Trump : Very Bad Team ?

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©Gage Skidmore

Donald Trump est un égocentrique richissime, qui s’est entouré de ses semblables pour gouverner. Nous allons donc droit dans le mur, c’est certain. Attention cependant ! Si le pire n’est pas à exclure, c’est plus compliqué que ça. La nouvelle administration US, malgré l’impression de galerie des monstres qu’elle inspire, est cohérente sur le plan idéologique et annonce des objectifs assez clairs. Son ambition est monumentale : changer de paradigme mondial. #Freaks

Pendant toute la période entre l’élection – pas si surprenante – et l’investiture de Donald Trump, deux sons de cloche ont prévalu dans la sphère médiatique et intellectuelle. On a d’abord parlé de la possibilité qu’il ne soit jamais intronisé. En recomptant les voix, avec des grands électeurs qui voteraient Clinton ou avec une procédure d’impeachment pour un scandale sexuel qui s’est évaporé aussi vite qu’il était arrivé.

Ensuite, on a compris qu’il allait bien falloir s’y faire. On a donc tout simplement émis l’idée qu’il ne tiendrait jamais ses engagements, excentriques et impossibles à mettre en place. Pourtant, au vu de l’équipe qu’il a mise en place, détonante, il semblerait bien que le milliardaire new-yorkais aille jusqu’au bout de la démarche. Les premiers jours de son mandat sont venus confirmer la tendance : Donald Trump va mettre en action ses promesses de campagne…

Que des n°10 dans sa team

Nommée très rapidement, la nouvelle team en charge devrait marquer une césure nette avec celle en place dans toutes les sphères majeures du pays : militaire, financière, énergétique. Tous ses membres sont de longue date des proches de Monsieur Trump, au moins idéologiquement. A la manœuvre en coulisses, un personnage absolument inique sur lequel nous nous arrêterons plus longuement : Steve Bannon. Survolons d’abord les profils des nouveaux “maîtres du monde”. Attention, ça pique un peu  :

  • Mike Pence (Vice-Président) : Évangéliste, créationniste. Ancien juriste et animateur de radio, ultra-conservateur, pro-life, anti-mariage gay. Pour lui, la place de toutes les femmes est au foyer, le mouvement LGBT est responsable de “l’effondrement de la société” et le préservatif n’est “qu’une faible protection contre les MST”. Entre autres…
  • Reince Priebus (Chef de Cabinet) : Président des Républicains, figure sobre de la nouvelle administration. Sa nomination vise à pacifier les relations avec le Congrès.
  • Rex Tillerson (Secrétaire d’Etat) : Ex-PDG du géant pétrolier Exxon. Familier de la Russie et de l’Arabie Saoudite via le business. Millionnaire.
  • Jeff Sessions (Justice) : Pro-life, anti-mariage gay, anti-immigration farouche, il est réputé comme le membre le plus conservateur du Congrès. Proche du Tea Party et premier soutien officiel de Trump venant des Républicains. Millionnaire.
  • James Mattis (Défense) : Ancien Général, le premier à ce poste depuis 1950. Cultivé, grande gueule, il a dirigé des troupes en Irak et en Afghanistan. Son surnom : Mad Dog, le Chien Fou. Millionnaire.
  • Scott Pruitt (Environnement) : Climato-sceptique assumé. Il vient de l’Oklahoma, qui tire 50% de ses revenus du pétrole. Bras armé du lobby de l’énergie à Washington depuis des lustres.
  • Mike Pompeo (CIA) : Pro-life, pro-armes, conservateur sur le plan fiscal, favorable au vaste programme de surveillance de la NSA. Il a notamment déclaré que le lanceur d’alerte Edward Snowden méritait la peine de mort.
  • Wilbur Ross (Commerce) : Figure de Wall Street ayant fait fortune dans les fonds d’investissements, après un long séjour chez Rotschild. Surnommé “le Roi de la Faillite”. Milliardaire. Il sera secondé par Todd Ricketts, propriétaire des Cubs de Chicago et fils de Joe Ricketts, le fondateur d’Ameritrade et adversaire de Trump pendant la primaire. Milliardaire également.
  • Steven Mnuchin (Secrétaire au Trésor) : Ancien de Goldman Sachs. Devenu richissime après avoir racheté la banque IndyMac au cœur de la crise, en 2008, avant de la revendre. Milliardaire.
  • Betsy DeVos (Education) : Philanthrope richissime, ultra-conservatrice, militante de l’école privée (sic). Milliardaire.
  • Linda McMahon (à la tête de la SBA – Small Business Administration -, l’organisme qui gère les 28 millions de PME américaines) : Ancienne directrice avec son époux de la WWE, la fédération de catch. Milliardaire.
  • Andy Puzder (Travail) : PDG de CKE, immense groupe de l’industrie de la restauration rapide. Plutôt porté à gauche, il milite pour la hausse du salaire minimum, l’amélioration des conditions de travail et la généralisation de la couverture santé. Millionnaire.
  • Gary Cohn (Budget) : Ancien n°2 de Goldman Sachs, qu’il a quitté après 26 ans de service avec… 175 millions d’actions. Milliardaire.
  • Jared Kushner (Conseiller à la Maison-Blanche) : A 36 ans, le gendre de Donald Trump s’est imposé comme le moteur de sa campagne au lance-flammes. L’interdiction de népotisme ne touchant que les agences fédérales, il a été intégré à la Maison-Blanche.
  • Tom Price (Santé) : Pro-life, farouche opposant de l’Obamacare. Au Congrès depuis 2004, il est chirurgien orthopédique de formation. Millionnaire.
  • Ben Carson (Logement/Urbanisme) : Afro-Américain, évangéliste ultra-conservateur, neurochirurgien dans le civil. Aucune expérience politique. Ses propos ont créé le tollé lors de la campagne sur des sujets aussi divers que l’esclavage, l’holocauste, les armes, l’homosexualité ou l’islam… Millionnaire.
  • Ryan Zinke (Intérieur) : Ancien membre de la Navy, Sénateur du Montana, ultra-libéral.
  • Robert Lighthizer (Négociateur en chef) : Routier du GOP, ambassadeur puis ministre sous Reagan, cet ancien avocat d’affaires a passé des décennies à défendre les grands groupes industriels américains dans leur disputes commerciales. Surnommé “l’homme le plus protectionniste de Washington”.
  • Michael Flynn (Conseiller Sécurité) : Ancien chef du renseignement militaire, mis à la retraite anticipée par Obama en 2014. Très ambigu sur la torture. Son sacerdoce : la lutte contre le djihadisme islamique.
  • John Kelly (Sécurité Intérieure) : Ancien Général. Respecté au sein de l’US Army, il supervisera les Services Secrets, les Douanes, les Gardes-Côtes et l’US Border (frontières). Millionnaire.
  • Elaine Chao (Transports) : Déjà dans l’équipe Bush pendant 8 ans, membre du conseil d’administration de plusieurs géants de l’industrie. Épouse de Mitch McConnell, leader des Républicains au Sénat. Millionnaire.

Un suprémaciste à la Maison-Blanche

Venons-en à Steve Bannon, qui dirigeait avant de rejoindre Donald Trump le site Breibart News, considéré comme l’étendard de l’extrême-droite alternative américaine, “l’Alt-Right”. Ce site de “réinformation”, ouvertement raciste, misogyne et antisémite, projette de s’implanter en France et en Allemagne en 2017, année électorale. Can’t wait. Les leaders néo-nazis, suprémacistes blancs et du KKK se sont officiellement réjouis de sa nomination. La cohabitation avec Reince Priebus s’annonce électrique.

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Capture Twitter

Ancien Marine de l’US Army, issu d’une famille catholique irlandaise de Virginie peu politisée, Bannon se radicalise intellectuellement pendant les deux mandats de W. Bush. En sortant de l’armée, il décroche un MBA à la Harvard Business School, puis travaille chez Goldman Sachs, dans le domaine des fusions-acquisitions. Il fonde une société d’investissement dans les médias et commence à bâtir sa fortune grâce au succès de la série culte Seinfeld.

Il se met à réaliser ses propres films, dont l’agencement permet de suivre sa dérive personnelle avec des sujets sur le 11 septembre, sa haine de Jimmy Carter, puis un documentaire sur Sarah Palin et enfin une critique du mouvement Occupy Wall Street. En 2012, il reprend Breitbart News à la mort du fondateur, Andrew Breitbart. Sans grande surprise, la figure politique française qu’il sollicite – avec succès – pour une rencontre est… Marion Maréchal-Le Pen.

Pour bien comprendre l’état d’esprit de Stephen K. Bannon, regardez la bande-annonce de son film Torchbearer (3mn). C’est très éclairant sur le personnage et son idéologie.

 Triptyque stratégique

On peut diviser l’équipe choisie par le 45e Président des USA en trois catégories : les militaires, les pétroliers, les financiers.

1/ Les Militaires

Les anciens de l’armée sont sur-représentés par rapport à d’habitude, avec six membres. Ce sont de hauts gradés dissidents durant les mandats Bush et Obama. Tous sont sur la ligne du Général Mattis, nouveau secrétaire d’Etat à la défense : anti-islam, pro-russe, pro-surveillance massive, et implicitement pro-dissuasion nucléaire. Joie dans les cœurs. Cependant, ils ne sont pas interventionnistes et l’on devrait voir les USA se retirer d’un certain nombre de théâtres d’opérations. La diplomatie de la dissuasion et de l’intimidation devrait prendre le relais.

2/ Les Pétroliers

La question énergétique revêt un intérêt considérable pour Trump, qui souhaite l’auto-suffisance des Etats-Unis. Ceci implique de pouvoir passer la production de barils de pétrole de 8,5 millions/jour actuellement à 12, et tout sera fait pour y parvenir : baisse des coûts, taxe sur les programmes anti-pollution, mise à mal (à mort ?) des accords climatiques, imposition du pipe-line Keystone entre l’Alberta et le sud du pays. Les subventions pour le pétrole issu des sables bitumineux et le gaz de schiste pourraient augmenter de façon démesurée, au détriment du renouvelable…

3/ Les Financiers

Là encore, proportion étonnante des anciens de Goldman Sachs, Rotschild et Ameritrade entrant  à la Maison Blanche. S’ils sont pour la plupart d’anciens hauts dirigeants, ils peuvent tout de même être qualifiés de dissidents. De longue date, le milieu bancaire qui influe sur la politique US, c’est JP Morgan, Bank of America ou Merill Lynch, bien plus que Goldman Sachs. Ce sont les grandes banques de dépôts avec énormément de petits comptes. Goldman Sachs n’est pas une banque qui a pignon sur rue, avec des guichets, mais une banque de financement et d’investissement, ce qui change tout. D’habitude représentés, les mondes de l’assurance et de l’épargne sont cette fois absents.

Libéral dedans – Protectionniste dehors

Deux missions pour le bloc financier du gouvernement. D’un côté, libéraliser massivement sur le plan intérieur, avec notamment un marché du travail totalement dérégulé, l’abandon de l’Obamacare et l’annulation du Dodd Franck Act, qui prévoyait la régulation du système financier. De l’autre, se montrer protectionniste face à l’extérieur, dans le but de récupérer des capitaux étrangers sans investir. C’est tout simplement la fin du capitalisme financier tel que mis en place sous Ronald Reagan qui est à l’oeuvre.

La dette publique américaine est de 20 000 milliards de dollars, soit l’équivalent de l’épargne mondiale. A priori, rien ne sera fait pour la diminuer et Trump devrait jouer sur l’inflation pour maintenir le marché intérieur en vie. Le rapatriement des 8 000 milliards de dette externe sera par conséquent un axe majeur de la nouvelle politique américaine et se fera sûrement par la contrainte. Notamment avec les pays qui ont un excédent commercial vis-à-vis des USA mais qui dépendent d’eux sur le plan militaire. Si la question de la Chine est à part et fera l’objet d’un autre article, on peut imal_ethique_protestante_et_l_esprit_du_capitalismeginer que l’Allemagne, le Japon, la Corée du Sud et l’ensemble des pays alliés du Golfe Persique n’auront d’autre choix que de céder, comme le Qatar l’a déjà fait à hauteur de 10 milliards. Les firmes transnationales américaines possèdent de leur côté un tiers desdits capitaux et devraient également subir les pressions du nouveau gouvernement.

Tous ces aspects, auxquels il faut ajouter un conservatisme pieux, s’articulent parfaitement. C’est tout simplement le retour à l’éthique protestante et au capitalisme originel, dont Max Weber avait fait l’étude. Pour réaliser cette transformation presque totale du logiciel américain, Donald Trump s’appuiera sur un groupe à son image : dissident du système actuel, extrêmement riche et foncièrement religieux.

Un démarrage tonitruant

Au moment d’écriture de ces lignes, cela fait moins de deux semaines que Donald Trump a pris ses fonctions de 45e Président des USA. S’il est déjà parti en vacances dans sa résidence de Mar-a-Lago (Floride), la liste est longue de ses serments de campagne déjà activés. Chacun sera juge de leur pertinence :trump menaces juge

  • Décret interdisant l’accès aux USA pour les réfugiés pendant 120 jours (période indéfinie pour les Syriens), ainsi qu’à tous les ressortissants des sept pays suivants pour 90 jours : Irak, Iran, Lybie, Soudan, Somalie, Yémen, Syrie. Ce #MuslimBan a créé une onde de choc majeure dans le pays. Sally Yates, l’ancienne n°2 du ministère de la justice d’Obama, faisant office de ministre par intérim, a ordonné lundi 30 janvier aux procureurs de ne pas défendre le décret anti-immigration. Elle a été limogée immédiatement et remplacée par un pion plus docile. Une plainte de l’Attorney Général de Washington a été acceptée par un juge fédéral et le projet est donc gelé pour l’instant, à la grande fureur de Trump, qui a même menacé directement le dénommé James Robbart sur Twitter
  • Décret pour alléger le poids de l’Obamacare
  • Deux décrets pour remettre en cause le Dodd-Franck Act
  • Décret pour lancer la construction du mur avec le Mexique (Sur ce point, il faut tout de même rappeler que 1 300 km de barrière/clôture/mur existent déjà, depuis la signature du Secure Fence Act en 2006). Le Président mexicain Enrique Peña Nieto a affirmé de son côté que le Mexique ne paierait pas
  • Retrait de toute mention du changement climatique sur le site de la Maison Blanche
  • Relance du projet d’oléoduc géant Keystone XL, entre le Canada et le Sud du pays
  • Gel de toutes les embauches de fonctionnaires, sauf dans l’armée
  • Annulation de la signature du Traité Trans-Pacifique
  • Début de la renégociation de l’ALENA (accord de libre-échange Mexique-USA-Canada)
  • Promesse d’assouplir les règles sur la torture devant les membres de la CIA
  • Projet de réouverture des prisons secrètes de la CIA à l’étranger
  • Retrait de la version espagnole du site internet de la Maison Blanche
  • Interdiction du financement des ONG pro-IVG
  • Promesse de réduire de 75%, “peut-être plus”, la réglementation fédérale. Un premier décret a été signé obligeant n’importe quelle administration à supprimer deux réglementations à chaque fois qu’une nouvelle est créée
  • Promesse de baisse massive des impôts des entreprises
  • Interdiction de toute communication directe avec les médias pour tous les organismes scientifiques…

Devraient suivre rapidement des mesures concernant deux des thèmes récurrents de la campagne du magnat de l’immobilier : la sortie de l’accord de Paris sur le climat et la renégociation des accords signés par Barack Obama avec l’Iran.

Deux ans pour convaincre le Congrès

L’administration Trump, bien qu’elle soit dérangeante au possible, n’en est donc pas pour autant incohérente. C’est même une équipe assez homogène sur les plans économique, politique et idéologique, même si certaines tensions ne devraient pas manquer d’apparaître entre les plus politiques comme Reince Priebus et les plus “alternatifs” comme Steve Bannon. On n’est quand même pas loin d’une kakistocratie.

Le premier enjeu majeur sur le plan national sera comme à chaque fois l’élection de mi-mandat. Donald Trump a opéré ni plus ni moins qu’un putsch sur le Parti Républicain. Même si ce dernier est majoritaire dans les deux Chambres, il peut lui rendre la tâche difficile, voire impossible. Soit Donald Trump parvient à rallier une partie suffisante des membres du Grand Old Party et il devient réellement le maître du monde dans deux ans, soit il échoue et reproduira l’expérience de Jimmy Carter, mis en minorité et “tué” à mi-mandat. Make America Great Again, qu’il disait…

Matthieu Le Crom

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