Le vote Vert peut-il aller au-delà des gagnants de la mondialisation ?

Les élections européennes de 2019 se sont traduites par une très forte dynamique des partis écologistes en Europe de l’Ouest, souvent plus forte que la dynamique des forces populistes de droite, elle-même importante. Il est dès lors légitime de s’interroger sur les causes de ce vote et sur la composition de l’électorat vert. Quelles leçons politiques en tirer et quelles pistes les dynamiques politiques actuelles laissent entrevoir pour faire de l’écologie sociale une force majoritaire dans un contexte d’urgence écologique totale ? Une analyse proposée par Valentin Pautonnier et Pierre Gilbert.


 

Difficile d’y échapper : le succès des partis verts se conjugue avec un recul des partis de gauche radicale affiliés à la GUE/NGL tant au niveau national qu’au niveau européen. L’exemple de la France est frappant : annoncés en concurrence sur le même profil d’électeur, les Verts ont finalement obtenu le double de suffrages de la France Insoumise. Ils les devancent notamment chez les 18-24 ans. Ailleurs, le recul des partis de gauche radicale est lié à la progression du parti social-démocrate concurrent lorsqu’aucun parti vert n’est réellement disponible sur le marché de l’offre politique, comme en Espagne ou au Portugal.

En Allemagne, où les Verts ont obtenu un score supérieur à 20%, dans la continuité d’excellents résultats aux scrutins locaux, le SPD et Die Linke obtiennent tous deux des résultats particulièrement décevants. Les Verts sont clairement affiliés à la gauche, tant au niveau des thématiques que de l’idéologie des électeurs, comme l’explique le sociologue Simon Persico, ce qui explique cette concurrence apparente.

La cartographie du vote EELV : les métropoles urbaines dynamiques surreprésentées

Le constat est sans appel : en France, EELV obtient ses meilleurs résultats dans les métropoles urbaines dynamiques, et notamment dans les centres-villes. Ce constat rejoint l’analyse faite en 2015 par Fabien Escalona et Mathieu Vieira de l’existence d’idéopôles, villes dynamiques bien intégrées dans la mondialisation qui tiennent lieu de laboratoires pour les partis de gauche écologistes ou contestataires, où les idées progressistes, cosmopolites et post matérialistes foisonnent, mais aussi où la gauche sociale-démocrate surperforme[1]. Parmi ces villes, on peut notamment citer Grenoble, Nantes, Rennes, Toulouse, Montpellier et même Lyon et Paris. Ce constat peut être étendu de façon générale étendu à l’ensemble de l’Europe occidentale, sous réserve de spécificités trop importantes dans l’offre politique comme en Italie.

Globalement, la cartographie du vote EELV est assez semblable à celle de la gauche au sens large depuis les années 1980, et donc de fait assez compatible avec la carte de la FI en 2017. Les Verts sont puissants donc les zones dynamiques hors Sud-Est, notamment dans l’Ouest et dans les centres urbains. Ils ont atteint des scores supérieurs à 20% à Grenoble, Toulouse, Lille, Rennes, Bordeaux ou dans les arrondissements de l’Est parisien. De fait, il est rare que leur bon score cohabite avec un score élevé du Rassemblement national, qui reste dominateur dans l’est désindustrialisé et dans le Sud commerçant.

Dans le contexte de polarisation RN-LREM, il est alors inévitable que le succès écologiste soit corrélé à l’échelle communale au succès de la République en marche. Pour autant, cela ne signifie pas que leur sociologie est la même : la cohabitation géographique entre deux partis rivaux n’implique pas nécessairement qu’ils soient perméables. Elle laisse en revanche supposer de possibles affinités idéologiques plus ou moins liées à leurs trajectoires et à leur environnement, notamment dans le caractère pro-européen, anti-souverainiste et post matérialiste totalement détaché de l’analyse de la société en classes, présent dans l’aile gauche de l’électorat LREM[2]. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas dans les zones périurbaines en difficulté que les verts sont performants, et leurs scores sont parfois mitigés en banlieue. Cette dernière zone concentre la pauvreté urbaine, le précariat et l’abstention, mais c’est aussi là où la FI était prégnante en 2017 et continue d’obtenir d’excellents scores comme en Seine Saint-Denis, parfois de concert avec le RN dont le score explose au fur et à mesure de l’éloignement de l’hypercentre[3] de la métropole malgré la diversité de ses zones de force.

La sociologie du vote EELV : un élargissement hors de la sphère bobo citadin traditionnelle

Résumer le vote EELV à un vote de bobo citadin CSP+ serait tout de même réducteur. De plus, la cartographie doit être utilisée avec prudence et de concert avec des analyses électorales centrées sur l’individu pour éviter l’erreur écologique, c’est-à-dire tirer des conclusions erronées au niveau individuel de données agrégées. Néanmoins, une approche précautionneuse de la cartographie du succès des Verts permet de lancer des pistes de réflexion et de dresser une typologie des environnements favorables à leur succès.

Sur le plan individuel, l’électorat des Verts se distingue certes par sa jeunesse (26% chez les 18-34 ans), mais surtout par son taux de diplômés et par son succès chez les cadres et les professions intermédiaires (respectivement 20 et 21% d’entre eux). Ajoutons à cela que les Verts ne réalisent pas un mauvais score parmi les revenus les plus modestes. Mais ils obtiennent de très bons suffrages chez les revenus supérieurs à 3000 euros par mois[4].

Si l’électorat de la FI était aussi plus diplômé en moyenne que celui du FN tout en le concurrençant sérieusement chez les classes populaires et les bas revenus en 2017, celui des Verts aux européennes semble davantage coller avec le stéréotype de l’électeur diplômé urbain relativement aisé et donc rejoindre dans les grandes lignes l’analyse géographique. Si 20% des Bac +3 ont voté pour EELV (contre 21% pour LREM), seulement 6% des non-titulaires du Bac pour ont voté pour la liste emmenée par Yannick Jadot. Ce fait est bien sûr aggravé par l’abstention massive chez les autres jeunes (61% des 18-34 ans) et les catégories populaires (58% des revenus inférieurs à 1200 euros/mois), qui a par ailleurs plombé le score de la France insoumise, mais probablement majoré celui des Verts et du Parti socialiste.

De manière générale, la composition de l’électorat des Verts corrobore des études menées sur la transformation du vote de classe, par Daniel Oesch notamment, qui a identifié un clivage fondé sur le diplôme, le type d’emploi et l’exposition à la concurrence internationale pour expliquer le succès des partis de droite radicale et de la Nouvelle Gauche incarnée par les partis écologistes[5].

Du reste, cette observation vaut également pour l’Allemagne : les Grünen allemands sont particulièrement forts dans les centres urbains dynamiques, leur score étant largement corrélé avec la richesse moyenne dans la circonscription lors des élections nationales de 2017. Leur participation à des coalitions régionales – parfois avec la droite – les a notamment crédibilisés et renforce leur probable suprématie sur la gauche allemande, ce qui participe de la longue agonie du SPD. Précisons toutefois que cette prise de pouvoir sur la gauche a peu de chances d’aboutir à une conversion massive des Allemands à une politique moins rigoureuse sur le plan économique. Les Verts français restent bien plus marqués à gauche sur le plan économique que leurs camarades d’Outre-Rhin, mais les similarités sociologiques et cartographiques sautent néanmoins aux yeux et questionnent l’importance du contexte et de l’historicité des idéologies nationales et locales. Les enjeux climatiques seraient donc plus forts que les divergences culturelles nationales ?

Un score écologiste plafonné dans un contexte favorable ?

Enfin, cette analyse est réalisée dans un cadre politique particulier : à savoir une élection européenne dans un contexte d’urgence écologique, de référendum anti-parti de gouvernement et de questionnements identitaires pendant que les grandes problématiques économiques se voyaient reléguées au second plan. Voter pour un parti écologique sanctionnerait donc un vote peu risqué dans une logique de représentation proportionnelle et d’enjeux difficiles à percevoir à l’échelle nationale, le plus souvent au détriment des autres partis de gauche. Les Verts ont en effet bénéficié de reports de voix assez larges vis-à-vis des électorats de Hamon, Mélenchon et dans une moindre mesure de Macron, mais ont aussi et surtout profité de l’abstention massive des électeurs insoumis de 2017 pour distancier la FI.

Ce constat n’écarte pas une possible portée contestataire dans le vote écologiste ; mais il permet d’identifier un éventuel ralliement majoritaire vers les Verts depuis la gauche et ne permet ni d’infirmer ni de confirmer que l’écologie est devenue un thème central dans l’ensemble de l’électorat. Difficile également de déterminer si les partis écologistes sont devenus suffisamment attrape-tout pour rassembler au-delà du clivage gauche/droite sur des thématiques consensuelles ou si leur succès immédiat est dû à un simple transfert des voix de la gauche diplômée et urbaine en provenance de leurs rivaux. D’ailleurs, davantage d’électeurs EELV se sont déclarés en opposition aux gilets jaunes plutôt qu’en leur faveur (au contraire des électeurs RN et FI), signe que la vague verte n’a pas encore vêtu les atours de la contestation telle qu’incarnée par ce mouvement inédit.

Le vote EELV peut dans certains cas avoir été un vote pacificateur, un vote de refus du clivage social. La sociologie CSP+ qui vote traditionnellement EELV rejette profondément la conflictualité. Les gilets jaunes ont fait monter la tension entre France urbaine et France périphérique. Le vote EELV est un des seuls votes d’apaisement social, car LREM est la cause de la montée des tensions, le PS est culturellement trop proche de LREM pour jouer ce rôle d’arbitre et la FI et le RN soutiennent les gilets jaunes. Cependant, les préoccupations environnementales sont certainement largement déterminantes pour le vote EELV.

Ce qu’il faut retenir de cette leçon politique

Les Verts ont de fait largement bénéficié de la mise à l’agenda de l’écologie par les forces de gauche, LREM et le mouvement climat. EELV, par la force de l’étiquette, a de fait une hégémonie autour du thème de l’écologie. C’est une sorte de rente puisque la campagne de EELV était largement transparente.

De plus, les partis écologistes tendent logiquement à croitre au détriment de leurs adversaires à gauche et au centre-gauche, ne concurrençant pas les partis conservateurs. Cet état de fait est un motif d’espoir, puisque l’ancrage de l’écologie à gauche et chez les jeunes devrait permettre d’élargir la thématique écologique à la dimension sociale. En revanche, l’incarnation de la cause écologiste par des partis affiliés à une gauche à la fois molle et stigmatisée par la plupart des électeurs peut paradoxalement laisser craindre une déconnexion dans les esprits de l’écologie avec des volontés de profonds changements socio-économiques difficilement compatibles avec la structure actuelle de l’économie de marché et de la démocratie telles que limitées par les traités européens.

Cette structure économique n’étant pas compatible avec une politique climatique réaliste, il peut être dangereux pour le climat qu’EELV se positionne comme caution sociale et écologique du néolibéralisme, et ce serait une trahison pour une partie de ses électeurs qui soutiennent que sauvetage du climat et sauvetage de la croissance sont difficilement conciliables. Dans la famille de l’écologie politique, c’est d’ailleurs la critique que porte la liste Urgence écologie menée par Dominique Bourg à l’égard d’EELV.

Enfin la gauche radicale porte une grande part de responsabilité dans la fuite de ses électeurs vers les écologistes, car elle accumule les erreurs stratégiques et communicationnelles partout en Europe de l’Ouest.

Concurrencer la dynamique populiste réactionnaire par un populisme écologiste et social ?

La délatéralisation de EELV n’a rien à voir avec une mue populiste. Au contraire, Yannick Jadot se place souvent sur le même champ rhétorique que LREM quant au RN par exemple. « Progressistes contre populistes », or cette rhétorique a tendance à pousser la France périphérique dans les bras du populisme en assimilant le progressisme aux politiques antisociales du gouvernement.

Pour qu’une force écologique et sociale retrouve une dynamique qui la rende capable d’être majoritaire, et donc de relever le défi climatique à hauteur de l’urgence, il faudra sans doute qu’elle incorpore les moteurs de la dynamique populiste réactionnaire, à savoir la demande de sécurité, la demande de retour de l’État protecteur, la peur du changement et la demande de souveraineté. Sans occuper ce terrain-là, il ne sera vraisemblablement pas possible de devenir majoritaire en France.

Sur chacun des éléments sur lesquels l’extrême droite tend à l’hégémonie, l’écologie radicale est pourtant la seule à pouvoir proposer quelque chose de plus pertinent, à condition de réussir à bien l’amener. L’aggravation rapide des conséquences du réchauffement climatique devrait d’ailleurs largement favoriser un changement de posture. Ainsi, la demande de sécurité peut être satisfaite par une protection vis-à-vis des risques environnementaux et une prévention des dégradations sociales et migratoires dues au changement climatique. Le retour de l’État, largement demandé par les gilets jaunes, est inséparable du fait que seule la puissance publique peut conduire rapidement la transition et qu’un retour des services publics est la seule façon d’opérer une transition juste. La peur du changement c’est aussi la peur du changement climatique, et à ce titre la transition peut être appréciée comme conservatrice. La demande de souveraineté peut être traduite en termes de protectionnisme écologique, de relocalisation d’une industrie verte, de recouvrement d’une souveraineté alimentaire et énergétique, etc.

Est-ce que cela est suffisant pour résignifier les demandes hégémonisées par les populistes de droite dans un contexte où l’urgence sociale est une priorité pour plus de français que l’urgence écologique ? La réponse est évidement non, mais de telles évolutions couplées de manière cohérente à des réponses d’ordre social sont envisageables. Est-ce qu’EELV pourrait incarner une telle « écologie sociale populiste » ? Cela semble difficile compte tenu notamment de son rapport aux traités européens et donc au rôle de l’État et à la notion de frontière. La gauche radicale et traditionnelle ne le peut pas non plus, à cause des erreurs qu’elle a cumulée sur les dernières années.

Si le potentiel majoritaire d’une écologie radicale sociale et populiste est certain, le problème reste celui de l’incarnation par des leaders adaptés, une autre dimension fondamentale du succès du populisme. Peut-être que de telles figures émergeront de la société civile, par exemple de ce mouvement pour le climat dont la dynamique passe sous les radars de la gauche. Dans le moment populiste que l’Occident traverse depuis quelques années, les leaders les plus prometteurs émergent souvent depuis l’extérieur du champ politique traditionnel.

 

 

[1] Escalona, F, Vieira, M (2015.” Les idéopôles, laboratoires de la recomposition de l’électorat socialiste”. Notes de la Fondation Jean Jaurès du 6/02/2015.

[2] Voir notamment les travaux d’Inglehart sur le post matérialisme et la « Révolution silencieuse ».

[3] Référence aux « gradients d’urbanité » chers au géographe Jacques Lévy qui montrent qu’en isolant les critères sociodémographiques le Front National superforme à mesure que l’on s’éloigne du centre urbain, au contraire des Verts. Ces études sont toutefois controversées puisqu’elles essentialisent des comportements locaux à un modèle national en faisant fi de la composition sociologique des zones étudiées.

[4] Valable pour toutes les données socio-démographiques : Ipsos.fr. Européennes 2019 : Sociologie des électorats. Publié le 26/05/2019. https://www.ipsos.com/fr-fr/europeennes-2019

[5] Oesch, D. (2012). “The class basis of the cleavage between the New Left and the radical right An analysis for Austria, Denmark, Norway and Switzerland.” Publié dans:  Rydgren, J. (2012). Class Politics and the Radical Right. London: Routledge. 2012, p. 31-52

 

Image à la Une : évolution du score des partis Verts aux élections européennes de 2019 par rapport à la précédente élection de 2014. Plus le vert est foncé, plus l’évolution est forte.

Marisa Matias : “Remettre en cause l’establishment européen n’est pas autorisé”

©Sergio Hernandez

Marisa Matias est sociologue de formation et a réalisé une thèse sur le système de santé portugais. Elle a été candidate à l’élection présidentielle portugaise pour le Bloco de Esquerda et est députée européenne depuis 2009. Elle sera tête de liste à l’occasion des prochaines élections européennes, au sein de la coalition Maintenant le peuple. Nous avons avons pu aborder avec elle son regard sur l’évolution du projet européen et sur les difficultés rencontrées par la coalition portugaise actuellement au pouvoir. Réalisé par Lilith Verstrynge et Lenny Benbara, retranscrit par Théo George.

LVSL – C’est la 3ème fois que vous menez la liste du Bloco de Esquerda aux élections européennes, Rétrospectivement, quel bilan faites-vous de vos mandats successifs ?

Marisa Matias – Ce n’est pas vraiment la 3ème fois, parce que la 1ère fois je n’étais pas tête de liste, j’étais à la deuxième place, mais c’est la 3ème fois que je suis sur la liste. Les choses ont vraiment changé ces dernières années, surtout au niveau politique. Je suis arrivée au moment de la réponse qui était donnée à la crise financière. Celle-ci a été défaillante et insuffisante. Désormais, les défis sont différents : nous assistons à la montée de l’extrême droite et à la mise en danger du projet européen. En ce qui concerne les sujets sur lesquels j’ai travaillé, j’ai pu constater qu’il était toujours possible de faire la différence. Même dans un cadre très difficile comme le cadre européen, avec des règles très dures, notamment pour les pays périphériques et les pays qui ont un déficit très élevé, il y a toujours des petites marges de manœuvre. J’ai travaillé sur des dossiers très différents et je crois qu’on a fait un travail important, même si nous n’étions pas seuls, dans les domaines de la politique fiscale, avec les commissions spéciales et les commissions d’enquêtes sur les affaires LuxLeaks, SwissLeaks, Paradise Papers, etc. Ce sont des commissions qui ont produit des résultats très importants, qui ont montré la réalité des politiques fiscales et l’inégalité fiscale de l’Union européenne. Le travail de ces commissions n’a cependant pas eu de conséquence politique. Dans un autre domaine, celui de la santé publique, j’ai travaillé directement sur les médicaments falsifiés, sur les stratégies de lutte contre les cancers, et sur le changement climatique. Nous avons été capables d’agir pour que les choses aillent dans la bonne direction.

Dans l’ensemble, c’est toujours un champ de bataille, surtout en ce qui concerne la politique économique. Aux inégalités qui n’ont jamais été réglées, s’ajoutent désormais la question des migrations et des réfugiés. Nous sommes dans un contexte politique très difficile, parce que tous les jours on entend ce récit selon lequel il y aurait une invasion vers l’Union européenne, alors que ce n’est pas la vérité. Cela restreint les possibilités pour agir. Je pense qu’en général nous avons été capables de créer des espaces politiques alternatifs plus progressistes mais on doit aussi garder à l’esprit que les rapports de force ne nous permettent pas d’avancer dans cette direction. Et c’est pourquoi je pense qu’il faut continuer ce travail, cette lutte, et essayer de contrer les forces qui sont en train de détruire le projet européen lui-même et qui ne répondent pas aux difficultés réelles des peuples, des gens, qui ont toujours des difficultés, et pour lesquelles il n’y a pas eu de vraie réponse.

LVSL – Vous avez mentionné la montée de l’extrême droite et son importance politique et médiatique que vous liez à l’affaiblissement du projet européen et donc à une difficulté politique supplémentaire. Mais le Portugal est un des rares pays où il n’y a pas d’extrême droite puissante. Pourquoi est-ce que, selon vous, elle n’est pas apparue au Portugal ? Quelles en sont les raisons profondes ?

MM – Ce n’est pas encore le cas , mais attention, parce que nous avons des mouvements et des partis d’extrême droite qui sont apparus. C’est une nouveauté pour les portugais et les portugaises, parce qu’après la révolution, et surtout avec une Constitution de la République qui est très claire dans le domaine politique et qui ne permet pas des mouvements et des partis politiques d’extrême droite, nous étions dans un contexte où nous étions protégés, mais je ne crois pas que ça soit durable malheureusement. Nous aurons l’opportunité de voir ce qu’il va se passer aux élections européennes, car pour la première fois des partis d’extrême droite se présentent. Nous allons voir, parce que même en Espagne, et surtout en Andalousie, je n’aurais jamais pensé que Vox serait capable d’avoir un résultat aussi élevé alors que nous pensions que la péninsule ibérique était protégée. Je crois que, d’une certaine façon, les institutions européennes sont responsables de ça. Tous les partis, toutes les personnalités politiques sont responsables, et j’inclus dans cette responsabilité, la gauche et les partis de gauche. Nous n’avons pas été capables de remplir des espaces qui ont été laissés vacants par les politiques d’exclusion, et l’extrême droite a été capable d’exploiter ces espaces.

LVSL – À quels espaces pensez-vous en particulier ?

MM – Au fait que les gens ne se sentent pas représentés, qu’ils ne se sentent pas écoutés, et qu’ils vivent toujours dans la difficulté. Quand ces gens regardent vers le projet européen, vers les politiques européennes, vers les politiques nationales, il n’y a pas de solutions directes, concrètes, pour leur situation économique et sociale. Les exclus, toujours plus nombreux, ne croient pas en la politique, ne croient pas au système. Je crois que dans ce domaine la gauche n’a pas été capable de fournir une réponse et de remplir ces espaces vides. La droite a toujours un discours très facile, très simple : si tu n’as pas d’emploi, c’est parce qu’il y a des migrants, ce n’est pas une question de politique économique, c’est parce que des migrants volent ton travail. C’est plus facile de faire passer ce message, mais nous savons que ce n’est pas la vérité. La différence c’est que tu as besoin de 30 min pour expliquer toutes les causes du chômage et des inégalités. C’est toujours plus facile de dire que le problème vient des migrants, des réfugiés, des autres qui arrivent chez nous, et non qu’il est le résultat d’une politique qui produit toujours plus d’exclusion.

Il faut aussi pointer la responsabilité des institutions européennes parce qu’il y a 2 ou 3 ans nous avons eu un moment d’espoir avec la montée des mouvements progressistes qui a commencé en Grèce, mais aussi en Espagne et au Portugal avec la forme de gouvernement que nous avons trouvé. Du côté des institutions européennes, nous n’avons obtenu que des critiques et du chantage, comme dans le cas de la Grèce. Je pense que si on regarde toutes les déclarations des institutions européennes, elles sont toujours très faibles pour répondre à la menace de l’extrême-droite et très fortes pour attaquer les alternatives politiques économiques et sociales qui ne s’inscrivent pas dans la doxa dominante. Au Portugal, nous avons été menacés quand nous avons trouvé une formule qui n’était pas dans le cadre normal et accepté par les institutions européennes. Nous avons eu toutes sortes de menaces : de ne pas faire passer le budget, de ne pas permettre l’augmentation du salaire minimum, d’avoir des sanctions économiques pour déficit excessif alors qu’au même moment il y avait d’autres pays, comme la France et d’autres, qui avaient un déficit très élevé et qui n’ont pas été menacés de sanctions économiques. Nous avons pu assister au « deux poids, deux mesures » des institutions européennes. Elles ont été très dures avec les mouvements progressistes, et ont progressivement laissé des positions d’extrême droite apparaître dans les politiques européennes, comme on a pu le voir avec la réunion du Conseil de juin 2018, où tous les gouvernements de l’Union, à l’unanimité, ont approuvé les camps de détention pour les migrants. C’est quelque chose que je n’aurais jamais pensé voir dans un contexte démocratique. Remettre en cause l’establishment européen n’est pas autorisé, alors qu’attaquer les migrants l’est.

En ce qui concerne la solution que nous avons trouvée au Portugal, elle est limitée dans sa capacité à changer la société portugaise en profondeur. Nous menons une politique de relance des salaires et des pensions, de réduction des inégalités, afin de stimuler l’économie portugaise. Nous n’avons pas la possibilité d’augmenter les investissements publics, alors que nous en avons cruellement besoin. Nous essayons donc de jouer sur d’autres variables. Cela n’a pas plu aux institutions. Pourtant, après deux ou trois ans, les résultats sont au rendez-vous et il est impossible de dire que c’est une politique qui a tout détruit. Au contraire, les résultats sont plus positifs que la moyenne européenne.

LVSL – Les prochaines élections européennes, nous devrions assister à un reflux de toutes les forces de gauche progressistes, sauf peut-être de la France Insoumise et du Bloco. Selon vous, que devraient proposer ces forces pour essayer de ne pas reculer et de reprendre la main ?

MM – Je ne sais pas vraiment, on attend de voir, parce qu’il y a de nouvelles forces progressistes dans certains pays qui n’ont pas encore de représentation parlementaire. Je ne sais pas vraiment quel sera le résultat, peut-être que l’ensemble de ces forces en sortira plus renforcé que ce qu’elles sont actuellement. Je crois que nous avons besoin de clarté. On ne peut pas partir pour des élections avec des positions de compromis. Il y a une confrontation politique dans toute une série de domaines. Il faut être très clairs et maintenir des identités politiques très fortes pour que les gens puissent voir les différences qu’on leur propose. C’est la démocratie, c’est d’avoir des projets politiques très différents et de pouvoir choisir ensuite.

Quand je dis ça, je le dis aussi parce que je pense qu’il n’y a jamais eu de contradiction entre avoir une identité politique affirmée et œuvrer pour des convergences. Aujourd’hui plus qu’hier, nous avons besoin de convergences politiques, car les lignes de division ont changé. On ne peut pas faire des compromis dans les domaines où les questions ne sont pas négociables, par exemple les droits des femmes, le changement climatique, les questions du racisme, de la xénophobie. Je crois que ce sont des demandes sociales pour lesquelles il n’est pas possible de faire des compromis. Il s’agit de luttes pour la dignité, les droits sociaux et les droits humains.

Il me semble difficile d’imaginer quel sera le contexte politique le lendemain des élections. Il y a déjà des changements importants au niveau du Conseil, parce que nous avons eu des élections partout. Tout a changé : nous avons la moitié des gouvernements européens qui sont d’extrême droite ou avec une influence d’extrême droite. Nous avons d’autres pays où les forces d’extrême-droite ne sont pas au gouvernement mais sont très importantes dans la construction des agendas internes aux sociétés. Après les élections européennes, nous aurons une nouvelle Commission européenne avec un commissaire nommé par ces nouveaux gouvernements, ainsi qu’un nouveau Parlement européen. Ce ne sera pas la même composition qu’aujourd’hui. Nous savons que ce ne seront pas des jours très positifs pour la social-démocratie. Ajoutons à cela que je ne sais pas ce qu’il va se passer avec le PPE qui a un choix très difficile à faire, mais nécessaire. Est-ce qu’il continue avec des forces comme celle de Viktor Orbán et alors c’est la porte ouverte ainsi qu’une légitimée accrue à la politique d’extrême droite de manière plus systémique dans l’Union européenne ? ou est-ce qu’il a la capacité de faire la différence entre des valeurs démocratiques et des valeurs non-démocratiques, et dans ce cas-là c’est aussi un contexte de défaite pour le PPE. Ce sera un contexte plus fragmenté, plus divergent et avec des significations différentes pour les rapports de force. Dans ce cadre-là, je crois que la gauche peut jouer un rôle très important, quelle que soit la taille de son groupe parlementaire.

LVSL – On aimerait mieux comprendre l’identité du Bloco dans le paysage portugais. Comment est-ce que vous vous différenciez du parti socialiste portugais ? Quelles sont les différences entre le PS, le Bloco et la coalition PCP-Verts ?

MM – Nous avons pu faire un accord, je crois, sur les 15 à 20% que nous avons en commun, pas plus que ça. Mais ce sont des points communs suffisants et nécessaires afin d’avoir une majorité et de faire approuver le budget et les politiques économiques dans un contexte plus global. Ce programme est plus marqué par le PS que par les autres forces, du fait des rapports de force. Il y a des différences très fortes entre les différents partis. Le PS est un parti qui ne veut pas remettre en cause, voire défier les institutions européennes et les traités. Les socialistes défendent l’idée qu’on peut continuer à tout faire dans le cadre des traités européens. La vérité est que ce que nous avons fait pendant les dernières années au Portugal est précisément le contraire. Si nous avions accepté les recommandations de Bruxelles, nous n’aurions rien pu faire dans le contexte de la coalition parlementaire.

En même temps, le Bloco a une vision de la politique internationale qui se rapproche plus de celle du PS que de celle du PCP. C’est une des différences majeures que nous avons avec le PCP : nous ne soutenons pas le régime au Vénézuela, nous ne soutenons pas l’ancien régime de l’Angola (République populaire d’Angola), nous n’avons pas de connexion politique avec la Chine ou Cuba. Nous avons une ligne de démarcation entre régime démocratique et régime non-démocratique, peu importe qu’ils soient de gauche ou de droite. Si ce sont des régimes totalitaires, ce sont des régimes totalitaires, point. Dans ce domaine là nous avons donc une différence très profonde avec le PCP. Sur la question de la politique monétaire aussi, le PCP est en faveur de la sortie de l’euro et de l’UE, alors que nous, bien que nous n’ayons aucun espoir dans le cadre européen actuel, nous menons une bataille pour changer la politique monétaire et la politique européenne. et nous croyons que ces traités ne sont pas la solution pour l’ensemble de l’UE.

LVSL – Justement, après la crise grecque on a entendu Catarina Martins, la coordinatrice du Bloco, ou des économistes du Bloco tenir des positions assez proches du PCP sur les questions de l’euro et du scénario d’une éventuelle sortie. Qu’en est-il aujourd’hui et quel est le positionnement de votre parti ? Les slogans tels que «  plus un seul sacrifice pour l’euro » sont-ils encore d’actualité ?

Notre position n’a pas changé. Il y a une différence entre dire « nous devons sortir » et « nous ne voulons pas accepter des sacrifices additionnels à cause de l’euro ». Il y a une différence très importante, politiquement, sur ce sujet. Ce que les institutions européennes ont fait à la Grèce, c’était presque une sortie forcée de l’euro et de l’UE avec une facture entièrement payée par les citoyens grecs et aucune contribution des institutions européennes. Dans ce cadre de confrontation directe, il faut rappeler que pour le Portugal et les économies périphériques, l’euro a été synonyme de divergences macroéconomiques profondes. L’année passée c’était la première année de convergence de l’économie portugaise avec l’économie européenne dans le cadre de l’euro, mais c’était le cas grâce aux politiques sociales et aux politiques salariales, pas grâce à l’intégration de la politique monétaire. Tout le monde, même des économistes de droite, sait que l’euro est un désastre. Certains économistes, même de droite, considèrent que la monnaie unique ne peut pas survivre longtemps dans son architecture actuelle. Même ceux qui défendent l’euro considèrent que sa survie après 20 ans de déséquilibres est un miracle. Dès lors, la question est la suivante : est-ce qu’il y a une volonté politique pour changer la politique monétaire de l’UE ? Nous ne serons jamais capables d’être en condition d’avoir la politique monétaire de l’Allemagne, ce n’est pas possible pour les pays hors de la sphère germanique.

L’euro a aidé l’Allemagne, surtout dans le cadre de la réunification du pays. C’était un instrument fondamental, notamment pour une économie d’exportation. Il s’agit vraiment d’une monnaie conçue et adaptée à l’économie allemande. Cela a été utile à la France pour les accords avec l’Allemagne. Cela a aidé le Portugal, l’Espagne et la Grèce qui y ont gagné des taux d’intérêt bas. Concernant des pays avec des salaires très bas, il s’agissait de la seule façon pour que les gens obtiennent une maison propre et puissent se fournir en biens d’équipement. Entrer dans l’euro, c’était entrer dans un club où les taux d’intérêts étaient suffisamment bas pour permettre que les classes moyennes s’endettent. Pour l’Italie la raison est différente, c’était la seule façon de contrôler l’inflation. La vérité est donc que c’est pour des raisons vraiment différentes, qui étaient au cœur des difficultés majeures des économies européennes, que tous ces pays ont adopté l’euro. Tout le monde a décidé de payer un prix très élevé pour régler un problème dans un moment très concret. Ce moment est passé et l’économie et la politique monétaire n’ont pas changé pour s’adapter à la réalité des équilibres macroéconomiques. C’est la raison pour laquelle 20 ans avec l’euro comme monnaie unique ont produit une divergence majeure entre les économies européennes et non une convergence. Cette question est toujours un champ de bataille et on ne peut pas ignorer qu’il y a des difficultés énormes à sortir de l’union monétaire. Cependant, il faut bien qu’on travaille dans la bonne direction pour faire de l’euro et de la politique monétaire une politique de convergence. Ou alors on peut mener le débat pour savoir si on est pour ou contre. Il est clair que la monnaie unique ne va pas survivre a un contexte de divergence permanent, ce n’est pas possible.

LVSL – On observe une reprise au Portugal, mais malgré tout la dette publique reste extrêmement élevée. Dans quelle mesure il y a des marges de manœuvre aujourd’hui pour améliorer cette situation et desserrer l’étau de la dette au Portugal ?

MM – La dette portugaise est passée de 58% en 1994 à 130 % en 2012. Elle est maintenant d’environ 119 %. Elle a baissé de 10 points ces 3 dernières années, mais c’est grâce à la reprise économique et grâce à l’augmentation des salaires. Malgré cela, la dette reste insoutenable, pour le Portugal et une grande majorité de pays périphériques. Je crois qu’il faut non pas une solution unilatérale de renégociation de la dette, mais plutôt une solution partagée par tous les pays qui sont dans cette situation. C’est une solution européenne, ce n’est pas une solution nationale. Il est impossible de payer la dette, le montant des intérêts qu’on paie chaque année est plus élevé que le budget de la santé publique au Portugal. C’est le premier poste de dépense de notre budget. Si on fait la comparaison avec le budget de notre école publique, c’est presque le double. Nous sommes forcés à avoir des excédents primaires de 3 %, dont le coût pour l’économie portugaise est élevé. Il est irréaliste de maintenir les investissements publics à un niveau historiquement bas. Il n’y a pas besoin d’être économiste pour comprendre que c’est une équation qui ne pourra jamais fonctionner et qui hypothèque notre futur.

LVSL – Le président du Portugal a défendu depuis le début que la stabilité politique de son pays était une sorte d’antidote contre le populisme. Vous avez vous-même déclaré dans une interview cette semaine que vous ne considériez pas le Bloco comme une force populiste. Comment est-ce que vous définissez votre parti ?

MM – Une force de gauche qui essaie d’être populaire, pas une force populiste. Il est vrai que la formule que nous avons trouvée au Portugal a fonctionné jusqu’à maintenant pour maintenir à distance l’extrême droite. Cependant, «  la crise », même si ce n’est pas une crise, mais le récit de la « crise migratoire » a déjà produit des effets au Portugal. Pourtant, nous n’avons pas de problème migratoire, nous avons besoin de migrants, mais ça c’est une autre question. Nous sommes un parti de gauche avec une politique de gauche, attaché à l’État et à son rôle. Nous défendons des causes sociales, environnementales, des droits humains. Je sais que parmi nos amis, certains ont un rapport au populisme différent.

LVSL – À propos de la situation au Vénézuéla que vous avez mentionnée quand vous évoquiez les différences entre le Bloco et le PCP, le Bloco a voté contre la reconnaissance de l’auto-proclamation de Juan Guaidó comme président intérimaire du Venezuela (au Parlement européen et au parlement national). Ceci dit, le gouvernement portugais fait partie des pays qui ont appelé à soutenir Guaidó et à le reconnaître. Comment est-ce que vous voyez la situation au Vénézuela ? Puisque vous semblez avoir une position assez médiane en la matière…

J’ai voté contre et si je pouvais voter deux fois, trois fois, je voterais toujours contre, parce qu’on ne peut pas régler une tragédie avec un accord de cette nature. Le Parlement européen n’a aucune légitimité pour soutenir un président autoproclamé. Le Parlement européen doit apporter une contribution forte pour une solution politique pacifique, pour le dialogues. Son rôle n’est pas de prendre position pour une des parties, ce n’est pas possible. Je peux comprendre que Bolsonaro, que Trump, ou que d’autres leaders mondiaux, aient cette position et pensent qu’ils peuvent tout décider à la place du peuple du Vénézuela. Je pense que c’est une erreur majeure faite par le Parlement européen et les gouvernements concernés, dont le gouvernement portugais. Dans cette situation, je soutiens la position des Nations Unies. Je ne me range pas avec Bolsonaro et Trump. On doit respecter la démocratie, c’est la seule façon de maintenir le respect envers le Parlement européen. Il faut respecter la démocratie dans tous les cadres et tous les pays du monde. Ce n’est pas à nous de décider qui est le président du Venezuela, c’est au peuple vénézuélien d’en décider. Personnellement, je n’ai jamais soutenu Maduro, mais on ne peut pas répondre à une tragédie sociale, économique et des droits humains avec une telle erreur qui peut aggraver le conflit déjà existant.

LVSL – Est-ce que cela a eu des conséquences dans la « geringonça », la coalition formée au Portugal ?

MM – Non, parce que nous avons un accord sur des questions très concrètes. Pour tout le reste on continue à s’affronter politiquement. Par exemple, nous avons eu un débat sur l’euthanasie au Portugal, c’était un débat très intéressant, assez engagé. Le PCP était contre, le PS et le Bloco étaient pour. Sur de nombreux sujets, nous continuons à débattre politiquement. Le succès de la geringonça est surtout fondé sur l’acceptation des désaccords, c’est la règle. Nous savons déjà que nous ne sommes pas d’accord sur la majorité des questions. Néanmoins, nous sommes là avec une responsabilité forte pour respecter les accords que nous avons signés, et la lutte continue.