FairTube : « Les plateformes ressemblent aux usines du XIXe siècle »

Le syndicat allemand de la métallurgie IG Metall – fort de plus de 2 millions d’adhérents – et Youtubers Union, mouvement en ligne de défense des droits des youtubeurs, annonçaient le 3 février dernier le lancement de FairTube. Cette association internationale a pour but de rassembler et de porter la voix des créateurs de contenu et des travailleurs du clic. Tout concourt à compliquer l’organisation syndicale de ces travailleurs des plateformes : atomisés et éparpillés sur plusieurs pays et souvent loin des sièges des plateformes multinationales, payés à la tâche (au nombre de vues ou au temps de visionnage générés), précarisés par les aléas des modes et des algorithmes changeants, à la merci d’une suspension unilatérale qui peut survenir à tout moment… Nous avons rencontré Mariya Vyalykh et Elena Koplin, deux employées d’IG Metall et membres de l’équipe bénévole de FairTube. Entretien réalisé et traduit par Jean-Baptiste Bonnet et Andy Battentier.

Retrouver ici une analyse par LVSL de l’économie de plateforme et des problèmes qu’elle soulève pour les travailleurs et les services publics.

LVSL Comment l’idée de FairTube est-elle née ?

Mariya Vyalykh FairTube est née d’une coopération entre l’initiative YouTubers Union et IG Metall. IG Metall était impliqué sur les sujets du crowdworking et de la défense des travailleurs indépendants depuis 2015. Le syndicat s’est intéressé à YouTubers Union et a voulu soutenir cette initiative étonnante, un cas unique d’organisation des travailleurs des plateformes numériques. Il s’agissait au début uniquement d’un groupe Facebook. Ce dernier a ensuite évolué vers une coopération informelle entre Jörg Sprave, YouTubers Union et IG Metall, ce qui a suscité l’attention de la presse et mis la pression sur YouTube. De nombreuses personnes ont voulu rejoindre l’initiative ou faire un don, mais cela n’a pas été possible car IG Metall ne peut pas accueillir de membres en dehors de l’Allemagne. Il a donc été décidé de créer une association, FairTube. Elena et moi travaillons chez IG Metall mais investissons une partie de nos heures de travail dans FairTube. Avec cette association, nous pouvons accepter des membres de tous les pays, ayant tout type de profil. Cette ouverture est importante pour nous et le fait d’avoir une association officielle nous donne également plus de pouvoir juridique et nous permet d’être davantage pris au sérieux par les élus, les entreprises, les journalistes, etc.

Logo de FairTube © FairTube

LVSL Comment les plateformes ont-elles réagi à votre initiative ? Avez-vous été bien accueilli ou les réactions ont-elles été plutôt hostiles ?

 MV – Nous voulions organiser une réunion avec YouTube et Google, qui nous ont invités pour cela à Berlin. Mais elles ne voulaient voir que le syndicat – à l’époque, FairTube n’était pas encore constituée en association. Elles ont donc dit qu’elles n’accepteraient que des représentants d’IG Metall et non de Youtubers Union. Elles ne voulaient ainsi aucun youtubeur dans la salle. Nous avons estimé que cela n’avait pas de sens et nous avons également demandé à la communauté quelle était la meilleure chose à faire : y aller, reporter la réunion ou l’annuler. La plupart nous ont dit que nous devrions annuler la réunion, ce que nous avons fait car nous ne pouvons pas discuter des droits des youtubeurs sans qu’aucun d’entre eux ne soit présent dans la salle. Après cela, nous nous sommes davantage concentrés sur la formalisation de l’association et maintenant que nous avons une forme légale, ils ne pourront plus dire non. Pour l’instant, nous nous concentrons davantage sur la formation de la communauté. L’action juridique n’est pas notre priorité pour le moment, mais nous ne l’excluons pas à l’avenir.

LVSL – Combien FairTube compte-elle de membres ? Avez-vous des données sur leur localisation et la taille de leur chaîne ?

MV – Nous avons environ 1 200 membres aujourd’hui. Les pays les plus représentés sont les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Suède, les Pays-Bas, l’Australie, le Canada et bien d’autres encore. Au total, nous avons des membres issus de plus de 70 pays au sein de l’association.

Elena Koplin Nous n’avons pas d’informations exactes sur la taille des chaînes des membres et c’est assez hétérogène. Nous avons de grandes chaînes, mais aussi de plus petites. Nous avons aussi de simples abonnés.

MV – Il y a aussi des créateurs de Twitch ou de TikTok, c’est très varié. Souvent, les gens travaillent sur différentes plateformes. Ils ont leur activité principale sur YouTube et produisent aussi du contenu secondaire sur Instagram, ou l’inverse.

EK – Nous parlons beaucoup des créateurs de contenus, mais FairTube est aussi ouverte aux travailleurs des plateformes qui effectuent des tâches simples comme des textos ou des clics. Pour nous, ces personnes font également partie de la communauté.

LVSL – Donc, vous avez aussi de simples abonnés au sein de FairTube ?

EK – Oui, c’est ouvert à tous. Il est important que nous ayons autant de membres que possible. Ils nous apportent un soutien efficace. En plus, vous savez, il y a des gens qui voudraient être youtubeurs et en sont encore au début parce qu’en créant une chaîne en 2021, c’est vraiment difficile de se démarquer. Les algorithmes sont souvent injustes, surtout pour les petits youtubeurs. Ils nous rejoignent car ils recherchent de l’aide, du réseau, des échanges avec des youtubeurs plus importants et expérimentés. Ils soutiennent notre cause et veulent faire partie de cet environnement.

LVSL Quelle est votre capacité à faire pression sur YouTube ? Allez-vous organiser des campagnes médiatiques ? L’équivalent d’une grève est-il envisageable pour les créateurs de contenu ?

MV – FairTube est une association à caractère syndical. Le principal outil dont nous disposons est la croissance de notre communauté : plus il y a de gens, plus nous aurons d’attention de la part des organisations du numérique, des médias et des plateformes, et plus YouTube sera sous pression. C’est notre principal moyen de pression car les grèves ne sont pas vraiment possibles dans l’économie de plateforme. Elles sont difficiles à organiser car nous ne pouvons pas rencontrer physiquement la plupart de nos membres, qui se trouvent dans des fuseaux horaires et des pays différents. Néanmoins, il y a déjà eu des journées de non-téléchargement où les créateurs ont accepté de ne rien mettre en ligne pendant vingt-quatre heures. Cela dit, la plateforme est tellement énorme que même si 27 000 personnes ne téléchargent rien un certain jour, cela ne l’affecte pas énormément. De plus, il y a de grandes entreprises de médias et des célébrités qui ne sont pas dans la même situation que les créateurs de contenu et qui continueront à télécharger, notamment parce qu’elles ne sont pas traitées de la même façon par YouTube.

Mobilisation des livreurs © Marion Beauvalet
D’autres secteurs de l’économie numérique s’organisent, notamment les livreurs à vélo

LVSL Avez-vous des relations avec des syndicats traditionnels en dehors d’IG Metall, notamment aux États-Unis, où vous semblez être bien implantés ?

MV – Pour l’instant, FairTube n’a pas travaillé avec d’autres syndicats. Mais nous sommes en contact avec d’autres groupes dans lesquels les créateurs de contenu s’organisent et nous sommes ouverts à eux. Il est important de noter que tous les syndicats ne sont pas encore ouverts à cette idée de travail numérique, même si de plus en plus y sont intéressés. Il y a une difficulté avec la question du statut, indépendant ou non, car les syndicats ne défendent généralement que les employés. À l’avenir, nous espérons que cela se répandra davantage et que nous pourrons coopérer.

LVSL Quels sont vos objectifs vis-à-vis de YouTube et des autres plateformes ? Que leur demandez-vous ?

MV – Nos principales exigences sont la transparence et des règles claires. Les créateurs et les travailleurs doivent savoir exactement quelles sont les règles et ces règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Nous sommes donc pour l’absence de discrimination : tous les créateurs doivent être traités de la même manière. Nous voulons également un contact humain : il est important que les créateurs puissent contacter une vraie personne et pas seulement des bots lorsqu’ils rencontrent des difficultés, par exemple la suppression de leur chaîne. C’est pourquoi nous voulons mettre en place, en accord avec les plateformes, un mécanisme d’arbitrage indépendant pour résoudre les conflits avec les travailleurs. Ce n’est pas très connu mais cela existe déjà pour de nombreuses plateformes de crowdsourcing. C’est l’un des objectifs à long terme que nous avons annoncé dans la vidéo de lancement de FairTube, où nous avons fait part de nos revendications.

 « Nos principales exigences sont la transparence et des règles claires. »

LVSL Quels sont vos objectifs à long terme avec cette association ?

MV Améliorer les conditions de travail dans l’économie des plateformes, fournir des règles plus transparentes et plus justes et disposer d’un mécanisme indépendant de résolution des litiges, ce qui devrait également rendre le fonctionnement des plateformes plus équitable. Par exemple, il est inacceptable qu’une chaîne puisse être bloquée du jour au lendemain et que parfois les plateformes ne fournissent même pas de raison légitime à cela. Cela ne devrait pas se produire non plus sur les plateformes de crowdworking. Nous voyons souvent des situations où le compte d’une personne est fermé sans qu’elle en soit informée à l’avance, ce qui est absolument inacceptable car certaines personnes comptent sur ce revenu. Nous voulons donc améliorer les règles et les rendre plus transparentes. D’une manière générale, il faut améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques car c’est là que se joue l’avenir du travail. Si vous améliorez les conditions de travail sur Internet, cela affecte aussi l’ensemble du monde du travail. Parfois, les plateformes numériques du XXIe siècle ressemblent aux usines du XIXe siècle. Les entreprises dans le monde hors-ligne le voient et profitent du manque de protection des travailleurs des plateformes pour externaliser de nombreux emplois. Nous devons agir sur ce point.

EK – Un autre objectif à long terme est de renforcer la communauté : connaître ses droits, savoir quelles sont les règles qui s’appliquent à chacun. Cela commence par des conseils comme « Ne travaillez pas sans avoir lu les conditions légales » car c’est une information très importante. Cette solidarité au sein de la communauté est très importante pour nous.

MV – Les entreprises, dans leurs conditions générales, n’autorisent pas toujours la création de groupes Facebook ou la discussion du travail en dehors de la plateforme, ainsi les travailleurs se sentent seuls. Ils n’ont pas autant de moyens d’organisation que dans les entreprises traditionnelles. C’est donc aussi l’un de nos objectifs à long terme avec la création de FairTube : construire des réseaux de partages et d’échanges pour que les travailleurs des plateformes ne se sentent plus seuls et puissent se donner des conseils les uns aux autres.

« Les entreprises, dans leurs conditions générales, n’autorisent pas toujours la création de groupes Facebook ou la discussion du travail en dehors de la plateforme. »

LVSL Comment percevez-vous le type de relation de travail qui existe entre les plateformes et les créateurs de contenu ?

MV – Cela dépend, il faut examiner séparément chaque situation. Dans certains cas, il y a une sorte de relation de dépendance parce que vous ne pouvez pas déterminer votre revenu de manière indépendante. Vous dépendez entièrement de l’algorithme de la plateforme et ne pouvez donc pas agir comme un indépendant. Mais les youtubeurs ont différents flux de revenus et la production de vidéos n’est parfois qu’une activité secondaire. Il faut donc évaluer au cas par cas.

LVSL Justement, les créateurs de contenu peuvent aussi être des patrons, employant des personnes pour le montage, l’enregistrement, etc. Comment gérez-vous cette double relation ? Est-ce que FairTube va être uniquement un intermédiaire entre les plateformes et les créateurs de contenu ou voulez-vous également jouer un rôle dans la façon dont les personnes qui travaillent pour les créateurs de contenu sont traitées ?

MV – C’est une bonne question. Certains youtubeurs ont même de véritables entreprises qui emploient plusieurs personnes, mais nous n’avons pas encore été confrontés à cette situation. Il sera bon à l’avenir de prendre en compte la situation des personnes à l’arrière-plan de la création de contenu.

LVSL En fin de compte, quelle est la différence entre FairTube et un syndicat ? Parce que vous collaborez avec IG Metall et que vous rassemblez et représentez les membres d’une communauté de travail. Cependant, le mot syndicat est absent de votre plateforme. Alors, est-ce que vous vous percevez comme un syndicat ?

MV – Nous pouvons dire que nous avons des fonctions similaires à celles des syndicats, mais pas au point de pouvoir signer des conventions collectives. Comme vous l’avez mentionné précédemment, il est difficile d’organiser des grèves. C’est l’une des principales différences : nous ne pouvons pas organiser de grèves physiques pour le moment. Nous sommes une association ; nous essayons d’aider les travailleurs des plateformes et d’améliorer leurs conditions de travail.

LVSL Plus globalement, comment percevez-vous la sécurité sociale qui devrait être fournie aux travailleurs de l’économie de plateforme ? Qu’est-ce que, à votre avis, les travailleurs des plateformes devraient attendre comme type de sécurité sociale ? Un revenu minimal ? Des allocations chômage ?

EK – Une sécurité sociale de base est essentielle. Mais le fait est que votre niveau de protection dépend de la situation de votre pays. Par exemple en Allemagne, il faut être salarié pour bénéficier de la sécurité sociale et je crois que c’est la même chose en France. Au Danemark, la situation est tout à fait différente car vous bénéficiez de services de sécurité sociale quel que soit votre statut. Il y a donc de fortes disparités entre les pays et nous devons commencer par faire en sorte que les gens soient conscients de leurs droits. En effet, nous voyons souvent qu’un compte est fermé alors que le propriétaire n’avait aucune idée que les plateformes étaient capables de faire ça et qu’il l’a accepté dès le début [en signant les conditions d’utilisation, NDLR]. Il faut donc faire circuler l’information et déclencher une vraie prise de conscience. Nous espérons qu’il y aura des changements, en particulier dans l’Union européenne, car nous y sommes actifs sur le plan politique avec IG Metall. C’est très important pour nous que la situation s’améliore mais c’est très, très difficile.

LVSL La plupart de ces plateformes, en particulier celles dont vous pouvez tirer un revenu, sont de grandes plateformes basées aux États-Unis. Chacune exerce un quasi-monopole sur un type de contenu particulier, si bien qu’il est impossible de leur échapper. On parle d’ailleurs de youtubeurs, d’instagrammeurs, je pense que cela indique quelque chose sur la dépendance aux plateformes. Pensez-vous qu’il soit possible, à moyen ou long terme, de développer des alternatives à ces monopoles ?

MV – De nombreux membres de notre communauté en parlent. S’ils ont des difficultés avec YouTube, ils se tournent vers une autre plateforme. Pour l’instant, il n’y a malheureusement aucune plateforme comparable à YouTube pour le partage de vidéos. Les capacités techniques ne sont pas aussi importantes et la portée n’est pas aussi large. Nous ne pouvons donc pas dire qu’il s’agit d’alternatives équivalentes. À l’avenir, si d’autres plateformes se développent et qu’il n’y a plus de concurrence, nous nous en réjouirons. Pour le moment, nous nous concentrons sur l’amélioration des conditions de travail sur YouTube. Si d’autres plateformes apparaissent avec des meilleures règles plus transparentes, ce sera un développement bienvenu.

EK – La législation sur les services numériques de l’UE pourrait faire avancer les choses à ce niveau. C’est un projet de changement des directives européennes qui pourrait favoriser l’émergence des petites plateformes à côté de YouTube. Si ces réformes sont adoptées, de réels changements pourraient se produire, en fonction de la formulation exacte de la législation. Mais cela dépend vraiment de la situation politique des pays. Nous voyons ce genre de législation aux États-Unis également, où l’attention se concentre sur la situation de Google et de YouTube. Ce sont des sujets très politiques [Voir l’article de LVSL “Les GAFAM ne seront pas démantelés”].

LVSL Comment exactement la législation sur les services numériques va-t-elle améliorer la situation des créateurs de contenu ?

EK – La législation sur les services numériques est une proposition de la Commission européenne qui va avec la Législation sur les marchés numériques. Elles pourraient obliger les plateformes à être plus transparentes sur leurs algorithmes et leurs systèmes de modération de contenu. Elles pourraient également donner aux créateurs de contenu la possibilité de s’opposer à une sanction ou d’entrer en contact avec de vrais humains sur la plateforme. Ainsi, cela pourrait être un changement à venir important. C’est en train d’être discuté dans l’UE en ce moment, nous allons garder un œil dessus. Cette législation ne concerne que l’UE mais elle pourrait avoir des effets au-delà [Pour une analyse plus poussée, voir l’article de Contexte].

LVSL Vous avez dit que l’économie de plateforme est l’avenir du travail, mais vous avez également évoqué des conditions de travail datant du XIXe siècle. Lorsque vous parlez d’avenir du travail, qu’entendez-vous par là ?

MV – La technologie est celle du XXIe siècle. Internet, l’IA et les algorithmes sont de plus en plus avancés chaque jour. Ces évolutions rendent les choses plus difficiles pour les gens et moins transparentes. En effet, les créateurs ne savent pas vraiment ce qui va se passer, combien de vues leur prochaine vidéo va recevoir, alors que cela détermine leur revenu. La technologie se développe chaque jour mais nous devons aussi penser aux travailleurs. Le développement des protections sociales est beaucoup plus lent que les évolutions technologiques. Les conditions de travail ne sont donc pas équitables pour le moment. En outre, on le voit avec le coronavirus, de plus en plus de gens travaillent à distance, en télétravail, voire depuis d’autres pays [Voir cet article de LVSL sur les enjeux et risques du télétravail]. Cela risque donc de devenir plus difficile d’organiser les travailleurs à l’avenir car les rencontres physiques se feront plus rares. C’est pourquoi nous devons réfléchir à la manière d’organiser et d’aider les travailleurs lorsque nous ne pouvons pas les rencontrer physiquement dans une entreprise ou une usine. C’est l’un des défis de l’avenir pour les syndicats et les associations comme FairTube.

EK – Le futur peut être très prometteur si nous avons de bonnes règles en matière de travail en ligne. C’est bien sûr difficile lorsqu’il s’agit d’une plateforme ou d’une entreprise qui n’est pas située en Allemagne et que l’on veut organiser des travailleurs qui viennent d’Allemagne ou de l’UE. Les plateformes se disent que nous pouvons utiliser des personnes des Philippines, qui peuvent faire le même travail pour beaucoup moins d’argent. C’est pourquoi nous disons que nous nous intéressons à la précarisation du travail là-bas. Parce qu’une entreprise située en Allemagne peut utiliser des travailleurs venant de pays où les normes de travail y sont inférieures voire très inférieures. C’est la difficulté de la numérisation du travail. D’un autre côté, cela permet aussi de multiplier la créativité et les liens entre les gens. De plus en plus d’emplois apparaissent dans le travail numérique et c’est un changement qui peut être positif. Mais nous avons besoin de bonnes règles pour éviter que les travailleurs soient confrontés à de très mauvaises conditions de travail.

« Les plateformes se disent que nous pouvons utiliser des personnes des Philippines qui peuvent faire le même travail pour beaucoup moins d’argent. C’est pourquoi nous disons que nous nous intéressons à la précarisation du travail là-bas. »

LVSL Dernière question : nous avons parlé de règles et de transparence pour les travailleurs. Mais les syndicats sont aussi traditionnellement très liés aux revendications salariales. La répartition des revenus entre les plateformes et les créateurs de contenu est évidemment un sujet très important. Pensez-vous que c’est un sujet dont vous pouvez discuter avec les plateformes, ou est-ce que cela sera plus conflictuel et difficile à aborder ?

MV – Bien sûr, la question des revenus est très importante pour tous nos membres. C’est l’un des principaux problèmes. Au bout du compte, tous les problèmes comme la baisse du nombre de vues ou voir sa chaîne être supprimée signifient que vous perdez votre revenu ou que celui-ci diminue. L’un de nos objectifs est donc d’avoir un revenu équitable pour tout le monde dans le travail de plateforme. Sur certaines plateformes, il n’y a pas de possibilité de gagner un revenu directement [les créateurs de contenu ne touchent pas de pourcentage sur la publicité, NDLR], comme sur Instagram. C’est aussi un objectif à long terme de FairTube : tous les travailleurs des plateformes devraient pouvoir gagner directement de l’argent avec leur travail. Les gens travaillent dur, c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. En termes de paiement, au moins sur YouTube vous pouvez gagner un revenu. Sur TikTok, un peu, mais il n’est pas important. À l’avenir, nous espérons avoir des négociations avec d’autres plateformes ; c’est aussi l’un de nos objectifs.