Quelle transition écologique ? L’écologie entre en campagne

Carte postale ancienne éditée par AHK, collection “Paris inondé” : Avenue Daumesnil, Scanné par Claude_villetaneuse. L’image est dans le domaine public. 

Chroniques de l’urgence écologique #3

           Le 15 décembre 2016, l’Ecologie et la transition écologique ont fait leur entrée dans la campagne présidentielle. Il était temps, direz-vous ! Dominique Méda et Dominique Bourg, à l’occasion de la sortie de leur ouvrage « Comment mettre en œuvre la transition écologique ? », posaient la même question aux candidats. Les deux intellectuels ont émis avec force et justesse le constat selon lequel l’idéologie du « tout croissance » et l’obsession consommatrice et productiviste comme but économique, ne répondent plus aux besoins humains fondamentaux. Ils nous font courir à notre propre perte. Comment envisagez-vous la transition écologique ? Tout un programme qui permet de faire la lumière sur la viabilité des projets des candidats. Sans aucun doute les échanges les plus instructifs de toute la campagne à venir ! Comme le martèle Jean-Pierre Dupuy, « Il nous faut vivre désormais les yeux fixés sur cet évènement impensable, l’autodestruction de l’humanité, avec l’objectif, non pas de le rendre impossible, ce qui serait contradictoire, mais d’en retarder l’échéance le plus possible. »[1] Personne ne peut plus ignorer les catastrophes écologiques qui s’annoncent et l’ampleur des défis auxquels nous sommes et seront confrontés. Ceux-ci rendent inévitables l’urgence d’une remise en question et un changement radical de système économique et politique. D’une gestion purement utilitariste de l’environnement sans renier le triptyque « croissance – production – consommation », il s’agirait de passer à une vision écologiste qui refonde entièrement le fonctionnement de notre société. Le plus pertinent et censé des candidats serait donc celui ou celle qui s’engagerait dans cette voie, logique non ?

           Il n’y avait finalement pas 9 personnalités politiques en présence. Seulement deux visons du monde et de l’avenir qui s’opposent, et des nuances d’intensité en leur sein. Commençons par les abonnés absents : Emmanuel Macron et Manuel Valls, pas concernés par l’urgence écologique ? Ensuite, si nous saluons le courage de Serge Grouard (représentant de François Fillon), le ton était donné dès l’introduction : « Je vais vous parler d’environnement ». Et non d’écologie donc ? Et la suite sans surprise : refus du principe de précaution, éloge du nucléaire mais quand même quelques petites éoliennes pour faire joli… Les Républicains ont compris qu’il y avait un souci avec l’environnement, bon point, de là à leur en demander davantage… Viennent ensuite ceux que nous appellerons les « opportunistes ». Ceux qui, bien qu’ayant flairé le potentiel de la marque ‘écolo’ ne sont pas vraiment crédibles. Vincent Peillon, tout d’abord, s’est cantonné à une glorification du quinquennat de François Hollande. Dans une logique parfaitement gouvernementale, il s’est évertué à parler de « croissance verte » et de « développement durable ». En parfait « réformiste passionné », il ne faut pas pour lui « que les bobos-écolos fustigent les campagnes qui roulent au diesel ». Oui mais encore ? François de Rugy a martelé que les écologistes doivent abandonner leur rôle de contre-pouvoir pour se placer « au cœur des responsabilités ». Agir au cœur dudit système qu’ils dénoncent donc ? Il a expliqué que la dette et la non-croissance empêchent les investissements écologiques. Pas facile de défendre l’écologie et la majorité tout en étant cohérent ! Arnaud Montebourg, très éloquent, a su montrer son intérêt pour une transition décarbonée. Mais notre œil averti a su déceler un ‘réalisme’ qui fleure bon le nucléaire et la relance économique productiviste. « Il s’agit de faire entrer l’écologie dans chacun des termes de la vie quotidienne, dans l’économie dans son entier ». Intégrer l’écologie dans l’économie, est-ce très écologiste monsieur Montebourg ?

            Trois candidats ont su s’inscrire selon nous dans la perspective réelle de l’écologie. A savoir celle qui revendique d’intégrer l’économie et le social dans l’écologie dans son entier. Celle qui prône de refonder totalement les bases d’un système qui n’est plus viable ni pour l’environnement ni pour l’homme. Nous reconnaitrons tout d’abord la prise de conscience de Benoît Hamon. Citant Habermas, il a pointé du doigt un « problème de légitimité quand le cercle de ceux qui décident ne recouvre pas le cercle de ceux qui subissent ». Il « ne croit plus en un modèle de développement qui se fixe sur la Croissance.” Pour lui, “Il faut changer de paradigme et de modèle de développement. » Cela supposerait donc de repenser notre rapport au travail en intégrant des indicateurs qualitatifs (taux de pauvreté, inégalités, impact de l’activité sur les écosystèmes) autres que le PIB. Mais aussi en sortant du nucléaire et en respectant le principe de précaution. Pour autant, si il a convoqué des choix politiques radicaux, il a protesté contre une brutalité des transformations. Mais la crise écologique nous permet-elle ce luxe ? Yannick Jadot, fidèle à ses idées, a exposé la nécessité d’un changement complet de modèle de société. Il a développé un programme de transition énergétique couplé à une transition démocratique. Evoluant sur son terrain favori, il a martelé que le coût le plus important résidait dans le fait de s’obstiner dans le tout nucléaire, non pas dans le fait d’en sortir. Enfin, Martine Billard, au nom de Jean-Luc Mélenchon, a exposé le programme de la France Insoumise. Dans une perspective écologiste, « l’avenir en commun » implique que l’urgence écologique conditionne toutes les politiques à venir. Constitutionnalisation de la règle verte (c’est-à-dire empêcher de prélever davantage que les capacités de renouvellement des ressources naturelles), planification écologique et démocratique qui encadreraient une relocalisation de l’économie sous le nom de protectionnisme solidaire sont les maîtres mots. Un projet global qui amène à interroger nos besoins autant que nos modes de consommation et de production.

            En tout état de cause, « la terre n’est pas menacée par des gens qui veulent tuer les hommes, mais par des gens qui risquent de le faire en ne pensant que techniquement, […] économiquement et commercialement. Nous sommes donc dans une situation qui correspond à ce que d’un point de vue juridique, on appelle, un ‘état d’urgence’ ».[2] Un état d’urgence qui implique de s’orienter définitivement vers la transition écologique. L’avenir de l’humanité est-il dans nos bulletins de vote ?

 

Crédits photos: Carte postale ancienne éditée par AHK, collection “Paris inondé” : Avenue Daumesnil, Scanné par Claude_villetaneuse. L’image est dans le domaine public. 

[1] D’Ivan Illich aux nanotechnologies, prévenir la catastrophe ? Entretien de Jean-Pierre Dupuy par O. Mongin, M. Padis et N. Lempereur, 2007.

[2] La violence, oui ou non : une discussion nécessaire, Günther Anders, 2014.

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