Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise : ambition présidentielle et guerre de position

Depuis début 2016 et sa création ex nihilo par Jean-Luc Mélenchon en vue de la présidentielle de 2017, La France insoumise est devenue un mouvement qui dépasse la seule figure de son leader, même si elle lui reste jusqu’à présent fortement dépendante. Cette formation occupe une position originale dans l’espace français, s’affirmant comme une force d’opposition dans ce que Gramsci appelait la « guerre de position », c’est-à-dire le travail de lutte largement idéologique préparatoire à la conquête du pouvoir. Si lors de la précédente campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon avait opté pour une stratégie en deux temps, consolidant sa base de gauche en 2016 avant de tenter de l’élargir lors des quelques mois de 2017 avec une stratégie populiste plus poussée pour espérer la victoire finale, en sera-t-il de même pour la campagne en cours plus classiquement ancrée à gauche dans un climat général qui a évolué ? Au lendemain du premier meeting politique immersif, qui s’est tenu à Nantes ce 16 janvier, rétrospective sur six ans d’offensive insoumise.

La France insoumise : le pari de la stratégie populiste (2016-2017)

Le 10 février 2016, Jean-Luc Mélenchon déclare au 20h de TF1 être candidat pour l’élection présidentielle de 2017, annonçant à demi-mots le lancement du nouveau « mouvement » qui le portera dans cette tâche, La France insoumise (LFI) : « Je propose ma candidature, c’est le peuple qui va en disposer. Je ne demande la permission à personne, je le fais hors cadre de partis. Je suis ouvert à tout le monde : les organisations, les réseaux, mais les citoyens d’abord. Et vous savez, je m’inspire, à ma manière, de la méthode qui a été celle de Monsieur Bernie Sanders, j’ai loué la même plate-forme internet que lui. […] Tout le monde peut se joindre à moi pour travailler sur le programme et agir. […] Je ne m’occupe que d’une chose. Je veux représenter et incarner la France insoumise et fière de l’être, celle qui n’a pas de muselière ni de laisse. Et à ceux-là qui m’ont souvent entouré et accompagné, je leur dis « Allez, ouvrons la marche ! » […] C’est pas une affaire de gauche ou de droite, c’est une affaire d’intérêt général et de représentation de l’indépendance de la France. »

Plusieurs des caractéristiques essentielles de la campagne insoumise qui suivra [1] sont perceptibles. Une volonté gaullienne de se placer au-dessus des luttes partisanes pour s’adresser directement aux Français, un ton résolument conquérant visant à agiter les affects de joie et de combat, une grande ouverture à la force militante, une prétention à dépasser les divisions idéologiques classiques au nom d’un « intérêt général » moins clivant qu’une encombrante « lutte des classes », et une place décisive accordée au numérique [2]. La dimension rhétorique de la campagne insoumise en 2017 est également révélatrice d’un tournant [3], qui après avoir cherché à fédérer à gauche en 2016, adopte une grammaire sensiblement amendée. Les analyses statistiques mettent en relief les mots employés par Jean-Luc Mélenchon : 669 occurrences pour « Gens », 443 pour « France » et « Français(es) » ou encore 210 pour « Peuple » loin devant « Gauche » (59), « Capital », « capitalisme », « capitalistes » (33) et « Ouvriers » (14) [4].

Ces termes utilisés montrent bien que, comme préfiguré au moment de l’annonce de sa candidature, Jean-Luc Mélenchon se place nettement moins qu’en 2012 dans le vocabulaire traditionnel de la gauche. Il lui préfère des notions que le théoricien populiste Ernesto Laclau qualifie de « signifiants vides », plus ouverts à interprétation et jugés plus susceptibles d’agir puissamment sur les affects de masses de plus en plus éloignées de la culture de gauche. Ce choix se comprend par l’influence des expériences sud-américaines – tout particulièrement celle de Hugo Chávez au Venezuela – sur Jean-Luc Mélenchon, tandis que Syriza, Podemos ou Bernie Sanders ont tous expérimenté entre 2014 et 2016 une stratégie populiste avec des résultats probants. Au niveau national, un quinquennat « socialiste » très impopulaire avait perdu de nombreux pans de la population de « la gauche » et la lutte pour la réhabilitation de cette dernière est jugée plus coûteuse par la direction insoumise qu’un abandon relatif de ses marqueurs traditionnels.

Mais au-delà de la rhétorique populiste, le programme « L’Avenir en commun », issu d’un important et volumineux travail collectif, s’inscrit clairement dans l’espace de la gauche même si le terme en est notablement absent. Il reprend de nombreuses mesures du programme du Front de gauche (FG) de 2012 élaboré avec les communistes – « L’Humain d’abord » – et comporte une série de propositions dont la filiation est sans équivoque : retraite à 60 ans, augmentation du salaire minimum (SMIC) et de l’Impôt sur la fortune (ISF), renforcement des services publics et de la sécurité sociale, sortie du nucléaire [5], suppression du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt compétitivité, etc. De nouvelles propositions sont également avancées, comme la planification écologique ou la prise en compte de la condition animale. Jean-Luc Mélenchon insiste également dès l’annonce de sa candidature sur la prépondérance de la question européenne pour l’applicabilité de son programme : « [Le peuple français] entend au moins une chose. Il ne peut rien faire de tout ce que je viens de dire tant qu’il est ficelé dans les traités européens, parce que pour faire tout ce que je dis, il faut de l’emploi, du service public, un État qui existe, il faut des gens formés et éduqués, et rien de tout ça nous ne pouvons le faire dans le cadre des traités donc il faut en sortir. » Avec ces propos, Jean-Luc Mélenchon s’inscrit dans le sillage de l’attitude critique du Parti communiste français (PCF) vis-à-vis de l’Union européenne (UE), loin des positions de soutien inconditionnel du Parti socialiste (PS) ou des biens nommés Europe Écologie-Les Verts (EELV).

Jean-Luc Mélenchon en meeting à Toulouse le 16 avril 2017, à une semaine du premier tour de l’élection présidentielle © Wikimedia

Le programme n’en demeure pas moins incarné par un homme : Jean-Luc Mélenchon. Si l’élection présidentielle tend à la personnalisation extrême de luttes politiques et idéologiques, le candidat insoumis se prête volontiers à l’exercice et s’assume pleinement comme « premier de cordée » – utilisant l’expression dès 2016, avant Emmanuel Macron. Dans un rapport d’identification à des grandes figures de l’histoire de France comme Robespierre, Jaurès ou Mitterrand [6], Jean-Luc Mélenchon prétend incarner la gauche vivante, loin de la croyance selon laquelle les idées circuleraient presque par elles-mêmes. On doit noter que le programme comme la stratégie du candidat ont été décidés par le haut de l’appareil – à savoir par Jean-Luc Mélenchon et son cercle rapproché – alors que la base insoumise pouvait s’auto-organiser largement pour mener la campagne sur le terrain et les réseaux, selon un fonctionnement que le sociologue Manuel Cervera-Marzal qualifie d’ « anarcho-césariste » et qui sera amené à s’inscrire dans la durée.

À l’issue d’une campagne quasi-unanimement saluée [7], le candidat insoumis récolte 19,6 % des voix exprimées et manque de peu d’atteindre un second tour où il était donné vainqueur contre Marine Le Pen et François Fillon. En 5 ans, Jean-Luc Mélenchon a attiré 3 millions de voix supplémentaires pour atteindre un total de plus de 7 millions de suffrages. Comme le montre l’enquête électorale Ifop du 23 avril 2017 (date du premier tour de l’élection présidentielle), les électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017 sont issus de manière écrasante du camp de la gauche [8], la principale avancée depuis 2012 provenant des anciens électeurs de François Hollande : 26% des 28,6% obtenus par le candidat socialiste au premier tour de 2012, soit un peu plus de 7% du corps électoral de cette élection. Ce constat permet ainsi de montrer que, par-delà la stratégie populiste, le score de Jean-Luc Mélenchon doit à l’électorat classique de la gauche. Il s’inscrit dans de logiques de continuité touchant les déçus du hollandisme, favorisées par le phénomène du vote utile alors que dans les semaines qui ont précédé le premier tour les sondages donnaient Jean-Luc Mélenchon nettement devant Benoît Hamon.

Institutionnalisation post-présidentielle : prendre l’Assemblée ?

À partir de la formation du groupe parlementaire insoumis consécutive aux élections législatives, c’est autour de ses députés que La France insoumise prend corps publiquement. Entre 2012 et 2017, une des faiblesses de Jean-Luc Mélenchon avait été de n’avoir pas de groupe à l’Assemblée nationale, dont il était lui-même absent à la suite de son pari raté d’aller défier Marine Le Pen à Hénin-Beaumont [9]. La nouvelle équation électorale permet au leader de la France insoumise de diriger et d’animer un groupe parlementaire [10], démontrant au passage que cette forme plus collégiale n’est pas contradictoire avec son processus d’incarnation propre, puisqu’au contraire il le nourrit et le renforce à la fois. Les insoumis, en rangs rapprochés, s’attachent ainsi à développer une ligne originale et indépendante des autres forces politiques.

Le groupe parlementaire insoumis permet à plusieurs de ses membres de gagner en notoriété et en influence. Ainsi, les jeunes députés Adrien Quatennens, Ugo Bernalicis, Mathilde Panot et eurodéputée Manon Aubry, ou encore la députée Danièle Obono ont pu s’exprimer assez largement dans l’espace médiatique et à l’Assemblée nationale. D’anciens compagnons de Jean-Luc Mélenchon comme Éric Coquerel, Manuel Bompard ou Alexis Corbière sont également députés et bénéficient d’une certaine audience, tandis que Clémentine Autain, porte-parole du parti Ensemble ! depuis 2013, a été tête de liste de LFI dans la région Île-de-France.


Neuf des dix-sept députés insoumis le 18 juillet 2017 à l’Assemblée nationale. Autour de Jean-Luc Mélenchon, on retrouve de gauche à droite Jean-Hugues Ratenon, Caroline Fiat, Bastien Lachaud, Bénédicte Taurine, Adrien Quatennens, Danièle Obono, Ugo Bernalicis et Loïc Prud’homme © Wikimedia

Le cas de François Ruffin est plus spécifique. Fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir depuis 1999, François Ruffin a contribué à impulser le mouvement Nuit debout au printemps 2016 à la suite du succès populaire de son documentaire Merci patron ! pour lequel il a obtenu le César du meilleur film documentaire en 2017. Élu député en Picardie au terme d’une campagne à la ligne nettement populiste menée hors organisation, il a finalement décidé de rejoindre le groupe insoumis à l’Assemblée nationale. Cependant, à la différence des autres députés insoumis, il ne doit pas sa notoriété et son ascension politique à Jean-Luc Mélenchon et dispose par conséquent d’une plus grande marge de manœuvre et suit une trajectoire propre, comme l’atteste par exemple le fait qu’il ait mis plus d’un an à apporter son soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon pour 2022 – il se décide finalement le 17 décembre 2021 et apportera son soutien actif à la campagne de Jean-Luc Mélenchon au cours des premiers mois de 2022.

À la suite des élections de 2017, parallèlement à l’investissement de l’arène parlementaire, l’ « anarcho-césarisme » déjà présent au sein de LFI ira en s’intensifiant, les militants insoumis – en baisse drastique après les élections législatives – n’ayant « pas de devoirs ni de droits », pour reprendre une nouvelle fois une expression de Manuel Cervera-Marzal [11]. En effet, les militants ne peuvent contester la ligne décrétée par le haut et ne bénéficient ni d’argent, ni de locaux, ni de directives de la part de l’organisation, affectant nécessairement le travail de terrain des militants et la force de frappe idéologique de la formation. Entre les moments présidentiels, les militants sont ainsi beaucoup moins nombreux et leurs actions locales éparpillées sont dépourvues de véritables moyens matériels et organisationnels et donc moins efficaces. 

En dépit de la faible capacité insoumise sur le terrain par rapport au poids électoral de son leader au premier tour des présidentielles, La France insoumise va connaître un destin notable dans son incarnation parlementaire. Il est souvent rappelé que Jean-Luc Mélenchon est coutumier de la fondation d’organisations politiques pour amoindrir l’importance de La France insoumise au sein de l’ensemble. Pourtant, tous les groupes créés jusqu’au Parti de gauche en 2009 étaient des tendances au sein du Parti socialiste, dans des alliances plus ou moins précaires avec d’autres groupes et donc par essence fragiles [12]. À l’inverse, la nature organisationnelle de La France insoumise s’approche d’un « parti-mouvement » du fait qu’elle est une organisation politique présentant des candidats aux élections à rhétorique mouvementiste et réunissant des particularités structurelles inhabituelles chez les partis : gratuité de l’adhésion et absence de cotisations, absence de droit de tendance et de statuts, absence d’échelons intermédiaires…

Cette forme hybride s’explique par l’attachement historique de Jean-Luc Mélenchon à la forme parti et par les bouleversements récents qui ont traversé l’arène politique. Sociabilisé à la politique durant le dernier tiers du XXe siècle à un moment où le PCF et le PS étaient encore des lieux importants de la transformation sociale, ce dernier n’a en effet jamais abandonné l’héritage de la gauche de parti, comme semble le confirmer sa tentative lors de sa sortie du PS en 2008 de fonder un « parti creuset » avec le Parti de gauche (PG). Néanmoins, le désamour généralisé des Français pour les partis politiques (88% n’ont pas confiance dans ces institutions [13]), conduit à infléchir cette matrice. La stratégie militante doit parfois primer sur les affiliations. La volonté de construire une unité à la base dans une perspective révolutionnaire citoyenne et de lancer une initiative qui ait vocation à rassembler une majorité sociale et non un camp prédéfini, témoigne d’un objectif de plus grande ampleur : non plus seulement rassembler un électorat, mais soulever un peuple constituant.

D’une opposition privilégiée à de cinglants revers électoraux (2017-2021)

Pendant quelques mois après la victoire d’Emmanuel Macron et de son parti La République en marche (LREM), La France insoumise a pu apparaître comme la principale force d’opposition au macronisme, comme en atteste par exemple le débat qui opposa Jean-Luc Mélenchon au Premier ministre en exercice Édouard Philippe, le 28 septembre 2017 dans « L’émission politique » sur France 2. Ce phénomène s’explique tout d’abord par un facteur externe, la stratégie macroniste visant à affaiblir Les Républicains (LR) pour récupérer une partie de leur base électorale [14]. Ensuite, la puissante dynamique de campagne de Jean-Luc Mélenchon en 2017 et son résultat électoral final contribue à faire de La France insoumise un pôle déterminant de la gauche d’opposition. Le Parti socialiste avait occupé cette position pendant les quatre décennies précédentes mais il traverse alors la pire crise de son histoire avec la disqualification de l’ère Hollande, le score très faible de son candidat Benoît Hamon (6,4%) et les nombreux départs vers le macronisme.

Le 16 octobre 2018, à quelques mois de la prochaine échéance électorale des européennes, va pourtant entacher l’image de La France insoumise : ses locaux sont perquisitionnés par la police [15]. L’équipe de Jean-Luc Mélenchon filme la scène de confrontation avec les policiers qui les empêchent de rentrer et la diffuse sur les réseaux sociaux. L’effet est néanmoins opposé à celui espéré d’indignation devant ce qui est vécu comme un procès politique. Le tollé est immense face à une phrase que Jean-Luc Mélenchon prononce dans la vidéo : « La République, c’est moi ! ». S’il voulait signifier qu’en tant que chef de file et député élu d’un parti d’opposition il représentait davantage la République que des forces de l’ordre au service d’un exécutif autoritaire, la formule ne manque pas d’exaspérer. Jean-Luc Mélenchon, qui était déjà perçu et critiqué par beaucoup comme mégalomaniaque, est durablement discrédité, et l’ensemble de La France insoumise pâtit de cette séquence médiatique.

À l’arrivée, le constat est sans appel : avec très peu d’élus locaux et sans d’échelons intermédiaires, la face visible de La France insoumise tient à celle de ses députés, nationaux et européens, dont la réélection est conditionnée à une future dynamique de campagne favorable. 

Cet événement, couplé au choix de faire des élections européennes un référendum « anti-Macron », plutôt qu’un moment permettant une politisation autour des enjeux européens, aboutit à un faible score pour LFI (6,31%). La liste emmenée par Manon Aubry récolte 5 millions et demi d’électeurs de moins que Jean-Luc Mélenchon deux ans plus tôt : seuls 37% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017 votent pour la liste insoumise. La France insoumise obtient néanmoins six eurodéputés qui seront actifs, efficaces et parfois victorieux dans leur fonction au sein du Groupe de la Gauche au Parlement européen (GUE/NGL) comme l’illustre par exemple le rôle décisif joué par l’eurodéputé insoumis Younous Omarjee dans l’interdiction de la pêche électrique industrielle finalement adoptée par le Parlement européen.  

Par la suite, comme l’a montré Valentin Soubise dans son article « La France insoumise a-t-elle cherché à enjamber les élections municipales ? », la formation de Jean-Luc Mélenchon ne prend aucune ville d’importance – à l’inverse d’EELV qui l’emporte notamment à Lyon, Bordeaux, Strasbourg ou Grenoble, ou de façon plus significative pour le député Mélenchon le candidat socialiste à Marseille – dans une stratégie délibérée, se méfiant de « chefferies locales » susceptibles de concurrencer le leadership de la direction en place. En conservant les fonds et les ressources du parti pour l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon semble sous-estimer l’importance de l’enracinement local pour politiser les populations ainsi que les conséquences de victoires aux élections intermédiaires dans les représentations collectives et les dynamiques de campagnes présidentielle et législative.

Même si l’on observe que les franges électorales que LFI souhaite conquérir ou renforcer en priorité votent relativement peu voire très peu aux élections intermédiaires (les nouveaux « jeunes » (18-24 ans) qui pour la plupart n’étaient pas en âge de voter à la précédente élection présidentielle de 2017, les anciens « jeunes » (24-29 ans) et les classes populaires « urbaines »), ce choix de Jean-Luc Mélenchon et de ses proches semble difficilement compréhensible. Il peut toutefois s’éclairer si l’on s’attarde sur le repoussoir des récents choix stratégiques du PCF, qui, selon leur interprétation, s’est progressivement transformé, à partir des années 1980, de force nationale d’opposition et d’alternative en un parti d’élus locaux en quête d’alliances électorales avec un PS de plus en plus libéral compatible. 

Les dernières élections en date – régionales et départementales de juin 2021 – devraient pourtant nuancer cette méfiance électoraliste. Les partis socialiste et communiste se raffermissent, sur fond d’abstention élevée et de « prime aux sortants ». Si la stratégie insoumise ne peut, à la lumière de cette conjoncture, être entièrement disqualifiée, ces revers électoraux n’en portent pas moins la marque claire de la rupture avec le PCF et de la dislocation du Front de gauche. L’absence d’alliances partisanes stables finit par jouer en la défaveur de La France insoumise et déstabilise l’ascension du parti-mouvement. À l’arrivée, le constat est sans appel : avec très peu d’élus locaux et sans d’échelons intermédiaires, la face visible de La France insoumise tient à celle de ses députés, nationaux et européens, dont la réélection est conditionnée à une future dynamique de campagne présidentielle favorable. 

La construction d’une ligne politique : l’alternative insoumise à gauche

Depuis les élections législatives de 2017 et la constitution de son groupe parlementaire, La France insoumise est désormais une force identifiable. Très actifs dans leur activité de députés, les élus insoumis ont joué un rôle important au cours du mandat d’Emmanuel Macron en prenant position sur les grands sujets qui ont émaillé le quinquennat, et souvent de manière originale relativement aux autres formations politiques. Ainsi, si La France insoumise s’oppose comme les autres partis de gauche à la réforme des retraites du gouvernement et à la casse de l’hôpital public, Jean-Luc Mélenchon a soutenu les gilets jaunes dès le mois de novembre 2018 [16] alors que la Confédération générale du travail (CGT) et une grande partie de la gauche avait alors une attitude de défiance, estimant la pureté du mouvement insuffisante, émaillé par des comportements perçus comme d’extrême-droite. À l’occasion de la répression féroce du mouvement par le gouvernement, les députés insoumis ont quant à eux dénoncé les violences policières, à l’instar d’Ugo Bernalicis qui a déposé plainte en janvier 2019 contre le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner au nom de la liberté de manifester. 

Clémentine Autain, Éric Coquerel et Adrien Quatennens à la marche du 21 septembre 2017 contre la réforme du code du travail © Wikimedia

Plus récemment à l’ère du Covid-19 [17], les insoumis ont pris parti pour la levée des brevets sur les vaccins et contre la restriction des libertés fondamentales, s’opposant à partir de novembre 2020 à la loi sécurité globale puis en 2021 à l’imposition du pass sanitaire, mesure jugée « autoritaire », « absurde » et « dangereuse », instaurant une « société du contrôle permanent » encore renforcée par le pass vaccinal. De nombreux insoumis ont également participé aux manifestations de l’été 2021 contre le pass sanitaire, sans autres consignes de la direction que celles de ne pas se joindre aux anti-vaccins. 

Cette préoccupation marquée de La France insoumise face à la montée des prérogatives policières contraste avec le positionnement sécuritaire des trois candidats se réclamant de la gauche à l’élection présidentielle à venir Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Fabien Roussel. En refusant l’alternative, pro ou anti-police, Jean-Luc Mélenchon et les députés insoumis dénoncent les violences policières tout en affirmant la nécessité d’une « police républicaine » chargée de faire respecter les lois des représentants de la nation. Dans son récent ouvrage Génération Mélenchon, le jeune député insoumis Adrien Quatennens considère ainsi : « Il y a un problème dans la police, et ça n’est pas parce que c’est la police qu’il ne faut pas le dire et travailler à y remédier. Ce ne serait pas lui rendre service. Un policier républicain peut tout à fait comprendre cela. Je les appelle à lire nos propositions avec attention et à les critiquer si nécessaire. Non seulement La France insoumise a toujours été présente dans les moments difficiles et les hommages, mais surtout, nous formulons des propositions concrètes et sérieuses, notamment grâce à l’excellent travail d’Ugo Bernacilis qui coordonne pour nous les questions de sécurité et de justice [18]. »

La diabolisation à l’heure de l’ « islamo-gauchisme » (2020-2021)

Le 16 octobre 2020, le professeur d’histoire-géographie Samuel Paty est assassiné pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. L’affaire entraîne une déferlante médiatique, renforcée quelques jours plus tard par l’attaque de la basilique Notre-Dame de Nice par un islamiste tuant trois personnes. Les réactions populaires sont puissantes et nombreuses, de même que celles du personnel politique, et cela de façon transpartisane bien que différenciée d’une formation à l’autre. Jean-Luc Mélenchon s’interroge par exemple sur le travail de la police, alors que Samuel Paty avait été l’objet de menaces pendant plus d’une semaine avant son assassinat, et dénonce la récupération politique du drame : « Il est absolument invraisemblable que d’aucuns en profitent aussitôt pour déclencher des polémiques, insulter, agresser, proposer des surenchères : à ce rythme-là, il n’y aura plus de pays. » 

Lors des cérémonies entourant la mort de Samuel Paty, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer offre l’illustration d’une telle récupération, en lançant l’alerte le 22 octobre face « aux ravages de l’islamo-gauchisme » qui sévirait selon lui dans les universités françaises. Début 2021, la ministre chargée de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal demande au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) d’ouvrir une enquête sur l’islamo-gauchisme dans l’Université. Le CNRS refuse considérant le terme comme non-scientifique et purement polémique. Si le terme d’ « islamo-gauchisme » n’a pas été inventé par le gouvernement macroniste mais par l’alt-right, il a été popularisé depuis l’intervention de Jean-Michel Blanquer afin de disqualifier a priori toute critique de l’action du gouvernement relative à la lutte contre le terrorisme et le « séparatisme », et dans une volonté de siphonner les voix des sympathisants de droite en 2022. Les macronistes mobilisent l’hydre islamiste pour mieux détourner l’attention après les fortes mobilisations sociales contre la réforme des retraites, le mouvement des Gilets jaunes et alors qu’ils sont sévèrement critiqués sur leur gestion de la crise du Covid. C’est pourtant sans compter sur leur complaisance à l’égard de certains cadres dirigeants du Moyen-Orient, dont témoigne la récente remise de la Légion d’honneur à plusieurs hommes d’affaires du Golfe, passée inaperçue dans les médias.

Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes public, futur ministre de l’Intérieur, le 29 avril 2019 © Wikimedia

Après le durcissement du pouvoir macroniste sur les questions identitaires, la période est à la normalisation des idées d’extrême-droite, banalisées et reprises par une partie grandissante de la classe politique et médiatique [19]. En plus de la percée d’Éric Zemmour, l’arrivée au second tour de la primaire des Républicains d’Éric Ciotti, proche du polémiste, fait désormais peser sur la candidature de Valérie Pécresse un lourd poids idéologique. C’est aussi dans ce contexte que La France insoumise et son leader Jean-Luc Mélenchon participent à la marche contre « l’islamophobie » le 10 novembre 2019 et sont pointés du doigt comme anti-républicains. Au cours de la campagne des élections régionales et départementales de 2021, Raphaël Enthoven renchérit, déclarant qu’il voterait pour Marine Le Pen dans l’hypothèse d’un second tour contre Jean-Luc Mélenchon [20], tandis que Manuel Valls met les deux personnalités et partis sur le même plan ou encore que la candidate de droite en Île-de-France Valérie Pécresse fait le choix de ne mettre qu’un nom sur son tract d’entre-deux-tours, celui de Jean-Luc Mélenchon, dénonçant le danger de la liste d’union de la gauche comprenant l’« extrême-gauche » insoumise. 

On peut bien considérer, à l’instar de Valentin Soubise, qu’en-dehors d’actes symboliques comme la reconnaissance récente du terme d’ « islamophobie », la position républicaine défendue par Jean-Luc Mélenchon se manifeste par une large continuité et que la diabolisation dont lui et La France insoumise font l’objet sont donc plus largement dus à la conjoncture politique extérieure. On peut considérer qu’ils défendent une vision de la République, attachée à la réalisation d’un universalisme concret hérité des Lumières selon lequel tous les humains méritent l’égalité politique et économique. Un universalisme qui, étant par essence un anti-identitarisme, n’empêcherait pas Jean-Luc Mélenchon d’envisager la rencontre d’identités ouvertes, comme le souligne le choix de miser pour la campagne en cours sur le concept de  « créolisation » [21]. Reste à déterminer si, dans ce climat idéologique, ce dernier concept n’a pas été à l’origine d’une certaine mécompréhension.

Vers 2022 : l’Union populaire entre populisme et humanisme

Alors qu’Anne Hidalgo et Arnaud Montebourg préparent un possible ralliement à la candidature de Yannick Jadot ou de Christiane Taubira afin de bénéficier de l’aura unitaire et d’être susceptible de dépasser Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, le leader insoumis tente de nouveau de convaincre les communistes de le soutenir [22]. Ce soutien se ferait dans le cadre d’une alliance électorale et de la conclusion d’un programme commun de gouvernement. Dans cette logique, Jean-Luc Mélenchon rejette le projet de primaire populaire à gauche pour 2022 compte tenu des divergences programmatiques [23] (politique économique et sociale, traités européens, la politique étrangère, etc) et de la date très tardive de l’élection du candidat unique par rapport à la présidentielle.

Les tenants de l’union à tout prix risquent d’ailleurs d’être surpris, puisque selon un récent sondage Elabe « 85% des sympathisants de gauche souhaitent une candidature unique de la gauche ». Précision d’importance, ce même sondage signale « qu’invités à choisir la personne qu’ils jugent la meilleure pour incarner une candidature unique de la gauche, 33% des sympathisants de gauche citent Jean-Luc Mélenchon, 21% Christiane Taubira, 11% Yannick Jadot et 10% Anne Hidalgo. » À droite, si le camp est profondément désuni – on ne compte pas moins de six candidats, Valérie Pécresse, François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot, Marine Le Pen et Éric Zemmour –, il n’en caracole pas moins en tête des sondages. Avant donc le problème de l’union, l’échec de la gauche est fonction de son poids électoral qui, arithmétiquement confondu, avoisine à peine les 20% selon un dernier sondage Elabe. Paradoxalement, ce marasme à gauche pourrait bénéficier à Jean-Luc Mélenchon pour accéder au second tour grâce au vote utile, mais l’handicaperait alors pour une victoire finale.

La campagne insoumise se veut une nouvelle fois à la pointe du numérique [24], les meetings immersifs du 16 janvier parachevant cette course à l’innovation politique. Elle s’inscrit désormais sous l’égide de « L’Union populaire », mouvement qui s’appuie sur les structures de La France insoumise sans s’y confondre et qui comporte toujours des marqueurs populistes et un programme nettement à gauche [25]. Au-delà de l’attrait de la nouveauté, on peut interpréter ce changement principalement comme volonté de démarquer le soutien circonstancié à Jean-Luc Mélenchon d’une quelconque adhésion contraignante à une organisation pouvant s’installer durablement dans le temps. Mais alors que la campagne présidentielle peine à véritablement se lancer, quel sera le ton adopté par le candidat Mélenchon dans une dernière ligne droite encore marquée par la crise du Covid

Une campagne peut être perçue de deux façons différentes : un créneau de politisation et une possibilité de victoire électorale.

L’engouement autour des potentialités de succès des différents candidats tend néanmoins à faire oublier un élément essentiel. Une campagne peut en effet être perçue de deux façons différentes : une possibilité de victoire électorale et un créneau de politisation [26]. Alors que les partis d’extrême-gauche privilégient exclusivement la deuxième option et que les « partis de gouvernement » tendent lourdement vers la première, les campagnes présidentielles de Jean-Luc Mélenchon visent une combinaison entre ces deux éléments : remporter l’élection grâce à une forme d’éducation populaire. Les meetings du tribun-professeur en témoignent, s’efforçant de faire réfléchir sur des problèmes actuels et de donner une profondeur historique aux luttes contemporaines, articulant ainsi passé, présent et avenir.

Ces deux dimensions se traduisent plus précisément dans la polarité entre stratégie populiste et discours humaniste, qui structurent la récente Union populaire. Discours clivant s’adressant à un peuple sur de larges bases, tout en maintenant l’horizon d’un programme économique très ancré à gauche. Le populisme de gauche, loin alors d’être démagogique, peut coïncider avec la progression de valeurs et d’idées humanistes, promouvant une logique de solidarité entre les êtres humains. Pour un humanisme populiste, tel est donc peut-être l’audacieux pari de Jean-Luc Mélenchon qui, à rebours de la moralisation du politique à l’œuvre dans les rangs de la gauche traditionnelle, tente de politiser la morale.

Notes :

[1] Voir par exemple les deux documentaires « Mélenchon, l’homme qui avançait à contre-courant » et « Mélenchon, la campagne d’un insoumis » respectivement de Gérard Miller et Anaïs Feuillette pour le premier et de Gilles Perret pour le second, qui ont pu suivre la campagne présidentielle insoumise de 2016-2017 de l’intérieur pendant plusieurs mois.

[2] Ce dernier point est central tactiquement et trop souvent sous-estimé par la gauche radicale française. Au nombre des illustrations les plus marquantes de ce pari numérique, on peut tout d’abord faire mention des deux meetings hologrammes en live de Jean-Luc Mélenchon tenus les 5 février et 18 avril 2017 – première du genre au niveau mondial dans l’arène politique. Dans un article récent de Libération (12 janvier 2022) qui accordait sa une et un entretien à Jean-Luc Mélenchon, Rachid Laïreche parle ainsi de l’insoumis – qui avait lancé l’usage du minitel en politique à l’époque de François Mitterrand – comme le « candidat du futur ». En 2016-2017 Mélenchon avait également son blog et sa propre chaîne youtube sur laquelle étaient diffusées ses interventions publiques et qui a vu naître l’émission « La revue de la semaine » où, seul face à la caméra, Jean-Luc Mélenchon revient sur plusieurs thèmes d’actualité dans des vidéos de quelques dizaines de minutes. La chaîne youtube de Jean-Luc Mélenchon a aujourd’hui plus de 600 000 abonnés. Enfin, on pense à la plate-forme jlm2017.fr par laquelle des milliers de personnes se sont inscrites pour rejoindre La France insoumise d’un simple clic et sans payer une somme d’argent – caractéristique alors seulement partagée avec En Marche – et ont pu s’organiser pour mener la campagne sur le terrain et sur les réseaux sociaux. Dans son ouvrage, le sociologue Manuel Cervera-Marzal estimait qu’ « en mai 2017, [les militants insoumis] étaient probablement entre 40 000 et 80 000. » : Manuel Cervera-Marzal, Le Populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, La Découverte, Paris, 2021, p. 188.

[3] Tournant rendu possible par le fait que, contrairement à 2012 et tel que souhaité par Jean-Luc Mélenchon et ses proches, la direction de campagne bénéficiait d’une liberté de décision indépendante de machine partisane, en l’espèce le Parti communiste français (PCF), dont les militants ont néanmoins choisi de soutenir la candidature Mélenchon et d’agir en ce sens. Voir Manuel Cervera-Marzal, Le Populisme de gauche…, op. cit., « Adieu “camarades”, bonjour les “gens”», pp. 273-280.

[4] https://www.parismatch.com/Le-Poids-des-Mots ; cité par Manuel Cervera-Marzal, Le Populisme de gauche…, op. cit., p. 275.

[5] Du fait de la participation du PCF historiquement pro-nucléaire au Front de gauche, le programme de 2012 mentionne en cas de victoire la mise en place d’un « grand débat » sur la question énergétique, sans rien trancher en amont.

[6] Sur l’importance pour Jean-Luc Mélenchon de cette question de l’incarnation, on renvoie à son livre d’entretien biographique : Jean-Luc Mélenchon, Le Choix de l’insoumission. Entretien biographique avec Marc Endeweld, Paris, Seuil, 2016, et plus particulièrement au chapitre 3 intitulé “Mitterrand, un guide ?”, pp. 91-140.

[7] Les électorats des cinq plus « gros » candidats ont en effet majoritairement consacré la campagne de Jean-Luc Mélenchon comme étant la meilleure – à l’exception de celui de Marine Le Pen où Jean-Luc Mélenchon arrive en deuxième place derrière leur championne.

[8] 45% des gens qui se disent de gauche en 2017 ont voté pour Mélenchon, contre seulement 3% de droite. On peut néanmoins noter que 16% des personnes se plaçant au centre ont choisi de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Panel Ipsos, vague 14, 30 avril-2 mai 2017 ; cité dans Pascal Perrineau (dir.), Le Vote disruptif. Les élections présidentielle et législatives de 2017, Paris, Presses de SciencesPo, 2017, p. 201.

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[9] Hénin-Beaumont était alors une circonscription socialiste sur un territoire – le Nord-Pas-de-Calais – où Marine Le Pen avait obtenu à l’élection présidentielle 23,29% des suffrages exprimés contre 17,90% au niveau national (Jean-Luc Mélenchon y récoltant lui 12,21% très proches de ses 11,10% au niveau national). Aux élections législatives, Marine Le Pen arrive largement en tête du premier tour avec 42,36 % des voix devant le candidat socialiste Philippe Kemel (23,50%) et Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche (21,48%). C’est finalement Philippe Kemel qui l’emporte d’extrême justesse (50,11%) avec le soutien de Jean-Luc Mélenchon, privant la dirigeante du Front national d’un poste de députée. On peut noter que Marine Le Pen est finalement devenue députée en 2017 en étant confortablement élue (58,60%) dans cette même circonscription. Jean-Luc Mélenchon devient quant à lui facilement député dans une circonscription populaire largement gagnable à Marseille  (59,85%) où il est arrivé en tête du premier tour de la présidentielle (24,82%).

[10] Le 12 octobre 2021, alors que la campagne présidentielle s’accélère, Jean-Luc Mélenchon cède son poste de dirigeant du groupe parlementaire insoumis à Mathilde Panot qui devient ainsi à 32 ans « la plus jeune femme de l’histoire de l’Assemblée nationale à atteindre ce statut ».

[11] Voir Manuel Cervera-Marzal, Le Populisme de gauche…, op. cit., chap. 5, « Des militants sans droits et sans devoirs », pp. 179-216. Selon des calculs du sociologue, les militants insoumis seraient passés de 40 000 à 80 000 en mai 2017 à seulement environ 6000 en mai 2019 (p.188).

[12] Sur cette longue période dans la vie politique de Jean-Luc Mélenchon, on renvoie à la biographie de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès, Mélenchon. À la conquête du peuple, Paris, Robert Laffont, 2018.

[13] Selon une enquête menée par le Cevipof de janvier 2016. Les partis politiques arrivent ainsi en dernière position des institutions testées, derrière les banques, les syndicats et les médias.

[14] D’une façon analogue, au moment des élections européennes de 2019 Emmanuel Macron mettra en scène l’affrontement entre sa formation et le Rassemblement national (RN) afin de se poser comme rempart face à la menace fasciste. 

[15] Dans son récent ouvrage Génération Mélenchon (Seuil, Paris, 2021), le député insoumis Adrien Quatennens revient pendant tout un chapitre sur l’affaire « Lawfare » dans laquelle s’inscrivent les perquisitions : « Chapitre 10 : L’enquête creuse », pp. 185-208. Son livre est par ailleurs riche en informations pour qui s’intéresse à La France insoumise et à Jean-Luc Mélenchon.

[16] Si ces prises de position n’ont pas été récompensées électoralement lors du scrutin européen qui a eu lieu durant le mouvement, il sera intéressant d’observer leurs retombées pour l’élection présidentielle à venir alors que le mouvement des Gilets jaunes est resté populaire jusqu’au bout.

[17] Dans sa fascination pour les nouvelles technologies, Jean-Luc Mélenchon a profité du confinement dû à la pandémie pour tenir le 28 novembre 2020 un meeting en réalité virtuelle, poursuivant ainsi sa stratégie de communication numérique de 2016-2017. 

[18] Adrien Quatennens, Génération Mélenchon, « Chapitre 13 : La République, c’est nous ! », Seuil, Paris, 2021, pp. 267-268. 

Dans le même chapitre, Adrien Quatennens distingue nettement sa formation de l’extrême-gauche : « On nous colle volontiers l’étiquette “extrême-gauche”. Non pas qu’il s’agisse d’une insulte, mais cette caractérisation politique ne correspond tout simplement pas à ce que nous sommes. Le programme “L’Avenir en commun” n’est pas un programme d’extrême-gauche. C’est un programme de gouvernement, certes de rupture […]. Nous qualifier d’extrême-gauche, c’est aussi manquer de respect à tout un courant politique qui existe en France et qu’on ne peut pas rayer d’un trait de plume. Il y a une extrême-gauche revendiquée en France. Elle a ses partis. Ils s’appellent Lutte ouvrière, Nouveau parti anticapitaliste. Ce sont des camarades que nous retrouvons régulièrement dans les luttes, mais ça n’est pas La France insoumise. » (p. 248)

[19] Voir notamment Philippe Corcuff, La grande confusion. Comment l’extrême-droite gagne la bataille des idées, éditions Textuel, coll. « Petite Encyclopédie critique », 2021.

[20] Comparant Jean-Luc Mélenchon à Hugo Chávez, Raphaël Enthoven reprend un des principaux axes utilisé en 2017 pour discréditer la figure insoumise alors que le successeur de Hugo Chávez Nicolás Maduro réprimait durement l’opposition vénézuélienne.

[21] Jean-Luc Mélenchon vient de se rendre en Martinique sur les terres du créateur de ce concept, Édouard Glissant, afin de prôner une plus grande autonomie des Antilles qui traversent une grave crise politique sur fond d’immenses difficultés économiques et sanitaires. 

[22] Pour les élections législatives et suivantes, il est difficile de déterminer si un soutien communiste à Jean-Luc Mélenchon et un bon score de ce dernier serait plus profitable aux résultats du PCF qu’une visibilité accrue de leur secrétaire national et candidat doublée d’un faible score (Fabien Roussel est crédité d’environ 2%).

[23] Contre les idées reçues sur le fait que la « division » des candidatures se réclamant de la gauche seraient principalement dues à une guerre d’ego, voir la vidéo d’Usul et Ostpolitik sur la question : « Union de la gauche : une guerre d’ego ? », 19 avril 2021.

[24] On pense notamment à l’application « Action populaire », aux comptes facebook et tik tok de Jean-Luc Mélenchon comptant chacun plus d’un million d’abonnés, ou encore le lancement de « l’émission populaire » et de « Allo Mélenchon » (dont le nom semble s’inspirer de celle de l’ancien président vénézuélien Hugo Chávez « Aló Presidente ») sur la chaîne Twitch du candidat insoumis qui répond en direct à des questions des internautes. Le meeting « immersif » que Jean-Luc Mélenchon vient de réaliser à Nantes (dimanche 16 janvier) – première mondiale dans le domaine politique annoncée par un trailer – souligne bien cette dimension de la nouvelle campagne.

[25] L’affiche de campagne sur fond bleu ressemble à celle de 2017, de même qu’à celle utilisée par François Mitterrand en 1981 avec le fameux slogan « La force tranquille », poursuivant la stratégie populiste consistant à s’éloigner des marqueurs traditionnels de la gauche, en l’espèce le rouge ou plus récemment le vert pour l’écologie. Le programme de Jean-Luc Mélenchon reprend et approfondit celui de 2017 « L’Avenir en commun » : 4 « cahiers de l’Avenir en commun » ont été publiés en amont du programme sur les thèmes « Démocratie et libertés, vite, la 6e République ! », « La Planification écologique », « Le Progrès social et humain » et « Pour une France indépendante ». Un livret thématique sur l’éducation vient également de sortir (13 janvier 2022) en complément du programme de « L’avenir en commun ». L’équipe insoumise réalise également l’auto-documentaire qu’elle diffuse en plusieurs vidéos d’une trentaine de minutes sur youtube sur « les coulisses de la présidentielle » : « 2022 : Nos pas ouvrent le chemin ».

[26] Cette vision duale contredit par exemple la tribune récemment publiée dans Libération par Geoffroy de Lagasnerie, intitulée sans équivoque « Le seul intérêt de participer à une élection présidentielle, c’est de la gagner. »