De plus, la coopération avec les mouvements socialistes bénéficie encore jusqu’aux années 1970 d’une sorte de tolérance, à condition de mener un « discernement attentif » pour mettre en lumière les idéologies erronées qui les inspirent. La question se pose particulièrement en Amérique latine, où naît la « théologie de la libération ». Réunis à Medellin, en Colombie, les évêques déplorent la misère qui s’étend et incitent à combattre l’injustice en empruntant des éléments à l’analyse marxiste. Paul VI salue ce désir généreux et reconnaît que le marxisme peut questionner mais il alerte clairement sur le type de société totalitaire auquel conduirait le processus de la lutte des classes44.

Depuis les années 1980, la liberté économique ?

En 1981, Jean-Paul II approfondit la pensée de l’Église sur le travail, auquel doit être subordonné le Capital. On retrouve l’idée que les travailleurs participent à la gestion et aux profits de l’entreprise. L’État, en revanche, n’a plus qu’un rôle amoindri, pour encadrer les rapports de travail et garantir l’existence des syndicats45. On sent chez le pape une méfiance à l’égard de l’interventionnisme public, qui le pousse à faire de la responsabilité individuelle le cœur de l’organisation de la société. La page de la socialisation est tournée. Peu après, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger – futur Benoît XVI – met vigoureusement en garde contre la théologie de la libération. Sous couvert d’analyse scientifique, écrivent ses membres, les thèses fondamentales du marxisme nient la nature spirituelle de la personne et légitiment le conflit social46. L’action que préconise l’Église n’a pas pour objectif d’éliminer un adversaire, elle est une « lutte noble et raisonnée », de sorte que « le chrétien préfèrera toujours la voie du dialogue et de la concertation »47.

Jean-Paul II s’alarme de l’injuste répartition des richesses et de la « soumission aveugle à la pure consommation » mais se refuse à toute ingérence publique dans la vie économique48. Après la chute du mur de Berlin, en 1991, il critique l’étatisation des moyens de production qui font des travailleurs de simples pièces dans la machine. L’État doit déterminer un « cadre juridique » pour sauvegarder les « conditions premières d’une économie libre » qui suppose « une certaine égalité entre les parties ». Surtout, il faut éviter « un système écrasant de contrôle bureaucratique qui tarit les sources de l’initiative et de la créativité » et mettre en place une « fructueuse coordination » entre l’intérêt individuel et collectif. Ainsi, s’il existe certaines « nécessités humaines » qui échappent à sa logique, le marché libre est « l’instrument le plus approprié pour répartir les ressources et répondre efficacement aux besoins »49.

Depuis le XXIe siècle, l’intrication des économies bouleverse les rapports sociaux. Le phénomène de mondialisation se traduit surtout par une diminution progressive de la place de l’État, incapable de maîtriser les flux financiers et de fixer les priorités économiques. Benoît XVI constate en 2009 que sous la pression du marché mondial, les entreprises ont cherché des lieux pour délocaliser et réduire les coûts. Les pays se livrent à une compétition féroce pour attirer la production, avec des fiscalités avantageuses et des dérégulations du travail. Or, il est regrettable que les entrepreneurs soient si peu attachés à leur territoire car le rôle de l’entreprise n’est pas seulement de faire du profit. Si le marché est devenu un « lieu de domination du fort sur le faible », c’est qu’une idéologie néfaste le sous-tend. Il est donc urgent de réglementer la finance pour « empêcher les spéculations scandaleuses »50.

Dans le prolongement de ces réflexions, le pape François publie en 2015 un texte qui met l’accent sur l’écologie. Il est nécessaire, écrit-il, d’encourager la diversité productive et la créativité entrepreneuriale. Or, trop souvent, les règles et les infrastructures existantes favorisent les grandes entreprises. Aussi, l’autorité politique a la responsabilité de soutenir fermement les petits, en mettant des limites à ceux qui ont le plus de pouvoirs financiers. Autrement dit, la liberté économique ne peut être seulement déclamée ; elle doit bénéficier à tous, comme la propriété privée51. Pour cela, les réglementations sont essentielles, en tenant compte des cultures locales. Contrairement à une idée répandue, le marché à lui seul ne résout pas tout. L’objectif est toujours d’augmenter le nombre d’emplois, dans un contexte où la spéculation financière continue de faire des ravages. Pour le pape, seule une politique « qui ne soit pas soumise au diktat des finances » permettra de placer – enfin – la dignité humaine au centre52.

Les relations entre l’Église et le socialisme n’ont pas été un long fleuve tranquille. Il existe indéniablement des préoccupations partagées s’agissant, notamment, du sort des plus pauvres, de la participation des travailleurs ou de la répartition des richesses. Mais ce constat ne peut masquer de profonds désaccords. Il y a la propriété privée, bien sûr, mais aussi la lecture de l’Histoire sous le prisme de la lutte des classes. Les littératures socialistes et chrétiennes fournissent, chacune pour leur part, des éléments de réflexion. Elles sont de remarquables instruments d’analyse. Tout l’enjeu aujourd’hui est de mener, de part et d’autre, le discernement nécessaire pour prolonger, sans se renier, le travail et la discussion des générations précédentes, dans l’objectif de rendre perpétuellement la société plus juste.

Notes :

1 François, encyclique Fratelli Tutti, 3 octobre 2020, par. 122.

2 Pie IX, encyclique Qui pluribus, 9 novembre 1846.

3 Léon XIII, encyclique Quod apostolici muneris, 28 décembre 1878.

4 Léon XIII, encyclique Humanum genus, 20 avril 1884.

5 Léon XIII, encyclique Rerum novarum, 15 mai 1891.

6 Léon XIII, encyclique Rerum novarum, 15 mai 1891.

7 Pie X, Vehementer nos, Au peuple français, 11 février 1906.

8 Pie X, encyclique Pascendi dominici gregis, 8 septembre 1907.

9 Pie X, encyclique Pascendi dominici gregis, 8 septembre 1907, par. 69-70.

10 La France au XIXème siècle (1814-1914), Dominique Barjot, Jean-Pierre Chaline, André Encrevé, 2nd ed. Presses Universitaires de France, 2008, p. 271.

11 Pie X, encyclique Notre charge apostolique, 25 août 1910.

12 Pie XI, enc. Quadragesimo anno, 15 mai 1931, par. 115 à 130.

13 Pie XI, enc. Quadragesimo anno, 15 mai 1931, idem et par. 142.

14 Pie XI, enc. Divini redemptoris, 19 mars 1937, par. 9, 10, 26, 27 et 29.

15 Pie XII, bulle papale du 11 juillet 1949.

16 Pie XII, radio-message du 1er septembre 1944.

17 Lettre pastorale du cardinal Suhard, archevêque de Paris, pour le carême de 1945, à propos des réformes de structure – L’enseignement de l’Église sur la propriété.

18 Madeleine Delbrêl, Ville marxiste, terre de mission, 1957, ed. Nouvelle Cité, p. 90.

19 Cardinal Henri de Lubac, Catholicisme, Les aspects sociaux du dogme, ed. Cerf, 1938, intro.

20 Robert Treno, cité par Yvonne Singer, Tempête sur les prêtres ouvriers, De Bardot à de Gaulle (1954/1958), Le romain vrai de la IVème République, Gilbert Guilleminault, ed. Denoël, 1972, p. 119.

21 Lettre de 1954, citée par Yvonne Singer, Tempête sur les prêtres ouvriers, De Bardot à de Gaulle (1954/1958), Le romain vrai de la IVème République, Gilbert Guilleminault, ed. Denoël, 1972, p. 123.

22 Frédéric Gugelot, Intellectuels chrétiens, entre marxisme et Evangile, JL. Schlegel et D. Pelletier, A la gauche du Christ, Les chrétiens de gauche en France de 1945 à nos jours, ed. Seuil, 2012, p. 245.

23 Jean-Yves Calvez, La pensée de Karl Marx, 1956, ed. Seuil, p. 535 et p. 586.

24 Cardinal Henri de Lubac, Proudhon et le christianisme, 1945, ed. Cerf, p. 10.

25 Madeleine Delbrêl, Ville marxiste, terre de mission, 1957, ed. Nouvelle Cité, p. 73.

26 Cardinal Henri de Lubac, Catholicisme, Les aspects sociaux du dogme, ed. Cerf, 1938, p. 311.

27 Maurice Thorez, radio-message du 17 avril 1936, Radio Paris.

28 Gaston Fessard, La main tendue ? Le dialogue catholique-communiste est-il possible ?, ed. Bernard Grasset, 1937, p. 81.

29 Madeleine Delbrêl, Ville marxiste, terre de mission, 1957, ed. Nouvelle Cité, p. 75.

30 Gaston Fessard, Les structures théologiques de l’athéisme marxiste, 1966.

31 Cardinal Henri de Lubac, Catholicisme, Les aspects sociaux du dogme, ed. Cerf, 1938, p. 231.

32 André Manaranche, Attitudes chrétiennes en politique, ed. Seuil, 1978, p. 19.

33 Cardinal Henri de Lubac, Catholicisme, Les aspects sociaux du dogme, ed. Cerf, 1938, p. 287.

34 Jean XXIII, Pacem in terris, 11 avril 1963, par. 11, 18, 21 et 64.

35 idem, par. 159-160.

36 Constitution pastorale Gaudium et Spes, Concile Vatican II, 7 décembre 1965.

37 Paul VI, allocution au corps diplomatique, 8 janvier 1966.

38 Commentaires de l’édition des Documents Conciliaires par le Centurion, 1966.

39 Concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, par. 65.

40 Jean XXIII, encyclique Mater et Magistra, 15 mai 1961, seconde partie.

41 Concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et Spes, 7 décembre 1965, par. 66 à 71.

42 Paul VI, encyclique Populorum progressio, 26 mars 1967, par. 26, 31, 32, 33, 39, 62, 63 et 64.

43 Paul VI, décret sur le ministère et la vie des prêtres, Presbyterorum ordinis, 7 décembre 1965.

44 Paul VI, encyclique Octogesima adveniens, 14 mai 1971, par. 31 à 34.

45 Jean-Paul II, encyclique Laborem exercens, 14 septembre 1981, intro + par. 12, 14, 17, 19 et 20.

46 Congrégation pour la Doctrine de la Foi, instruction Libertatis nuntius, sur quelques aspects de la théologie de la libération, 6 août 1984.

47 Congrégation pour la Doctrine de la Foi, instruction Libertatis conscientia, sur la liberté chrétienne et la libération, 22 mars 1986.

48 Jean-Paul II, encyclique Sollicitudo rei socialis, 30 décembre 1987, par. 28.

49 Jean-Paul II, encyclique Centesimus annus, 1er mai 1991, par. 15, 25, 34 et 40.

50 Benoit XVI, encyclique Caritas in veritate, par. 9, 24, 25, 32, 35, 38, 40, 65.

51 François, encyclique Laudato Si’, 24 mai 2015, par. 129 et 144.

52 François, encyclique Fratelli Tutti, 3 octobre 2020, par. 168 et 169.