Claudia Sheinbaum : « La participation des femmes au cœur de la transformation du Mexique »

Claudia Sheinbaum - Le Vent Se Lève
Claudia Sheinbaum, candidate à la présidente du Mexique © Marielisa Vargas

Au Mexique, le président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) bénéficie d’une importante popularité. Élu en 2018, reconduit dans ses fonctions trois ans plus tard dans le cadre d’un référendum révocatoire, il a mis en œuvre une batterie de mesures sociales en faveur des classes populaires. Si leur ampleur demeure controversée, si plusieurs fondamentaux du néolibéralisme n’ont pas été entamés, elles ont permis un accroissement spectaculaire des bas salaires et une dynamique de syndicalisation sans précédent depuis plusieurs décennies. À Puebla, nous rencontrons Claudia Sheinbaum, candidate à la présidence du pays pour les élections de 2024, soutenue par la coalition qui a porté AMLO au pouvoir. Les enquêtes d’opinion la donnent largement gagnante. Entretien par Bruno Sommer, traduction par Nubia Rodriguez.

LVSL – Il reste moins d’un an avant la fin du gouvernement du président AMLO. Comment se poursuivra le processus de la 4ème Transformation ? [NDLR : La «Quatrième transformation » constitue la feuille de route d’AMLO, en référence aux trois « transformations » précédentes de l’histoire mexicaine : l’indépendance, le processus de sécularisation imposé par le président Benito Juarez et les luttes en faveur d’une réforme agraire].

Claudia Sheinbaum – Nous poursuivrons avec les principes qui constituent l’essence de notre mouvement. Nous déclarons que nous ne sommes pas seulement un parti politique, nous sommes un mouvement social qui mobilise en permanence le peuple mexicain et défend ses revendications. Nos principes fondamentaux consistent simplement à ne pas mentir, ne pas voler et ne pas trahir le peuple – ce sont des bases solides !

Sur l’héritage des six années de travail du président Andrés Manuel López Obrador, nous poursuivrons une deuxième étape de la Transformation, qui consiste à continuer de défendre les droits des Mexicains : l’accès à l’éducation publique, à la santé, au logement, au travail. Par conséquent, si nous nous appuyons sur les droits du peuple mexicain, nous continuerons à renforcer la démocratie participative.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un grand défi qui consiste à modifier la Constitution en vue d’un changement fondamental qui, en Amérique latine et dans notre pays, est très important : la réforme du système judiciaire afin que les juges de la Cour suprême de justice de la nation soient élus par le peuple. Il s’agit d’un élément central de la démocratie.

LVSL -En 1917, à la fin de la révolution mexicaine, le pays a conquis une démocratie représentative avec droit de vote. Ce suffrage n’est étendu aux femmes que trente-six ans plus tard, en 1953. Aujourd’hui, la vie politique mexicaine demeure empreinte de machisme. Quel regard portez-vous sur cette réalité ?

CS – Les dernières années, sous le gouvernement du président López Obrador, des changements considérables sont advenus dans le pays. La participation des femmes dans la société en faisait partie intégrante. La moitié des membres du cabinet du président, du Congrès et du Sénat sont des femmes. Dans trente-deux États de la République, dix femmes ont été élues gouverneures. Cela signifie qu’au Mexique, les femmes ont déjà conquis un espace. Il n’est plus inusité qu’une femme devienne présidente ou gouverneur. Nous avons une femme gouverneur de la Banque du Mexique, une présidente de la Cour suprême.

Qu’une femme devienne présidente constituerait un symbole fort – et plus encore dune femme qui appartienne à la Transformation. Mais nous avons encore un long chemin à parcourir car l’objectif est de parvenir à une égalité réelle pour les femmes.

Je n’aime pas l’expression « une femme brise le plafond de verre » car elle met l’accent sur l’effort personnel d’une femme pour atteindre ses objectifs. Il ne s’agit pas d’une femme qui brise le plafond de verre. Il s’agit d’un mouvement social en faveur de l’égalité, mais aussi de l’égalité des femmes.

LVSL – Le président Lopez Obrador avait pour slogan : « pour le bien de tous, les pauvres d’abord ! ». Auriez-vous pour slogan « pour le bien de tous, les femmes d’abord, mais surtout, les femmes pauvres d’abord » ?

CS – Oui. Les femmes subissent des violences et l’histoire montre qu’elles ont vécu, dans une certaine mesure, sous un régime autoritaire et discriminatoire. En réalité, certaines femmes souffrent davantage, notamment les femmes autochtones. Non seulement parce qu’elles subissent également des violences, mais aussi parce qu’elles sont chefs de famille dans des conditions de pauvreté. C’est pourquoi nous voulons éradiquer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en outre, la discrimination fondée sur la couleur de la peau, et la discrimination pour des raisons économiques.

Ne baissons jamais les bras, quelle que soit la situation dans laquelle nous vivons. Nous avons une grande valeur et nous devons aller de l’avant ensemble, même si la violence et la discrimination à notre égard nous poussent vers le bas. Il s’agit d’une question liée à l’égalité des femmes, mais aussi d’une question liée à l’égalité de tous.