Au Sénégal, chronique d’une insurrection annoncée

© compte twitter d’Ousmane Sonko

La tension entre le pouvoir et le camp d’Ousmane Sonko, très populaire chez les jeunes, n’a cessé de grimper depuis deux ans. En instrumentalisant la justice depuis son élection afin d’écarter ses principaux concurrents et en laissant penser qu’il briguerait un troisième mandat, Macky Sall a pris le risque de faire de l’ancien lanceur d’alerte un martyr, et de voir la rue s’embraser. Par Ousmane Diallo, article originellement publié sur Afrique XXI.

plusieurs endroits, le théâtre d’un déferlement de manifestations spontanées après l’arrestation d’Ousmane Sonko, perçue comme un abus du pouvoir. Au cours de ces cinq jours d’émeutes, 14 manifestants avaient perdu la vie, dont 12 (parmi lesquels 3 mineurs) à la suite de tirs par balles de la police, de la gendarmerie et de l’armée. Plusieurs bâtiments publics et biens privés avaient été détruits par les manifestants en furie.

Ce furent les « régulateurs sociaux », à savoir les marabouts et des leaders de la société civile, qui finirent par apaiser la situation en négociant un compromis entre le pouvoir et l’opposition. Cinq jours après son interpellation, la justice plaçait Ousmane Sonko sous contrôle judiciaire et le libérait tout en confisquant son passeport. Le M24, qui coordonnait alors l’action des partis politiques et de la société civile, suspendait son appel à manifester. Les « régulateurs sociaux » visitaient les familles des victimes (morts et blessés), leur accordant des réparations « officieuses » pour les dommages subis et appelant à la paix. L’État sénégalais ne reconnaissait toutefois pas sa responsabilité envers ces victimes et ne montrait aucune volonté de poursuivre les enquêtes sur ces violations des droits humains.

Deux ans plus tard, le Sénégal vit des journées similaires à celles de mars 2021. La condamnation d’Ousmane Sonko et de Ndeye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de massage Sweet Beauty, à une peine de deux ans d’emprisonnement ferme pour, respectivement, « corruption de la jeunesse » et « incitation à la débauche », a immédiatement entraîné une autre série de manifestations réprimées dans le sang. Lors des journées du 1er et du 2 juin, 15 personnes ont été tuées selon le ministère de l’Intérieur – un bilan déjà plus lourd que celui de mars 2021. Le Sénégal vit sa crise politique la plus sérieuse depuis 1988, année au cours de laquelle une grève générale et une contestation électorale avaient fait vaciller le pouvoir d’Abdou Diouf.

Ces derniers jours, la rue a encore une fois répondu aux défaillances de la République. Mais alors qu’en mars 2021 les médiateurs sociaux avaient pu décanter la situation, leur capacité à en faire de même aujourd’hui est loin d’être garantie, leur crédibilité et leur impartialité étant de plus en plus remises en question par l’opposition. Au cours de ces deux dernières années, et dans le contexte de l’affaire juridico-politique « Sweet Beauty », dont la conclusion judiciaire pourrait l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024, Ousmane Sonko, jusqu’alors simple membre de l’opposition, a pris une nouvelle envergure aux niveaux national et international, suscitant intérêts et craintes, en articulant les aspirations d’une jeunesse et d’une classe moyenne désabusées, et œuvrant à la crispation des relations entre la France et le Sénégal.

AU DÉBUT ÉTAIT UNE PLAINTE POUR VIOLS

Lors de l’éclatement de l’affaire « Sweet Beauty », en 2021, Rama Salla Dieng, militante féministe et maîtresse de conférences à l’Université d’Édimbourg (Royaume-Uni), écrivait que le « corps des femmes est depuis toujours une arène de batailles politiques » au Sénégal [1]. Au début était une plainte pour viols et menaces de mort, soumise à la section de recherches de la gendarmerie de la Médina (un quartier de Dakar), à l’encontre de celui qui était alors député à l’Assemblée nationale. L’autrice de la plainte, Adji Raby Sarr, une employée du salon de massage payée au pourboire, accusait Ousmane Sonko de l’avoir violée à plusieurs reprises entre décembre 2020 et février 2021, et de l’avoir menacée de mort en cas de dénonciation. Si Ousmane Sonko a reconnu avoir fréquenté ce salon de massage pour ses problèmes lombaires, il a toujours nié les accusations portées contre lui et n’a cessé de dénoncer un complot politique.

L’affaire qui allait structurer les débats politiques pour les années à venir éclatait à un moment particulier : Macky Sall avait réussi à coopter l’opposant Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2019, en le nommant président du Conseil économique, social et environnemental, et en ouvrant le gouvernement à plusieurs membres de son parti. En effet, le remaniement gouvernemental de novembre 2020 intégrait plusieurs anciens critiques du gouvernement comme Oumar Sarr, du Parti démocratique sénégalais (PDS), et Aissata Tall Sall, du Parti socialiste/Osez l’avenir, tout en éjectant plusieurs potentiels dauphins de Macky Sall comme Aminata « Mimi » Touré, Makhtar Cissé ou encore Amadou Ba, alors ministre des Affaires étrangères. Ce faisant, Ousmane Sonko était l’un des seuls opposants à Macky Sall encore en marge de ce genre de tractations.

L’accusation de viols et de menaces de mort qui devait sonner le glas de sa carrière politique et paver la voie à un « deuxième quinquennat »/« troisième mandat » pour Macky Sall a dominé les débats publics. Si les partisans de Sonko y voient une machination politique ayant pour but d’écarter du jeu un acteur politique qui se distingue par son discours radical contre le système politico-économique, mais aussi contre les relations étroites entre la France et le Sénégal et la corruption des politiques et de l’administration, ses contempteurs, parmi lesquels figurent les tenants du pouvoir, arguaient qu’il ne s’agissait que d’une simple affaire de mœurs impliquant un homme politique qui avait abusé de son statut.

Adji Sarr, 20 ans, issue d’un milieu social modeste, employée dans des conditions précaires dans un salon de massage, se trouvait ainsi au centre de l’attention ; par sa voix, et par ses propos, elle pesait sur les aspirations de millions de Sénégalais et pouvait déterminer la trajectoire politique de la nation. Une pression forte sur une jeune femme qui était entrée par effraction sur la scène publique et qui est devenue à son corps défendant un jouet pour les acteurs politiques sénégalais. Le fait qu’elle aurait été soutenue par Me Gaby So, avocat au barreau de Dakar, dans la rédaction de la plainte pour viols et menaces de mort, et que plusieurs membres de la coalition au pouvoir l’aient soutenue dans sa quête de justice, a très tôt donné à l’affaire un relent politique, de même que la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko, en février 2021, ainsi que les arrestations préventives de plusieurs membres de son parti.

UNE FIGURE ANTI-SYSTÈME

Les associations féministes qui ont longtemps lutté pour la criminalisation du viol ont subi de multiples pressions pour « porter » cette affaire et défendre Adji Sarr face à Ousmane Sonko. Un ministre de la Justice a ainsi reproché à plusieurs de ces associations de ne pas avoir défendu Adji Sarr, bien que le gouvernement ait accédé à la demande de criminalisation du viol en janvier 2020 – ce malgré les réticences du corps judiciaire qui s’inquiétait de la difficulté de prouver la réalité de ce crime en l’absence d’éléments scientifiques et/ou médicaux, qui étaient peu utilisés jusqu’alors, faute de moyens.

En 2023, lorsque la justice relaxe au bénéfice du doute Sitor Ndour, ancien maire de Fatick et allié du président, pour des faits de viol sur une domestique mineure servant de nourrice pour ses enfants, en dépit des messages audio de l’accusé suppliant la mère de la victime de ne pas porter plainte et de trouver un accommodement avec lui, l’incrédulité de l’opinion face à sa partialité ne fait qu’augmenter.

Le ralliement autour d’Ousmane Sonko dans cette affaire vient ainsi en partie des suspicions de manipulation judiciaire dans le but d’écarter un adversaire politique. En ce sens, l’affaire « Sweet Beauty » et l’utilisation des moyens de l’État pour exercer un pouvoir de contrôle et de coercition sur Ousmane Sonko a écorné l’image d’une démocratie sénégalaise réputée stable.

Mais, plus fondamentalement, Ousmane Sonko articule des griefs partagés au sein de la société sénégalaise, quant à la prédation de l’économie par les élites, à la captation de l’économie sénégalaise par des capitaux étrangers, en particulier français, qui bénéficient d’exemptions fiscales sans impact positif sur les conditions des travailleurs, et aussi quant aux collusions entre cercles du pouvoir et cercles maraboutiques, dont les intérêts convergent souvent et qui s’accordent en général sans que « ceux d’en bas » ne soient pris en compte. C’est contre ce système qu’Ousmane Sonko a construit son discours politique depuis son irruption sur la scène politique en 2014, en apparaissant d’abord comme un lanceur d’alerte sur les incohérences de la politique gouvernementale. Le fait qu’il était à l’époque inspecteur des impôts et domaines et que nombre de ses collègues et même des acteurs économiques témoignaient de sa probité lui a donné une certaine crédibilité en tant que critique du « système ».

« PROTÉGER LE PROJET »

Depuis 1960, le Sénégal s’est positionné comme un havre de stabilité politique dans la sous-région en maintenant des liens forts avec la France et les États-Unis, qui se reflètent dans les relations économiques et sécuritaires. Au cours des deux mandats de Macky Sall, le Sénégal a eu des taux de croissance économique frôlant les 10 %, grâce aux secteurs tertiaire et primaire en particulier. Mais cette croissance n’est pas « mangée » par les locaux, et notamment par les gorgorlous (ceux qui se débrouillent pour gagner leur pain quotidien), qui ne se retrouvent pas dans ces chiffres et qui sont affectés par l’inflation sur les prix des produits de première nécessité et de l’énergie. En 2022, celle-ci avait atteint près de 10 % au Sénégal, réduisant le pouvoir d’achat de millions de travailleurs.

À ces difficultés s’ajoutent des problèmes économiques qui poussent des milliers de jeunes dans la force de l’âge à tenter de fuir le pays chaque année, en quête de meilleures perspectives. Pour tous ces déclassés du système, Ousmane Sonko représente un espoir d’avenir meilleur car il est l’un des rares acteurs politiques à oser contester la structure de l’économie et à dénoncer les réponses cosmétiques à un problème de fond. Dans le discours ambiant, « protéger le projet » est un terme qui revient souvent. Et ce projet est incarné par Ousmane Sonko.

Pour toutes ces raisons, Ousmane Sonko est vu comme le seul (et peut-être le dernier) espoir pour la réalisation de ces aspirations, mais aussi contre l’ambition prêtée à Macky Sall de vouloir briguer un troisième mandat, après avoir déjà marginalisé Karim Wade et Khalifa Sall, radiés de la liste des électeurs et donc inéligibles après leurs condamnations en 2014 et 2017. De fait, on ne peut comprendre la résistance à toute arrestation d’Ousmane Sonko et l’appel de l’intéressé à descendre dans la rue pour défendre le « projet » sans prendre en compte l’instrumentalisation de la justice afin d’écarter les rivaux politiques de Macky Sall ces dernières années.

LES PRÉCÉDENTS KARIM WADE ET KHALIFA SALL

En 2012, à peine élu, Macky Sall réactivait la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour juger les cas de corruption et de détournement sous Abdoulaye Wade, son prédécesseur au pouvoir de 2000 à 2012. Karim Wade, fils de l’ancien président et ancien tout-puissant ministre, fut l’une des cibles de cette cour et, au terme d’une procédure de deux ans (2012-2014), il fut condamné pour enrichissement illicite à payer une amende de 138 milliards de F CFA (plus de 210 millions d’euros). Cette condamnation le privait de ses droits politiques. À l’issue de tractations diplomatico-politiques, Karim Wade fut forcé de s’exiler à Doha (Qatar) en 2016. Depuis, il n’a plus jamais remis les pieds au Sénégal, et nombre de chefs de son parti, le PDS, ont rallié la majorité présidentielle.

L’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, à Paris, en mai 2012 © Skolkovo Foundation / flickr.com

En 2017, c’était au tour de Khalifa Sall, maire de Dakar de 2009 à 2017, d’être poursuivi par la justice et d’être condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 5 millions de F CFA pour « escroquerie aux deniers publics », « faux et usage de faux dans des documents administratifs » et « complicité en faux en écriture de commerce » dans l’affaire dite de la « caisse d’avance » de la ville de Dakar. Cette caisse d’avance, qui constituait un fonds de soutien social, était utilisée comme fonds de mobilisation politique, et était perçue comme un contrepoids dangereux à la capacité financière de la majorité présidentielle. Lors de sa condamnation, Khalifa Sall a lui aussi perdu ses droits civiques, et c’est pourquoi sa candidature à la présidentielle de 2019 a été rejetée par le Conseil Constitutionnel.

Si des fautes ont pu être commises par les deux hommes lorsqu’ils étaient aux affaires, les droits de la défense ont été violés dans les deux procédures. Récemment, l’ancien procureur de la Crei a dénoncé les immixtions politiques, exprimant sa frustration liée aux obstructions du chef de l’État [2]. La mobilisation populaire autour de Sonko s’explique en partie par le manque de confiance envers la justice exacerbé par ces affaires. Et c’est ce qui a poussé le camp Sonko à adopter la stratégie de la « rue publique » en janvier 2023.

BRAS DE FER

Le débat est désormais clivé, et chaque camp se radicalise. Les accusations de « fascisme » et de complicité avec la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), portées contre Sonko par des ministres, des directeurs d’agence et des patrons de quotidiens nationaux proches du pouvoir, sont de plus en plus fréquentes. Face à l’ascension de Sonko, la réponse consiste à le diaboliser, et à faire peur en invoquant les risques que pourrait causer son accession au pouvoir.

L’audition des parties dans le cadre de l’affaire « Sweet Beauty » à partir de novembre 2022 a été le point de départ d’un nouveau bras de fer entre la rue et l’appareil étatique. Ousmane Sonko et ses partisans affirment depuis longtemps que le dossier de viols et de menaces de mort est vide. Ils arguent que le rapport de consultation médicale établi par un gynécologue l’exonère et que le procès-verbal d’enquête rédigé par la section de recherches a été manipulé par l’ancien procureur de Dakar – et donc que le juge d’instruction aurait dû clore l’information judiciaire. Il est vrai que le haut-commandant de la Gendarmerie avait diligenté une enquête interne sur le déroulé de la procédure en mars 2021, laquelle avait mis en lumière des interférences.

La fuite vers Touba de Seydina Oumar Touré, l’un des deux capitaines enquêteurs, avant son retour à Dakar et sa radiation du corps de la gendarmerie en juin 2021 pour « fautes contre l’honneur, la probité et les devoirs généraux du militaire », ont renforcé le sentiment d’abus venant du sommet. Le remplacement du général Jean-Baptiste Tine, haut-commandant de la Gendarmerie, en avril 2021, a quant à lui été perçu comme une sanction par rapport à la gestion des manifestations de mars 2021. Il se trouve que le général Tine est celui qui a commandité l’enquête interne…

DÉSOBÉISSANCE CIVILE

Dans un contexte d’intenses pressions politiques sur l’appareil judiciaire – pressions venues des deux côtés –, la conclusion de cette affaire ne pouvait qu’être contestée. Lorsque le doyen des juges a décidé de renvoyer le dossier devant la chambre criminelle, en janvier 2023, Ousmane Sonko et son parti, le Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), ont adopté une nouvelle stratégie. Lors d’un discours tenu durant un grand meeting à Keur Massar en janvier 2023, Sonko a dit « confier » son sort aux Sénégalais et a affirmé que son testament était déjà rédigé. Face aux abus et à l’arbitraire du pouvoir, il a appelé au « gatsa-gatsa », c’est-à-dire à un retour à l’envoyeur face à tous ces outrages.

Le pouvoir, en réponse, a dénoncé des appels à l’insurrection et promis de « défendre la République ». Depuis février 2023, plusieurs confrontations ont opposé sympathisants de Sonko et forces de l’ordre, à Mbacké (février), Dakar (février/mars) et Ziguinchor (mai). Dans une scène surréaliste captée par des téléphones en février, la brigade d’intervention polyvalente (BIP) de la police nationale a fracassé le véhicule d’Ousmane Sonko, de retour d’un procès pour diffamation, puis des policiers l’ont extrait de force de son véhicule pour le ramener chez lui, à la cité Keur Gorgui. En mars 2023, pour la même affaire de diffamation, policiers et partisans de Sonko se sont affrontés au rond-point Mermoz, à Dakar. Sonko, gazé et ramené de force au tribunal, puis hospitalisé, a parlé par la suite de « tentative d’assassinat ». La pression contre l’opposant va depuis crescendo. L’accès à sa résidence est régulièrement bloqué par la police et la gendarmerie, sans aucune justification légale.

En mai 2023, à l’annonce du début du procès de l’affaire « Sweet Beauty », Sonko a appelé à une campagne de désobéissance civile pour protester contre l’arbitraire. De Ziguinchor, dont il est le maire, une ceinture composée de ses partisans protégeait le leader du Pastef de toute arrestation par les forces de l’ordre. Une tentative d’arrestation a d’ailleurs causé la mort d’un policier, écrasé par un véhicule de police, et la blessure de plusieurs manifestants.

LA « BATAILLE FINALE » ?

Le 24 mai, un jour après la fin des débats, Ousmane Sonko a annoncé son retour à Dakar et a demandé aux jeunes rassemblés devant son domicile s’ils étaient prêts à l’accompagner. Ainsi, devant une foule acquise, il a déclaré : « Nous n’avons pas à fléchir devant Macky Sall. Tous les Sénégalais qui ne peuvent pas accepter que notre projet soit compromis sur des bases telles que ce qui est en train de se passer, je les convie à se mouvoir vers Dakar. Car s’il doit y avoir une bataille finale, elle se fera à Dakar. »

La « caravane de la liberté », qui devait passer par plusieurs villes entre Ziguinchor et Dakar, sur un trajet de 500 km, a constitué un autre épisode du bras de fer politique entre le pouvoir et Sonko. Elle a rapidement été interrompue le 27 mai, lorsque Ousmane Sonko a été arrêté dans le département de Koungheul, alors qu’il était séparé de ses partisans, par le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), puis assigné officieusement à résidence à Dakar.

Depuis cette arrestation, Ousmane Sonko, ainsi que les membres de sa maisonnée, sont privés de leur liberté de mouvement. Sonko n’a ainsi plus accès à ses avocats. Plusieurs manifestations spontanées ont éclaté dans la capitale ainsi que des appels à lever de force les barricades érigées par la police à la cité Keur Gorgui. Le 1er juin, lorsque le délibéré du procès est tombé, les manifestants ont pris possession de plusieurs rues de Dakar, mais aussi de Ziguinchor, de Kaolack et de Pout, entre autres villes, pour dénoncer l’iniquité d’un verdict qui risque de compromettre le « projet ». Les 1er et 2 juin, au moins 15 personnes ont perdu la vie, dont plusieurs à la suite de tirs par balles des forces de l’ordre. Ousmane Sonko est devenu inaudible, car privé de tout moyen de communication. Mais la rue, elle, bruit d’énergie et de force, et semble sur le point d’exploser.

Notes :

[1] Rama Salla Dieng, « Une lecture féministe des événements politiques récents », Seneplus, mars 2021

[2] « Le gros déballage de l’ex-procureur de la Crei, Alioune Ndao », Sud Quotidien, 24 octobre 2022

Quelles nouvelles de la Grande muraille verte ? Entretien avec Chérif Ndianor

Chérif Ndianor préside le Conseil de surveillance de l’Agence nationale de la Grande muraille verte au Sénégal. Nous l’avions premièrement rencontré pendant la COP24 puis ressollicité lors de son passage à Paris, car nous souhaitions qu’il nous en dise plus sur ce plan de reboisement pharaonique censé arrêter l’avancée du désert, et donc stabiliser les populations sahéliennes. Ce projet écologique d’une ambition sans précédent avait fait couler beaucoup d’encre lors de la COP21, suscitant beaucoup d’espoir pour un continent touché de plein fouet par le changement climatique. Le Sénégal est le pays qui, sur les 11 concernés par le projet, a le plus avancé dans les plantations. Comment cela se passe-t-il concrètement sur le terrain et où en sont ces travaux ?


 

LVSL : On a beaucoup entendu parler de l’immense projet de la Grande muraille verte ici en France, surtout à l’occasion de la COP21. Depuis, nous n’avons pas eu beaucoup de nouvelles. Pouvez-vous premièrement nous expliquer ce qu’est la Grande muraille verte, et dans quel contexte le projet est apparu ?

Chérif Ndianor : La Grande muraille verte est un projet qui est né d’un constat : l’avancée du désert est liée à la déforestation et au changement climatique. Au 7ème sommet de conférence des chefs d’États de la zone saharo-saharienne, en 2005, l’idée de créer une barrière d’arbres pour lutter contre l’avancée du désert a été émise pour la première fois. Le projet concerne 11 pays et vise à créer une ceinture verte, de Dakar à Djibouti (7 000 km de long). Le Burkina Faso, l’Erythrée, l’Éthiopie, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, le Soudan et Djibouti sont concernés par le tracé. Pour le Sénégal, le projet s’étend sur 545 km de long, 15 km de large et concerne trois régions : Louga, Matam et Tambacounda.

5 ans plus tard, le 17 juin 2010, l’agence panafricaine pour la Grande muraille verte a été créée à Ndjamena au Tchad. Elle est désormais basée en Mauritanie, mais dès 2008 déjà le Sénégal a créé sa propre agence nationale (décret 2008-1521 du 31 décembre 2008) et a commencé ses activités.

LVSL : On sait que l’Algérie de Boumédiène, dans les années 70, a été la première à évoquer un projet d’un barrage vert pour éviter la désertification saharienne qui menaçait les fertiles portes de l’Atlas. Était-ce une inspiration ?

Chérif Ndianor : Oui, on peut parler de cette idée algérienne, mais beaucoup d’autres théoriciens ont évoqué des projets de barrière verte pour endiguer le désert. La Chine qui lutte contre l’avancée du désert de Gobi est une vraie source d’inspiration. Mais l’idée est venue aussi d’un sentiment de nécessité des États concernés, qui finalement les a poussés à créer cette agence panafricaine pour vraiment lutter contre l’avancée du désert et la pauvreté dans cette zone.

LVSL : Qu’est-ce que la Grande muraille verte permettrait sur le plan environnemental, sur le plan climatique et sur le plan social ? Dans un contexte de changement climatique où la désertification avance vite au Sahel, est-il vraiment possible de gagner cette bataille et d’inverser la tendance à la désertification ? Est-ce que la muraille suffira ?

Oui, je pense que la Grande muraille verte peut suffire à inverser cette tendance-là. Ce qu’elle permettrait au niveau environnemental, c’est surtout d’encourager la conservation, la restauration et la valorisation de la biodiversité, mais aussi la durabilité de l’exploitation de la terre.

Au niveau climatique, nous participons à la séquestration de carbone dans les végétaux et dans les sols. Grâce au partenariat avec l’Observatoire Hommes-Milieux (O.H.M) et le CNRS, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a été mise à contribution pour travailler sur des méthodes de calculs pour comprendre le potentiel de séquestration par hectare planté.

L’impact social est déterminant. L’acacia que nous plantons fournit aussi de la gomme arabique qui peut également être valorisée donc génère des revenus pour la population locale. L’acacia Sénégal produit un fruit qu’on appelle chez nous le « soump », qui est commercialisé et dont les vertus médicinales sont connues.

Nous mettons en place des « jardins polyvalents villageois » (JPV) gérés par des femmes, qui permettent de produire des fruits et des légumes dans une zone pourtant très aride. Outre une amélioration de l’alimentation, de la nutrition et donc de la santé, ces femmes à travers leur organisation en groupements en tirent des revenus non négligeables.

Nous pensons vraiment que l’on peut gagner cette bataille avec un appui financier plus conséquent, et je pense qu’on va y arriver aussi. Ce projet la demande aussi beaucoup de ressources et c’est pour cette raison que nous sollicitons davantage le soutien et l’appui de nouveaux partenaires techniques et financiers.

LVSL : En Chine, la Grande muraille verte pour lutter contre l’avancée du désert de Gobi a provoqué des assèchements ponctuels des nappes phréatiques, car les arbres étaient en fait mal adaptés. Comment allez-vous réussir au Sénégal et en Afrique à prévenir de potentielles externalités négatives en termes environnementaux ?

Chérif Ndianor : Oui nous le savons c’est pourquoi notre approche a été assez différente de celle de la Chine. La Chine avait privilégié la quantité par rapport à la qualité. Les aspects biodiversité, diversité des espèces et espacements entre les espèces plantées n’y étaient pas trop pris en compte. Or il y a des écartements à respecter entre les arbres. Si on privilégie la quantité, alors trop d’arbres pompent dans la nappe phréatique en même temps quand il fait chaud actionner l’évapotranspiration.

Chez nous, on a d’abord fait le choix de confier tout ce travail sur les aspects biodiversité, choix des espèces et écartements à respecter aux experts : forestiers et universitaires. Ainsi, ils ont travaillé sur des espèces adaptées au type de sol et au type de climat local.

L’appui des universités et du CNRS français nous a aussi permis d’avoir une idée claire sur les espèces à planter et sur les écartements à respecter entre les différents arbres. Le choix a été fait de maintenir un écartement de 6 ou 8 mètres entre chaque arbre. Cela nous permet aujourd’hui d’avoir vraiment un très bon taux de réussite (taux de survie de chaque arbre planté) qui avoisine les 80%. Et pour l’instant ça marche très bien.

LVSL : Quand on dit Grande muraille verte on a en tête une ligne de forêt continue qui irait du Sénégal jusqu’à Djibouti. En réalité il s’agit plus d’un enchevêtrement de petites fermes, alors comment est-ce que vous allez mettre cela en œuvre, qui va construire tout ça ?

Chérif Ndianor : L’idée de grande muraille est symbolique. On sait très bien que techniquement ce n’est pas possible d’avoir un mur continu d’arbres de Dakar à Djibouti parce que cela traverse des espaces de vie où des populations vivent, des espaces d’agriculture, des espaces de pâturages. Et je pense même que ce n’est pas mieux, on a vu l’exemple de la Chine. Ce qu’on a fait au Sénégal et qui sera reproduit un peu partout, c’est de définir un tracé et d’y réaliser des activités de reboisement, de mise en défens, de valorisation du potentiel local (maraîchage, écotourisme, etc.). C’est donc, selon les endroits du reboisement – nous clôturons par exemple 5000 hectares pour empêcher le bétail de manger les jeunes pousses, mais aussi des jardins polyvalents ou simplement des réserves naturelles communautaires. Les activités y sont vraiment multiformes.

Avec le reboisement la faune revient aussi. Nous réintroduisons des espèces animales qui avaient disparu, on peut citer notamment des tortues dans la réserve naturelle communautaire de Koyli Alpha. Nous avons pour projet de réintroduire des gazelles et nous avons pu observer le retour des loups, des oiseaux, des insectes…

Nous développons aussi d’autres activités par exemple dans le Ferlo qui est une zone d’éleveurs peuls nomades. En saison des pluies ils se stabilisent, mais quand il n’y a plus d’herbes ils se déplacent, quitte à empiéter sur les cultures des agriculteurs sédentaires et de créer des conflits. Avec le projet de la Grande muraille, nous clôturons les pâturages ce qui permet de sédentariser ces éleveurs en leur offrant du travail. Mais cela permet aussi d’améliorer le niveau de fréquentation de l’école, parce qu’avec des rythmes nomades leurs enfants avaient généralement du mal à suivre.

LVSL : Il y avait des tensions entre les Peuls et d’autres communautés sédentaires pour la concurrence aux terres et qui maintenant diminuent avec la Grande muraille verte ?

Chérif Ndianor : C’est vrai qu’il y avait plus de tensions entre les éleveurs et les agriculteurs au niveau des terres. Mais aujourd’hui avec le projet, ce sont ces populations-là qui sont sur le terrain et qui le gèrent. Nous sommes là pour l’appui technique, l’appui logistique… mais le travail, c’est eux. Par exemple la période de collecte ou de récolte des fourrages pour les animaux, c’est eux qui la gèrent. Les jardins polyvalents permettent aussi une meilleure amélioration du voisinage entre les agriculteurs et les éleveurs.

LVSL : Concrètement, pouvez-vous nous parler de ces résultats ?

Chérif Ndianor : Nous produisons 1,5 million de plants par an. En 10 ans d’expérience de la Grande muraille sénégalaise, c’est donc 15 millions d’arbres qui ont été plantés. Nous mettons en place 1 000 km de pare-feu par an, que nous entretenons ou bien que nous ouvrons. Les pare-feux servent à lutter contre les feux de brousse qui détruiraient les jeunes plantations. On débroussaille pour que le feu soit circonscrit à un endroit bien précis en somme. Nous plantons 6 000 hectares de forêt par an et en protégeons autant pour qu’elles se régénèrent naturellement.

8 jardins polyvalents sont aménagés chaque année pour un chiffre d’affaire estimé à 2 millions de francs CFA que les femmes arrivent à récupérer. Nous formons également les populations à l’utilisation de la gomme arabique.

LVSL : Concrètement, qui construit tout cela et comment se passent les travaux ?

Chérif Ndianor : Il faudrait préciser premièrement que le reboisement ne se fait pas uniquement dans le cadre de l’agence nationale la Grande muraille verte. Le ministère de l’Environnement par le biais de la Direction des eaux et forêts fait aussi un gros travail en matière de reboisement.

De février à mars, on commence par identifier les zones à reboiser et nous effectuons un travail de préparation du sol appelé phase de sous-solage. Des tracteurs viennent tourner la terre pour faire des tranchées sur 30 mètres, ce qui permet à la terre d’absorber mieux l’eau. Ensuite, nous reboisons à la saison des pluies (juillet-septembre), autrement nous n’aurions pas assez d’eau facilement disponible.

Beaucoup d’acteurs interviennent sur le projet, dont l’Agence nationale de la Grande muraille par le biais de ses bases opérationnelles sur le terrain. Nous recrutons durant cette période-là au sein de la population locale. Nous recrutons de la main d’œuvre qui vient nous aider au jour le jour, mais aussi pour la préparation des pépinières qui se fait bien en amont.

Nous avons la chance aussi d’avoir des partenaires comme l’ONG internationale Sukyo Mahikari qui envoie en moyenne 300 personnes pour aider sur le terrain et des fonds. Ils sont basés un peu partout en Europe, aux États-Unis, en Asie. Nous avons aussi des associations locales de jeunesse. Le ministère de la Jeunesse organise des vacances citoyennes en envoyant des jeunes nous aider au reboisement, avec bien entendu la coordination de nos techniciens qui sont sur le terrain pour les orienter.

LVSL : Maintenant j’aimerais qu’on s’intéresse un peu aux mécanismes de financement pour ce projet : combien cela coûte-t-il au Sénégal ? Est-ce que l’argent va entièrement sur le terrain ?

Chérif Ndianor : Nous avons eu la chance d’avoir une volonté politique très forte dès le départ. Le Sénégal n’a pas attendu la création en 2010 de l’Agence panafricaine de la Grande muraille verte pour démarrer ses activités. Dès 2008 déjà, le Sénégal a créé son agence nationale et a commencé à mener des activités.

Cette volonté politique très forte se matérialise aujourd’hui par la signature d’un contrat de performances 2016-2018 entre l’État du Sénégal et l’Agence nationale de la Grande muraille verte du Sénégal dans lequel l’État s’est engagé à assurer les dotations financières nécessaires à la mise en œuvre de ce projet soit une subvention d’au moins 4.702.168.090 Francs CFA (soit 7 179 000 €) sur la période des trois ans.

La Banque mondiale qui intervient dans le programme PDIDAS (Programme de développement inclusif et durable de l’agro-business au Sénégal) a fourni une enveloppe de 3 millions de dollars pour cette période 2016-2018.

Le projet FLEUVE (Front local environnemental pour une union verte) est aussi financé par l’Union européenne à hauteur de 7,8 millions euros et concerne 5 pays du Sahel, dont 916 000 € pour le Sénégal sur la période 2016-2018. La FAO, via l’ACD (Action contre la désertification) a débloqué 41 millions d’euros sur 4 ans pour 6 pays africains, dont 1 553 00 € pour le Sénégal.

C’est dire donc qu’un budget conséquent a été octroyé. Ce qui traduit une volonté politique de donner plus d’impulsion, d’autorité et d’autonomie à un ensemble d’activités nouvelles ou insuffisamment prises en charge. Ce n’est évidemment jamais assez, mais c’est énorme quand même. Il faut reconnaître que l’État a fait un effort important et son engagement va en augmentant.

Ces fonds vont uniquement aux projets auxquels ils sont destinés et nous sommes là sur le terrain pour le vérifier. Aujourd’hui, il y a un changement de paradigme. Avec l’arrivée au pouvoir du président Macky Sall et à travers “l’Axe 3 Bonne Gouvernance” du PSE (Plan Sénégal émergent), l’accent est surtout mis sur la gestion axée sur les résultats et les performances avec un impératif de rendre compte. Donc on peut dire qu’il y a tout de même une rigueur dans la gestion de ces fonds et dans l’accomplissement de ces différentes activités.

LVSL : Pourquoi le Sénégal est le seul pays qui avançait sur le dossier jusqu’à présent ? Vous avez cité les 11 pays du tracé, mais on se rend compte avec les photos satellites qu’en fait il n’y a qu’au Sénégal que les arbres apparaissent.

Chérif Ndianor : Je ne peux pas vous laisser dire que le Sénégal est le seul pays qui a avancé sur ce projet-là. Peut-être que le Sénégal est en avance par rapport aux autres, car nous avons commencé 2 ans avant la création de l’Agence panafricaine, en 2008. Beaucoup de pays ont depuis commencé comme la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso entre autres. La Mauritanie, qui abrite l’Agence panafricaine, a d’ailleurs très bien démarré avec plus de 1 000 km de tracé défini. Chaque pays a sa spécificité, ses contraintes, ou bien ses priorités, mais aujourd’hui on peut quand même dire que tout le monde est sensibilisé par rapport à ce projet.

Depuis la COP21, les chefs d’État se sont rencontrés et il y a même d’autres pays qui ne faisaient pas partie du tracé qui demandent à y être intégrés, comme l’Algérie ou les pays du bassin du Congo. Toute l’Afrique aujourd’hui est intéressée et beaucoup d’envoyés viennent au Sénégal pour s’inspirer et peut-être transposer dans leurs pays des pratiques similaires.

LVSL : La dimension sécuritaire entre aussi en compte ? Puisque le Sénégal est relativement épargné par le péril djihadiste. Boko Haram par exemple frappe plutôt d’autres pays sahéliens et ça n’aide évidemment pas ces pays à accélérer les travaux.

Chérif Ndianor : Oui effectivement, chaque pays a ses priorités. Nous avons la chance d’être épargnés de ces risques et d’être un pays stable démocratiquement, avec des alternances qui se passent sans problème. Nous avons aussi des experts reconnus dans le monde entier. Je le constate aussi quand je vais dans les sommets internationaux ; les experts sénégalais sont à la tête de plusieurs structures. C’est un atout indéniable.

Mais aujourd’hui beaucoup de pays sont sensibles à cette question-là. Le cas du Nigeria est intéressant puisqu’il a pour projet de replanter 1 500 km avec le but affiché de lutter ainsi contre Boko Haram via l’amélioration des conditions de vie des populations. On sait qu’une bonne partie des gens qui vont se radicaliser le font à cause de leurs conditions de vie précaires. Donc je pense que c’est un projet panafricain intégrateur, qui peut permettre en plus de lutter contre la pauvreté, de lutter peut-être aussi contre le terrorisme, mais aussi contre les migrations clandestines en fixant les populations autour d’une activité, des revenus…

LVSL : Est-ce que vous pensez que ce projet-là peut suffire à fixer les populations sahéliennes et ainsi tarir les flux des migrations interafricaines et intercontinentales ?

Chérif Ndianor : Bien sûr. La première vague d’immigration sénégalaise vers la France a eu lieu dans les années 70, années de sécheresse. La sécheresse a poussé les populations à migrer des zones rurales vers les zones urbaines, puis vers l’immigration clandestine. La Grande muraille permet de régler le problème à la racine. Mais il n’y a pas seulement ce projet-là. Le Sénégal est en train de mettre en place d’autres projets comme les aménagements hydroagricoles visant à l’autosuffisance alimentaire. Toute la zone de la vallée du fleuve Sénégal a vu l’aménagement de terres pour faire de l’agriculture, de la riziculture, etc.

LVSL : La Grande muraille verte est un projet pharaonique, est-ce qu’il y a d’autres grands projets écologiques en Afrique qui suivent cet exemple-là ?

Chérif Ndianor : Oui, j’en citerais deux particulièrement ambitieux comme le projet d’appui à la transition agro-écologique en Afrique de l’Ouest (PATAE) qui a été lancé en avril 2018 à Abuja (Nigéria) avec 8 millions d’euros et qui s’étend sur 4 ans (2018-2021). Il rassemble la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali, le Sénégal et le Togo. Il est cofinancé par l’Agence française de développement et la CEDEAO.

Il y a aussi le Fonds bleu, projet du bassin du Congo avec 12 pays africains donc l’objectif est de subventionner des projets qui permettent de préserver ce territoire de la déforestation et des dégradations environnementales. Le bassin du Congo est le deuxième poumon mondial après l’Amazonie, il faut donc protéger ses 220 millions d’hectares de forêts. 101 millions d’euros par an vont être mobilisés autour de ces projets que je trouve vraiment intégrateurs et qui peuvent permettre à l’Afrique de lutter efficacement contre la désertification et les changements climatiques.

 

Image à la une : © Clément Tissot pour Le Vent se Lève