Plan Climat : Ce que Hulot fait, Macron le défait

©patrick janicek; Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0)

#MakeFranceGreatAgain. Emmanuel Macron a lancé un vaste plan de communication suite à la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris. Habile façon de verdir son image. Mais à l’image de l’invitation incohérente de Trump au 14 juillet, après l’avoir raillé copieusement, pour l’environnement c’est “faites ce que je dis, pas ce je fais”. Une semaine seulement après sa capitulation face à l’Europe sur les perturbateurs endocriniens, Nicolas Hulot, Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire vient de rendre public un Plan Climat – Horizon 2040. Ce Plan Climat « n’est pas une fin en soi », mais une « colonne vertébrale à laquelle on pourra ajouter des vertèbres ». Et il va falloir en ajouter plus d’une ! En clair, rien ne va (ou presque).

De belles intentions pour le climat

Ce plan climat annonce un cap pour la France de neutralité carbone à l’horizon 2050 et d’une action européenne pour engager d’autres pays autour de cet objectif. Viser la neutralité carbone est plus ambitieux que la volonté de simplement diviser par quatre les émissions de Gaz à Effet de Serre. L’objectif annoncé est de « trouver un équilibre entre les émissions de GES de l’homme et la capacité des écosystèmes à les absorber ». Vaste programme, mais qui ne précise rien de sa mise en œuvre concrète. D’autant qu’il ne s’agira pas, sur ce principe, de remettre en question nos modes de consommation et de production, mais bien d’investir encore plus dans le système libéral de “compensation carbone”.

Dans cette droite ligne s’inscrit l’idée d’aligner le prix du diesel sur celui de l’essence. Nicolas Hulot vise à terme l’interdiction de la vente des voitures diesel et essence d’ici à 2040. Et entre temps on continue à polluer, c’est bien cela ? Interdire leur « vente » n’empêchera pas l’utilisation des 38 millions de véhicules qui fonctionnent pour une durée indéterminée qui ira bien au-delà de 2040. Et quelle quantité astronomique de métaux et terres rares pour renouveler le parc automobile faudra-t-il ? La solution n’est elle pas “moins de voitures” tout simplement ?

Les effets du changement climatique sont bien réels et l’urgence est vitale. Si l’on souhaite réellement freiner la crise écologique, c’est à l’ère exigeante du post-pétrole et du post-nucléaire qu’il faut passer de manière urgente et radicale. Le Plan Climat détaillé par N. Hulot ne fait pourtant aucunement mention concrète de la fermeture des centrales nucléaires. Il a a posteriori précisé ce lundi 10 juillet qu’il allait étudier la situation de 17 réacteurs. Est-ce que Monsieur Le Ministre a été mis au courant ? Et d’ajouter qu’il s’agit de “planifier” la transition, à juste titre, quand la France Insoumise faisait se dresser les barricades anti-soviétiques par ce terme il y a quelques mois à peine.

Le plan de développement des énergies renouvelables sera quant à lui présenté d’ici un an. Sont annoncées la fermeture des centrales à charbon, et  la sortie des hydrocarbures promises par Emmanuel Macron. Un projet de loi sera présenté à l’automne pour interdire les nouveaux permis d’exploration d’hydrocarbures, y compris les gaz et pétrole de schiste, ainsi que le non-renouvellement des concessions d’exploitation existantes. Les gisements d’énergies fossiles exploités aujourd’hui étant amenés à se tarir, « mécaniquement, en 2040, il en sera terminé » de la production d’hydrocarbures en France. Nous irons donc chercher les hydrocarbures ailleurs. Révolution écologique au-revoir.

Ce que l’on peut appeler simple feuille de route, prévoit également de travailler sur la thématique logement. Le gouvernement projette la rénovation d’ici à 2025 des 8 millions de passoires énergétiques. Le ministre a confirmé un financement de 4 milliards d’euros pour ce chantier. Les audits énergétiques obligatoires et payants dans le cadre du programme « Habiter mieux » pour les ménages modestes seront rendus gratuits.  Bon point décerné pour la décision de mise en place d’un « contrat de transition énergétique » pour les salariés des secteurs fragilisés par les politiques de la transition écologique. Mais reste à surveiller la qualité de cet accompagnement… Encore une fois, il s’agit, plutôt que de faire de belles promesses, de prendre le mal à la racine. Pas la peine de prétendre lutter contre la précarité énergétique et les effets de la transition énergétique sur l’emploi, si c’est pour démanteler en silence le code du travail.

Qui cachent une série de renoncements et d’échecs

Ce plan climat est un peu l’arbre qui cache la forêt… des renoncements. Une conférence de presse en grande pompe pourrait nous donner l’impression que ce gouvernement est écologiste. Mais il faut bien se garder de penser que ces belles promesses seront toutes réalisées. L’interdiction des nouvelles exploitations d’hydrocarbures et du non-renouvellement des permis en vigueur serait un grand pas. Mais cela signifie qu’il n’est pas question de remettre en cause les permis en cause. Ne nous fâchons pas avec les entreprises ! Pas touche donc aux 54 permis de recherche actifs et aux 130 demandes de permis de recherche (chiffres au 1er juillet 2015). Et depuis cette date, le Ministère de l’Intérieur ne communique d’ailleurs plus les chiffres…. Les intentions de réforme du code minier ont jusque ici échoué. Ainsi, pour l’heure, il est impossible de refuser des demandes de titres miniers en cas de conséquence grave pour l’environnement. Pire, l’actuel Président de la République a répété durant la campagne son intention de développer des mines responsables grâce à la refonte de ce code minier. Quoi de plus mensonger et absurde que des “mines responsables” ? De manière générale, la charte de l’environnement met sur le même plan l’intérêt environnemental et l’intérêt économique (notamment la question de l’emploi). On vous laisser deviner qui l’emporte le plus souvent.

Autre limite de l’action ministérielle, et qui a de quoi nous faire redescendre sur terre : les perturbateurs endocriniens.  Il y a quelques jours, le gouvernement avait accepté la définition au rabais des perturbateurs endocriniens imposée par la Commission Européenne compromise avec les lobbies industriels. Jusque-là, la France avait résisté en votant contre les 5 précédentes propositions de la Commission. Il a suffit d’un changement de pouvoir pour que les lobbies de l’industrie chimique aient raison des illusions naïves de Nicolas Hulot. Et de l’intérêt hypocrite du gouvernement actuel pour ces thématiques. A partir de maintenant, il faudrait redoubler d’effort pour prouver le niveau de risque de ces perturbateurs endocriniens, les exigences ayant été rehaussées. Ce qui, inévitablement, retardera, voir empêchera l’interdiction de nombreux produits contenant des perturbateurs endocriniens.

Énième recul malgré une promesse de campagne, la taxe sur les transactions financières européennes, promise par Emmanuel Macron. Le plan climat énoncé par N. Hulot fait l’impasse sur la solidarité climatique alors qu’elle est la clé de voûte de la lutte contre le réchauffement climatique. Selon la plateforme MakeFranceGreenAgain, une telle taxe pourrait rapporter 22 milliards d’euros chaque année. Ces financements considérables peuvent aider les pays les plus vulnérables à mener la bataille contre les changements climatiques. C’est donc un aspect incontournable pour maintenir la dynamique de l’accord de Paris à l’échelle internationale. Pourtant, lors du Conseil européen qui s’est tenu les 22 et 23 juin, M. Macron a opéré un nouveau revirement en remettant en question sa volonté de conclure cette taxe cet été, à cause du Brexit. Les lobbies financiers continuent de s’opposer à la taxation des transactions financières. Cette mesure est pourtant soutenue par une large partie de l’opinion publique. Au vu de son parcours, comment ne pas imaginer qu’Emmanuel Macron se fasse souffler les réponses à l’oreille par le monde obscur de la finance ?

Où sont les mesures concrètes ?

De nombreuses intentions restent vagues. Nicolas Hulot va convoquer courant juillet 2017 les “Etats-généraux de l’Agriculture et de l’alimentation”. Cinq axes seront discutés, entre autres les pratiques de consommation alimentaire et la réduction des quantités d’engrais. Mais aussi un plan d’action pour la protection des sols, la lutte contre leur artificialisation (bétonisation) et la souveraineté alimentaire. Nicolas Hulot prévoit également des « Assises de la mobilité » pour plancher sur l’enjeu majeur des transports. Il annonce par ailleurs un gel des grands projets tant que la loi Mobilité qui découlera des ces Assises ne sera pas adoptée. Cela ne signifie pas pour autant d’engagement immédiat sur l’arrêt des infrastructures routières et aéroportuaires nocives. D’autant que la Loi sur les cars Macron constitue un antécédent grave en matière de pollution et de non-sens écologique. Qui croire ? Le ministre de la transition écologique, a été interrogé sur le projet de méga-centre commercial et de loisirs Europacity. Ce projet prévoit la bétonisation de 300 hectares de terres agricoles très fertiles sur le triangle de Gonesse (Val-d’Oise). Nicolas Hulot à répondu que « cette gourmandise à artificialiser nos sols est incompatible avec nos objectifs. Nous devons garder en tête un objectif de zéro artificialisation nette des sols et cesser d’avoir la folie des grandeurs ». Discutons, discutons. L’on verra bien dans quelle mesure les lobbies de l’industrie agro-alimentaire et du BTP acquiesceront. Et qui de Nicolas Hulot ou bien d’Emmanuel Macron aura le dernier mot.

En clair, où sont les mesures concrètes face à l’urgence climatique ? Attac pointe le silence du texte sur les traités internationaux de libre-échange (Ceta, Tafta, Jefta), soutenus par Emmanuel Macron et son gouvernement. Ces traités vont pourtant à l’encontre de considérations écologiques, et sont les symboles même de la globalisation sauvage du monde. Souffler le chaud et le froid. Donner à croire qu’un semblant de démocratie réside en son sein en développant des argumentaires et des faits qui s’opposent. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. Voilà bien des incohérences. Alors, ce gouvernement est-il réellement écologiste ? Sans doute, mais à la mode Macron : en même temps néolibéral « progressiste » et écologiste défenseur de la planète. Comment cela est-il possible ? Vous avez 4 heures.

Crédit photo : ©patrick janicek; Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0)

 

R.I.P. – L’écologie, grand perdant du débat d’entre-deux-tours

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Pas de crédit. Creative commons

Le grand débat d’entre deux tours aura au moins eu le mérite de clarifier les choses pour les écolos qui pensaient trouver en la personne d’Emmanuel Macron une bouée de sauvetage, un kit de survie minimal face aux crises environnementales et face à la pseudo-écologie rétrograde du Front National. Pas un mot, pas une proposition, pas un geste pour les électeurs de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ; un seul mot d’ordre, tacitement accepté par les deux protagonistes : l’écologie, ça commence à bien faire.

Certes, on ne peut pas parler de tout en deux heures et demie; mais ce n’est pas un prétexte pour ne parler de rien la plupart de temps, et que Le Pen ait voulu en découdre bien salement n’empêchait pas son technocrate d’adversaire d’essayer de parler un peu du fond, plutôt que de se faire courtoisement piétiner. Certes, bien d’autres thèmes essentiels (culture, enseignement supérieur et recherche, défense, logement…) sont purement et simplement passés à la trappe. Mais était-ce si difficile d’essayer d’en placer une sur la transition énergétique, le nucléaire, les pesticides, le modèle alimentaire, la bio, les filières courtes ? Macron, faisant preuve d’un rare sens du ridicule, ne pouvait s’empêcher de qualifier chaque sujet de “priorité”. L’écologie n’en est visiblement pas une.

Il a longuement été question de l’Europe. De transposition de normes, d’Europe “qui protège”. Contre des migrants, des terroristes, ça on avait compris. Et contre le glyphosate ? Contre les perturbateurs endocriniens, dont un éditorialiste avait dénoncé, quelques jours avant le premier tour, le fait qu’ils avaient “perturbé” le débat électoral (mais quel humour !) ? Et de cette Europe qui empêche les États de contraindre les géants de l’agroalimentaire à adopter l’étiquetage nutritionnel, dont l’une des vertus serait de mettre au pilori les seigneurs de l’huile de palme ? De cette Europe qui fait obstacle à toute forme de protectionnisme écologique ? De cette Europe-là, bien sûr, il n’a pas été question.

Un point de détail de la vie des Français, comme dirait l’autre (agirpourlenvironnement.org)

Il a été question d’emploi. Le Grand Marcheur, d’ordinaire si prompt à nous régaler de promesses d’emploi liés au numérique, s’est abstenu d’évoquer les emplois liés à la transition énergétique, à la rénovation thermique des logements (il est vrai que les “passoires énergétiques” sont rarement habitées par des banquiers d’affaires…), au développement de l’agro-écologie, de la permaculture, des recycleries. Pas un mot non plus sur les récentes crises agricoles : il va donc falloir s’attendre à des mesures-sparadraps d’urgence, pour accompagner la fuite en avant d’un modèle productiviste, aux ravages économiques, sociaux et environnementaux sans nombre.

Il a bien sûr été question de migrations. Mais pas des migrations climatiques, alors qu’elles concernent 250 millions d’hommes, de femmes et d’enfants d’ici 2050 (selon l’ONU), et déjà plus de 83 millions entre 2011 et 2014. Des “déplacés” qui n’ont pas encore de statut unifié au niveau du droit international. À croire que le changement d’échelle est tellement important qu’il en devient aveuglant.

Bilan des migrations climatiques en 2012 (d’après le rapport “Global Estimates 2012”, de l’International Displacement Monitoring Centre et du Norwegian Refugee Council)

Il a été question d’école, de savoirs fondamentaux, de lecture et d’écriture, mais pas du rôle clé qu’elle peut jouer dans la prévention et la sensibilisation au gaspillage, à l’éco-responsabilité en matière d’alimentation, de manière à la fois ludique et exigeante. Il a été question de santé : pas des milliers de victimes des particules fines, mais plutôt de montures de lunettes (sujet, il est vrai, autrement plus important !). Il a été question d’espérance de vie : pas de l’espérance de vie en bonne santé, qui baisse depuis deux ans, notamment en raison de l’explosion des maladies chroniques, de la hausse des cancers infantiles, fortement corrélés à des facteurs environnementaux. Il a été question d’atlantisme. Pas des négociations avec Trump à propos du massacre environnemental délirant dont il est l’auteur cynique, des mesures à prendre pour l’empêcher de traîner dans la boue, avec sa glorieuse “nouvelle révolution énergétique”, les engagements (même superficiels) pris au moment de la COP21, en matière de réduction des émissions de GES, de protection des espaces marins, compte-tenu de l’effet que peuvent avoir sur les pays émergents des mesures courageuses prises par les acteurs historiques du dérèglement climatique.

Sale temps pour les écologistes, donc. Alors même que le dernier scénario néga-Watt, ou le rapport “Pour une agriculture innovante à impacts positifs” de Fermes d’avenir confirment l’urgence et la crédibilité d’une vraie transition, pas d’un bricolage en carton-pâte. Le message est clair : la start-up Macron et la PME Le Pen n’ont pas, dans leur feuille de route, de stratégie à l’échelle de la civilisation humaine. D’autres devront assumer cette tâche.

Perturbateurs endocriniens : l’Europe ruine notre santé !

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Appel de Prague ©Nathalie Ruaux

Mercredi 21 décembre, les Etats ont refusé une proposition de réglementation des perturbateurs endocriniens faite par la Commission européenne. Un coup d’arrêt aux manœuvres de Bruxelles pour continuer à nous faire avaler ces substances nocives pour notre santé. Alors que les puissants blablatent, les multinationales de l’industrie chimique se frottent les mains et continuent à nous empoisonner. 

La Commission Européenne défend mordicus les perturbateurs endocriniens !

Retour à l’envoyeur ! Mercredi 21 décembre, alors que certains d’entre vous aviez le nez dans vos derniers préparatifs de Noël, une partie de notre santé se jouait à Bruxelles. Engluée dans ses contorsions pour servir les différents lobbys avec lesquels elle s’est compromise, la Commission faisait une proposition de texte aux États. Officiellement, il s’agissait d’interdire les perturbateurs endocriniens. Alléluia ! L’Europe protège enfin notre santé ! Manque de pot, l’UE, c’est comme les assurances : il vous suffit de regarder les trois lignes en petits caractères en bas du contrat pour comprendre qu’on essaie de vous enfumer.

Regardons-y de plus près. Oh surprise ! Dans son texte, la Commission épargne l’industrie chimique en accordant une dérogation à une quinzaine d’insecticides et à quelques herbicides contenant des perturbateurs endocriniens. Cela concerne des masses considérables de produits. Selon Générations futures, la dérogation épargne 8700 tonnes de produits commerciaux par an, rien que pour la France.  L’impact sur la santé humaine est criminel. Ainsi, la proposition permet la mise sur le marché du 2,4-D, un désherbant classé « cancérogène possible pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 2015. Ce n’est pas tout. Par cette action, la Commission menace la vie de beaucoup d’êtres vivants dont celle de nombreuses plantes, des coccinelles ou des écureuils.

Et ce n’est que le premier volet de la proposition de la Commission. Non contente d’inscrire des dérogations destructrices dans la première partie du texte, la Commission ajoute une seconde partie encore plus laxiste. Selon le journal Le Monde (pas une officine remplie de zadistes, hein), cette partie “fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique compétente, des ONG et de certains Etats-membres, dont la France”. Selon eux, ce texte protège insuffisamment la population des maladies liées aux perturbateurs endocriniens (cancers, problèmes de développement du cerveau, infertilité, diabète, etc.) Rien que ça ! Quand on prend connaissance de cette seconde partie, on comprend pourquoi ! En effet, en plus des nouvelles dérogations, cette seconde partie prévoit que l’évaluation des risques, qu’impliquent l’utilisation des perturbateurs endocriniens, puisse se faire au cas par cas, et après la mise sur le marché des produits correspondants. Oui ! Oui ! Vous avez bien lu. C’est non seulement criminel du point de vue de la santé publique, mais c’est, en plus, illégal selon le Parlement européen, nombres d’ONG et certains pays.

Une fois de plus, la Commission cède aux lobbys 

Pourquoi la Commission agit-elle de façon aussi irresponsable ? Je vous le donne en mille : le laxisme du texte correspond exactement aux demandes de l’industrie chimique, et de ses mastodontes – BASF, Bayer et Syngenta – qui égaient nos journées avec ces merveilleux petits poisons que sont les perturbateurs endocriniens ! Autre élément révélateur : si la Commission se plie en quatre pour satisfaire les volontés de ces trois multinationales, c’est qu’elles ont le soutien d’un Etat puissant : l’Allemagne. « Cette demande ne vient pas de nous, mais des autorités allemandes », avoue au Monde Graeme Taylor, directeur des affaires publiques de “l’Association européenne pour la protection des cultures” (lobby des pesticides). Evidemment que la demande vient du lobby mais le soutien des autorités allemandes n’est pas de trop.  La Commission se défend de toute subordination de l’intérêt général aux intérêts privés de ces multinationales. Elle invoque une controverse scientifique sur le sujet. C’est oublier que cette controverse est alimentée par des études à l’indépendance plus que douteuse, puisque financées par les industriels. Une centaine de scientifiques s’en était émue récemment. Manque de pot : les États, à qui il reste un soupçon de responsabilité (du fait, notamment, de la pression de citoyens conscients des dangers) ont refusé la proposition de la Commission. Il faudra donc suivre de près la prochaine proposition que doit faire la Commission.

Mais au fait : perturbateurs endocriniens, kesako ? 

Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui ont un impact sur le système hormonal des êtres vivants. On les retrouve dans beaucoup d’objets du quotidien : plastiques, cosmétiques, peintures, l’alimentation, pesticides. Selon de nombreuses études, ils contribuent à l’augmentation de nombreuses maladies : infertilité, cancers, diabète, obésité, problèmes neurologiques, trouble du développement du cerveau, problèmes de comportement chez les enfants (trouble de l’attention, hyperactivité et même autisme). Ils entraînent des malformations congénitales et des anomalies du neuro-développement. 

Un coup d’arrêt à une longue liste de manœuvres de la Commission pour permettre à l’industrie chimique d’utiliser les perturbateurs endocriniens

Ce n’est pas la première fois que la Commission cède au lobbys sur le sujet des perturbateurs endocriniens. Cela fait des mois et des mois qu’elle pilonne la mise en application du règlement “Pesticides” (2009) censé interdire les perturbateurs endocriniens. 

En application du règlement “Pesticides”, la Commission doit établir une définition des perturbateurs endocriniens depuis 2013, ceci afin de pouvoir les interdire. Il aurait été simple de reprendre la définition de l’OMS, établie en 2002. Elle définit les perturbateurs endocriniens comme des « substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle étrangères à l’organisme qui peuvent interférer avec le fonctionnement du système endocrinien et induire ainsi des effets délétères sur cet organisme ou sur ses descendants ». Or, il faut attendre 2016 pour que la Commission adopte une définition ! De plus, elle refuse de reprendre celle de l’OMS et en choisit une volontairement restrictive. Selon la Commission, un perturbateur endocrinien est “une substance qui a des effets indésirables sur la santé humaine et qui agit sur le système hormonal, et dont le lien entre les deux est prouvé ». Si la Commission a modifié la définition internationale, ce n’est pas pour le confort de la précision mais pour restreindre le champ d’application de l’interdiction. En effet, la référence à la “santé humaine” implique d’observer des effets sur l’être humain avant de pouvoir interdire. Les effets observés sur les organismes non-humains ne suffiront plus. Selon cette définition, le tributylétain (TBT), par exemple, substance toxique, jadis utilisée dans les peintures des coques de bateaux  ne serait pas identifié comme perturbateur endocrinien. En effet, la France l’avait interdit dans les années 1970, après observation des effets de cette substance sur les mollusques marins (changement de sexe). Autre problème : la définition de la Commission fait un focus sur « l’évaluation des risques » et non sur les dangers. Cette distinction permet de mesurer la nocivité des substances alors qu’elles sont déjà sur le marché, en se basant sur des seuils et non plus sur la nocivité intrinsèque de la substance. Cela permet à la Commission d’octroyer des dérogations pour les substances à faible exposition (vous voyez le lien avec la proposition de la Commission soumise au vote le 21 décembre ?).

Il faudra regarder avec attention la prochaine proposition de la Commission. Nul doute qu’elle se fera encore une fois la porte-parole des intérêts des multinationales plutôt que de notre santé. Nul doute aussi que si la mobilisation citoyenne n’est pas au rendez-vous, les Etats n’auront aucun de mal à accepter une réglementation laxiste. 

Pour aller plus loin :

  1. Intoxication : perturbateurs endocriniens, lobbysites et eurocrates : une bataille d’influence contre la santé, Stéphane HOREL, La Découverte, 2015
  2. https://reporterre.net/Perturbateurs-endocriniens-les-Etats-disent-non-a-la-Commission-europeenne
  3. http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/20/perturbateurs-endocriniens-le-cadeau-discret-mais-majeur-aux-lobbys-des-pesticides_5051771_3244.html
  4. http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20151008.OBS7296/bruxelles-chouchoute-les-lobbys-pas-nos-hormones.html

©Perturbateurs endocriniens