Les lendemains qui chantent ne seront pas pour tout de suite, encore moins pour les salles de concerts. Depuis le 3 janvier, les concerts debout sont à nouveau interdits, et ce jusqu’au 16 février. Une mesure gouvernementale qui vise à limiter la propagation du COVID-19 et plus particulièrement du variant Omicron, après la flambée des contaminations au lendemain des fêtes de fin d’année. Dans un communiqué du 4 janvier, le Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) rappelait pourtant que les salles de concerts n’étaient pas ouvertes à cette période.
Dès le 29 février 2019, les rassemblements de plus de 5000 personnes sont interdits en milieu fermé. Le 9 mars, la limite passe à 1000 personnes. C’est le début d’une longue série de mesures sanitaires pour les salles de concert. Depuis, les protocoles changent constamment, et le suivi des nouvelles réglementations, entrant en application du jour au lendemain, nécessite une adaptation très rapide de l’activité des équipes. Les programmateurs jonglent entre les reports de dates depuis le début de la pandémie. Si les tournées ne sont pas tout simplement annulées. Entre fermeture des salles, reprise en configuration assise ou debout, jauges et protocoles sanitaires, le public a du mal à suivre et n’est plus toujours au rendez-vous. La fermeture temporaire des salles a ensuite des conséquences pendant plusieurs mois après la réouverture, pour que le public revienne.
Entre lassitude et adaptation
Du côté des structures culturelles, c’est toujours le même sentiment de lassitude qui plane depuis bientôt deux ans. Pour Frédéric Lapierre, directeur de la salle de concert La Belle Électrique à Grenoble, c’est aussi un sentiment d’incompréhension qui prédomine : « nous sommes fatigués de devoir faire à nouveau deux pas en arrière et de servir de fusibles, en plus de voir qu’on fait sauter les grands rassemblements et qu’aucune restrictions ne sont appliquées pour d’autres lieux ». Pourtant, les salles de spectacles sont soumises au pass sanitaire. Et, de plus, différentes études réfutent un surrisque de transmission du virus dans les lieux culturels.
« Nous sommes fatigués de devoir faire à nouveau deux pas en arrière et de servir de fusibles, en plus de voir qu’on fait sauter les grands rassemblements et qu’aucune restrictions ne sont appliquées pour d’autres lieux. »
Frédéric Lapierre, directeur de la salle de concert grenobloise, La Belle Électrique
Cette mesure a également des répercussions conséquentes car d’un format debout à assis, la jauge n’est pas la même. Cela impacte donc les capacités d’accueil des salles. À la Belle Électrique, par exemple, la capacité diminue de mille à un peu plus de quatre cent personnes. Cela engendre ainsi tout un travail de reports de dates pour les salles, même si certaines ayant fait preuve de vigilance sont au final peu concernées. Olivier Dähler, le programmateur, confie que « la programmation est bouclée depuis longtemps déjà, nous avons été très prudents sur la totalité de la saison en ne la surchargeant pas ».
Inquiétudes et réponses économiques
En plus de l’interdiction des concerts debout, c’est sans compter également sur la vente de boissons lors des concerts. Or ces ventes représentent une part importante des recettes pour les salles. L’inquiétude économique est ainsi bien présente, tout comme la détresse et l’épuisement moral des acteurs culturels. Contrairement au plus fort de la crise sanitaire, il n’y a, pour l’instant, pas d’aides allouées aux salles, comme celles du Centre National de la Musique (CNM), ou de compensations de la perte de jauge ou des recettes des bars. À cela s’ajoute une frilosité du public. « Au bout de deux ans, les gens en ont tout simplement marre d’acheter des billets pour des dates qui sont sans cesse reportées » constate Frédéric Lapierre.
Dans un communiqué du 6 janvier, le ministère de la Culture annonçait la possibilité de recourir à nouveau à l’activité partielle pour les entreprises « subissant une baisse de leur chiffre d’affaires d’au moins 65% ». Lorsque, dans le même temps, les modalités de réactivation du dispositif d’aides du CNM doivent faire l’objet d’une concertation avec les professionnels et les autres organismes de soutien du spectacle vivant, « dans les meilleurs délais ». Un budget d’intervention a déjà été voté par le conseil d’administration de l’établissement public, à hauteur de 194 millions d’euros. En 2021, le CNM a distribué près de 190 millions d’euros, tous programmes confondus.
Une stigmatisation des musiques actuelles
L’interdiction des concerts debout traduit enfin un non-sens en termes de pratiques culturelles. En effet, comment concilier format assis et esthétiques musicales qui trouvent leur essence dans l’interaction avec leurs publics ? Sans nouvelles de la part du gouvernement à seulement quelques jours de la date prévue de reprise des concerts debout, la FEDELIMA (la Fédération des lieux de musiques actuelles) et le SMA ont ainsi lancé une pétition en ligne titrée « Les concerts assis, ça ne tient toujours pas debout ! ». Celle-ci vise à dénoncer le traitement inéquitable et la stigmatisation du secteur par le gouvernement dans sa lutte contre l’épidémie du COVID-19. Les organisations appellent par la même occasion à la reprise des concerts debout dès le 24 janvier. Cette date avait préalablement été fixée en décembre, e aura donc été prolongée jusqu’au 16 février. Les dernières annonces du Premier ministre, Jean Castex, si elles sont positives à terme, ont pourtant de quoi laisser un goût amer aux salles de concerts et organisations syndicales. Les premières étaient désireuses d’un retour à une certaine normalité le plus rapidement possible. Et les dernières auraient souhaité être consultées et tenues informées en amont par le gouvernement.