Jancovici, faux ami de la transition écologique ?

Janovici - Le Vent Se Lève
© Joseph Edouard pour LVSL

Impossible d’échapper à Jean-Marc Jancovici. Depuis le succès retentissant de sa bande dessinée Le monde sans fin (co-écrite avec le dessinateur Christophe Blain), le polytechnicien est partout. « Bon client » des journalistes, il est aussi bien écouté par des élus et politiques que des dirigeants d’entreprises. Ce vulgarisateur de talent est-il pour autant un allié de la cause écologique et climatique qu’il défend, ou risque-t-il de lui faire perdre beaucoup de temps ? Recension de sa bande dessinée Le monde sans fin et analyse de ses dernières interventions médiatiques.

NDLR : Cette analyse est publiée en deux parties. Celle-ci examine les aspects purement techniques, en laissant volontairement de côté la question du nucléaire. La seconde traitera des aspects socio-économiques et politiques.

Jean-Marc Jancovici est un bon communicant qui frappe souvent juste, dans un style percutant. Il a initié de nombreuses personnes aux questions énergétiques et climatiques, brisant leurs illusions climatosceptiques ou techno-solutionnistes. En tant que vulgarisateur, son apport à la médiatisation de l’écologie est indéniable.

Le polytechnicien ne minimise pas les rapports du GIEC ni ne fustige les mouvements sociaux et écologistes. Au contraire, Jean-Marc Jancovici prône un retour à la sobriété planifiée pour « atterrir en douceur, sans léguer à nos enfants un monde dont nous ne voudrions pas pour nous-mêmes » et dénonce la notion de croissance verte. C’est logiquement qu’il a pris position contre l’aéroport de Notre-Dame des landes, le déploiement de la 5G et l’expansion de l’autoroute A69. Sa proposition d’interdiction des jets privés et de quotas pour prendre l’avion face à une Léa Salamé choquée montre qu’il intègre une exigence de justice sociale. Dans son livre Le plein s’il vous plait (Seuil, 2006), il proposait une hausse graduelle des taxes sur les carburants accompagnée d’un lissage de la hausse des prix – les revenus étant redistribués aux plus modestes. Soit l’inverse des politiques ayant provoqué la crise des Gilets jaunes.

Pour autant, on n’a jamais vu Jean-Marc Jancovici participer à une lutte écologiste. Il a refusé de se positionner clairement sur la question des méga-bassines, avait défendu un moratoire sur le déploiement des énergies renouvelables, minimisé l’impact écologique de la fracturation hydraulique. Du reste, il postule que la démocratie résulte de l’exploitation des énergies fossiles – et, à l’aide d’arguments douteux, évite soigneusement d’opposer capitalisme et écologie.

La principale menace ne provient pas du « pic pétrolier », mais du niveau de nos émissions cumulées.

D’où cette question : la percée médiatique de Jean-Marc Jancovici constitue-t-elle une bonne nouvelle pour les causes qu’il défend ?

Le principal problème de son discours ne tient pas dans son tropisme nucléaire, que d’aucuns trouveront parfaitement justifié, mais dans deux éléments plus fondamentaux : les erreurs contenues dans son diagnostic technique et les limites de son approche dépolitisante en termes de solutions à un problème… politique.

On ne s’attardera pas ici sur sur la question du nucléaire. Si les positions de Jean-Marc Jancovici en la matière peuvent être jugées quelque peu caricaturales, elles n’en demeurent pas moins défendables. Du reste, leur critique a déjà été faite, refaite et n’est plus à faire. Sur les énergies fossiles et renouvelables, à l’inverse, les problèmes sont plus évidents.

Pétrole et gaz : de nombreuses erreurs surprenantes

Les aspects énergétiques et la notion du pic pétrolier figurent au cœur de l’analyse de Jean-Marc Jancovici. Or, c’est dans ce domaine précis qu’il commet une série d’erreurs quelque peu surprenantes.

Le fondateur du Shift Project présente le pétrole de schiste (shale oil) comme un produit de mauvaise qualité. Exploité « essentiellement au Texas, Nouveau-Mexique et Dakota du Nord », il aurait une rentabilité énergétique et commerciale faible, au point d’être « évacué par camions », car « ce n’est pas rentable d’installer un oléoduc » (page 95). En effet, le pétrole issu des grands bassins texans d’Eagle Ford et du Permian est plus léger que la moyenne. Mais contrairement à ce que suggère le dessin en page 96, toutes les coupes essentielles y sont présentes en large quantité. En particulier, celles offrant la meilleure valeur ajoutée (naphta et distillat qui servent pour l’essence, le kérosène et la pétrochimie).

Les deux types de pétrole à gauche sont du shale oil ; le WTI, North Sea Brent et le Saudia Arab light sont les principaux marqueurs de pétroles conventionnels. Source : Emerson, Platts

Jean-Marc Jancovici le concédait récemment dans un post publié sur sa page Linkedin : contrairement à ce que suggérait la bande dessinée, le shale oil n’est pas uniquement « de l’essence à mobylette ». Ce qui explique qu’il existe un vaste réseau d’oléoducs pour l’évacuer au Texas, et qu’un pipeline immense et controversé (le Dakota Access, 2000 km de long et 750 000 barils par jour de capacité) ait été construit pour acheminer 40 % du shale oil de cette région vers les raffineries… Page 96, Jancovici attribue pourtant la multiplication des routes desservant les champs de pétrole de schistes au manque d’oléoducs. En réalité, ce réseau routier sert d’abord au forage, à la maintenance et aux opérations de fracturation hydraulique (qui requièrent de très nombreux camions). 

De plus, l’amélioration des techniques de forage conduit à une hausse de la productivité et de la rentabilité. En 2019, la chute des cours et des conditions financières plus difficiles n’avaient pas empêché le secteur de demeurer rentable. En 2020, Chevron rachetait Noble Energy pour plus de 4 milliards de dollars, devenant « le second plus gros producteur de shale du pays ». En 2021, ConocoPhillips a racheté Concho Resources, une compagnie spécialisée dans le pétrole de schiste, pour dix milliards, avant de s’offrir les actifs de Shell dans le Permian pour un peu plus de 9,5 milliards de dollars. Shell avait acheté ce champ en 2012 pour 1,9 milliard et multiplié la production par dix. ExxonMobil, enfin, est sur le point de racheter Pionner, dont les activités se concentrent dans le bassin de shale oil du Permian, pour 60 milliards. Soit un tiers de la capitalisation boursière de TotalEnergies.

Si le secteur est miné par les dettes et les faillites, les difficultés économiques passées s’expliquent avant tout par les excès d’une industrie indisciplinée en voie de consolidation. 

Les bénéfices avant impôt des exploitants de shale oil explosent, via le Financial Time.

L’idée selon laquelle le shale oil représenterait « un pétrole de fond de tiroir » (page 97) annonciateur d’une pénurie imminente peut à tout le moins être questionnée. 

Page 101, on apprend que « l’Iran préfère importer son gaz pour alimenter les villes du nord », car « un gazoduc coûterait trop cher pour traverser le pays ». Dommage, car il existe bien un réseau de gazoducs prévu à cet effet, depuis 1970. L’Iran est le 3e producteur mondial de gaz naturel, consomme 93 % de cette production et n’importe pratiquement aucun mètre cube de gaz

Page 103, Jancovici indique que le pétrole obtenu à partir du charbon serait de mauvaise qualité. Or, malgré ses aspects coûteux et très polluant, le procédé Coal To Liquid (CTL) permet d’obtenir des produits identiques à ce que l’on trouve en sortie de raffinerie (kérosène, essence, gazole). Ce qui n’empêche pas Jancovici de glisser un raccourci trompeur en évoquant la responsabilité du pétrole issu du charbon dans la défaite allemande à la bataille d’Angleterre (page 103).

Ces erreurs restent anecdotiques. Elles ne remettent pas en cause la supériorité du pétrole conventionnel sur les autres énergies fossiles ni l’idée que ces dernières se raréfient. Mais elles contribuent à nourrir l’idée d’une pénurie imminente.

À court terme, cette préoccupation semble infondée, comme en témoigne la baisse de production significative décidée par l’Arabie saoudite et la Russie pour soutenir les cours. Nous ne serions pas confronté à un problème de stock (l’épuisement des réserves), mais à un problème de flux (généré par un manque d’investissement pour les extraire du sol). Le consensus des spécialistes prédit effectivement un pic de consommation avant 2030, mais attribue généralement ce pic à une baisse de la demande et non à un épuisement des ressources. En 2023, l’OPEP a revu ses réserves à la hausse. Si cette question fait débat, la tendance à court terme serait à une augmentation des stocks de pétrole et une baisse de la demande globale.

Quoi qu’il en soit, le discours de Jean-Marc Jancovici peut servir à justifier l’investissement dans ces énergies pour éviter un choc d’approvisionnement. C’est ainsi que Total défend son projet désastreux en Ouganda et Shell son revirement en matière de transition énergétique – qui entrent en contradiction directe avec la marche vers une planète habitable. En effet, l’exploitation des gisements d’énergies fossiles déjà découverts conduirait déjà à un dépassement de notre budget carbone.

Autrement dit, la principale menace ne provient pas du « pic pétrolier » mais du niveau de nos émissions cumulées, comme le reconnaissait récemment Jean-Marc Jancovici lui-même. C’est la raison pour laquelle l’Agence internationale de l’énergie (IAE), qui anticipe un pic de demande avant 2030, s’oppose aux nouveaux investissements dans la production d’énergie fossiles.

La question de la date du « pic pétrolier » reste cependant secondaire par rapport à celle de la transition énergétique – domaine où le discours de Jancovici apparaît plus problématique.

Énergie renouvelable : vingt ans de retard

Comme l’écrivait récemment Pierre-Guy Therond (ex-Vice-président « énergie nouvelle » chez EDF), Le monde sans fin ressemble à un brûlot contre le solaire et l’éolien. Les ENR sont systématiquement comparées aux moulins à vent et au système énergétique antérieur à la révolution industrielle (pages 16, 17, 21, 35, 36, 37, 45, 88, 126, 157, 162) avec l’idée explicite qu’elles constituent un retour en arrière. Leur intermittence serait synonyme de coupures de courant, raccourci martelé à l’aide de chirurgiens empêchés d’opérer, de bières qui se réchauffent dans le frigo et autres propos sarcastiques (page 35, 97, 145, 157, 158). Elles renvoient donc davantage au « modèle amish » raillé par Emmanuel Macron qu’à une solution à la crise climatique.

Le solaire est accusé d’artificialiser les sols (« La France prévoit de remplacer des champs agricoles et de la forêt par des panneaux solaires sur une superficie équivalente à trois fois la surface de Paris ») et l’éolien de « dégrader les sols agricoles et gêner la vie de certaines espèces comme les chauves-souris ». Le polytechnicien utilise une règle de trois dont il a le secret pour affirmer qu’il faudrait déployer « une éolienne tous les kilomètres » (soit 550 000 unités environ) pour fournir une énergie 100 % éolienne à la France. Un autre calcul de coin de table, proposé dès la page 34, montre qu’un volume de 1000 m3 (« un cube de 10 m sur 10 m ») de vent passant dans une éolienne à 80 km/h (« un bon mistral ») produit la quantité d’énergie contenue dans 3 mL de pétrole (le volume d’un dé à coudre). Les chiffres de consommation de béton et métaux sont présentés de manière alarmiste (10 à 100 fois la quantité requise par le nucléaire).

« Atteindre la neutralité carbone en 2050 est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables. »

Futurs énergétiques 2050, Rapport de RTE

Compenser l’intermittence par du stockage est ridiculisé à l’aide de l’image d’un barrage hydraulique de 150 mètres de haut et 100 mètres de large sur l’ensemble des côtes allemandes. Pour la France, « si on n’utilisait que l’éolien et le solaire pour produire de l’électricité, il faudrait 2,5 tonnes de batteries par foyer » (page 157). Enfin, la bande dessinée use de multiples graphiques pour asséner l’idée que le déploiement des énergies renouvelables dans le monde est minime (0,9 % pour le solaire et 2 % pour l’éolien en 2018, page 56). Les ENR viendraient s’ajouter aux énergies fossiles, voire encourageraient leur développement au lieu de les remplacer. « L’éolien c’est génial parce qu’il y a besoin de gaz pour compenser son intermittence », selon les propos d’un gazier rapportés par Jancovici (datant de 2009, page 159). Les chiffres du rendement énergétique (EROI) des éoliennes et panneaux solaires avec batteries citées par le livre enfoncent le dernier clou : ils seraient de 10 et 5 (respectivement, le chiffre du solaire sans stockage par batterie n’est pas donné), contre 50 pour le nucléaire, 100 pour le pétrole conventionnel et deux pour l’humanité avant la révolution industrielle. À peine plus rentable qu’une paire de bras, les nouveaux moulins à vent ?

Le nucléaire associé à une bonne dose de sobriété apparaît comme la seule solution rationnelle, alors que « le retour aux énergies renouvelables ne permettra pas de garder une société d’abondance complexe avec son système de santé, sa culture » (page 162).

Jean-Marc Jancovici défend une vision totalement dépassée des renouvelables. Pour commencer, les ENR (hors hydroélectricité) représentaient 6,7 % de la consommation d’énergie primaire mondiale et 13 % de la production d’électricité en 2021, soit le triple de ce qu’avance Le monde sans fin. La bible des énergéticiens, le BP Statistical Review, note qu’entre 2019 et 2021 « la croissance de la production d’énergie primaire est entièrement due aux énergies renouvelables ». Autrement dit, les ENR remplacent bel et bien les énergies fossiles, qui ont vu leur part chuter au cours de la même période (en absolu et relativement au mix global).

C’est encore plus flagrant pour la production d’électricité, où la part du solaire et de l’éolien cumulés atteint les 10 % et dépasse l’énergie nucléaire. Ces deux technologies connaissent des taux de croissance de plus de 15 %, là où la consommation globale d’énergie primaire croît de 1 à 2 % par an. Les chiffres de Jancovici disent autre chose, probablement du fait de la conversion qu’il utilise pour calculer l’énergie primaire associée aux renouvelables (difficile de savoir, puisqu’il ne cite pas ses sources). Les investissements dans ces énergies ont battu un nouveau record en 2022 et sont sur le point de dépasser les investissements dans les énergies fossiles (solaire et éolien 495 milliards de dollars, pétrole et gaz 417 milliards, charbon 112 milliards) – elles ont connu un taux de croissance de 24 %. Les investissements dans le solaire devraient supplanter ceux dans le pétrole dès 2023 selon l’AIE. Autrement dit, les ENR décarbonnent le mix énergétique mondial, bien que cela s’opère à un rythme très insuffisant du point de vue du climat.

Cette ruée vers les ENR interroge. Qu’en est-il des multiples objections et réserves soulevées par Jancovici ? Le monde serait-il devenu fou ?

BP Stastistical review 2022, page 10

Le rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 » pour la France apporte de nombreuses réponses. Ce travail mobilisant des centaines d’experts et d’industriels a été critiqué par les écologistes et certains chercheurs pour ses hypothèses de coûts jugées optimistes sur le nucléaire et pessimistes sur les ENR. Il dessine six scénarios allant du 100 % renouvelable à la maximisation du nucléaire, en partant de l’hypothèse d’un maintien du niveau de vie, d’une baisse de 40 % de la consommation énergétique primaire et d’une hausse de 35 % de la production électrique (afin d’électrifier certaines activités pour réduire l’usage des énergies fossiles). On est loin d’une logique anticapitaliste ou décroissante, et pourtant RTE balaye implicitement les objections de Jancovici.

Le rapport conclut qu’« atteindre la neutralité carbone en 2050 est impossible sans un développement significatif des énergies renouvelables » qui « sont devenues des solutions compétitives » avec des coûts « désormais inférieurs à ceux de nouvelles centrales thermiques et nucléaires » pour les grands parcs. « Elles ne conduisent pas, de manière générale, à une forte imperméabilisation et artificialisation des surfaces. » En réalité, comme le montre une enquête fouillée du média Reporterre, l’artificialisation des sols par le solaire est un choix politique. Elle s’explique en partie par les coûts moins élevés, mais découle d’une logique néolibérale, de la privatisation du secteur et de la réglementation française. Aux Pays-Bas, un quart des habitations individuelles sont déjà équipés de panneaux. En Australie, le solaire sur toiture fournit déjà jusqu’à 20% de la consommation électrique et équipe un tiers des logements (3.5 millions de ménages, contre 600.000 en France) alors que les installations n’en finissent pas de battre des records aux dépens du charbon et du solaire au sol.

En France, l’ADEME avait estimé que la seule mobilisation des « zones délaissées » et parkings permettrait d’installer jusqu’à 54 GW de puissance, soit la moitié des objectifs fixés pour 2050. À cela s’ajoutent les toitures et bâtiments des zones actives qui couvriraient largement les besoins. Il s’agit d’estimation optimistes, mais une note d’un collectif de chercheurs du CNRS et polytechniciens estime que la totalité des besoins prévus, y compris dans les scénarios les plus ambitieux, peut être couverte sans recourir à l’artificialisation des sols. Sans oublier les synergies qui commencent à se développer avec l’« agrivoltaïsme ». Si cette question fait débat en France et que le risque d’artificialisation ne doit pas être minimisé, ce n’est pas une fatalité, contrairement à ce que suggère Le monde sans fin qui insiste (page 30, 45 et 160) sur le fait que cette énergie se déploierait aux dépens des terres arables.

RTE note ainsi que « le développement des énergies renouvelables (…) peut s’intensifier sans exercer de pression excessive sur l’artificialisation des sols ». « À l’horizon 2050, les surfaces artificialisées dédiées au système électrique représenteront de l’ordre de 20 000 à 30 000 hectares contre plus d’un million pour le seul réseau routier français. Le flux d’artificialisation est plus important dans les scénarios [privilégiant les ENR], mais les surfaces en question sont faibles par rapport au flux correspondant à l’habitat, aux zones commerciales ou aux routes (1 à 3 %). »

Extrait du rapport RTE, MO désigne le scénario 100 % ENR en 2050

Passons aux éoliennes. Le scénario RTE 100 % renouvelable ne table que sur 25 à 35 000 mâts terrestres (contre 8 500 actuellement en France et 31 000 en Allemagne), un facteur 15 à 20 fois moindre que le calcul de coin de table de Jancovici. 

Pour avancer le chiffre terrifiant d’une éolienne tous les kilomètres, Jancovici part vraisemblablement de l’hypothèse que toute la consommation énergétique primaire de la France serait assurée par l’éolien terrestre. Un scénario absurde qu’aucun pays n’envisage. Si on faisait le même calcul pour le nucléaire, il faudrait multiplier par cinq le nombre de réacteurs actuels (et construire 200 réacteurs sur une cinquantaine de nouvelles centrales, en plus des 18 existantes). Ce qui poserait également la question de la gestion de l’espace. Mais personne, pas même Jancovici, ne propose d’opter pour une consommation énergétique 100 % nucléaire. 

Sa comparaison entre le pétrole et l’éolien est également curieuse. « Ce que Jancovici ne dit pas c’est qu’une surface 10 x 10 = 100 m2 ce n’est que quelques % de la surface utile d’une éolienne terrestre et moins de [0.3 %] pour une éolienne en mer qui a une surface utile de 38 000 m2 (pour des pales de 110 m de long) », souligne l’ingénieur Stephane His. Le cube de mistral évoqué par Jancovici mettrait moins d’une demi-seconde à traverser l’éolienne. Autrement dit, son calcul ne prouve pas grand-chose. 

L’impact de l’éolien sur les oiseaux et chauve souris est réel et pris au sérieux par les écologistes. Mais il demeure marginal comparé à celui des chats domestiques ou des pesticides. La LPO estimait que chaque éolienne tuait 7 oiseaux par an, soit dans le scénario RTE maximisant l’éolien, quelque 200 000 oiseaux par an. Un chiffre à comparer aux soixante-quinze millions d’oiseaux tués chaque année par les chats domestiques (toujours selon la LPO). Par ailleurs, une étude récente estime que l’agriculture intensive est de très loin la cause principale de la disparition des oiseaux en Europe.

La question de l’utilisation des matières premières doit également être mise en perspective. Globalement, l’adoption des ENR permet une baisse de l’extractivisme comparé aux énergies fossiles. Loin du rapport de 10 à 100 évoqué par Jancovici avec le nucléaire, il est plus proche d’un rapport de 1 à 3 selon l’AIE et 3 à 10 selon l’ADEME. Idem pour l’occupation de sols, où le facteur serait plus proche de 10 que de 1000. Sur le cuivre, RTE évoque un accroissement de la consommation française de 20 % d’ici 2050 pour le scénario 100 % renouvelable, comparé à 2018. La consommation de béton des ENR est peut-être dix fois plus importante que le nucléaire, mais ne représenterait que 5 % de la consommation de béton française dans un scénario 100 % renouvelable. Une grande partie de cette consommation est recyclée.

D’accord, mais quid de l’intermittence ? Comment s’assurer que les chirurgiens puissent opérer sept jours sur sept et que la bière de Christophe Bain reste fraîche toute l’année ?

RTE ne prévoit pas de construire de gigantesques barrages le long de nos côtes (du reste, l’Allemagne non plus).

S’il a abandonné son idée de moratoire sur les ENR, le polytechnicien continue d’arguer que l’argent public serait mieux employé à agir sur l’efficacité énergétique du pays en développant le ferroviaire, isolant les bâtiments et installant des pompes à chaleur.

Tout d’abord, il faut noter que le solaire et l’éolien se complètent plutôt bien, en particulier dans certaines zones géographiques comme le Texas. Il y a plus de vent la nuit et l’hiver, et moins de vent à midi et l’été, lorsque l’ensoleillement est à son zénith. La consommation module la demande, puisqu’elle baisse significativement entre minuit et six heures de matin. La dispersion des moyens de production sur tout le territoire réduit les périodes sans aucun vent ou avec très peu de soleil.

Les barrages hydrauliques existants et les centrales brûlant des déchets et de la biomasse permettent d’assurer un certain niveau de production de base, et l’éolien en mer bat des records de facteur de charge, à plus de 50 %, au point que le rapport de l’AIE sur l’éolien de 2019 parle de « semi-base » (variable baseload) « à la disponibilité comparable aux centrales à gaz efficientes ». Le principal problème reste qu’elles ne sont pas pilotables, mais il ne faut pas oublier que la disponibilité des énergies pilotables peut également être interrompue de manière inopinée (pannes, problème d’approvisionnement, grèves…).

RTE évoque également la possibilité de décaler dans le temps certains usages : lancement de procédés industriels quelques heures ou jours plus tard, déclenchement des chauffe-eau et recharge des batteries de voiture en heures creuses… cette flexibilité permettrait de réduire la demande de 10 à 15 %. Le reste serait assuré par 26 GW de capacité installée pour le stockage sur batteries (dont 2 GW via les batteries de voitures pouvant restituer une partie de leur charge au réseau). C’est loin d’être négligeable, mais cela représente des besoins en métaux 30 fois moins élevés que ce qui est nécessaire pour remplacer les voitures à essence française par des véhicules électriques. 

Estimation des besoins de stockage sur batterie en fonction des scénarios, en Gwh

Le progrès technique est significatif. Loin des chiffres évoqués par Jancovici en termes de taux de rendement énergétique (EROI ou TRE, un indicateur contesté par les scientifiques) le solaire se situe entre 16 et 20 et l’éolien au-dessus de 20 en France.

Surtout, son graphique présenté en pleine page 161 pour comparer le TRE de différentes sources d’énergie comporte de nombreux problèmes. Le TRE de 100 prêté au pétrole conventionnel concerne l’énergie primaire (c’est-à-dire l’énergie que l’on obtiendrait en brûlant un baril de pétrole divisé par l’énergie investie pour l’extraire d’un gisement type Arabie saoudite). Celle du solaire et de l’éolien correspond à l’électricité secondaire (en sortie de centrale). On compare donc des pommes et des oranges. Pour être transformé et consommé sous forme d’énergie finale, le pétrole doit être transporté, raffiné, stocké, distribué. Son TRE tombe alors autour de 6, soit un TRE moins élevé que celui des ENR.

Et c’est encore plus flagrant en termes de production électrique, où les énergies fossiles ont un TRE de 3 en moyenne, contre 10 à 20 pour les ENR. Rodolphe Meyer a produit une analyse très détaillée qui démontre que la présentation du Monde sans fin est fausse. Il conclut que le TRE des renouvelable est supérieur à celui des énergies fossiles, y comprit lorsqu’on prend en compte le stockage des ENR. Jean Marc Jancovici lui a répondu sur LinkedIn par ces mots : « Rodolphe MEYER comme discuté par mail (longuement) cet été, l’EROEI ne fait l’objet que d’une brève mention dans Le monde sans fin. Me mettre en “Une” pour vendre cette vidéo est un procédé que je trouve gentiment racoleur 🙂 »

Enfin, l’idée que les ENR ne permettent pas de réduire le C02 est contredite par les faits. En France, le gouvernement estime qu’elles ont permis d’éviter l’émission de 200 Mt CO2eq entre 2000 et 2019. Le Texas est un cas de figure encore plus emblématique.

Cet État, déconnecté du reste du réseau électrique américain, consomme le même niveau d’électricité que la France (435 Twh en 2021). Gouverné par une droite climato-négationiste, il accueille le cœur de l’industrie gazière et pétrolière mondiale. Son réseau électrique est privatisé et intégré à un vaste réseau de gaz de schiste particulièrement bon marché. Et pourtant, entre 2006 et 2022, la part du solaire et éolien est passée de 2 % à 31 % (6 à 132 Twh) pendant que la consommation totale est passée de 306 à 428 Twh.

La part du nucléaire a baissé en termes relatifs (et est restée constante en absolu). Le gaz est constant en relatif (environ 42 %), mais le charbon a chuté en relatif (de 37 à 17 %) et en absolu (40 Twh en moins). Désormais, le gouvernement républicain cherche à imposer des pénalités financières aux renouvelables pour empêcher que ce secteur mange les parts de marché du gaz. Enfin, on notera que, comme en Californie, les coupures de courant en situation extrême liée au dérèglement climatique (grand froid au Texas, méga-feux et canicule en Californie) ont été causées par une baisse de la production des centrales à gaz et à charbon, pas par un manque de disponibilité des renouvelables. 

Le décalage entre le discours anti-ENR de la bande dessinée Le monde sans fin et la réalité est stupéfiant. S’il a abandonné son idée de moratoire sur les ENR, le polytechnicien continue d’arguer que l’argent public serait mieux employé à agir sur l’efficacité énergétique du pays en développant le ferroviaire, isolant les bâtiments et installant des pompes à chaleur. L’argument peut s’entendre, mais pour le défendre, Jancovici évoque un chiffre de 150 milliards d’euros investis dans les ENR en France, sans résultat probant (page 174). Il provient (semble-t-il) d’une projection de la Cour de comptes, entre 2001 et 2046. En réalité, l’État et les collectivités n’ont investi que 43 milliards d’euros dans le solaire et l’éolien entre 2001 et 2021, des sommes qui devraient être entièrement recouvertes dès 2024 (du fait de la hausse du prix de l’énergie). En 2023, les ENR devraient rapporter 14 milliards d’euros à l’État.

Les critiques formulées par Jancovici ont néanmoins le mérite de nuancer un certain idéalisme ou prisme techno-solutionniste qui n’est pas rare lorsque l’on évoque les renouvelables, en particulier lorsqu’il est question de scénarios 100 % ENR sans baisse drastique de la consommation. 

RTE insiste sur les difficultés techniques et surcoûts induits par l’option 100 % renouvelable. En particulier, pour garantir l’approvisionnement sur un horizon de deux semaines (en cas de chute durable du vent et de l’ensoleillement), la construction de large capacité de centrales à gaz décarboné (hydrogène) deviendrait une nécessité. Le rapport privilégie les scénarios prolongeant les réacteurs nucléaires existants, tout en notant que cette option nécessite également de relever des défis techniques importants. 

Mais le discours anti-ENR du Monde sans fin, que l’on continue de trouver en filigrane des interventions médiatiques récentes de Jean-Marc Jancovici, apporte de l’eau au moulin de ses opposants. Or, pour RTE, leur déploiement massif est nécessaire, y compris dans les scénarios maximisant le rôle du nucléaire. 

À sa décharge, Jancovici semble évoluer sur ces questions. On ne peut pas en dire autant sur d’autres domaines : l’intrication entre questions économiques, sociales et énergétiques. Et plus généralement, son approche spectaculairement dépolitisante et parfois réactionnaire d’un sujet… politique.

Ces aspects seront traités dans une seconde partie.

Grands enjeux énergétiques français : l’intégration des énergies renouvelables

Malgré l’arrêt brutal de notre économie entraînant la réduction drastique de nos consommations énergétiques, impossible d’échapper au débat sur le nucléaire français. Bernard Accoyer, Jean-Pierre Chevènement et Arnaud Montebourg ont récemment fait irruption dans le débat public en signant un appel à la construction de nouveaux réacteurs alors même que les pouvoirs publics sont encore embourbés dans le cas de l’EPR de Flamanville en construction depuis 2007, et dont le coût ne cesse de grimper. Dans le même temps, le Réseau de Transport d’Électricité (RTE) et l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) publiaient leur étude sur la faisabilité d’un mix électrique français à forte part de renouvelables. Tentons donc dans cet article de cerner brièvement quelques grands enjeux liés à l’énergie en France, en particulier celui de l’intégration massive des énergies renouvelables (EnR) dans le réseau et les conditions permettant d’assurer la stabilité de celui-ci.

Le changement climatique est désormais une réalité. Il nous faut donc atteindre la neutralité carbone. La France s’y est engagée pour 2050 à travers la Stratégie Nationale Bas-Carbone [1], qui fixe la dynamique de transition et le rythme de décarbonation de l’économie. Rappelons-le, les principales sources d’émissions sont le transport (29%), le résidentiel/tertiaire (17%), l’agriculture (17%), l’industrie (11%) et la production d’énergie (10%) (voir Figure 1).

Ministère de la Transition Écologique, Rapport sur l'état de l'environnement, 2016
Ministère de la Transition Écologique, Rapport sur l’état de l’environnement, 2016

Les émissions dans ces secteurs sont principalement dues à la consommation d’énergies fossiles. En France, environ 65% de l’énergie consommée est d’origine fossile (pétrole, gaz, charbon) et donc fortement émettrice de gaz à effet de serre (voir Figure 2). L’enjeu de la Stratégie Nationale Bas-Carbone est donc de réduire cette dépendance aux énergies fossiles. Deux leviers doivent être principalement activés : d’une part la sobriété et l’efficacité en réduisant les consommations via les rénovations thermiques, la limitation du poids des véhicules, l’utilisation de technologies moins intensives en énergie, etc. D’autre part, il va falloir électrifier une partie conséquente de nos consommations afin que l’électricité se substitue aux carburants fossiles. Alors que la part de l’électricité dans la consommation finale d’énergie est d’environ 25%, elle pourrait passer à une part bien plus importante dans les années à venir pour atteindre jusqu’à 55% de l’énergie consommée en 2050 [2]. L’électrification comprend par exemple l’arrivée massive des véhicules électriques ou encore le remplacement des chauffages au fioul puis au gaz.

Part des différentes filières dans la consommation finale d’énergie. L’électricité (EnR + hors EnR) représente environ 25%), ADEME, septembre 2020
Part des différentes filières dans la consommation finale d’énergie. L’électricité (EnR + hors EnR) représente environ 25%), ADEME, septembre 2020

La production d’énergie électrique propre et décarbonée est donc un des enjeux-clés de la transition écologique. Rappelons qu’à l’heure actuelle, la France produit une des électricités les moins intensives en émissions de l’Union Européenne (le fameux « mix électrique »), et cela en grande partie grâce à son parc nucléaire qui produit une électricité pilotable [3]. Dans ce cas, si nous sommes déjà climato-compatibles, pourquoi vouloir changer et passer au 100% énergies renouvelables (EnR), comme le proposent plusieurs instituts et plusieurs stratégies de transition ? Deux raisons principales peuvent expliquer la nécessité de planifier l’évolution de la composition du système électrique français des années à venir.

D’une part, nous l’avons déjà souligné, l’électrification des usages va mécaniquement faire augmenter les besoins de production électrique (sous l’hypothèse que la demande supplémentaire dépassera les économies dues à la sobriété). D’autre part, une part importante du parc nucléaire français arrive en fin de vie et la gestion d’une partie des déchets nucléaires pose des difficultés. Plusieurs centrales entament entre 2019 et 2023 leur quatrième visite décennale [4]. Initialement, les centrales nucléaires sont conçues pour fonctionner 40 ans et fermer ensuite. La réalisation d’importants travaux (le fameux grand carénage dont le coût, estimé récemment à 49,4 Mds€ par EDF [4bis], est régulièrement mis en avant par les détracteurs du nucléaire) peut permettre de prolonger la durée de vie de certaines centrales au-delà de la date fatidique, ce qui a notamment été fait massivement aux États-Unis. Toutefois, que ce soit maintenant, dans 10 ans ou dans 20 ans, une part importante des réacteurs français devra un jour fermer et ne pourra plus fournir ses électrons au réseau électrique.

Face à ces deux contraintes, deux grands scénarios sont envisageables : 

– Un renouvellement massif du parc nucléaire, accompagné de l’ouverture de plusieurs nouveaux réacteurs de la dernière génération EPR. Cela signifierait donc une part importante de nucléaire dans le mix énergétique (50% par exemple).

– Une transition qui tend vers un système électrique 100% énergies renouvelables et de récupération.

La première option fera probablement l’objet d’un article plus détaillé sur sa faisabilité, ses enjeux techniques et son coût. L’option choisie actuellement par le politique est celle d’une intégration progressive des EnR dans le mix-électrique. Les gouvernements successifs n’ont pas encore choisi définitivement la stratégie à adopter concernant cette intégration, entre reconstruction partielle du parc nucléaire (EDF étudie la possibilité de construire un EPR à Penly, en Bretagne) ou bien fermeture progressive de toutes les centrales en amorçant une transition vers les énergies renouvelables plus soutenue. Actuellement, l’option choisie est donc celle d’une répartition des risques avec une diminution de la part du nucléaire visant 50% à l’horizon 2035 [5]. Notons toutefois un certain retard pris au niveau national vis-à-vis des objectifs de développement de capacités renouvelables [5bis]. Dans la suite de cet article, nous allons tenter d’éclairer les enjeux de l’intégration massive des énergies renouvelables. 

Les enjeux de l’intégration massive des énergies renouvelables dans le mix électrique français

Tout d’abord, il convient de rappeler quelles sont les contraintes qui pèsent sur le réseau électrique. Le système doit respecter la contrainte d’équilibre c’est-à-dire qu’à tout instant la production doit égaler la consommation. Cela signifie que la production doit être capable de répondre aux pics de consommation (les pics journaliers pendant les heures de forte consommation et les pics annuels pendant les grands froids d’hiver) et de diminuer pour les périodes de faible demande. Par ailleurs, l’équilibre se fait maintenant à l’échelle européenne avec 400 interconnexions entre pays de l’Union Européenne [6]. Pour assurer la stabilité du réseau européen, il faut que la fréquence du réseau (la vitesse à laquelle tournent les alternateurs) soit toujours proche de 50 Hz (contrainte en fréquence). Pour cela, une partie de la puissance des moyens de production est gardée en réserve pour ajuster à chaque instant la fréquence du réseau [7].

Afin d’assurer l’équilibre, on peut stocker l’énergie quand elle est en surplus pour pouvoir la réutiliser plus tard. On peut également lisser la consommation via différents mécanismes (tarifs heures creuses) ou bien limiter certaines dépenses énergétiques lorsque la production dépasse la demande.

Regardons maintenant en quoi l’intégration massive d’énergies renouvelables peut soulever certaines difficultés pour assurer l’équilibre offre/demande sur le marché de l’électricité. 

Le renforcement du réseau

Le passage à un mix électrique donnant une place importante aux énergies renouvelables pose tout d’abord des questions de renforcement du réseau. En effet, actuellement, la majorité de notre production électrique est concentrée autour de quelques gros sites de production (barrages et centrales thermiques nucléaires, gaz et charbon) puis distribuée aux consommateurs, ménages et industries. La production est donc centralisée et la consommation éparpillée. Le développement des EnR va créer une multitude de lieux de production, comme des panneaux solaires sur les toits des bâtiments, des éoliennes onshore et offshore. La production et la consommation seront donc éparpillées. Les besoins en renforcement du réseau de transport et de distribution vont donc fortement augmenter.

La gestion du réseau au jour le jour risque donc d’être plus difficile et de devoir faire appel à des outils informatiques bien plus performants que ceux qui existaient jusqu’ici, afin d’éviter les risques de congestion. En Allemagne par exemple, 80% des congestions sont dues à l’intégration des EnR. Par ailleurs, il se peut que la production ne se fasse pas là où les besoins de consommation sont importants. L’exemple de l’Allemagne est là encore assez marquant. La production d’éoliennes se fait ainsi au Nord de l’Allemagne, en Mer du Nord et en Mer Baltique, tandis que la consommation énergétique industrielle se fait plutôt dans le sud du pays (Bade-Wurtemberg, Bavière) [8].

Toutefois, de nombreuses études prospectives de gestion de ce réseau ont été menées et montrent qu’un réseau répondant aux exigences de distribution et de consommation est a priori réalisable. L’opérateur de transport RTE, entreprise publique monopolistique de fait assurant le transport de l’électricité en France, a ainsi développé son Schéma de développement décennal du réseau électrique qui répondrait à l’ensemble des enjeux pesant sur le réseau [9].

La gestion de l’intermittence

Le caractère intermittent de certaines énergies renouvelables est souvent mis en avant comme argument contre leur déploiement massif. En effet, que ce soit le photovoltaïque ou l’éolien, la puissance fournie à chaque instant va dépendre de la météo (temps couvert, vent). Par exemple les éoliennes sont à l’arrêt quand le vent ne souffle pas mais aussi quand il souffle trop fort (tempêtes) pour des raisons de sécurité.

La puissance des éoliennes est proportionnelle au cube de la vitesse du vent. Ainsi, de faibles variations de vent ont un impact important sur la puissance fournie, chose pouvant potentiellement affecter la stabilité du réseau si la part modale des éoliennes devait devenir très importante dans notre mix électrique. Par exemple, la production renouvelable allemande, principalement composée de PV et d’éolien peut être très variable, fournissant parfois jusqu’à 80% de l’électricité allemande et parfois seulement 15% [10]. Actuellement, lorsque la production renouvelable est basse, certains pays allument des centrales thermiques (charbon ou gaz) ou bien achètent de l’énergie à leurs voisins.

En France, si les capacités nucléaires sont déjà utilisées au maximum, ce qui arrive de plus en plus souvent en raison de pics de consommation, on allume certaines des 4 dernières centrales à charbon sur notre territoire. Ces dernières sont toutefois amenées à être fermées avant 2022 (engagement présidentiel). Cependant, dans un réseau 100% renouvelable, il ne sera plus possible de démarrer des centrales thermiques pilotables, ce qui explique la volonté pour certains de garder des réacteurs nucléaires pilotables dans le mix électrique. Dans un réseau où la part d’énergies renouvelables augmente et où la part de moyens de production pilotables (centrales thermiques par exemple) diminue, comment gérer l’intermittence ? 

Adapter la production ?

Tout d’abord, l’idéal serait que les moyens de production renouvelables ne soient pas intermittents au même instant. Pour donner une image simple, quand le vent s’arrête au large de la Bretagne, le soleil se mettrait à briller ailleurs en France, compensant donc l’intermittence. L’association de plusieurs moyens de production dans différents lieux permettrait alors d’assurer l’équilibre du réseau et de compenser les baisses de production de tel ou tel site. C’est l’hypothèse du foisonnement qui permettrait de contrebalancer l’intermittence des énergies renouvelables prises individuellement. Toutefois, cette hypothèse est souvent remise en question et n’est pas systématiquement observée dans les faits. 

Pour surmonter les limites du foisonnement, la principale réponse technique est celle du stockage. Actuellement, l’énergie est très peu stockée car son coût est assez élevé. Rappelons tout de même que certaines énergies renouvelables sont elles aussi rendues pilotables grâce à des systèmes de stockages à bas coût.

Un premier moyen de stocker de l’énergie est de développer des STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage), système consistant à faire remonter de l’eau par pompage dans des bassins d’accumulation lors des pics de production pour la relâcher lorsqu’on a besoin d’énergie [11].

L’énergie hydraulique devient alors pilotable dans la mesure où il suffit simplement d’ouvrir et de fermer les vannes. Toutefois, les perspectives de développement des STEP sont limitées en raison du haut niveau d’utilisation actuelle des possibilités offertes par le réseau hydraulique français. 

Les modélisations de systèmes 100% renouvelables misent par ailleurs sur un rôle-clé des biogaz et des processus de méthanisation, consistant à faire fermenter des déchets naturels puis à les brûler. Cela revient à avoir une centrale biogaz pilotable. On peut aussi émettre des hypothèses sur le développement de l’hydrogène comme vecteur d’énergie qui pourrait être stocké. L’hydrogène utilisée comme moyen de stockage est toutefois encore en cours de développement et le coût de production d’hydrogène par des processus verts est encore peu compétitif à l’heure actuelle. 

Il existe donc de nombreux moyens de stocker l’énergie, et d’autres encore que nous n’avons pas développés ici (stockage thermique, stockage sur batteries, etc). Toutefois, à l’heure actuelle, les technologies de stockage ne semblent pas encore être assez mûres pour répondre aux besoins de flexibilité du réseau. 

Tarir la demande excessive ?

L’enjeu principal serait alors de lisser les pics pour adapter au maximum la consommation à la production (aussi appelé effacement de la consommation ou lissage de la courbe de charge). Comme nous l’avons déjà évoqué, il existe par exemple des tarifs heures creuses incitant notamment les consommateurs d’énergie (notamment les industriels) à déplacer leurs pics de consommation sur les horaires de moindre consommation nationale.

Toutefois, ce mécanisme sera loin d’être suffisant en cas d’électrification massive des consommations. En particulier, le développement de la voiture électrique pourrait mener à une situation où tout le monde charge sa voiture le soir, en rentrant du travail. Certaines technologies comme le Vehicle To Grid (V2G) proposent justement de se servir des batteries de voitures comme d’un stock d’électricité dans lequel puiser en cas de pic de consommation. La recharge devenant bidirectionnelle, lorsque le véhicule est branché, la batterie se recharge normalement, sauf en cas de production électrique inférieure à la demande. Dans ce cas, le réseau puisera sur la batterie du véhicule pour pallier le manque d’approvisionnement.

L’amélioration du pilotage nécessite d’augmenter fortement la connaissance sur les profils de consommation d’électricité générant un nombre considérable de données. L’idéal (technique) serait ensuite de piloter à distance certaines consommations. Pour ne prendre que l’exemple simple des vehicle to grid, telle voiture serait alors rechargée entre 9h et minuit, telle autre entre minuit et 3 heures et ainsi de suite. La fin de vie des batteries des véhicules peut également être utilisée pour le stockage d’électricité. En effet, lorsque la batterie a perdu de son efficacité, elle devient inutilisable pour un usage de mobilité (autonomie devenue trop faible notamment). Elle peut cependant être reconditionnée et servir de stockage d’électricité pour un bâtiment par exemple. 

D’autres mesures de pilotage de la consommation d’électricité permettent également de tarir les pics. En effet, nos appareils électriques en veille captent la production de 2 à 3 réacteurs nucléaires, il suffirait donc de débrancher quelques-uns de nos appareils pour faire face aux pics de consommation. Cela semble trop simple, mais c’est à peu près ce en quoi consiste la technique de l’effacement diffus.

En installant des boitiers connectés dans les espaces consommateurs d’électricité (logements, magasins, lieux publics, etc), il serait possible en cas de pic de consommation, de cesser d’alimenter certains appareils de manière précise et pour une courte durée, de façon à ce que ce soit imperceptible.

Par exemple, si le chauffage d’un appartement cesse de fonctionner quelques minutes, cela n’est pas suffisant pour impacter la température ambiante ressentie dans le logement. Bien que la diffusion de boitiers connectés dans les logements puisse être entravée par crainte de voir les données personnelles collectées, elle pourrait être systématisée dans la plupart des commerces. Rappelons également que le cycle d’intermittence des panneaux photovoltaïques (qui ne produisent pas d’électricité la nuit) est le même que le cycle d’intermittence des besoins d’électricité de la plupart des magasins (qui n’ont pas besoin d’être éclairés la nuit). 

Le coût du renouvelable

Premier fait majeur de l’histoire des énergies renouvelables, leur coût baisse de manière remarquablement constante au cours des dernières années (voir figure 3). Cette baisse s’explique d’une part par des améliorations technologiques et par des effets d’apprentissage. Ces technologies, en particulier l’éolien et le solaire, sont arrivées à un stade de maturité qui leur permet d’atteindre des coûts très intéressants et cela les rend compétitifs face aux énergies fossiles traditionnelles. Notons toutefois que cette compétitivité n’aurait pas été atteinte sans les investissements publics massifs du début du siècle et les soutiens avec des prix de rachat garantis. Ces derniers ont ainsi permis d’avoir des retours d’expérience et d’accélérer l’arrivée à maturité des technologies et leur développement industriel. 

Figure 3, Évolution des prix de l’éolien terrestre (gauche) et du photovoltaïque (droite), M. Liebreich

Par ailleurs, des coûts supplémentaires sont nécessaires pour effectuer le raccordement aux réseaux et gérer les risques de congestion. Ces coûts ne sont pas continus avec des différences importantes selon les technologies et les lieux. Une étude DENA estime pour l’Allemagne ces coûts à 100€/kW [12] en ce qui concerne les raccordements réalisés jusqu’alors. À l’échelle européenne, les coûts de raccordement sont estimés à environ 100 milliards d’euros pour les projets européens sur les dix prochaines années.

Une chose est certaine : aucune énergie renouvelable n’est capable, seule, d’assurer l’équilibre du réseau à tout instant. Seule une combinaison astucieuse de différents moyens de production et de technologies de stockage peut atteindre cet objectif. 

Les principales contraintes qui pèsent sur l’intégration des énergies renouvelable ainsi que certaines solutions ont donc été présentées. Tentons maintenant de mettre toutes ces contraintes bout à bout en y intégrant des paramètres économiques et d’observer les résultats. C’est à cette tâche de synthèse que s’attellent des modèles technico-économiques proposés par différentes études. Parmi ces études, citons les premiers travaux de l’ADEME (Mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations, 2016) [13], les travaux de Jean-Marc Jancovici (100% renouvelable pour pas plus cher, fastoche?, 2017) [14], le scénario de l’association Négawatt (2017) [15] la dernière étude du CIRED [16] ou bien le tout récent rapport conjoint de RTE et de l’Agence Internationale de l’Energie concernant les conditions d’un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050 [17].

Les apports de la modélisation technico-économique

Toutes ces études tentent d’assurer l’équilibre offre/demande du réseau à chaque pas de temps (1h en général) et regardent quelles hypothèses permettent d’assurer cet équilibre. Les différences se situent généralement dans le choix des hypothèses technologiques et de leur évolution (coût de production, facteur de charge, disponibilité des gisements de vent). Pour le cas français, un des points critiques est celui de l’évaluation du coût de l’électricité nucléaire, qui fait l’objet de nombreuses expertises et contre-expertises [18].

Il existe actuellement un consensus scientifique sur la possibilité d’intégrer une part très importante d’énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2050. Toutefois, cela implique un développement important des sources de flexibilité, telles que le pilotage de la demande, le stockage à grande échelle, l’utilisation de centrales de pointe ou encore celle des réseaux de transports frontaliers. Techniquement le 100% EnR semble donc réalisable.

L’incertitude porte plutôt sur l’évaluation des coûts et la comparaison entre différents choix de mix. L’évaluation des coûts sur plusieurs décennies est un exercice périlleux car elle dépend par exemple de l’évolution du prix des technologies, ou encore de celle des matières premières. Cette évaluation dépend aussi des coûts liés au nucléaire, à la gestion de la fin de vie des centrales. Certaines études, à l’image de celle du CIRED affirment que le développement d’un système 100% EnR peut se faire sans surcoût additionnel.

Un bon article de synthèse, écrit par Emmanuel Pont, compare le modèle de Jean-Marc Jancovici et celui du CIRED et apporte des éclairages plus précis sur les choix des hypothèses et les limites de chaque étude [19].

Impact des énergies renouvelables sur la biodiversité, les sols et les paysages

Les énergies renouvelables, au même titre que n’importe quelle activité humaine, ne sont pas neutres vis-à-vis de l’environnement. Celles-ci peuvent avoir des effets sur la biodiversité, les sols ou encore les paysages. Par exemple, certaines installations renouvelables peuvent entraîner la dégradation ou l’altération de milieux naturels ou la modification de certains paramètres environnementaux. Les impacts physiques ou chimiques sur les sols existent aussi, notamment lors des phases d’extraction. Le développement de certaines énergies renouvelables peut contribuer à l’artificialisation des sols. La présence d’énergies renouvelables (PV, éolien, barrages) entraîne des modifications du paysage, pousse à repenser l’aménagement de certains territoires et occasionne des problèmes d’acceptabilité par les citoyens. Une étude récente de l’ADEME [20], publiée en aout 2020 a recensé les études tentant d’évaluer ces impacts en termes de biodiversité, de dégradation des sols ou encore des paysages. 

Les impacts sur la biodiversité sont les plus documentés. Les éoliennes par exemple peuvent entraîner des blessures et augmenter la mortalité de certains oiseaux. Le bruit peut perturber la faune locale. La phase d’installation peut elle aussi être nocive pour l’écosystème local. Par ailleurs, les développeurs sont tenus d’être très attentif au cours de la phase d’excavation, susceptible d’affecter l’environnement alentour et la biodiversité. Toutefois, les études concluent globalement à des impacts faibles. Les impacts sur les paysages ont eux aussi été bien analysés. Ils soulèvent les questions d’acceptabilité et poussent à revoir certaines politiques d’aménagement local. En ce qui concerne l’impact sur les sols, le constat est plus mitigé. L’artificialisation des sols est souvent qualifiée de négligeable notamment en ce qui concerne l’éolien terrestre. Il est nul pour le photovoltaïque sur bâti. La grande interrogation porte sur les impacts des phases d’extraction des matériaux. Le rapport de l’ADEME souligne que cet impact est très peu étudié.

Tout de même, l’électrification croissante de nos sociétés (voitures électriques, périphériques connectés, etc.) va entraîner, afin de réduire notre utilisation d’énergies fossiles, une augmentation de la consommation de certains métaux, à l’image de l’aluminium, du nickel ou du cuivre. Leur extraction massive va probablement entraîner des impacts environnementaux non négligeables, en particulier si l’extraction a lieu dans des pays peu regardants à propos des normes environnementales.

Un enjeu au moins autant politique que technique

Pour conclure, la trajectoire française d’évolution du mix électrique verra augmenter la part des énergies renouvelables. Leur intégration soulève des interrogations en termes de stabilité du réseau et de coûts. Plusieurs études montrent que la transition vers un système 100% renouvelable semble techniquement réalisable mais celles-ci s’appuient sur de nombreuses hypothèses d’évolution des technologies et de comportements qui peuvent parfois être remises en cause. Par ailleurs, la visibilité sur les enjeux en matière de ressources est encore très limitée. De nombreux points mériteraient des approfondissements, que ce soient les avantages et faiblesses de chaque technologie ou leur mise en commun au sein du réseau français. 

Après avoir eu un aperçu global des enjeux de l’avenir de notre système électrique et de l’intégration des énergies renouvelables, rappelons que ce système hautement technique qu’est le réseau électrique s’inscrit au cœur d’une société et de politiques humaines. Les choix d’évolution du système énergétique français ne sont jamais politiquement neutres. Par exemple, le positionnement sur la question nucléaire est crucial dans le paysage politique français. Le choix du mode de gestion économique de production et de distribution l’est lui aussi à l’heure où le projet Hercule de démantèlement d’EDF est au cœur de l’actualité. De même, les interactions entre politique industrielle nationale, taxe carbone aux frontières et développement de l’énergie sont un enjeu majeur des années à venir. La question énergétique reste avant tout une question politique mêlant sécurité d’approvisionnement, prix abordables et politique industrielle. Nous reviendrons sur les principaux enjeux politiques de l’évolution du système électrique français dans un prochain article. 

Bibliographie

[1] [2] https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

[3] ADEME ; Bilan Gaz à Effets de Serre, Mix électrique France continentale, https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?moyenne_par_pays.htm

[4] ASN (Agence de Sureté Nucléaire), Réexamens périodiques et poursuite de fonctionnement d’une installation nucléaire en France

[4 bis] EDF, Communiqué du 29 octobre 2020, https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/journalistes/tous-les-communiques-de-presse/edf-reajuste-le-cout-du-programme-grand-carenage

[5] Programmation Pluriannuelle de l’Energie, Ministère de la transition Ecologique

[5bis] Commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable, novembre 2020, http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/Developpement_durable/Essentiel_Transition_energetique.pdf

[6] RTE (Réseau de Transport d’électricité), https://www.rte-france.com/acteur-majeur-europe-electricite/les-interconnexions-service-europe-electricite-solidaire

[7] Connaissance de l’énergie, fiche sur le réglage de la fréquence https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/reglage_de_la_frequence.pdf

[8] FOCKEN et al., Short-term prediction of the aggregated power output of wind farms—a statistical analysis of the reduction of the prediction error by spatial smoothing effects, Journal of Wind Engineering and Industrial Aerodynamics, Volume 90, Issue 3, March 2002, Pages 231-246

[9] RTE, Schéma de développement décennal du réseau, https://assets.rte-france.com/prod/public/2020-07/Sch%C3%A9ma%20d%C3%A9cennal%20de%20d%C3%A9veloppement%20de%20r%C3%A9seau%202019%20-%20Synth%C3%A8se.pdf

[10] Fraunhofer Institut, https://energy-charts.info/charts/power/chart.htm?l=fr&c=DE

[11] Connaissance des énergies, fiche sur les STEP, https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/hydroelectricite-stations-de-transfert-d-energie-par-pompage-step

[12] DENA, Agence allemande de l’énergie

[13] ADEME, Mix électrique 100% renouvelable ? Analyses et optimisations

[14] https://jancovici.com/transition-energetique/renouvelables/100-renouvelable-pour-pas-plus-cher-fastoche/

[15] Negawatt, https://negawatt.org/IMG/pdf/synthese_scenario-negawatt_2017-2050.pdf

[16] CIRED, How Sensitive are Optimal Fully Renewable Power Systems to Technology Cost Uncertainty? Behrang ShirizadehQuentin PerrierPhilippe Quirion

[17] RTE/AIE : étude sur les conditions d’un système électrique à forte part d’énergies renouvelables en France à l’horizon 2050, janvier 2021, https://www.rte-france.com/actualites/rte-aie-publient-etude-forte-part-energies-renouvelables-horizon-2050

[18] Cour des Comptes, Les coûts de la filière électronucléaire (2012), la filière EPR (2020)

[19] Emmanuel Pont, https://medium.com/enquetes-ecosophiques/jancovici-100-renouvelable-1a820334496e[20] ADEME, état de l’art des impacts des énergies renouvelables sur la biodiversité, les sols et les paysages, et des moyens d’évaluation de ces impacts, août 2020