Le pari manqué de Más País

Íñigo Errejón pendant le meeting de Más País à Valence. ©Bruno Thevenin

Dans un contexte de tension maximale sur la question catalane, les élections espagnoles du 10 novembre sont venues confirmer la fragmentation du champ politique en Espagne. Avec 52 sièges dont 28 de plus gagnés à ces élections, l’extrême droite fait une nouvelle percée et est désormais la troisième force du Congrès. Parmi les acteurs perdants, Ciudadanos, l’équivalent de la République en Marche, a subi un revers cinglant et perd 47 députés. Mais il y a aussi Más País et Íñigo Errejón, qui rate sa tentative de recomposition politique et de perturbation du scénario initial de ces élections en obtenant seulement 3 députés. Ce revers est amplifié par la formation probable d’un gouvernement de coalition entre le PSOE et Podemos. Analyse.


À la fin du mois d’août et au début du mois de septembre, le contexte politique était porteur pour Más País et Íñigo Errejón. Après les élections du mois d’avril, le PSOE et Podemos s’étaient avérés incapables de trouver un accord pour former un gouvernement. Pedro Sanchez était alors persuadé qu’en cas de nouvelles élections le PSOE sortirait renforcé, et qu’il fallait donc mener les discussions avec Pablo Iglesias d’une main de fer. De son côté, le leader de Podemos a cherché à pousser son avantage au seul moment où un accord était à portée de main, soit au mois de juillet, et a donc tout fait capoter. L’incapacité des deux dirigeants à offrir un gouvernement aux Espagnols après trois élections en quatre ans pavait la voie pour qu’un outsider émerge à gauche et vienne bousculer le panorama politique en renouant avec la transversalité. De fait, lorsqu’Íñigo Errejón se lance fin septembre, sa candidature rencontre un écho important et bénéficie d’intentions de vote qui frôlent les 8% bien qu’il ne se présente que dans un tiers des circonscriptions, ce qui présageait un très bon score dans celles-ci. Plusieurs éléments conjoncturels sont venus refermer la fenêtre d’opportunité pour l’ex-stratège de Podemos, auxquelles se sont ajoutées des difficultés organisationnelles et budgétaires. Le bon départ de la campagne a notamment été arrêté net par la défection de la médiatique numéro 2 d’Errejón, Clara Serra, opposée au fait de présenter des listes en Catalogne.

Les circonscriptions dans lesquelles Más País s’est présenté.

L’impréparation de Más País, sa faiblesse organisationnelle et son impasse stratégique

Je peux d’autant mieux revenir en détail sur cette impréparation que je l’ai vécue de l’intérieur lors des trois semaines que j’ai passé en Espagne pour les élections. La campagne de Más País a été réalisée avec des moyens dérisoires. Tout d’abord, son budget était très faible, de l’ordre de 300 000 euros, alors que les formations nationales dépensent en moyenne 5 millions d’euros dans ce type de campagne. Pour donner un ordre de grandeur, Podemos a dépensé 1,2 millions d’euros en publicité sur Facebook, soit quatre fois le budget global de la campagne de Más País. Ensuite, le dispositif était complètement sous-dimensionné : l’organisation ne disposait que d’une trentaine de cadres auxquels s’ajoutait un ancrage militant particulièrement faible et désorganisé. Enfin, la stratégie préparée n’était pas assez étoffée et n’aura pas résisté à la saturation du débat politique par le conflit catalan. En effet, deux lignes discursives dominaient la rhétorique de Más País. En premier lieu et en majeur, le discours du déblocage politique alors que les partis ont été incapables de se mettre d’accord pour former un gouvernement et conduisent donc le pays à une quatrième élection en quatre ans. En deuxième lieu et en mineur, le « pacte vert » pour faire entrer l’Espagne dans une transition écologique à la hauteur des défis qui attendent le pays d’Europe le plus exposé au changement climatique. Ces deux lignes discursives ont été développées au début de la campagne à partir d’une rhétorique consensualiste, sans dimension conflictuelle. Paradoxe absolu, le théoricien le plus abouti du populisme démocratique cherchait à incarner une ligne politique aseptisée et sans dimension destituante. Celle-ci était synthétisée par le slogan de campagne : « Desbloquear, avanzar, Más País » (i.e. littéralement « débloquer, avancer, plus de pays »)

Sur quelle hypothèse ce discours reposait-il ? Pour utiliser des termes laclauiens, l’hypothèse d’Íñigo Errejón était que le moment populiste était passé en Espagne, que le chômage s’était partiellement résorbé, que les institutions avaient retrouvé une partie de leur capacité à neutraliser les demandes frustrées parmi la population espagnole. L’Espagne serait entrée dans un « moment institutionnel », où la logique différentielle du politique, soit la gestion différentiée des demandes sociales qui s’expriment dans la société, primerait sur la logique de l’équivalence du politique, soit la dimension antagoniste du politique face au système en place. Dans ce type de contexte, dans les temps froids, il est en effet théoriquement plus pertinent de mobiliser une rhétorique institutionnelle et consensuelle que de construire une nouvelle identité politique à partir d’une logique populiste.

Ce raisonnement, aussi abouti et cohérent qu’il puisse être, faisait l’impasse sur un aspect central de la candidature d’Íñigo Errejón : sa position d’outsider. La rhétorique institutionnelle ne peut être mobilisée que par des acteurs déjà en place et à des niveaux dans les sondages qui leur permettent de capter la demande de stabilité et de retour à la normale. C’est d’autant plus le cas que tous les acteurs politiques fustigeaient le blocage du pays et prétendaient être le meilleur levier pour débloquer la situation. En tant qu’outsider, il est rigoureusement impossible d’émerger dans le panorama politique sans adopter une rhétorique de destitution du système en place.

Íñigo Errejón avait conscience de ce problème et un débat stratégique a eu lieu au sein de Más País. Débat auquel j’ai participé et qui visait à introduire de la conflictualité au sein des deux lignes discursives de la campagne. D’abord en ciblant avec plus de vigueur l’incapacité des partis à se mettre d’accord. Ensuite en accusant les élites politiques de ne pas avoir pris le train de la transition écologique et d’emmener le pays à sa perte. À ces deux lignes devait s’ajouter une dimension plus propulsive et positive à l’image de ce spot vidéo : redonner aux Espagnols la fierté d’appartenir à un pays à l’avant-garde de la transition écologique en Europe et fournir des emplois plus qualitatifs aux jeunes partis étudier et travailler à l’étranger. Face à l’impasse des premières semaines d’octobre et à l’explosion du conflit catalan, la ligne stratégique a été amendée dans ce sens, mais probablement trop tardivement, alors que la campagne était déjà devenue invisible.

Un dispositif réseaux sociaux obsolète et sans créativité

Le second problème de grande ampleur de la campagne de Más País a été la maigre qualité du dispositif mis en place pour la mobilisation en ligne. Cela s’explique à la fois par la faiblesse du budget pour lancer de grandes opérations de communication, mais aussi par la vieillesse du logiciel de l’équipe de communication sur les réseaux sociaux. En effet, Más País a mené une campagne en ligne sur le modèle de ce qui se faisait en 2015, au moment du lancement de Podemos. La chaîne YouTube d’Íñigo Errejón est en jachère, sa page Facebook n’a pas de ligne narrative et pêche en matière de désintermédiation, et son compte Twitter manque de spontanéité, en comparaison avec les nouvelles expériences émergentes dans le monde : Alexandria Ocasio-Cortez, Bernie Sanders, etc.

À l’inverse, Más País disposait d’une petite équipe de trois personnes très efficaces pour les relations presse et les passages TV. Sur ce plan, les choses ont été bien faites. Cependant, le déséquilibre entre le dispositif presse et le dispositif réseaux sociaux a rendu Íñigo Errejón captif de sa couverture presse, sans autres canaux de visibilité. Non seulement cela a coupé le candidat d’une partie de la population qui n’est pas touchée par la presse nationale, mais une fois que cette dernière s’est focalisée sur la crise catalane et sur les grands partis, l’exposition médiatique de la campagne d’Íñigo Errejón a été fortement réduite.

Comment la crise catalane a tué la candidature de Más Pais et propulsé l’extrême droite à 15%

Alors que la campagne était centrée sur l’incapacité des partis à se mettre d’accord pour former un gouvernement, un événement est venu chambouler l’élection et saturer le débat politique le 15 octobre : la condamnation des leaders catalans ayant participé à la tentative de sécession de 2017 à des peines de prison allant de 9 à 13 ans pour sédition et malversation. Ce jugement a immédiatement provoqué une réaction massive en Catalogne. Des centaines de milliers de manifestants se sont mobilisés, bloquant les routes. L’organisation secrète Tsunami Democratic a déclenché le blocage d’un aéroport. Les Comités de défense de la République ont envahi les rues de Barcelone et de nombreux affrontements ont eu lieu. Des scènes de violences, de barricades en feu et de voitures brulées ont scandé la campagne électorale pendant deux semaines, saturant complètement le débat politique sans qu’il soit possible d’aborder d’autres thématiques.

À titre de comparaison, l’effet de saturation provoqué par la réactivation de la crise catalane est du même ordre de grandeur que celui qu’avait eu l’attentat du Bataclan en France. Si les deux phénomènes sont de natures complètement différentes, ils ont la même fonction dans leur champ politique respectif : ils réactivent la logique de l’ennemi intérieur, autrefois incarné par l’ETA en Espagne. Les droites en font leur miel et hystérisent le débat, allant toujours plus loin dans le discours répressif. Le parti d’extrême droite, Vox, a par exemple proposé d’interdire tous les partis régionalistes et indépendantistes d’Espagne, ou de supprimer le régime des autonomies. Cette logique de l’affrontement et de polarisation croissante entre les forces indépendantistes catalanes et le reste de l’Espagne est alimentée des deux côtés par les partis qui ont intérêt à tendre la situation pour tirer les marrons du feu. Lors du débat électoral en présence des cinq grandes forces représentées au Parlement, il ne se passait pas deux minutes sans que la Catalogne soit évoquée, y compris lorsque le thème de la discussion était la politique économique et l’emploi.

Le chef de l’extrême droite espagnole, Santiago Abascal. ©Vox España

Ce contexte hystérique a eu deux effets : en premier lieu de réinjecter de la polarisation dans le champ politique et d’effacer les forces au discours consensuel, et en second lieu de radicaliser la demande d’ordre dans le pays. De fait, la ligne stratégique et le slogan de campagne élaborés à la fin de l’été étaient devenus obsolètes. Étant donné le profil philo-indépendantiste de la tête de liste de Más País en Catalogne, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une polémique et écorné l’image du parti, il était d’autant plus difficile d’être audibles sur le sujet sans être accusé de complaisance envers les manifestants violents.

De façon générale, si le mouvement des Indignés a bousculé la politique espagnole en 2011 et ouvert un cycle jusqu’en 2016, ce dernier a été clôturé par l’explosion de la crise catalane à partir de 2017. En réactivant la peur espagnole de la désagrégation du pays sur le modèle yougoslave, le conflit catalan a modifié le terrain politique de façon décisive en favorisant un retour au parti de l’ordre dans les régions centrales de l’Espagne. La difficulté d’Unidas Podemos et de Más País à se positionner sur le sujet a provoqué une désaffection de l’électorat espagnol qui est très anti-indépendantiste, y compris l’électorat de gauche, à l’égard de ces forces.

Et maintenant ?

L’obtention d’un groupe parlementaire pour Íñigo Errejón était un objectif décisif. Non seulement celui-ci aurait permis d’obtenir du temps de parole, mais les forces politiques qui en bénéficient disposent de personnel et d’une subvention annuelle de 3 millions d’euros. Ces ressources étaient stratégiques pour sortir de la situation de précarité extrême dans laquelle le parti se trouve, mais aussi afin de renouer avec de grandes ambitions nationales. En ne réussissant pas à obtenir les 5% requis au niveau national pour avoir un groupe autonome, Íñigo Errejón est condamné à faire partie d’un groupe mixte.

La résistance d’Unidas Podemos, qui perd 7 sièges et recule légèrement à 13%, et celle du PSOE, qui perd 3 sièges et stagne à 28%, montrent qu’il n’y a pour le moment pas d’espace pour un outsider issu de l’espace progressiste, du moins pas avec des moyens aussi dérisoires et dans un contexte aussi adverse. La formation probable d’une coalition entre ces deux forces rend inutile la présence de Más País comme levier de déblocage et va peut-être offrir une courte période de stabilité à l’Espagne, jusqu’à la prochaine crise politique dont les fondamentaux n’ont pas disparu puisque ces deux forces vont devoir obtenir le soutien ou l’abstention des indépendantistes catalans d’ERC.

À l’inverse, un espace important existe dans le champ culturel et intellectuel. C’est peut-être en réinvestissant ces espaces et en prenant du temps pour refonder un projet que réside la clé du succès pour l’ex-stratège de Podemos. Après avoir réalisé quatorze campagnes électorales en quatre ans, l’épuisement physique comme stratégique finissent par avoir raison de la capacité d’innovation des plus brillants stratèges. Un cycle se ferme en Espagne. Un nouveau ne s’ouvrira qu’à la condition de fournir une solution pérenne à la crise catalane, qu’elle prenne la forme d’un référendum légal sur l’indépendance ou d’un nouveau statut pour la Catalogne. Malgré ce retour partiel à l’ordre, symbolisé en particulier par le suicide accéléré des libéraux de Ciudadanos, notre voisin outre-Pyrénées reste profondément instable, à l’image de nombreux pays européens. Hormis la France, dont le système politique reste relativement résilient et déplace l’instabilité dans le champ extra-institutionnel, tout se passe comme si les gouvernements minoritaires étaient en train de devenir la règle en Europe.

Le programme social-démocrate de Podemos

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Pedro Sánchez et Pablo Iglesias à la Moncloa © Borja Puig de la Bellacasa

L’Espagne se dirige vers de nouvelles élections législatives le 10 novembre prochain. Ce seront les quatrièmes en quatre ans. Une telle instabilité est le pendant institutionnel d’un paysage politique toujours plus fragmenté : décomposition du paysage politique et instabilité des institutions vont ainsi de pair pour le moment. Dernier parti politique à se lancer sur la scène nationale, celui fondé par Iñigo Errejón contribue à cette tendance. Il vise à concurrencer à la fois Podemos, le PSOE et, peut-être, la frange la moins radicalisée de Ciudadanos. Analyse en collaboration avec Hémisphère gauche.


La décomposition à l’œuvre s’accompagne de transformations dans l’identité programmatique – et donc dans l’orientation stratégique – de certains partis. Le cas de Podemos nous semble, à ce titre, emblématique et d’un intérêt particulier pour celles et ceux qui s’intéressent à la refondation de la social-démocratie en Europe. Celle-ci serait-elle le stade actuel du populisme dit « de gauche » ?

Fondé au début de l’année 2014, issu du mouvement citoyen des « Indignés », Podemos correspond pour de nombreux observateurs de la vie politique européenne à l’archétype du « parti-mouvement » populiste[1]. Podemos serait un pur produit de l’étrange époque que nous traversons, dont la phrase d’Antonio Gramsci usée jusqu’à la corde[2] résumerait les craintes qu’elle inspire : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Podemos, un monstre ? Les évidences sont là pour celles et ceux qui le croient : sa proximité, parfois largement fantasmée, avec le régime d’Hugo Chávez et avec l’Iran ; ses manières plébéiennes ; sa critique virulente de la Transition espagnole (1975-1981) et de l’Union européenne ; son rejet du libéralisme économique ; ses velléités hégémoniques… Podemos incarnerait ainsi, à lui tout seul[3], le « moment populiste » en Espagne.

Cette étiquette, le populisme, Podemos ne l’a d’ailleurs jamais reniée. Il est né dans un contexte de crises multiples : crise économique et de la dette publique ; crise institutionnelle et politique ; crise culturelle, le récit fédérateur de la Transition[4] affichant de sérieux symptômes d’essoufflement. Il a été biberonné aux expériences de la gauche latino-américaine contemporaine et aux lectures d’Ernesto Laclau et de Chantal Mouffe. Il s’est développé en usant magistralement de la visibilité médiatique de son secrétaire général à queue de cheval[5], Pablo Iglesias, habitué des plateaux de télévision où il débattait avec de truculents contradicteurs (journalistes ultra-conservateurs pour la plupart) avant de fonder Podemos et de devenir eurodéputé au printemps 2014. Tout était donc là pour la recette populiste, sauce « Laclau-Mouffe » : un moment de crise ; un leader charismatique à l’allure reconnaissable et au style plébéien ; une tentative d’agréger des demandes sociales contradictoires autour d’un récit et d’un imaginaire politiques communs « ni de droite ni de gauche » ; la volonté de repartir de zéro en proposant un « moment constituant » à l’aune du « moment destituant » (le fameux « dégagisme » dont Jean-Luc Mélenchon voulut se faire le porte-parole en 2017).

Or l’évolution de Podemos, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, nous permet-elle de le considérer encore aujourd’hui comme un « mouvement populiste » ? Podemos porte-t-il, en fin de compte, un projet politique intrinsèquement novateur, défiant le clivage gauche-droite ? Est-il, dans ce sens, « ni de gauche ni de droite » ? Est-il encore porteur d’une stratégie de rupture et d’un programme « anti-establishment » ?

Il convient, avant de répondre à ces questions, de faire le point sur la dynamique électorale de Podemos et sur ses rapports avec le pouvoir.

Dès les élections européennes de 2014, Podemos s’est positionné comme l’une des quatre formations politiques principales à l’échelle nationale en recueillant plus de 1 200 000 voix et en envoyant cinq élus au Parlement de Strasbourg. Un an après, lors des élections législatives du 20 décembre 2015, sa coalition a obtenu près de 5 000 000 de voix et 69 députés au Congrès. Lorsque le Parlement, incapable de dégager une majorité, a du être renouvelé le 26 juin 2016, elle a légèrement reculé en perdant environ 100 000 voix mais est parvenue à obtenir 71 sièges et à dépasser Ciudadanos. Podemos et ses alliés étaient devenus le troisième groupe parlementaire et le sorpasso[6] du PSOE devenait une possibilité, explicitement désirée par Pablo Iglesias. Finalement, les dernières élections du 28 avril 2019 ont confirmé la place de la coalition menée par Podemos parmi les quatre premières formations politiques nationales, derrière Ciudadanos mais devant Vox. Les résultats furent néanmoins très décevants : la coalition a perdu près de 2 000 000 de voix par rapport à 2016 et 29 députés.

La dynamique électorale du parti de Pablo Iglesias est donc clairement déclinante. Cela peut s’expliquer par une multitude de facteurs : les difficultés de communication du secrétaire général, notamment autour de l’achat par lui et sa compagne d’une maison cossue dans le nord de Madrid ; son taux de popularité particulièrement bas chez les sympathisants des autres formations politiques, qui réduit considérablement la capacité de Podemos à élargir sa base électorale ; les luttes fratricides entre Iglesias et son ancien ami Iñigo Errejón (soldées par la défection de ce dernier et le ras-le-bol des militants) ; l’ambigüité de Podemos vis-à-vis du mouvement indépendantiste catalan ; le renouveau du PSOE sous l’autorité de Pedro Sánchez, qui a vaincu les barons historiques et replacé le parti socialiste sur le devant de la scène politique ; la menace d’une victoire de la droite et l’extrême droite, ayant concentré les voix de la gauche autour du PSOE dans une logique de « vote utile »…

Parallèlement, Podemos témoigne depuis très tôt d’une volonté non dissimulée de devenir un « parti de gouvernement ». Il soutint, dans le cadre de candidatures de rassemblement à la gauche du PSOE, les maires de Madrid et Barcelone en 2015 puis en 2019. Le parti de Pablo Iglesias apporta également son soutien à Pedro Sánchez lorsque ce dernier impulsa une motion de censure pour destituer le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy en juin 2018.

Cette volonté d’exercer le pouvoir est, aujourd’hui, arrivée à son comble, alors que l’Espagne a besoin d’une majorité pour constituer un gouvernement. Le blocage politique est, à présent, essentiellement provoqué par l’exigence de Podemos d’entrer dans le gouvernement de Pedro Sánchez en occupant d’importants maroquins et le refus que ce dernier lui oppose. En l’absence d’accord, les Espagnols sont contraints de retourner aux urnes le 10 novembre prochain.

Dans ces conditions, il est légitime de se demander si un mouvement politique qui recherche avec tant de ferveur et d’urgence à gouverner avec l’un des partis emblématiques de l’ordre ancien bipartiste peut être dit « populiste ». Il est frappant de constater que le parti qui a émané des Indignés pour en finir avec le bipartisme désire si ardemment exercer le pouvoir au sein d’un gouvernement présidé par un socialiste. C’est d’ailleurs une question qui se pose également en Italie avec la coalition entre le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate[7].

Ainsi, alors que le blocage politique se prolonge depuis les élections législatives du 28 avril 2019, Podemos a transmis une nouvelle proposition à Pedro Sánchez et au PSOE. Celle-ci est intitulée, assez explicitement : « proposition pour la reprise du dialogue pour un accord intégral de gouvernement de coalition ».[8] Il s’agit d’un document de 119 pages contenant quatre formules de répartition des fonctions exécutives ainsi qu’un programme politique. À sa lecture, deux choses attirent l’attention, un élément formel et un élément de fond.

L’élément formel est l’insistante exigence de Podemos d’occuper des ministères responsables de politiques publiques considérables. Certes, tout semble indiquer que, face au blocage des négociations, Iglesias et Sánchez luttent à présent pour remporter la bataille du discours : qui sera le mieux à même de convaincre la majorité des électeurs que la répétition électorale est la faute de l’autre ? Dans cette logique, Podemos est incité à transmettre des propositions (y compris impossibles à assumer) au PSOE en étant conscient que ce dernier les refusera pour ensuite pointer du doigt la fermeture des socialistes aux négociations… mais cela n’atténue pas son exigence d’un gouvernement de coalition avec les socialistes comme condition sine qua non de son soutien à l’investiture de Sánchez.

Mais la seconde chose remarquable est le fond de la proposition de Podemos. Celle-ci est composée d’éléments programmatiques que l’on pourrait aisément qualifier de sociaux-démocrates[9]. Les plus saillants sont ceux qui concernent la lutte contre les inégalités et la précarité, les mesures de nature économique et fiscale et l’affermissement de la démocratie. Nous égrènerons à présent quelques mesures pour étayer notre propos.

Tout d’abord, en ce qui concerne les politiques publiques luttant contre la précarité au travail et les inégalités, Podemos propose notamment de :

– Renforcer les droits collectifs des travailleurs en faisant primer les conventions collectives sur les conventions d’entreprise et les contrats de travail (p. 7) ;

– Augmenter progressivement le SMIC pour atteindre 1.100 euros en 2021 (idem) ;

– Combattre l’embauche par les entreprises de « faux indépendants », phénomène particulièrement prégnant chez les nouvelles entreprises de livraison à domicile comme Glovo ou Deliveroo (idem) ;

– Combattre l’écart salarial hommes-femmes à travers une politique globale (conciliation de la vie professionnelle et familiale, généralisation d’un congé de paternité équivalent au congé de maternité, semaine de 34h, contrôle et sanctions des entreprises) (p. 8) ;

– Améliorer les conditions de travail des fonctionnaires et agents publics (les sapeurs-pompiers, policiers, militaires et surveillants de prisons sont particulièrement visés) (p. 13). Une section entière est consacrée à l’Éducation nationale et, donc, aux conditions de travail des enseignants du primaire et du secondaire (p. 16-24) ;

– Accroître la participation des salariés dans la gouvernance de leur entreprise (p. 9) ;

– Une place importante est accordée à la résorption de la fracture territoriale. En s’adressant à l’”Espagne vidée” (España vaciada), Podemos fait siennes certaines analyses issues de l’observation du mouvement des gilets jaunes. Il propose le maintien de services publics de proximité, le soutien aux micro-agriculteurs et l’investissement dans les infrastructures de transport en commun afin de désenclaver ces territoires (p. 39-45).

Ensuite, concernant les mesures d’ordre économique et fiscal, la boussole de Podemos est, sans surprise, la justice fiscale à travers la taxation des hauts revenus, des grandes fortunes et des activités bancaires. Podemos propose notamment de :

– Taxer les opérations d’achat de titres réalisées par des opérateurs financiers et concernant seulement les entreprises espagnoles dont la capitalisation boursière est supérieure au milliard d’euros. Le taux proposé est de 0,2% (p. 73) ;

– Taxer davantage les sociétés du secteur financier afin de rembourser les 60 milliards d’euros injectés par l’État en 2012 (p. 76) ;

– Utiliser Bankia, banque privée nationalisée en 2012, pour financer des projets d’intérêt général (lutte contre l’exclusion financière, développement durable, construction de logement social, désenclavement des zones rurales, etc.) (p. 75) ;

– Réformer l’impôt sur les sociétés (IS) pour l’établir à 15% pour les grandes entreprises, 18% pour les entités financières et les entreprises d’hydrocarbures et pouvoir le baisser de 25% à 23% pour les PME (p. 74) ;

– S’attaquer à l’évasion fiscale permise par la non-imposition des dividendes et des plus-values engendrées par la participation des sociétés mères dans l’activité de leurs filiales (p. 74). Cette mesure est clairement inspirée des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, plutôt proche de mouvements politiques sociaux-démocrates ;

– S’attaquer également à l’usage frauduleux des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) et des sociétés d’investissement au capital variable (SICAV) pour échapper à l’imposition individuelle (idem) ;

– Augmenter l’impôt sur le patrimoine de 1% pour les patrimoines de plus de 10 millions d’euros ; augmenter l’impôt sur le revenu (IR) pour les revenus supérieurs à 130 000 euros ; baisser la TVA pour les produits d’hygiène féminine et baisser également la TVA sur les services vétérinaires (p. 75) ;

– Mise en place d’une ambitieuse stratégie nationale de lutte contre la fraude fiscale (pp. 76-78) ;

– Point important, l’ensemble de la politique économique de Podemos est subordonnée aux exigences climatiques et environnementales. Le Green New Deal occupe à ce titre une place centrale dans son programme économique, tout comme dans celui de certains « socialistes » états-uniens, notamment A. Ocasio-Cortez. Par ailleurs, il est intéressant de constater que Podemos cherche ouvertement à élargir sa base électorale en direction des régions rurales et des fonctionnaires traditionnellement conservateurs (voire fascisants), comme les policiers et les militaires ;

Enfin, concernant la consolidation de la démocratie et les questions institutionnelles. Il importe de souligner la place qu’occupe l’Union européenne (UE) dans le programme de Podemos.

Non seulement toute idée de sortie de l’Union ou de l’euro est absente mais encore la formation politique de Pablo Iglesias envisage l’UE comme un échelon pertinent pour mettre en oeuvre d’ambitieuses politiques économiques, sociales et environnementales (notamment un Green New Deal européen, mentionné p. 108).

Aucune mention à d’âpres négociations pour réviser les traités (assorties de menaces de départ) n’est présente dans le document. Ceci contraste avec le premier programme électoral de Podemos pour les élections législatives de 2015. Celui-ci préconisait une révision des traités européens pour, notamment, « démocratiser la prise de décisions politiques et économiques dans la zone euro », « réformer le pacte de stabilité et de croissance » et « réviser le statut de la Banque centrale européenne[10]«. Ceci est également en opposition avec ce que l’on pouvait trouver dans L’avenir en commun de La France Insoumise en 2017.

Contrairement à son allié français et révisant considérablement son propre positionnement originel, Podemos se positionne en faveur de davantage d’intégration pour consolider le pilier social de l’UE (p. 103). Celui-ci serait composé :

– d’un SMIC européen (p. 103),

– d’une allocation-chômage européenne (idem),

– d’une « allocation européenne de ressources suffisantes » (p. 104) adressée aux familles afin de lutter contre la pauvreté infantile[11].

– d’une couverture de santé publique et universelle pour tous les résidents d’un État-membre (p. 104).

Tout cela ressemble à une collection de vœux pieux, car aucune piste de comment y parvenir n’est avancée. Il s’agit néanmoins, à nouveau, de demandes exprimées depuis longtemps par une frange des socialistes européens que Podemos fait siennes.

Sur le plan interne, les mesures institutionnelles visent à :

– Assurer l’indépendance de la justice (pp. 46-47) ;

– Sauvegarder les droits et libertés des individus (p. 49-50), notamment face à l’intervention des forces de l’ordre ;

– Trouver une solution au conflit politique catalan à travers la mise sur pied d’un dialogue inter-institutionnel et trans-partisan (p. 51) ;

– Promouvoir la « mémoire démocratique » (pp. 48-49). Ce terme se substitue à celui, plus polémique, de « mémoire historique », qui visait à récupérer la mémoire des Républicains anti-franquistes et à effacer les références au régime de Franco dans l’espace public (noms de places ou de rues, statues, plaques commémoratives…). La « mémoire historique » fut notamment promue par le président socialiste Jose Luis Rodríguez Zapatero. Podemos s’inscrit donc dans ses pas.

L’examen de ces quelques mesures, structurantes et emblématiques, du programme que Podemos a conçu pour gouverner avec le PSOE nous permet de prendre la mesure du virage social-démocrate du parti d’Iglesias. Cette évolution vers des prises de positions compatibles avec un PSOE se revendiquant à nouveau de la gauche[12] devait théoriquement favoriser le rapprochement entre les deux formations. Ce ne fut pas le cas. Mais elle devrait, au moins, servir à présent d’inspiration à d’autres partis sociaux-démocrates au-delà des Pyrénées.

 

[1] Par ex. Le Parisien inclut Podemos dans une analyse des partis populistes en Europe (P. Martinat, “Cinquante nuances de populisme en Europe”, 11 mars 2018, en ligne : http://www.leparisien.fr/politique/cinquante-nuances-de-populisme-en-europe-11-03-2018-7601457.php), le politiste Yves Sintomer consacre quelques réflexions au populisme de Podemos dans “Le populisme de Podemos”, Mouvements, 2018/2 (n° 94), p. 98-107.

[2] Cette phrase de l’intellectuel marxiste inspira même un livre écrit par… Pierre Moscovici (!)

[3] Plus récemment, le parti d’extrême droite Vox et, pour certains, les partis indépendantistes catalans ont disputé à Podemos l’étiquette de “populiste”.

[4] La Transition est historiquement présentée en Espagne comme exemplaire, tant du point de vue de la participation citoyenne que du comportement de l’élite politique de l’époque. Ce récit est remis en cause notamment depuis le déclenchement de la crise économique de 2008, les frasques du roi Juan Carlos I et la crise du modèle territorial.

[5] “El Coletas” (la “queue-de-cheval”), comme on l’a rapidement et communément appelé.

[6] Terme italien indiquant le dépassement d’une force politique par une autre.

[7] Voir l’article sur notre site à ce sujet.

[8] Le document, en espagnol, peut être consulté dans son intégralité en ligne : https://ep00.epimg.net/descargables/2019/08/20/3d4556a377e93803a3d868b70cef6a3b.pdf.

[9] Tout à fait proches du programme du Labour britannique dirigé par Jeremy Corbyn ou des propositions avancées par les représentants de l’aile “socialiste” des Démocrates étas-uniens (Bernie Sanders mais également Elizabeth Warren et, bien évidemment, les membres du “Squad” de la Chambre des représentants : Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar,  Ayanna Pressley et Rashida Tlaib).

[10] Ce programme est toujours disponible en ligne : http://servicios.lasprovincias.es/documentos/Programa-electoral-Podemos-20D-2015.pdf. V. not. pp. 57-61.

[11] Cette problématique est particulièrement prégnante en Espagne, où 28% des enfants sont en risque de pauvreté.

[12] Le slogan du PSOE de Sánchez est, simplement, “Nous sommes la gauche” (“Somos la izquierda”).

 

Les rapports de force à l’aube des élections espagnoles

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©Presidencia de la República de Mexico

Le 10 novembre se tiendront en Espagne les quatrièmes élections législatives en quatre ans. Une si forte instabilité institutionnelle – l’ancien chef de gouvernement socialiste, Felipe González, estimait dans une boutade que l’Espagne est passée du bipartisme au multipartisme puis, enfin, au “bloquisme” – est le reflet d’un paysage politique qui se décompose toujours plus. En effet, cela fait presque 18 mois que l’Espagne n’a pas de gouvernement bénéficiant d’une majorité parlementaire. Analyse en collaboration avec Hémisphère gauche.


Les dernières élections du 28 avril 2019 ont achevé le bipartisme, dominant depuis la Transition à la démocratie libérale dans les années 1980, et consolidé le multipartisme. Elles ont ainsi accouché d’un Congrès des députés (la chambre basse du Parlement) divisé en quatre partis majeurs : le Parti socialiste (PSOE), le Parti populaire (PP), Ciudadanos (Cs) et Unidas Podemos (UP). Le parti d’extrême-droite Vox y a fait son entrée. Depuis la convocation de nouvelles élections à la fin du mois de septembre, deux partis politiques classés à gauche (dont l’un a moins d’un an) ont présenté leur candidature au Congrès des députés pour la première fois.

Un tel scénario d’éclatement, d’instabilité et d’incertitude par rapport à l’avenir est particulièrement inquiétant au regard des échéances majeures à venir. Tout d’abord, la procédure judiciaire contre les dirigeants indépendantistes catalans devant le Tribunal Suprême arrive à son terme. L’arrêt devrait être rendu par la Haute Cour entre le 10 et le 14 octobre. Ses répercussions sur l’état de la mobilisation citoyenne seront considérables, d’autant plus que le basculement vers des actions violentes de la part de groupes minoritaires n’est plus à écarter. Ensuite, la deuxième échéance est l’incertitude qui entoure la date et les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’UE. L’Espagne est particulièrement vulnérable car elle accueille environ 300.000 retraités britanniques par an (première destination en Europe) et doit veiller aux intérêts de près de 100.000 Espagnols résidant au Royaume-Uni. De plus, les rapports avec Gibraltar seraient brutalement impactés par un No Deal. Enfin, le ralentissement qui pèse sur la croissance des économies européennes constitue une troisième menace. Celle-ci pourrait devenir bien réelle en ce qui concerne l’Espagne avec la mise en place de sanctions commerciales contre sa production agroalimentaire (l’huile d’olive et le vin notamment) de la part des États-Unis, dans le cadre du contentieux commercial qui l’oppose à l’UE autour du secteur de l’aéronautique.

Après les prochaines élections du 10 novembre, les différentes forces politiques parlementaires ne pourront plus repousser l’exigence de dégager une majorité plurielle. Ce sera une première depuis le retour de la démocratie libérale. Le contexte sera, pourtant, extrêmement difficile sur un grand nombre de fronts.

C’est pour cela que nous proposons un suivi de l’actualité de la campagne au fil des semaines. L’analyse des sondages et des éventuelles issues du scrutin sera privilégiée. Elle nous permettra, dans ce premier papier, de poser le cadre. Quelle est la situation des quatre principaux partis alors que démarre la campagne ?

À ce titre, les premiers sondages qui tiennent compte des premiers jours de campagne et de l’irruption du parti d’Iñigo Errejón (ex-Podemos) commencent à être publiés.

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de ces premiers sondages ?

Côté PSOE, le parti de Pedro Sánchez arrive toujours en tête des intentions de vote avec près de 30%, devançant largement le PP (il aurait environ 9 points de plus selon un modèle statistique publié par eldiario.es et produit à partir des données de différents instituts). La dynamique est, cependant, descendante depuis le mois d’août. La convocation de nouvelles élections est un pari de Pedro Sánchez, qui table sur une nouvelle victoire après celle du 28 avril pour forcer les accords avec Unidas Podemos et Ciudadanos.

Le PP, parti traditionnel de la droite espagnol, reprend du poil de la bête. Après avoir été mis en difficulté par l’ascension de Ciudadanos et l’irruption de Vox, le PP est sur une dynamique ascendante dans les enquêtes d’opinion depuis le mois de juin. Il semble apparaître comme le réceptacle privilégié du « vote utile » de la droite. Les affaires de corruption (qui ont objectivement peu compté pour les électeurs de droite) et l’image d’immobilisme que donnait Mariano Rajoy semblent avoir étés oubliées après la prise de pouvoir dans le parti du jeune Pablo Casado. Cela se traduit par une amélioration des intentions de vote : + 3 points depuis avril. L’hypothèse du remplacement du PP par Ciudadanos semble donc écartée pour l’instant.

Cette dernière formation, qui est le parti d’Albert Rivera, se trouve mise en difficulté par la convocation de nouvelles élections – ce qui faisait partie, bien entendu, de la stratégie de Sánchez. Il semblerait que la stratégie d’opposition frontale à Pedro Sánchez n’ait pas porté ses fruits dans un contexte où les citoyens demandent à la classe politique de se mettre d’accord. La force de rappel que constitue toujours le PP à droite semble donc avoir eu raison de la vision d’Albert Rivera, centrée sur le court-terme. Rivera a d’ores et déjà adouci ses propos à l’égard de Pedro Sánchez et a ouvert la possibilité d’un accord avec le PSOE. Les estimations les plus récentes situent le vote en faveur de Cs aux environs de 12,5-13%, en retrait par rapport aux près de 16% obtenus le 28 avril.

Venons-en à Unidas Podemos il s’agit de la coalition de Podemos avec un ensemble de micro-partis ou de mouvements à la gauche du PSOE. Les données les concernant doivent encore être interprétées avec prudence car le parti d’Iñigo Errejón dispose d’une marge de progression. Il n’en demeure pas moins que les derniers sondages sont relativement encourageants : Unidas Podemos se maintient, voire croît légèrement, de l’ordre de 0,5-1 point (autour de 12,5% dans un ensemble de sondages par rapport à 11,7% lors des élections d’avril) . Il est à présent à égalité avec Cs, voire légèrement au-dessus.

Derrière, Vox, le parti d’extrême droite, perd environ 2 points dans les différentes estimations par rapport au résultat obtenus le 28 avril. Il passe de 10% à 8%. Cette dynamique est cohérente avec la montée du PP. Vox court le même danger que Ciudadanos : perdre des voix au profit du vote traditionnel et désormais utile de la droite. Il est possible qu’il ait donc atteint un plafond à 10% des voix.

Enfin, Más País, le parti fondé par Iñigo Errejón, est un nouvel arrivé aux élections législatives nationales. Il s’est lancé dans l’arène nationale sans programme et cherche à occuper une position centrale avec un discours consensuel et favorable à une entente avec Sánchez, donc à la mise sur pied d’un gouvernement « progressiste », ce que souhaitent une courte majorité d’électeurs. Il prétend capter à la fois l’électorat de Podemos déçu par la gestion de Pablo Iglesias et notamment par son incapacité à trouver un accord avec le PSOE ; l’électorat du PSOE mécontent de la tendance de Pedro Sánchez à pencher à droite pour élargir son socle électoral ; et les électeurs de Ciudadanos peu convaincus de l’utilité d’une opposition frontale à Pedro Sánchez et désireux, avant tout, de voir se constituer un gouvernement. Il est crédité à présent à environ 6,5% des voix mais il s’agit là sans doute d’un palier. Son évolution est à suivre de près, elle sera fonction de la perte de voix des trois partis suscités et des changements dans l’abstention.

Estimations de vote recensant plusieurs sondages (4-5 octobre 2019)

En rouge : PSOE

En bleu : PP

En violet : Unidas Podemos

En orange : Ciudadanos

En vert : Vox

En turquoise : Más País

Source : eldiario.es