En juillet 2014, les BRICS, principalement impulsés par la Chine qui représente 64% du PIB et plus de la moitié de la population, ont créé la Nouvelle banque de développement (NBD). Son ambition : être le contre-modèle des institutions financières internationales actuelles (IFI : Banque mondiale, Fonds monétaire international), et qui sait, les remplacer dans un avenir proche…
La crise démocratique de la Banque mondiale et du FMI
Alliés, les BRICS sont déjà la première puissance économique mondiale avec 21 000 Mds de $ de PIB, dépassant largement les États-Unis et l’Union européenne (respectivement 15 300 et 15 000 Mds de $). Ils sont incontournables : 43% de la population mondiale, 21% de son PIB, 18 % des investissements directs étrangers (IDE).
Or, malgré ce poids, les BRICS restaient sous-représenté en termes de droit de vote dans les institutions internationales. Exemple : au FMI, la Chine avait en 2014 autant de droits de vote que l’Italie (3.81% contre 3.16%), et les BRICS ensemble représentaient 11% des droits de vote (contre 17.7% pour les Etats-Unis). Même déni de démocratie à la Banque mondiale : 13% des droits de vote (15.9% pour les Etats-Unis).
Impossible pour ces 5 grands pays de dûment faire entendre leur voix. Comment alors influer sur la doctrine de prêt des deux IFI (le “consensus de Washington” avec ses politiques d’austérité et réformes pro-business)? En s’organisant soi-même…
Une alternative Sud-Sud, plus démocratique, de soutien au développement
La NBD comporte deux volets : 1) un fonds de développement (pendant de la Banque Mondiale), doté d’un capital de départ de 50 Mds de $ (100 Mds à terme), qui doit financer des projets « structurants » (infrastructures, notamment) dans ses pays membres ; 2) une réserve de devises (pendant du FMI) dotée de 100 Mds de $, qui vise à limiter les difficultés de balance des paiements, stabiliser les devises des BRICS et limiter l’impact sur leurs exportations.
Elle a, de fait, une gouvernance plus démocratique que les IFI. Dans les droits de vote, chaque pays est contributeur à hauteur de 10 Mds de $ pour le fonds de développement, avec le principe « un pays, une voix ». Pour la réserve de devises, la Chine contribue toutefois à hauteur de 41%, la Russie, le Brésil et l’Inde 18% chacun, et l’Afrique du Sud 5%. Dans sa gouvernance interne, son siège est à Shanghai, son directeur général est indien, le président du Conseil d’administration brésilien. Enfin, dans ses statuts, elle est ouverte à l’accueil de nouveaux membres (mais la part des BRICS dans son capital doit rester supérieure à 55%).
Son défi : remplacer le FMI et la Banque mondiale pour les pays émergents ?
La pression des BRICS a payé, puisque les Etats-Unis ont partiellement cédé : fin 2015, le FMI a réformé l’allocation de ses droits de vote. Ceux-ci sont désormais plus représentatifs. Les BRICS en obtiennent 14,7% (juste en dessous du seuil de 15% qui donne le droit de veto), les Etats-Unis maintenant leurs 16,5%. Aucune nouvelle réforme d’ampleur en vue toutefois à la Banque mondiale.
Ainsi, la NBD trace son chemin. Respectant le programme et les délais annoncés lors de sa création, elle a lancé ses premiers prêts l’année dernière en 2016, pour atteindre désormais plus de 5,7 milliards de dollars en juillet 2018, pour 23 projets, uniquement dans les BRICS, liés aux énergies renouvelables. Nul doute toutefois que cette politique de prêt montera encore plus en puissance ces prochaines années.
A terme, la NBD dispose de nombreux atouts pour rallier de nouveaux soutiens : son poids financier (environ 1/5e des capacités de la Banque mondiale et 1/3 du FMI) et sa réserve de change commune (qui devrait permettre aux pays émergents d’alléger leur dépendance au dollar). Enfin, sa doctrine de prêt pourrait clairement se démarquer des « programmes d’ajustements structurels » du FMI et de la Banque Mondiale, qui sont objets récurrents de critiques pour leurs réformes néo-libérales imposées et leur ingérence non démocratique.
Faut-il ainsi voir dans la récente reconnaissance du FMI de l’échec des politiques d’austérité qu’il impose un mea culpa forcé par une crainte de la montée en puissance de la Nouvelle banque de développement des BRICS ?