Les rapports de force à l’aube des élections espagnoles

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©Presidencia de la República de Mexico

Le 10 novembre se tiendront en Espagne les quatrièmes élections législatives en quatre ans. Une si forte instabilité institutionnelle – l’ancien chef de gouvernement socialiste, Felipe González, estimait dans une boutade que l’Espagne est passée du bipartisme au multipartisme puis, enfin, au “bloquisme” – est le reflet d’un paysage politique qui se décompose toujours plus. En effet, cela fait presque 18 mois que l’Espagne n’a pas de gouvernement bénéficiant d’une majorité parlementaire. Analyse en collaboration avec Hémisphère gauche.


Les dernières élections du 28 avril 2019 ont achevé le bipartisme, dominant depuis la Transition à la démocratie libérale dans les années 1980, et consolidé le multipartisme. Elles ont ainsi accouché d’un Congrès des députés (la chambre basse du Parlement) divisé en quatre partis majeurs : le Parti socialiste (PSOE), le Parti populaire (PP), Ciudadanos (Cs) et Unidas Podemos (UP). Le parti d’extrême-droite Vox y a fait son entrée. Depuis la convocation de nouvelles élections à la fin du mois de septembre, deux partis politiques classés à gauche (dont l’un a moins d’un an) ont présenté leur candidature au Congrès des députés pour la première fois.

Un tel scénario d’éclatement, d’instabilité et d’incertitude par rapport à l’avenir est particulièrement inquiétant au regard des échéances majeures à venir. Tout d’abord, la procédure judiciaire contre les dirigeants indépendantistes catalans devant le Tribunal Suprême arrive à son terme. L’arrêt devrait être rendu par la Haute Cour entre le 10 et le 14 octobre. Ses répercussions sur l’état de la mobilisation citoyenne seront considérables, d’autant plus que le basculement vers des actions violentes de la part de groupes minoritaires n’est plus à écarter. Ensuite, la deuxième échéance est l’incertitude qui entoure la date et les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’UE. L’Espagne est particulièrement vulnérable car elle accueille environ 300.000 retraités britanniques par an (première destination en Europe) et doit veiller aux intérêts de près de 100.000 Espagnols résidant au Royaume-Uni. De plus, les rapports avec Gibraltar seraient brutalement impactés par un No Deal. Enfin, le ralentissement qui pèse sur la croissance des économies européennes constitue une troisième menace. Celle-ci pourrait devenir bien réelle en ce qui concerne l’Espagne avec la mise en place de sanctions commerciales contre sa production agroalimentaire (l’huile d’olive et le vin notamment) de la part des États-Unis, dans le cadre du contentieux commercial qui l’oppose à l’UE autour du secteur de l’aéronautique.

Après les prochaines élections du 10 novembre, les différentes forces politiques parlementaires ne pourront plus repousser l’exigence de dégager une majorité plurielle. Ce sera une première depuis le retour de la démocratie libérale. Le contexte sera, pourtant, extrêmement difficile sur un grand nombre de fronts.

C’est pour cela que nous proposons un suivi de l’actualité de la campagne au fil des semaines. L’analyse des sondages et des éventuelles issues du scrutin sera privilégiée. Elle nous permettra, dans ce premier papier, de poser le cadre. Quelle est la situation des quatre principaux partis alors que démarre la campagne ?

À ce titre, les premiers sondages qui tiennent compte des premiers jours de campagne et de l’irruption du parti d’Iñigo Errejón (ex-Podemos) commencent à être publiés.

Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer de ces premiers sondages ?

Côté PSOE, le parti de Pedro Sánchez arrive toujours en tête des intentions de vote avec près de 30%, devançant largement le PP (il aurait environ 9 points de plus selon un modèle statistique publié par eldiario.es et produit à partir des données de différents instituts). La dynamique est, cependant, descendante depuis le mois d’août. La convocation de nouvelles élections est un pari de Pedro Sánchez, qui table sur une nouvelle victoire après celle du 28 avril pour forcer les accords avec Unidas Podemos et Ciudadanos.

Le PP, parti traditionnel de la droite espagnol, reprend du poil de la bête. Après avoir été mis en difficulté par l’ascension de Ciudadanos et l’irruption de Vox, le PP est sur une dynamique ascendante dans les enquêtes d’opinion depuis le mois de juin. Il semble apparaître comme le réceptacle privilégié du « vote utile » de la droite. Les affaires de corruption (qui ont objectivement peu compté pour les électeurs de droite) et l’image d’immobilisme que donnait Mariano Rajoy semblent avoir étés oubliées après la prise de pouvoir dans le parti du jeune Pablo Casado. Cela se traduit par une amélioration des intentions de vote : + 3 points depuis avril. L’hypothèse du remplacement du PP par Ciudadanos semble donc écartée pour l’instant.

Cette dernière formation, qui est le parti d’Albert Rivera, se trouve mise en difficulté par la convocation de nouvelles élections – ce qui faisait partie, bien entendu, de la stratégie de Sánchez. Il semblerait que la stratégie d’opposition frontale à Pedro Sánchez n’ait pas porté ses fruits dans un contexte où les citoyens demandent à la classe politique de se mettre d’accord. La force de rappel que constitue toujours le PP à droite semble donc avoir eu raison de la vision d’Albert Rivera, centrée sur le court-terme. Rivera a d’ores et déjà adouci ses propos à l’égard de Pedro Sánchez et a ouvert la possibilité d’un accord avec le PSOE. Les estimations les plus récentes situent le vote en faveur de Cs aux environs de 12,5-13%, en retrait par rapport aux près de 16% obtenus le 28 avril.

Venons-en à Unidas Podemos il s’agit de la coalition de Podemos avec un ensemble de micro-partis ou de mouvements à la gauche du PSOE. Les données les concernant doivent encore être interprétées avec prudence car le parti d’Iñigo Errejón dispose d’une marge de progression. Il n’en demeure pas moins que les derniers sondages sont relativement encourageants : Unidas Podemos se maintient, voire croît légèrement, de l’ordre de 0,5-1 point (autour de 12,5% dans un ensemble de sondages par rapport à 11,7% lors des élections d’avril) . Il est à présent à égalité avec Cs, voire légèrement au-dessus.

Derrière, Vox, le parti d’extrême droite, perd environ 2 points dans les différentes estimations par rapport au résultat obtenus le 28 avril. Il passe de 10% à 8%. Cette dynamique est cohérente avec la montée du PP. Vox court le même danger que Ciudadanos : perdre des voix au profit du vote traditionnel et désormais utile de la droite. Il est possible qu’il ait donc atteint un plafond à 10% des voix.

Enfin, Más País, le parti fondé par Iñigo Errejón, est un nouvel arrivé aux élections législatives nationales. Il s’est lancé dans l’arène nationale sans programme et cherche à occuper une position centrale avec un discours consensuel et favorable à une entente avec Sánchez, donc à la mise sur pied d’un gouvernement « progressiste », ce que souhaitent une courte majorité d’électeurs. Il prétend capter à la fois l’électorat de Podemos déçu par la gestion de Pablo Iglesias et notamment par son incapacité à trouver un accord avec le PSOE ; l’électorat du PSOE mécontent de la tendance de Pedro Sánchez à pencher à droite pour élargir son socle électoral ; et les électeurs de Ciudadanos peu convaincus de l’utilité d’une opposition frontale à Pedro Sánchez et désireux, avant tout, de voir se constituer un gouvernement. Il est crédité à présent à environ 6,5% des voix mais il s’agit là sans doute d’un palier. Son évolution est à suivre de près, elle sera fonction de la perte de voix des trois partis suscités et des changements dans l’abstention.

Estimations de vote recensant plusieurs sondages (4-5 octobre 2019)

En rouge : PSOE

En bleu : PP

En violet : Unidas Podemos

En orange : Ciudadanos

En vert : Vox

En turquoise : Más País

Source : eldiario.es

Triple droite en Espagne : chronique d’une radicalisation du politique

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Monumento al Toro Bravo by Diodoro Rodriguez Anaya at the entrance to Huamantla, Tlaxcala, Mexico / Wikimedia commons

Depuis quelques mois, l’Espagne connaît une radicalisation du politique menaçant directement le consensus forgé autour de la transition démocratique. La poussée réactionnaire incarnée par VOX a conduit Ciudadanos et le PP à lui disputer cette identité politique. C’est le résultat d’un retour du politique initié en 2011 avec le mouvement du 15M. Cette explosion démocratique a mené Podemos à ouvrir la boîte de Pandore de l’agonisme mouffien en 2014. En articulant des identités politiques hétérogènes, Podemos a réussi à construire un horizon d’espérance, faisant de l’utopie le moteur de son projet. Toutefois, à l’occasion de la dernière campagne électorale, l’agressivité de la droite a pris le pas sur l’horizon progressiste porté par Podemos. Sur le plan théorique, le politique consensuel mouffien s’est radicalisé jusqu’à la version belliqueuse prônée par Carl Schmitt. Le but de cet article sera de comprendre la généalogie d’une telle métamorphose.


DU LOGOS AU PATHOS : L’OUVERTURE DE LA BOÎTE DE PANDORE

Suivant les enseignements d’Aristote, Patrick Charadeau nous apprend que le discours politique repose toujours sur deux piliers : la raison (logos) et le sentiment (pathos). La prégnance d’un de ces deux éléments sur l’autre est souvent le résultat de contextes historico-symboliques particuliers. Avant l’apparition de Podemos, lors des premières années de crise, le logos est maître dans le débat public. L’esprit politique de la transition démocratique et son ambition modernisatrice sont alors hégémoniques, tandis que la raison et la modération régissent le système politique espagnol bi-partisan. 

Si l’on se penche sur les archives, on en ressort surpris par la solennité des débats électoraux d’antan. En 2008, le leader du PP, Mariano Rajoy dresse calmement le tableau de la crise économique. Il utilise sa « minute d’or » pour rassurer les Espagnols en leur promettant de bien conduire l’économie. Son homologue du PSOE, M.Zapatero, riposte sur un ton savant et léger, saluant les libertés démocratiques acquises depuis la fin de la dictature. Dans aucune de ces minutes d’or, l’adversaire n’est présenté comme un danger ou comme un traître.

En 2011, la crise bat son plein et le 15M a résonné dans tout le pays. M.Rubalcaba succède à M.Zapatero à la tête du PSOE. Il ouvre sa minute d’or avec un fade « j’ai essayé, dans la mesure du possible, de vous expliquer ce que sont mes solutions pour notre pays ». M.Rajoy renforce cette atmosphère monocorde et termine son discours par un « on est à votre disposition », sur un ton bureaucratique. Dans les deux cas, le débat est un exercice de raison qui s’adresse à une population tempérée. Les partis politiques ressemblent d’avantage à des agents passifs qu’à des protagonistes actifs. Au lieu d’impulser la création d’un corps politique propre, ils se positionnent comme des partis de gouvernement qui prennent en compte l’hétérogénéité électorale du pays. L’avantage que leur donnent leur présence historique dans le paysage politique leur permet de faire des élections une simple discussion entre programmes.

Sur ces entrefaites, une révolution du pathos frappe le politique, comme le romantisme éclata au XIX siècle. Podemos arrive sur la scène politique en 2014, dans l’effervescence du 15M, avec pour ambition de « prendre d’assaut le ciel ». En suivant les incursions théoriques du courant national-populaire dans la psychanalyse, le jeune parti se transforme en machine capable de mobiliser les affects. C’est par ce discours que le consensus forgé autour de la transition démocratique est bousculé. Dans le pays germe l’idée qu’un nouveau peuple, mué par l’esprit de solidarité et un imaginaire utopique, constitue le moteur de la politique. C’est, sans aucun doute, l’avènement d’une nouvelle transition politique.

Sourire aux lèvres, le leader de Podemos, Pablo Iglesias prophétise que le changement institutionnel qui a bourgeonné dans les rues se concrétisera tôt ou tard. Sans plus attendre, l’Espagne doit dire « au revoir à 1978 et bonjour à 2015 ». Albert Rivera, leader de Ciudadanos, fera de même en revendiquant l’idée de “changement” et en plaidant, lui aussi, pour une deuxième transition. Une nouvelle atmosphère politique imprime sa marque dans les sphères esthétiques et discursives du politique.

Podemos arrive en 2014 dans l’effervescence du 15M en Avec pour Ambition de « prendre d’assaut le ciel »

Lors du débat électoral de 2016, Pablo Iglesias termine son intervention en proclamant que, contre ceux qui relient le projet de changement à la peur, il convient d’aller voter avec la joie et l’espoir dans le cœur. « Oui, nous pouvons », tel est le maître mot d’une organisation qui agite l’esprit de beaucoup d’Espagnols. Il faut se souvenir que, quelque mois avant l’élection, en janvier 2015, Podemos est la première force politique, selon Metroscopia, avec 28,2% des voix. Comme prévu, Albert Rivera et Pedro Sánchez – nouveau leader du PSOE – suivent la cadence initiée par Podemos. Le candidat de Ciudadanos parle d’un rêve réalisable pour l’Espagne. Sánchez, de son côté, donne une touche tragique à son discours en faisant allusion à la pauvreté infantile, désormais dramatiquement élevée.

Pendant ces années, en Espagne, le politique entre en mutation profonde : c’est le retour de l’émotion en politique. Cette tendance, ouverte par Podemos, va se retourner contre le mouvement. Avec le conflit catalan, la puissance mobilisatrice de l’émotion se déporte sur la droite de l’échiquier politique, bien que le PP de Mariano Rajoy constitue alors le dernier bastion de la raison cartésienne. Quoiqu’il en soit, l’espace politique est ouvert. La solidité du bloc hégémonique hérité de la transition démocratique ressort définitivement fracturé par cette nouvelle dispute pour le sens commun. Les forces politiques ne raisonnent plus de manière passive selon une culture politique qui leur précéderait. Bien au contraire, elles manient les structures mêmes du politique pour définir un terrain de combat qui leur soit favorable.

DU PATHOS À LA GUERRE : RUPTURE DE L’ÉQUILIBRE AGONIQUE

En quelques mois, l’Espagne passe d’une politique de l’affectif à une politique de la confrontation radicale. Le point d’inflexion de ce basculement intervient à la fin de l’année 2017, avec l’irruption de la question catalane. La journée traumatique du 1er octobre fait exploser la fragile frontière qui sépare l’agonisme mouffien de l’antagonisme schmittien. Le Catalan n’est plus un adversaire pour “l’Espagne constitutionnelle” mais bien un ennemi, comme l’est l’État espagnol pour le mouvement indépendantiste. L’Autre, indépendantiste ou unioniste est vidé de sa dignité humaine et n’est perçu que comme un problème structurel, irréconciliable avec les aspirations de l’Un. Cette tension phagocyte l’opinion publique jusqu’aux dernières élections législatives de 2019. 

Dans le tourbillon dialectique de cet affrontement identitaire, l’horizon utopique de Podemos est muet. Le mouvement invite les parties au dialogue et défend obstinément le droit des Catalans à l’autodétermination, ce qui le marginalise.

Sur fond de crise nationale, Pedro Sánchez prend le pouvoir à la suite d’une motion de censure. Ses négociations avec les leaders indépendantistes éveillent encore davantage l’agressivité de la droite qui, par effet de mitose, ouvre la porte au phénomène VOX. La division entre « constitutionnalistes » et pro-indépendantistes constitue le nouveau terrain politique inauguré par la droite. La puissance de cette délimitation force Podemos à fonder sa stratégie électorale sur les articles « sociaux » de la constitution.

Le conflit catalan permet à Santiago Abascal de greffer la doctrine Bannon en Espagne. Ce dernier avait, en effet, fondé The Movement avec l’objectif de soutenir les mouvements politiques conservateurs et réactionnaires en Europe. M.Abascal n’est pas un phénomène isolé dans la vie politique espagnole. Son émergence vient après l’arrivée de mouvements politiques tels que CitizenGo, une association politique qui combat le droit à l’avortement ou encore le mariage homosexuel. CitizenGo est l’héritier direct de HazteOir, mouvement politique conservateur et ultra-catholique.

Peu à peu, cette nébuleuse d’extrême-droite remet en cause le consensus établi sur des questions telles que le féminisme, l’autonomie des régions ou l’immigration. Le conflit catalan a permis à Vox de parler ouvertement de misogynie, de centralisme administratif et de xénophobie. La stratégie est claire : faire de la politique la continuation de la guerre par d’autres moyens. Comme aux États-Unis, comme au Brésil, les quelques règles bienveillantes du jeu politique sont complètement bouleversées par l’idée que, dans la guerre, tout est possible. 

Privé du temps de penser lucidement, le citoyen se réfugie dans la force politique AYANT créé le problème qu’il fuit. La logique vicieuse de cette grande diversion RÉSIDE DANS LE FAIT que, pour maintenir l’attention du citoyen, elle déploie un réalité COMPLÈTEMENT apocalyptique.

VOX imite Trump et reprend sa stratégie fondée sur ce que Lakoff appelle le preemptive framing. Le parti de Santiago Abascal impose son propre tempo au débat public. Il détermine ainsi l’agenda des partis politiques et des médias.

C’est avec cet objectif en tête qu’il défend l’usage privé des armes à feu. Ainsi, VOX permet à une question tombée en désuétude de revenir sur la scène politique. Dans le contexte espagnol, cette proposition est explosive. Le royaume reste marqué par les souvenirs douloureux de la guerre civile, tandis que la dissolution de l’ensemble des structures liées à l’ETA (organisation terroriste basque) avait rendu le débat sur les armes à feu obsolète. Faisant appel aux instincts les plus primitifs, ici la survie, VOX ré-ouvre de vieilles blessures, tandis qu’une idée jusqu’alors complètement exclue du débat public gagne une place, construite artificiellement. 

Le citoyen se réfugie dans la force politique qui a créé le problème qu’il fuit. La logique vicieuse de cette grande diversion réside dans le fait que, pour maintenir l’attention du citoyen, elle déploie un réalité complètement apocalyptique. M.Abascal n’hésite pas à parler de dictature progressiste ou de totalitarisme de l’idéologie du genre. A l’occasion d’une réunion publique à Valence, il avertit ses soutiens : en cas de gouvernement progressiste, le chaos et la violence s’empareraient du pays. Il associe Podemos, Izquierda Unida et la gauche espagnole au camp républicain de 1936. Ciudadanos et le PP reprennent cette rhétorique en agitant le chiffon rouge du communisme et de fondamentalistes catalans qui agresseraient les non-indépendantistes. Par l’évocation des mânes du terrorisme basque, la droite répand le pire visage du mouvement catalan. De la même manière, le PP parle d’invasion migratoire, dans un pays où la principale préoccupation est le chômage et la corruption.

L’hyperbolisation discursive DE LA RÉALITÉ permet de diluer la gravité d’un ÉVÉNEMENT POLITIQUE PROBABLE : UNE COALITION RÉUNISSANT LES FORCES DE centre-droitE ET l’extrême droite.

Le 14 avril, le village d’Errenteria (Pays Basque) commémore le jour de la république espagnole. Ce village est historiquement marqué par son appartenance au camp républicain et à la gauche. Par provocation, Ciudadanos organise un meeting sur la place du village, interrompant la commémoration que ses voisins organisent tous les ans. Ces derniers, indignés, décident de perturber l’événement d’Albert Rivera à coup de casseroles. Résultat : Ciudadanos obtiendra 2,9% de voix à Errenteria, tandis que la coalition formée par Podemos, PSOE, et Bildu rassemble 71,96% des voix. L’objectif était de créer un conflit dans une zone historiquement marquée par la gauche et l’indépendantisme, afin de se présenter en martyre.

Cette hyperbolisation discursive de la réalité permet de diluer la gravité d’un événement politique probable : une coalition réunissant les forces de centre-droite avec l’extrême-droite. Ciudadanos voit en VOX un partenaire « constitutionnaliste ».

Pour faire fonctionner cette machinerie idéologique, la guerre de l’information est fondamentale. Comme dans les campagnes menées par Donald Trump et Jair Bolsonaro, il y a une relation ambivalente entre les médias et les outsiders d’extrême droite. L’extrême-droite esquive les grands journaux en donnant priorité aux réseaux sociaux pour propager le message de VOX. Toutefois, elle s’appuie sur le rejet dont elle ferait l’objet de la part des médias pour se forger un statut de dissident. C’est ainsi que VOX ne participe à aucun des deux débats télévisés. Plus que satisfaite, la direction du parti demande à tous ses représentants de simuler la stupeur devant cette prohibition de la part du comité électoral. Par le biais des réseaux sociaux, le parti mitraille l’opinion publique de fakes news et d’affirmations hyperboliques qui organisent une représentation dichotomique et manichéenne du réel. Enfin, le souffle épique de l’histoire est un ingrédient clé du discours de VOX comme c’est pour le cas pour le Rassemblement National, Donald Trump ou la Lega italienne.

Comme dans la campagne de Trump et celle de Bolsonaro, il y a une relation ambivalente entre les médias et les outsiders d’extrême droite.

Les deux concurrents réactionnaires de VOX participent également de cette guerre médiatique. Ils ont recours à des campagnes massives de diffusion d’informations, dont plusieurs se sont avérées faussées. Le PP de Pablo Casado en arrive à pratiquer l’astroturfing, qui consiste en la création massive de faux comptes sur Twitter pour donner une centralité au candidat. Les expériences américaine et brésilienne ont donné à voir l’hypocrisie de ce « contournement intentionnel des médias ». Ces derniers, pour la plupart privés, se nourrissent des déclarations juteuses et catastrophistes de la droite. Au lieu de tempérer le débat en confrontant ces déclarations aux faits, ils centrent leur attention sur ce fétichisme morbide pour le conflit et le sang. L’extrême droite et les médias mainstream, opposés en apparence, se nourrissent mutuellement, dans une spirale d’hystérie collective qui pousse le PP et Ciudadanos à adopter une rhétorique similaire.

Lors des débats télévisés, Pedro Sánchez se moquait de son homologue du Parti Populaire en appelant à l’invention d’un détecteur de mensonges. Cette plaisanterie se rapproche dangereusement de la réalité du comportement adopté par le leader de la droite. Sans aucune vergogne, Casado jongle avec des chiffres de plus en plus extravagants pour influencer les téléspectateurs. Il multiplie par deux le chiffre des pensions de retraite congelées par Zapatero durant la crise. Pour ce qui concerne le chômage, il prélève les chiffres des mois les plus mauvais du gouvernement Sánchez et les fait passer pour la moyenne sur l’ensemble de son mandat. Albert Rivera, obsédé par la question catalane, évoque un pacte entre les socialistes et les indépendantistes qui n’a existé que dans l’imagination du leader de Ciudadanos. Il évoque des distinctions territoriales dans l’accès aux services publics, en contradiction avec les dispositions de la loi 16/2003.

Montage publié sur le compte officiel de VOX le jour des élections avec la légende “La bataille commence!”.

LA RECONQUÊTE DU CAMP PROGRESSISTE DOIT S’APPUYER SUR UN NOUVEL IMAGINAIRE INCLUSIF ET TRANSVERSAL

L’instrumentalisation de la peur est sans doute une méthode pitoyable pour se faire une place dans l’échiquier politique. Reste qu’elle n’est pas moins dangereuse, et ce, pour une raison simple : la peur entraîne une mécanique difficile à enrayer. Avec Machiavel, on peut soutenir que l’on « fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut ». C’est le problème, apparemment sans solution, qui constitue le point nodal du développement de l’extrême-droite, en Espagne comme dans le reste de l’Europe. Une fois lancées, les colonnes infernales de l’inimitié et de l’antagonisme radical sont difficiles à arrêter.

L’appel à des fronts antifascistes, dans la continuité belliqueuse du discours politique ambiant, ne fait qu’agrandir l’adversaire. Podemos, qui défendait jusque-là cette position, a rectifié le tir lors des derniers débats électoraux. L’attitude sereine adoptée par Pablo Iglesias, face à des adversaires nerveux et se coupant sans cesse la parole, lui a valu une appréciation positive. Une attitude sobre et déterminée est la meilleure des défenses au milieu de la cacophonie politique.

l’appel à des fronts antifascistes, dans la continuité belliqueuse du discours politique AMBIANT, ne fait qu’agrandir l’adversaire.

Pour passer à l’attaque de nouveau, il faut cesser de perdre son temps avec l’hystérie de la nouvelle droite. Comme l’indique Iñigo Errejón, les progressistes doivent arrêter d’érotiser l’arrivée de VOX et sortir de la prison de son pathos apocalyptique. Cette position est une erreur stratégique difficilement réversible qui ne sert qu’à revitaliser l’imaginaire politique des années 30. On revient au discours de la vieille gauche, par la vieille gauche, pour la vieille gauche. Pendant ce temps, un terrain précieux est laissé dans les rues et dans les consciences, au bénéfice de l’extrême-droite. 

La meilleure défense contre le phénomène de VOX est de démystifier son image de parti nouveau et exotique. Son leader vient du PP. Il a bénéficié des largesses du parti. Lorsqu’il était au service d’Esperanza Aguirre (Présidente de la Communauté de Madrid), Abascal gagnait un salaire de 82.492 euros l’année pour une activité productive remarquablement réduite. Ses discours sur les armes, le terrorisme ou l’idéologie de genre ne sont que des confabulations délirantes qui n’ont rien à voir avec l’Espagne contemporaine. Au lieu de livrer une lutte titanesque contre son discours, il conviendrait de se consacrer à l’Espagne de notre temps pour lui proposer un projet de futur encourageant. L’Espagne de la haine n’est pas celle dans laquelle nous voulons vivre.

Cette nouvelle stratégie doit passer par le féminisme. Le 8 mars a mis l’Espagne à l’avant-garde du mouvement. D’une manière ou d’une autre, tout le monde se positionne vis-à-vis de sujet structurant. Contre la virulence machiste et la radicalisation du conflit dans le politique, on ouvre le chemin d’une politique où les être humains prennent soin les uns des autres. C’est cette Espagne, inclusive et bienveillante, qui doit être défendue par les forces progressistes et patriotiques. Le PSOE et Podemos paraissent avoir compris cela.

Contre la virulence machiste et la radicalisation du conflit dans le politique, on ouvre le chemin d’une politique où les être humains prennent soin les uns des autres. C’est cette Espagne, inclusive et bienveillante, qui doit être défendue par les forces progressistes et patriotiques.

Le bilan des élections est positif, mais limité. Le peuple espagnol a censuré une radicalisation excessive du politique. Le camp progressiste bénéficie d’un peu de répit pendant que la droite (et notamment le PP) est en convalescence. Ciudadanos, PP et VOX ont tous reconnus des erreurs dans leur communication. Ciudadanos et le PP admettent le danger que représente leur dérapage idéologique et reviennent vers une position centriste. Casado ose enfin qualifier VOX de parti d’ultra-droite. Jusqu’alors, il défendait avec un grand sourire, sa proximité personnelle avec la formation.

Cette restructuration du camp conservateur donne à la gauche un temps précieux pour imposer son agenda politique. Chaque mouvement doit être sous-pesé, notamment parce qu’une grande partie des voix ont été empruntées à des citoyens qui avaient plus de peur du « trifachito» que d’admiration pour le projet progressiste. La volonté du PSOE de gouverner en solitaire risque de mettre en danger la collaboration vertueuse de la gauche. Si Podemos souhaite survivre comme force motrice, il devra revenir vers la transversalité oubliée. Podemos doit renouer avec un agonisme courageux mais profondément démocratique et populaire. Autrement, ils seront condamnés à être le nouveau visage d’Izquierda Unida.

L’Espagne respire, dans l’attente des prochaines turbulences

Le scénario tant redouté de l’entrée de l’extrême droite au gouvernement n’a pas eu lieu. À l’inverse, le résultat des élections législatives espagnoles du 28 avril marque le retour en grâce de la social-démocratie. Avec 28,7% des voix, Pedro Sánchez, le leader du PSOE, est le vainqueur incontesté de ce scrutin. Comme au Portugal, et contrairement au reste de l’Europe, la famille socialiste retrouve des couleurs. Toutefois, aucune majorité ne se dégage, confirmant la fragmentation et l’instabilité du système politique espagnol. Le symptôme le plus frappant est l’élection, pour la première fois depuis la chute de Franco, de députés d’extrême droite aux Cortes. Premiers éléments d’analyse d’un scrutin qui redistribue les cartes.


Pedro Sánchez, Premier ministre sortant et secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a tiré les leçons de la débâcle des socialistes européens, en particulier du PS français. Même s’il a sûrement plus agi par opportunisme que par conviction, Sánchez a su mettre à profit son rapide passage au gouvernement – il a été nommé Premier ministre en juin 2018, à l’occasion d’une motion de censure victorieuse contre Mariano Rajoy. Conscient de la profondeur du mouvement féministe et de l’urgence sociale, Sánchez a pris plusieurs mesures emblématiques comme la composition d’un gouvernement majoritairement féminin, l’augmentation de 100 euros du salaire minimum ou l’allongement du congé paternité. Si ces mesures ne remettent pas fondamentalement en cause le système et qu’elles ont été prises sous la pression d’Unidas Podemos (UP, coalition qui regroupe Podemos, Izquierda Unida, Equo et En Comu Podem), c’est le gouvernement qui a le plus capitalisé sur leur mise en œuvre.

Le PSOE a également bénéficié du glissement à droite des trois partis conservateurs, notamment de Ciudadanos, ce qui a libéré de l’espace au centre. « Le bloc des trois droites » composé de Ciudadanos, du Parti populaire (PP) et de Vox, s’est livré à une surenchère droitière, souvent outrancière, ce qui a permis à Sánchez d’apparaître comme un modéré et surtout d’agiter le chiffon rouge de l’entrée du parti d’extrême droite Vox au gouvernement pour mobiliser l’électorat de gauche. Le PSOE est ainsi passé de 22,7% des voix en 2016 lors des précédentes élections législatives à 28,7% dimanche dernier.

Le climat de crispation et d’incertitude a sans conteste favorisé une très forte mobilisation de l’électorat. La participation s’est élevée à 75,75%, la plus haute de ces 15 dernières années, en hausse de 9 points par rapport au scrutin de 2016. Toutefois, cette importante participation n’a pas sensiblement fait évoluer les rapports de force entre blocs de gauche et de droite. En 2016, le PP et Ciudadanos remportaient 11 029 954 voix, soit 46,1% alors que le PSOE et UP en totalisaient 10 474 443, soit 43,8%. En avril 2019, le Parti populaire, Ciudadanos et Vox en ont reçu 11 169 796, soit 42,9% contre 11 213 684 pour le PSOE et UP, soit 43%. Autrement dit, la gauche est restée stable, quand la droite a perdu 3 points. Cependant, des transferts substantiels ont eu lieu au sein de ces deux espaces politiques.

À droite, la bataille ne fait que commencer

Pour le PP, et d’autant plus pour son chef, Pablo Casado, c’est un échec retentissant. Il signe la plus mauvaise performance de son parti, passant de 33% en 2016 à 16,7% trois ans plus tard. Le PP n’a pas réussi à laver son image des scandales de corruption qu’ils l’ont éclaboussé. Surtout, le virage droitier, très clivant, plutôt que de remettre le parti en scène, a profité à Vox. Casado s’en est pris frontalement à Sánchez, l’accusant de tous les mots, quitte à mentir de manière éhontée. Il a répété en boucle que le président socialiste voulait briser l’Espagne en réalisant une « alliance » avec les indépendantistes. Albert Rivera, le leader de Ciudadanos a aussi participé à cette surenchère, en s’éloignant définitivement du centre-droit et en mettant en scène, dans le même temps, le rapprochement des trois partis conservateurs. Les deux moments clés de l’alliance des « trois droites », ont été l’accord de gouvernement entre le PP, Ciudadanos et Vox en Andalousie et la photo commune des trois leaders place Colomb à Madrid.

La polarisation à l’œuvre, et le glissement du PP et de Ciudadanos à droite, ont largement fait les affaires de Vox, le plaçant, de fait, au centre du débat. De plus, en étant exclu des deux débats télévisés, Santiago Abascal, le président du parti d’extrême droite, a joué la carte d’outsider et d’anti-establishment. Vox a siphonné les voix du PP, parti dont il est issu et qui avait réussi jusque-là à maintenir les déçus du franquisme en son sein. En n’obtenant que 10,3% des voix, Vox n’a pas confirmé les prévisions les plus sombres (de nombreuses incertitudes planaient sur la fiabilité des sondages) et ne fera pas partie du prochain gouvernement. Toutefois, avec 24 députés, l’extrême droite fait son entrée au Parlement espagnol pour la première fois depuis la chute de Franco et risque fort de polariser la prochaine mandature.

Ciudadanos ne réussit pas à devancer le PP mais le talonne en obtenant 15,9% des voix, à seulement 0,8 points du parti de Casado. De fait, Rivera se positionne en nouveau leader de la droite. Si celle-ci a très peu gagné en nombre de suffrages, elle s’est considérablement radicalisée, à l’instar de nombreux partis conservateurs européens. Les mois qui viennent verront sûrement de nombreux mouvements et passes d’armes entre le PP, considérablement affaibli, Ciudadanos en dynamique mais qui reste deuxième, et Vox qui bénéficie d’une forte capacité d’influence.

Passage difficile pour Unidas Podemos

À gauche, l’évolution des rapports de force internes s’est faite au détriment d’UP. Aux élections législatives de décembre 2015, Podemos et Izquierda Unida obtenaient 6 112 438 voix, en juin 2016, 5 049 734 et dimanche dernier seulement 3 732 929 (14,3%), soit une perte de 2 739 509 voix en trois ans et demi. Porté par une fin de campagne dynamique et deux débats télévisés réussis, Pablo Iglesias a enclenché une petite remontada juste avant l’élection, permettant de sauver les meubles et son leadership, mais pas suffisamment pour inverser cette tendance lourde.

Les facteurs du recul d’UP sont multiples. Avec la motion de censure, le PSOE a repris l’initiative et Sánchez a su habilement manœuvrer pour contrer la progression d’UP en prenant des mesures populaires à gauche. En outre, Podemos s’est trouvé dans une position délicate sur la question catalane et a dû faire face à plusieurs crises internes, la plus importante étant la rupture d’Íñigo Errejón.

Plus généralement, Podemos est dans une impasse stratégique. En se fixant comme principal horizon – après la motion de censure et maintenant après les élections législatives – de rentrer dans un gouvernement du PSOE, Podemos s’est placé de fait dans une situation d’infériorité par rapport au PSOE, et considère celui-ci comme un acteur progressiste alors que le parti reste fondamentalement lié aux élites espagnoles. Podemos a également donné la priorité au champ institutionnel au détriment des mobilisations sociales et a laissé de côté l’objectif de « rompre avec le régime » – Iglesias se faisant le défenseur de la Constitution pendant la campagne. Des choix qui l’ont assimilé aux autres forces politiques traditionnelles, le privant du moteur contestataire. En outre, la perte de nombreux sièges (de 71 à 42) va également limiter les moyens et les ressources d’UP.

Composer avec l’Espagne plurinationale ou avec l’Ibex

Le scrutin de dimanche vient confirmer le caractère plurinational de l’État espagnol. Au Pays basque, les nationalistes du PNV (droite) et les indépendantistes d’EH Bildu (gauche) sont arrivés en tête, tandis qu’en Catalogne ERC (gauche indépendantiste) remporte la mise avec pas moins de 15 sièges. Au passage, ERC s’impose face à JxCAT, le parti de Carles Puigdemont (droite indépendantiste). Dans les nations historiques, les plus riches d’Espagne d’ailleurs, les partis madrilènes sont relégués au deuxième plan. En l’absence de majorité parlementaire naturelle, les différents partis indépendantistes, en particulier ERC, se retrouvent en faiseurs de rois.

Différentes options sont sur la table pour la constitution du futur gouvernement – sans écarter la répétition des élections. Le PSOE a fait savoir son intention de gouverner en minorité, mais cela paraît peu probable au regard de l’instabilité inhérente à ce projet : le gouvernement serait obligé de négocier avec les autres groupes parlementaire chaque projet de loi.

UP a depuis longtemps déclaré qu’ils étaient favorables au fait de participer à un gouvernement socialiste – et non pas de se contenter d’apporter un soutien de l’extérieur comme c’est le cas au Portugal entre le Bloco de Esquerda, le PCP et le PS. En tant que partenaire minoritaire, UP risquerait d’avoir une influence limitée sur la politique gouvernementale et de perdre en conséquence de nombreuses plumes. Cela renvoie également aux limites stratégiques de la coalition. De plus, dans ce cas de figure, les voix des députés du PSOE et d’UP ne suffisent pas. Il faut 176 voix pour obtenir la majorité absolue, or PSOE et UP ne disposent que de 165 sièges. Il faudrait donc l’appui d’un seul (ERC) ou de plusieurs partis indépendantistes ou nationalistes, ce qui complique les négociations. D’autant plus que plusieurs dirigeants catalans sont encore emprisonnés. À l’inverse, Sánchez peut faire du chantage sur les partis catalans en jouant sur la menace d’un retour de la droite aux affaires.

Dernière option, celle d’un gouvernement PSOE-Ciudadanos. À eux deux, ils ont 180 sièges. Rivera a rejeté cette possibilité, mais le secrétaire général de son parti a laissé la porte entrouverte et quelques dirigeants socialistes ont également envoyé des signaux dans ce sens. Quant à Sánchez, il a maintenu un certain flou pendant la campagne. C’est l’option préférée de l’Ibex, la bourse espagnole, la voie de la « stabilité et de la modération », selon le patronat, mais aussi celle de certains secteurs du PSOE. Les pouvoirs économiques vont faire pression sur les deux partis pour qu’ils s’engagent dans cette voie. Cependant, en temps de crise, la sphère politique acquiert une certaine autonomie vis-à-vis de la sphère économique et il est probable que Sánchez, qui s’est refait une santé sur une position social-démocrate classique, refuse cette option. Toutefois, rien n’est joué. Dans ce cas-là, il est probable que l’accord intervienne après les élections européennes, autonomiques et municipales du 26 mai.

La mobilisation démocratique a permis à l’Espagne d’échapper à un gouvernement des trois droites. Le modèle andalou ne se reproduira pas, du moins pour le moment. Toutefois, le panorama politique ne s’est pas pour autant stabilisé. La partie de poker pour la constitution du prochain gouvernement ne fait que commencer. Si aucune solution ne se dégage d’ici la fin mai, le triple scrutin du 26 mai permettra de distribuer de nouvelles cartes.