Qui sont les candidats à la présidence du Parti Socialiste ?

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©Vincent Plagniol pour Le Vent Se Lève ©Ulysse Guttmann-Faure ©Wikimédia Commons

Près d’un an après la présidentielle, l’heure est aux choix au Parti Socialiste. Choix d’une nouvelle orientation d’abord, à la fin du mois de mars, puis choix d’un nouveau premier secrétaire en avril, au cours du prochain congrès du parti. La liste des prétendants potentiels étant fournie, on connaît depuis la clôture des candidatures le 27 janvier le nom des quatre seuls candidats qui participeront à l’élection pour tenter de fixer un nouveau cap pour le Parti Socialiste. Leurs textes d’orientation seront soumis au vote des adhérents socialistes les 15 et 29 mars, avant que soit désigné le nouveau premier secrétaire les 7 et 8 avril, lors d’un congrès qui se tiendra à Aubervilliers. La campagne des quatre prétendants est restée assez discrète et le débat qui les a opposé sur LCI a été assez peu suivi, alors : qui sont les candidats à la présidence du Parti Socialiste ?


Luc Carvounas – « Un progrès partagé pour faire gagner la Gauche »

Luc Carvounas, député Nouvelle Gauche du Val-de-Marne, a été le premier à annoncer sa candidature à la tête du Parti Socialiste en novembre. Ancien proche de Manuel Valls, qu’il a conseillé lorsque celui-ci était à Matignon par exemple, il essaie cependant de gommer cette image, en déclarant notamment ne rien lui devoir. Comme pour éviter de connaître le même sort que lui aux primaires du Parti Socialiste de janvier 2017, alors qu’il faisait partie de son équipe de campagne.

Luc Carnouvas. ©Ulysse Guttmann-Faure pour LVSL
Luc Carnouvas. ©Ulysse Guttmann-Faure pour LVSL

De la même façon, il a aussi demandé à François Hollande de ne pas le soutenir, après avoir déclaré mi-décembre que « le bilan du quinquennat socialiste est globalement négatif ». Marche arrière toute à l’approche de la décision des urnes pour celui qui a été un des soutiens indéfectibles de la politique du dernier quinquennat, allant jusqu’à signer une tribune défendant la déchéance de nationalité, prise de position pour laquelle il s’est excusé depuis auprès des adhérents socialistes dont il convoite les voix. Une certaine idée de la constance en politique.

Son texte d’orientation, intitulé « Un progrès partagé pour faire gagner la Gauche » et présenté le 27 janvier dernier, veut casser l’image vieillissante dès les premiers mots en proclamant : « Nous ne sommes pas les gardiens du vieux Parti d’un vieux pays » et affirmant vouloir ouvrir une « décennie française ». Un regard a priori tourné vers l’avenir.

Pourtant il s’inscrit dans une histoire, d’« un siècle » et ne tarit pas d’éloges pour les gouvernements socialistes successifs. Il rappelle que « depuis 1981, les Français [leur] ont confié à quatre reprises le Gouvernement [du] pays » et affirme qu’à chaque fois qu’ils ont été au pouvoir, ils se sont « confront[és] au libéralisme économique ». Une prétention qui ravira peut-être l’ego du militant socialiste. Mais il est difficile de voir un combat ferme contre le libéralisme dans le tournant libéral de François Mitterrand et sa relation avec Yvon Gattaz, alors président du CNPF (Conseil National du Patronat Français), ou dans les reniements de François Hollande face à Pierre Gattaz, fils du premier et lui-même président du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France).

De façon plus concrète, Luc Carvounas propose surtout dans le champ politique l’union d’une « gauche arc-en-ciel » dont le but est de regrouper tous les progressistes. Il estime qu’« il faut discuter avec les communistes, avec les écologistes, avec les amis de Benoît Hamon » et avec la France Insoumise pour fonder un nouveau projet commun, un pacte en vue des élections européennes de 2019 et municipales de 2020. Il n’est pas certain que la proposition convainque tout le monde.

Enfin, ce texte d’orientation définit trois urgences sur lesquelles il souhaite concentrer les propositions du Parti Socialiste s’il est élu :

  • L’urgence éducative, afin de réduire les inégalités sociales et leur reproduction à l’école et dans l’enseignement supérieur.
  • L’urgence écologique, pour poursuivre la transition énergétique et sortir du nucléaire.
  • L’urgence démocratique, avec la volonté affichée de rendre la démocratie plus directe via le référendum d’initiative citoyenne.

Olivier Faure – « Socialistes, le chemin de la renaissance »

Président du groupe Nouvelle Gauche des députés socialistes à l’Assemblée Nationale, Olivier Faure a lui aussi décidé de se présenter. Celui qui a été conseiller de François Hollande pendant la primaire de 2011 puis la campagne présidentielle de 2012 est assez discret. Il a tout de même apporté en 2016 son soutien au mouvement Hé oh la gauche ! et appelé à en finir avec le Hollande-bashing, affirmant que le dernier quinquennat a apporté de nombreuses avancées. Il jugeait alors, un an avant les élections présidentielles, que François Hollande était un candidat crédible à sa propre réélection.

Contrairement aux autres candidats issus de la majorité, et bien que n’ayant pas été lui-même aux responsabilités, il ne fait pas machine arrière quant à sa position sur le dernier quinquennat. Soutenu par Martine Aubry, il fait pour certains figure de favori pour le scrutin à venir, de part sa position centrale entre les différents courants internes du Parti Socialiste, et sa capacité à engranger de nombreux soutiens dans l’appareil.

Sa volonté d’être consensuel transparaît dans son texte d’orientation sobrement nommé « Socialistes, le chemin de la renaissance ». Son texte est clairement centré sur l’idée de « renaissance » et de renouvellement, sans pour autant prendre des positions tranchées sur les sujets essentiels. Par exemple, sur le bilan du dernier quinquennat, il affirme qu’une « analyse approfondie » aura lieu, tout en soutenant que c’est leur « manière de gouverner [qui] n’a pas été comprise », avec des réformes comme la loi travail ou le projet de déchéance de nationalité dans lequel les militants socialistes et les Français ne se retrouvaient pas. Il tient cependant à garder la « fierté » de la façon dont « François Hollande a su incarner et rassembler la nation contre le terrorisme ». Un bilan du hollandisme en demi-teinte donc, sans sévérité pour ses reniements répétés.

De la même façon, il se satisfait de l’activité des députés socialistes à l’Assemblée, rassemblés au sein du groupe Nouvelle Gauche, affirmant qu’ils ont « montré la voie de ce que doit être une opposition de gauche et responsable ». Affirmer que les députés socialistes sont à l’avant-garde de l’opposition de gauche est osé : au mois de juillet dernier, 3 députés socialistes ont voté la confiance au gouvernement d’Édouard Philippe et 23 se sont abstenus, à peine 5 ont voté contre. Le comportement des députés socialistes au début du quinquennat s’apparentait surtout à de l’attentisme.

C’est pourtant sur cette base d’opposition fragile qu’Olivier Faure entend, avec le Parti Socialiste, « réinventer la gauche ». Ou plutôt revenir à la situation qui était celle d’avant l’éclatement de la présidentielle : il entend en effet parler aux « déçus » du PS, ceux qui ont préféré rejoindre la France Insoumise ou En Marche. Il se pose en nouveau champion du « rassemblement de la gauche » tout en dénonçant la position européenne de Jean-Luc Mélenchon, et rejoue le match de l’argument de la « gauche de gouvernement » en martelant que le Parti Socialiste est « la gauche qui veut gouverner et, à ce stade, nous n’avons pas le sentiment qu’il ait [Jean-Luc Mélenchon] la volonté réelle de se confronter au pouvoir ». Il flotte encore dans ce texte un air de la campagne de l’année passée.

Enfin, ce texte d’orientation propose une multitude de propositions programmatiques autour desquelles Olivier Faure souhaite axer le travail des militants socialistes. Mais, pour un texte qui promeut le renouvellement, on retrouve là aussi les classiques du Parti Socialiste : la volonté d’une Europe « puissante et protectrice dans la mondialisation » (sans expliquer comment),  la transition écologique ou encore la lutte contre les inégalités (par l’intermédiaire du revenu universel par exemple).

Emmanuel Maurel – « L’ambition de gagner »

Emmanuel Maurel, député européen, est le seul des quatre candidats à ne pas être issu de la majorité sortante. Celui qui veut « que le PS redevienne de gauche » a clairement annoncé sa candidature et ses objectifs début janvier. L’ancien frondeur et membre de l’équipe de campagne de Benoît Hamon au cours des dernières présidentielles veut tourner la page du quinquennat Hollande et est le seul des quatre candidats à en demander un « bilan critique », lui qui était opposé à la loi travail et au pacte de responsabilité. C’est donc un représentant de cette « aile gauche » du Parti Socialiste, opposée à la politique du dernier quinquennat et qui compte bien renverser la vapeur.

Emmanuel Maurel. ©Vincent Plagniol pour LVSL
Emmanuel Maurel. ©Vincent Plagniol pour LVSL

Il a récemment accordé un entretien à Le Vent se Lève dans lequel il est revenu sur la défaite de Benoît Hamon et les raisons de sa candidature à la tête du PS. Pour lui, la responsabilité de la défaite de Benoît Hamon à la dernière élection présidentielle revient largement au bilan du quinquennat de François Hollande, qui a été paradoxalement la raison de sa victoire aux primaires.

Le texte d’orientation qu’il a présenté en même temps que sa candidature, intitulé « L’ambition de gagner », fait avant toute chose le bilan d’un quinquennat raté et présente dès le départ un constat amer : « En 2012 nous avions tous les leviers pour transformer la société. Cinq ans plus tard, nous n’en avons pratiquement plus aucun. Jamais, sous la Ve République, un parti n’est passé si vite de l’omniprésence politique à la marginalité électorale ».

 Il estime que le Parti Socialiste va devoir s’atteler à une véritable « reconquête » pour espérer un jour revenir aux responsabilités. Cela commence en avril par un congrès qui ne devra pas être celui des « règlements de comptes » comme cela a pu être le cas en 2008, après une autre défaite à la présidentielle, ni un congrès « hors-sol » déconnecté des enjeux de la société actuelle.

En effet, il veut reconstruire le Parti Socialiste comme un parti de réelle opposition à la politique d’Emmanuel Macron, un PS porteur d’un « socialisme républicain, antilibéral, écologiste ». Lui aussi souhaite donc un dialogue avec toutes les formations de gauche.

Enfin, il propose lui aussi trois grandes priorités qui doivent permettre au Parti Socialiste de « renouer avec la société » :

  • Le partage des richesses, en mettant en avant le pouvoir d’achat (par l’augmentation du SMIC), la protection de l’emploi, la démocratie dans l’entreprise, mais aussi le combat contre les ordonnances Macron et la loi travail.
  • L’écosocialisme, en pointant le lien entre la concentration des richesses par une infime minorité et l’exploitation déraisonnée des ressources naturelles.
  • La relance des services publics, vecteur d’égalité sociale et territoriale, qui passe d’abord par l’arrêt de la privatisation progressive des grandes entreprises publiques comme La Poste, la SNCF, etc.

Stéphane Le Foll – « Cher.e.s camarades »

Le dernier candidat est Stéphane Le Foll, ancien ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement mais aussi actuel député de la Sarthe ; il est lui aussi prétendant au poste de premier secrétaire du Parti Socialiste. Il dit désormais avoir été opposé à certaines réformes du dernier quinquennat, comme la loi travail, et assure que tout n’a pas été positif. Pourtant, en avril 2016, il avait été le premier à marteler, avec quatre autres ministres socialistes, sa « fierté du bilan du quinquennat » en lançant le mouvement Hé oh la gauche !, initiative qui n’avait pas manqué de s’attirer les railleries sur les réseaux sociaux.

S’il est choisi par les adhérents pour être le prochain premier secrétaire, il entend incarner la « personnalité forte » dont le Parti Socialiste a selon lui besoin pour exister « face à Laurent Wauquiez, Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon » et veut un « un parti dirigé et incarné ». C’est un de ses arguments forts qu’il n’a cessé de répéter, peut-être à raison dans un système politique où la personnalité des têtes de file est parfois plus importante et plus analysée que leur programme.

Bien sûr, Stéphane Le Foll veut aussi et surtout se poser en opposant à la politique d’Emmanuel Macron. Pourtant, interviewé par le JDD, c’est une opposition tiède que propose le candidat : concernant la réforme de la SNCF, sa principale critique porte sur l’utilisation des ordonnances par le gouvernement pour couper court à toute discussion. De la même façon, celui qui rappelle qu’il n’a pas voté le budget et qu’il se trouve donc dans l’opposition oublie de dire qu’il préconisait l’abstention lors du vote de la confiance au gouvernement Édouard Philippe.

Mais surtout, Stéphane Le Foll est le seul à assumer complètement le bilan du quinquennat de François Hollande, dont il a été l’un des ministres et est un des plus proches. Il a même fait de sa loyauté envers l’ancien président de la République un argument et affirme que « si les militants sont restés au Parti Socialiste, c’est parce qu’ils sont aussi fidèles, et donc loyaux à ses valeurs et son action passée. Je me retrouve avec eux là-dessus ». En plus de réaffirmer que son bilan n’est pas si mauvais car « si aujourd’hui, il y a de la croissance, une baisse du chômage et une hausse des investissements, c’est en partie grâce à nous ». Une loyauté et un bilan que Stéphane le Foll a aussi tenu à inscrire au cœur de son texte d’orientation.

En effet, ce texte d’orientation, « Cher.e.s camarades », appelle à la « lucidité » sur les cinq années de présidence de François Hollande, qu’il faut selon lui assumer car c’est maintenant que les résultats de cette politique arrivent, depuis la défaite du PS à la présidentielle. Mais finalement, il propose aussi aux militants socialistes de regarder vers l’avenir avec cinq grands axes de réflexion :

  • L’environnement, avec le combat contre le réchauffement climatique, grâce à l’organisation d’un forum pour développer « les bases d’un modèle de développement durable ».
  • L’Europe, avec un vrai budget européen destiné à la solidarité intra-européenne et au développement du pourtour méditerranéen et de l’Afrique.
  • La lutte contre les inégalités, de revenus comme de genre, et la redistribution des richesses.
  • La laïcité, avec la mise en place d’une école de formation des militants socialistes.
  • La démocratie, en renforçant le rôle du Parlement et en mettant en place la proportionnelle intégrale aux élections législatives.

 

Le vote des militants déterminera l’avenir d’un Parti Socialiste qui traverse une crise sans précédent dans son histoire. Parmi les prétendants, presque tous entendent incarner le changement et le visage d’un nouveau Parti Socialiste. Cependant, chacun d’entre eux a une position différente sur le quinquennat de François Hollande et une vision bien à lui des combats que les socialistes auront à mener pour revenir sur le devant de la scène politique. Les militants socialistes vont donc devoir faire un choix entre changement et faux-semblants qui sera lourd de conséquences sur l’avenir de leur parti.

 

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